Par Barry Sheppard
La Convention nationale républicaine (CNR) s’est concentrée sur deux thèmes interdépendants.
L’un était l’adulation de Trump comme le leader fort qui peut sauver le pays, et il doit s’accrocher au pouvoir quoi qu’il arrive.
L’autre était son moyen d’y parvenir – un racisme flagrant en mobilisant une attaque contre le mouvement Black Lives Matter, en accusant les «voyous violents de vouloir détruire physiquement le pays», et il les écraserait dans la rue.
Trump a dominé chaque session de la CNR par sa présence et ses discours, culminant dans sa longue intervention d’acceptation, avec la Maison Blanche en toile de fond.
Dans ce discours, il a déclaré: «Nous ne devons jamais permettre à la foule de gouverner. Dans les termes les plus sévères possible, le Parti républicain condamne les émeutes, les pillages, les incendies criminels et la violence dont nous avons été témoins dans les villes gérées par les démocrates, comme Kenosha, Minneapolis, Portland, Chicago, New York et bien d’autres. Il y a de la violence et du danger dans les villes dirigées par les démocrates dans toute l’Amérique.»
La convention n’a pas adopté de programme – ce que le Parti républicain représente est ce que Trump représente, même si cela change avec chaque tweet qu’il envoie.
Trump a donné le coup d’envoi de la CNR sous les cris: «Encore quatre ans! Quatre ans de plus! Quatre ans de plus! Quatre ans de plus!»
Trump a répondu: «Maintenant, si vous voulez vraiment les rendre fous, vous dites “12 ans de plus”.»
Les délégués ont répondu en criant: «Encore douze ans! Douze ans de plus! Douze ans de plus!»
Trump a répondu: «Parce que nous les avons surpris à faire de très mauvaises choses en 2016. Voyons ce qui se passera.» En 2016, Trump a accusé les démocrates d’avoir organisé le vote de plus de trois millions de personnes sans papiers, renversant ainsi le véritable vote populaire pour Trump (Trump a gagné le Collège électoral mais a perdu le vote populaire).
Trump ne pourrait pas gagner légalement douze années supplémentaires, à moins qu’un amendement constitutionnel n’autorise un nombre de mandats supérieur aux deux actuellement prévus, ce qui est impossible à moins de supprimer le Parti démocrate.
Cela revient à dire que Trump a déclaré qu’il n’accepterait pas le vote en novembre si celui-ci ne s’affirmait pas en sa faveur. Il faudrait un putsch pour que cela se réalise réellement.
La convention a été marquée par les discours de Melania, la femme de Trump, de ses filles Ivanka, Tiffany et Lara, de ses fils Donald Jr. et Eric, et de Kimberly Gullfoyle, la petite amie de Donald Jr. Ensemble, ils ont occupé 30% du temps d’antenne pendant les quatre jours de la convention, et au moins l’un d’entre eux a pris la parole chaque soir.
Avec ce que le New York Times a appelé la «Trumpsphere», ils ont encore occupé 30% du temps de parole. Le NYT a déclaré que ces personnes étaient en grande partie de nouvelles voix peu connues, que Trump a élevées grâce à leur «défense acharnée d’une vision du monde à la trumpienne» qui a «mérité ses retweets et sa grande influence. Leur temps de parole collectif était la preuve de leur place dans l’ordre républicain actuel.»
Aucun ancien président républicain ou allié de Bush, McCain, ou d’autres figures importantes de la famille républicaine, n’a pris la parole.
Ce que Trump a dit et fait depuis la convention va dans le même sens. Il a défendu la police dans tous les récents meurtres de Noirs par des flics. Il a fait la même chose avec ses partisans qui sont venus armés aux manifestations du BLM afin de soutenir les flics, même quand l’un de ces soi-disant «miliciens» a abattu deux manifestants non armés et en a blessé un troisième.
Il continue à se vanter de sa grandeur et il est sûr de gagner les élections, à moins qu’elles ne soient «truquées».
