Argentine. Bilan du premier semestre du gouvernement Macri

Macri et Prat-Gay
Macri et Prat-Gay

Par Pablo Anino

La coalition gouvernementale de Mauricio Macri – Cambiemos – a déclenché un ensemble de mesures économiques au profit des sociétés les plus importantes. Ainsi, le gouvernement des PDG du pays met en œuvre les volontés du patronat pour qu’il puisse restaurer ses profits.

Le «macrisme» est réellement un gouvernement des riches pour les riches. Alors que le malaise social croît sous les effets de l’inflation, de la hausse des tarifs des services publics, de la perte du pouvoir d’achat des salaires et des licenciements.

Des affaires malpropres

Les premiers jours du gouvernement, sous l’effet de la politique de change et de la dévaluation, ont permis d’améliorer sensiblement la part des bénéfices engrangés par les firmes exportatrices.

A cela s’est ajoutée la suppression (diminution dans le cas de l’exportation du soja) des taxes sur la grande majorité des produits exportés depuis les produits agricoles en passant par les minerais jusqu’aux biens industriels.

La suppression des mesures d’administration du commerce extérieur comme les déclarations anticipées d’importations (pour obtenir des devises) et les quotas d’exportation pour des produits tels que le blé ont réduit les retenues fiscales à la source dans la perspective d’une plus grande libéralisation des marchés.

Le capital financier a profité de l’accord bradé avec les fonds vautours [qui détenaient des fractions de la dette argentine]. JPMorgan, Deutsche Bank et d’autres banques internationales ont vu leurs commissions s’accroître et l’émission d’obligations leur a permis des gains supplémentaires.

Cet accord avec les fonds vautours mériterait une enquête dans le style de la «piste de l’argent K» du fait que les banques bénéficiaires sont d’ex-employeurs du ministre du Budget et des Finances de Macri, Alfonso Prat-Gay [ancien de la Banque centrale et antérieurement de JPMorgan], et le secrétaire des Finances [du gouvernement Macri et ancien de la Deutsche Bank et de JPMorgan] Luis Caputo.

Une autre grosse arnaque a eu lieu avec le «dollar du futur» [achat de dollars sur la base de taux sous-évalués]. Il a été vendu de manière indiscriminée par l’ex-président de la Banque centrale sous la présidence Kirchner, Alejandro Vanoli, et payé par le gouvernement actuel. Le dévoilement des noms des acheteurs de cet instrument financier a révélé que la plupart des gagnants sont des macristes reconnus.

L’équipe de Prat-Gay n’est pas le seul cas d’«association illicite» entre fonctionnaires et sociétés commerciales.

La médaille d’«employé du mois» revient à Juan Jose Aranguren, ministre de l’Energie et des Mines, qui est en charge de la hausse des tarifs du gaz, de l’électricité et d’autres combustibles.

Parmi d’autres firmes, ces mesures ont accru les gains de Shell, entreprise dont Aranguren est actionnaire, après avoir été son dirigeant. L’achat de gaz au Chili va aussi dans le sens des affaires en faveur de la firme pétrolière anglo-néerlandaise.

A l’exception de Duran Barba [ex-consultant de Macri lors de sa fonction de maire de Buenos Aires, très marqué à droite], le macrisme affirme nier les idéologies. Cependant, il développe un programme le plus néolibéral possible si l’on tient compte des rapports de forces entre les classes sociales.

Ce programme est abandonné seulement lorsque le déséquilibre de la gouvernabilité oblige Macri à le redimensionner afin de pouvoir négocier avec les forces péronistes et le malaise social. Les avances et les reculs concernant le prix des bonbonnes de gaz sont une illustration à ce propos.

Un des moyens de l’officialisme, afin de mettre en avant des politiques néolibérales au pouvoir, consiste à utiliser quelques éléments vrais pour mettre en œuvre des mesures en faveur du grand capital.

Un exemple est le projet de loi débattu au Congrès à propos d’une supposée «réparation historique» en faveur des pensionnés.

La grande majorité des personnes âgées continueront à toucher des pensions de misère et le projet ne prend pas en compte les besoins de ceux qui durant des années ont souffert du manque d’ajustement de leurs revenus.

Il ne s’agit pas que de cela. Est mis en place une véritable combine qui implique le blanchiment de l’évasion et de la fraude fiscales, des modifications régressives dans le système fiscal, un moratoire sur les impôts dus, un accord politique avec les gouverneurs de province afin de préparer le terrain pour la re-privatisation du système de retraite et la vente des actions Fonds de garantie et de soutenabilité [le FGS, créé en 2008 et réunit divers actifs financiers publics et privés, est censé assurer le développement économique et le système de retraite].

Inflation et récession, les mécanismes d’ajustement

Contrairement à tous les pronostics du ministre Prat-Gay qui avait prétendu que la dévaluation ne provoquerait pas d’inflation, les hausses de prix ont commencé avant même l’arrivée au pouvoir de Cambiemos.

