Chine. Xi Jinping et sa consécration par l’APN

Li Keqiang, premier ministre, Xi Jinping, président, en 2015:
lors de l’APN

Par Cyrille Pluyette

Comme chaque année, le premier ministre chinois, Li Keqiang, ouvrira ce dimanche 5 mars 2017 la session parlementaire annuelle du pays par un long discours devant les quelque 3000 députés de l’Assemblée nationale populaire (APN), dans l’imposant décor orné de tentures rouges et or du très stalinien Grand Palais du peuple, qui domine la place Tiananmen.

Vitrine de la «démocratie socialiste aux caractéristiques chinoises», le travail parlementaire, qui donnera lieu à dix jours de discussions, ne fera certes qu’enregistrer des décisions déjà approuvées par le Parti communiste chinois (PCC) en amont. Mais cette séquence revêt néanmoins une importance cruciale cette année. Dans un environnement incertain, tant en interne qu’à l’international – le président américain Donald Trump faisant planer une menace protectionniste –, l’enjeu, pour le président Xi Jinping, consiste à préparer le terrain économique et politique en vue du 19e congrès du PCC, à l’automne prochain. C’est à cette occasion que le numéro un du régime devrait être reconduit pour cinq ans, et que 5 membres du Comité permanent – l’organe suprême du pouvoir – sur 7 devraient être renouvelés, ainsi qu’une grande partie des cadres du Parti.

Le dirigeant le plus autoritaire depuis Mao Tsé-toung va donc profiter de cette session pour continuer à placer ses pions. Après avoir été désigné leader «central» du Parti en octobre dernier, comme avaient été honorés avant lui Mao ou Deng Xiaoping, il devrait insister pour que ce statut soit davantage célébré par les députés et les cadres. «C’est important pour lui, car en tant que chef suprême indiscuté, il peut déterminer qui parmi ses fidèles seront promus» aux principaux organes de direction en octobre, explique le politologue Willy Lam, de l’université chinoise de Hongkong.

Dès les prochains jours, «l’empereur rouge» devrait faire monter de nouvelles têtes, dont son protégé le chef du Parti de la province du Guizhou (Sud), Chen Miner, à qui l’on prédit une carrière fulgurante. Le jeu de chaises musicales ne cesse de s’accélérer: Xi Jinping a ainsi nommé ces derniers mois plusieurs proches à des postes clés, comme le maire de Tianjin (Li Hongzhong), celui de Pékin (Cai Qi) ou Chen Wenqing, le ministre de la Sécurité de l’Etat. Tout récemment, c’est sur le terrain économique, qu’il a accru son emprise.

L’urgence du remaniement témoigne de la volonté du président de piloter au plus près l’économie, un domaine plutôt réservé traditionnellement au Premier ministre. Zhong Shan, qui a longuement côtoyé Xi Jinping dans le Zhejiang, est ainsi devenu fin février ministre du Commerce. Coup de balai également à la tête de l’organe central de planification économique, au profit de He Lifeng. Enfin, l’autorité de régulation bancaire a été confiée à Guo Shuqing, un expert respecté, qui devra veiller à sécuriser le système financier [1].

Pour renforcer son pouvoir, «Xi Jinping n’a pas d’autre choix que de gérer les incertitudes économiques», souligne l’historien indépendant Zhang Zifan. Le numéro un chinois veut en effet éviter tout remous, alors que les motifs d’inquiétude s’accumulent. Il doit notamment trouver des solutions au ralentissement économique, ainsi qu’à l’envolée de la dette des entreprises publiques et des gouvernements locaux ou au risque d’éclatement d’une bulle immobilière, sans trop freiner l’activité. L’objectif de croissance du PIB pour 2017, qu’annoncera Li Keqiang, sera donc scruté avec attention. Alors qu’elle a atteint en 2016 son niveau le plus bas (+6,7% officiel) depuis 1990, la Chine pourrait maintenir une cible entre 6,5 % et 7 %, selon des analystes. Les autorités peuvent difficilement afficher un repli marqué, qui aurait des conséquences néfastes sur l’emploi.

Outre sa reprise en main de plusieurs secteurs stratégiques, Xi Jinping a lancé depuis quatre ans une vaste campagne anticorruption, qui lui a permis de resserrer son contrôle sur le Parti. Cette croisade, qui a exclu plusieurs dizaines de milliers de cadres, lui a aussi servi à écarter ses rivaux, selon certains observateurs. L’homme fort du régime s’est appuyé pour cette mission de confiance sur Wang Qishan, le chef de la très redoutée commission centrale de discipline interne du Parti. Problème, ce dernier a atteint 68 ans, l’âge tacite de la retraite pour les très hauts dirigeants. Pour garder ce précieux allié en poste, certaines sources prêtent au numéro un chinois l’intention de s’affranchir de cette règle non écrite. Ce qui lui permettrait du même coup au leader «central» de se maintenir au-delà de 2022, pour un troisième mandat… (Article publié pour information, paru dans Le Figaro daté du 4 mars 2017)

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[1] Guo Shuqing, le nouveau président de l’autorité chinoise de régulation bancaire (CBRC) – ex-dirigeant de la banque publique China Construction Bank –, s’est déclaré, le jeudi 2 mars, prêt à mettre de l’ordre dans le système bancaire. Il a affirmé: «Banques, fonds d’investissement, courtiers et assureurs gèrent des actifs comparables, mais sont soumis à des règles distinctes et à des régulateurs différents. C’est le Far West!» (AFP). Autrement dit, il veut mettre de l’ordre dans le «shadow banking» dont le volume des fonds sous gestion dépasse, selon diverses estimations, 4000 milliards d’euros. Guo Shuqing se propose aussi d’étrangler le financement d’entreprises très déficitaires et de «sociétés zombies», selon ses termes. Ce qui fait écho à l’annonce toute récente, par le ministre des Ressources humaines,Yin Weimin, de supprimer 500’000 emplois en 2017 dans les secteurs de l’acier et du charbon, frappés par la surproduction et qui sont des vecteurs de pollution (Bloomberg). En 2016, déjà 726’000 emplois ont été rayés dans ces deux branches. Ce nettoyage ne réduira les surcapacités de production que de 50%! Auto-entrepreunariat, mise à la retraite (avec quel revenu?) et formation-reclassement constituent l’autre volet du plan, selon Yin Weimin.

Enfin, Guo Shuqing a souligné que les crédits faits à l’immobilier devaient être mis sous surveillance afin de dégonfler la «bulle spéculative». (Rédaction A l’Encontre)

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