Trump a ouvertement embrassé les partisans de la conspiration d’extrême droite QAnon. Un journaliste lui a demandé: «Au cœur de la théorie [QAnon] se trouve cette croyance selon laquelle vous sauvez secrètement le monde de ce culte satanique de pédophiles et de cannibales. Est-ce que cela ressemble à quelque chose que vous appuyez?»
Trump a répondu: «Eh bien non – je n’ai pas entendu cela, mais est-ce que c’est supposé être une bonne ou une mauvaise chose? Je veux dire que si je peux sauver le monde des problèmes, je suis prêt à le faire.»
Une républicaine de Géorgie, Marjorie Greene, a récemment remporté les élections primaires républicaines au Congrès. Elle a attribué sa victoire à son soutien à l’étrange théorie de QAnon.
Trump a fait l’éloge de sa victoire, et a déclaré qu’elle est une «étoile montante» du Parti républicain. Une autre fois, il a dit de QAnon: «Ils m’aiment bien» – l’élément clé pour gagner son approbation.
Une partie de la croyance de QAnon est que des «forces obscures» sont derrière ceux de cette secte satanique, y compris les démocrates.
Lors d’une récente interview sur la chaîne Fox News, Trump a déclaré: «Je n’aime même pas mentionner Biden, car il ne contrôle rien. Ils le contrôlent.»
L’intervieweur lui a ensuite demandé: «Qui, selon vous, tire les ficelles de Biden? Est-ce d’anciens responsables d’Obama?»
Il a répondu: «Des gens dont vous n’avez jamais entendu parler. Des gens qui sont dans l’ombre.»
«Qu’est-ce que ça veut dire?» lui a demandé l’intervieweur.
«Cela ressemble à la théorie de la conspiration: “les ombres noires”. Qu’est-ce que c’est?»
«Non, des gens dont vous n’avez jamais entendu parler», répondit Trump. «Il y a des gens dans les rues. Il y a des gens qui contrôlent les rues. Nous avons fait monter quelqu’un dans un avion en provenance d’une certaine ville ce week-end, et dans l’avion, il était presque entièrement entouré de voyous portant ces uniformes sombres, des uniformes noirs.»
«Où était-ce?» lui a-t-on demandé.
«Je vous le dirai un jour, mais c’est en cours d’investigation.»
Que Trump le croie ou non, ses principaux partisans le croient.
Reflétant les vieilles peurs racistes de la période Jim Crow, qui ont conduit à de nombreux lynchages, et à la présentation des hommes noirs comme des dangers pour les femmes blanches, Trump a déclaré: «Vous avez cette belle communauté dans les banlieues, y compris les femmes, n’est-ce pas? Les femmes. Elles veulent de la sécurité. J’ai terminé là où ils construisent des projets de logements sociaux en plein milieu de votre quartier. J’y ai mis fin.» Il fait référence à une règle de «logement équitable» de l’ère Obama.
«Si Biden est élu, il a déjà dit que ça va aller à un rythme beaucoup plus élevé que jamais. Et vous savez qui va s’en charger? [Le sénateur afro-américain] Cory Booker. Ça va être sympa.»
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Les marxistes ont utilisé le terme «bonapartisme» pour désigner l’ascension de ces hommes forts.
Marx a analysé cela dans l’ascension de Louis Bonaparte, le neveu de son célèbre oncle Napoléon Bonaparte. Contrairement à Napoléon, Louis était une figure politique médiocre, comme Trump aujourd’hui. Mais, comme Trump, il était un habile manœuvrier et un démagogue. Tout comme Trump, Louis avait des liens avec le «crime organisé», c’est-à-dire les entreprises capitalistes illégales.
Il y a d’autres similitudes. Louis a été élu président de la France à la fin de 1848. En février, il y avait eu une révolution contre la monarchie, qui faisait partie des révolutions démocratiques qui ont balayé l’Europe. En juin-juillet, pour la première fois dans l’histoire du capitalisme, les ouvriers se soulevèrent et prirent le contrôle d’une capitale, Paris. Ils ont été écrasés dans le sang par l’armée.
Après cette défaite des travailleurs, les différents partis capitalistes au Parlement étaient en désarroi, se battant entre eux et entre les factions au sein de chacun. Louis se présentait comme un oncle, un homme fort qui pouvait mettre fin au désordre et remettre les choses en ordre.
Après son élection à la présidence en décembre 1848, les querelles entre les partis et les factions capitalistes se sont poursuivies pendant des années. Louis a manœuvré parmi eux. Parfois, il semblait vouloir être freiné ou même mis en accusation, mais il a gagné à chaque fois. La population était de plus en plus exaspérée.
Louis a construit sa propre base dans l’armée. Finalement, les conditions ont atteint le point, au début de 1851, où il a pu organiser un coup d’État et se proclamer empereur Napoléon III (Napoléon II peut être ignoré).
Pour d’autres raisons qu’en France à la fin de 1848, les organisations de travailleurs qui existent actuellement aux États-Unis ne jouent que peu ou pas de rôle dans la politique. Comme Louis, Trump se présente comme un homme fort. Comme en 1849-1951, les partis bourgeois se chamaillent sans cesse entre eux et n’obtiennent que peu de résultats, à l’exception d’accords bipartites comme l’adoption de budgets militaires toujours plus importants.
Louis a embrassé le passé napoléonien de la France pour sa légitimité et s’est fait empereur. Trump se tourne vers l’histoire des États-Unis, en particulier la période Jim Crow. Il cherche à solidifier l’autoritarisme avec des attributs démocratiques bourgeois tout en limitant fortement les droits démocratiques, un peu comme les régimes du Sud Jim Crow, mais avec lui-même au sommet.
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Trump est également en train de constituer une force armée qui lui est fidèle. Les forces fédérales ne sont pas censées s’immiscer dans la politique intérieure. Mais depuis la création du Département de la sécurité intérieure [DHS] après le 11 septembre, les forces fédérales sous sa juridiction ont été utilisées dans des situations intérieures, portant souvent des uniformes qui les identifient comme «police».
Il semble que ce soient ces forces qui ont violemment dispersé des manifestant·e·s pacifiques devant la Maison Blanche, pour une séance de photos de Trump devant une église avec la Bible en main.
Nous avons vu ces forces à l’œuvre à Portland, Oregon, où de telles forces ont été utilisées malgré les objections des autorités locales pour attaquer violemment les manifestants de Black Lives Matter, en procédant à des arrestations, en utilisant des gaz lacrymogènes et asphyxiants ainsi que des munitions «moins létales» qui ont causé des dommages physiques, dont une fracture du crâne dans un cas. Les reporters qui ont enregistré ces violences ont également été visés.
Les gardes fédéraux portaient des uniformes de combat les identifiant comme «policiers», mais n’avaient pas de numéro d’identification, de badge nominatif ou d’autres informations personnelles. Il n’a même pas été révélé par quelle agence ces policiers fédéraux étaient réellement employés. Il semble qu’il s’agisse d’employés directs du Département de la sécurité intérieure, de la Patrouille des frontières, du Federal Protective Service [police de sécurité en uniforme du Département de la sécurité intérieure]
qui est censé protéger les biens fédéraux, du U.S. Marshal Service [agence de police du gouvernement fédéral des États-Unis dépendant du département de la Justice], et peut-être du FBI.
On a même signalé que certains étaient des mercenaires engagés spécialement pour l’occasion. Nous avons également vu l’émergence des «milices» armées qui ont attaqué les manifestations du BLM.
Ces «policiers» ne semblent pas être de véritables militaires. Il s’agit plutôt d’une force paramilitaire qui n’a de comptes à rendre qu’à Donald Trump.
Nous verrons comment cela se passera dans les deux prochains mois, avant et après l’élection elle-même. À ce stade, rien ne peut être exclu. (Article envoyé par l’auteur le 8 septembre 2020; traduction rédaction A l’Encontre)
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