Entre décembre 2015 et mai 2016, l’inflation a atteint 30%, sur un an l’augmentation dépassera 40%.

Ce n’est pas seulement produit des ambitions des grands entrepreneurs visant à augmenter leurs revenus au moyen de l’imposition de nouveaux prix.

Une part importante de l’inflation est le produit des effets de la dévaluation, de la hausse des tarifs dans les services publics, après une période de contrôle. Autrement dit, l’inflation s’explique par l’action directe du gouvernement.

L’ajustement des salaires se situe entre 29 et 35% sur un an, sans rétroactivité dans la plupart des cas. Comme les ajustements des salaires (face à l’inflation) s’effectuent par tranches, le pourcentage final est inférieur aux pourcentages mentionnés.

De cette façon, avec la complicité des bureaucraties syndicales, les travailleurs régularisés perdent entre 10 et 15% de leurs salaires face à l’inflation, selon l’évolution future des prix.

Les travailleurs non enregistrés (atteignant un tiers de la main-d’œuvre) et les précaires n’ont même pas le «privilège» d’accords salariaux paritaires à la baisse.

L’attaque contre les salaires est l’une des faces de l’ajustement. Son complément réside dans la récession qui augmente avec les mesures du gouvernement. La consommation populaire souffre de la chute du pouvoir d’achat et de la perte des emplois.

En avril, la production industrielle a chuté de 6,7%, par rapport à l’année précédente, et la construction s’est affaissée de 24%, laissant sur le carreau 48’000 travailleurs. Au total, on estime qu’environ 150’000 postes de travail ont été détruits dans toute l’économie.

Les préoccupations qui suscitent la nervosité de l’establishment économique sont l’indiscipline, les assemblées de travailleurs, l’absentéisme, parmi d’autres «atrocités» qu’ils commettent.

Les employeurs sont insatiables et se sentent encouragés par les décisions économiques de Cambiemos.

L’inflation une préoccupation majeure… mais délicate

La récession résidait déjà dans les calculs du gouvernement lorsqu’il a défini les mesures économiques qu’il allait mettre en place. Cette récession jouait un rôle central dans la tentative de discipliner la classe ouvrière au moyen de la crainte du chômage.

Le ministre Prat-Gay l’a clairement exprimé lorsqu’il a contraint les salariés à choisir entre le maintien de l’emploi ou le salaire.

La chute de l’activité économique est le véritable instrument aux mains du macrisme pour tenter de contenir l’inflation et conduire à bien son attaque aux salaires.

Baisser l’inflation est une bataille centrale. Alors que se diluent les effets de la dévaluation. Et elle alimente un sentiment d’instabilité permanente.

Les actions de Federico Sturzenegger à la direction de la Banque centrale s’orientent dans cette direction : accentuer la récession avec des taux d’intérêt élevés (encore élevés malgré les baisses du mois dernier) et réduire la masse monétaire en circulation pour contenir la hausse des prix.

La conséquence en est une «bicyclette financière» qui réjouit les spéculateurs. Toutefois, conjointement à l’offre plus grande de dollars pour l’exportation de soja et pour l’endettement, s’opère une certaine appréciation du taux de change : le dollar au cours des dernières semaines a baissé de 14 pesos.

Mais les effets ne s’arrêtent pas ici. Le déficit budgétaire augmente sous les effets de la spéculation. Sturzenegger a commencé à désactiver il y a peu cette bombe. Mais il pourrait s’affronter à nouveau avec le problème originel si l’inflation ne se dégonfle pas rapidement.

La question du risque de change est l’une des revendications patronales les plus importantes qu’a cherché à résoudre le macrisme avec la dévaluation. Mais l’insatisfaction avec le prix actuel du billet vert, non seulement vient du côté des employeurs, mais a un écho au sein de la coalition au pouvoir.

Le ministre de la Production, Francisco Cabrera, a parlé de la nécessité d’un dollar plus élevé pour être compétitif. Il n’est pas clair à qui ce message était envoyé. A savoir si le destinataire se trouvait dans le noyau gouvernemental.

Alfonso Prat-Gay ne serait pas à l’aise avec la «bicyclette financière». Ni avec une récession si forte. Il est celui qui cherche des investisseurs qui réactivent l’économie pour éviter un ajustement plus brutal que celui à l’ordre du jour.

Les investissements n’arrêtent pas la pluie comme l’avait promis Cambiemos. Jusqu’à présent, il n’y a qu’une bruine grâce à la spéculation.

Le dernier espoir réside dans le blanchiment dont ont bénéficié les fraudeurs et les professionnels de l’évasion de capitaux. Dans ce domaine sont spécialisés les fonctionnaires du gouvernement tel que cela ressort des Panama Papers et des comptes dans des paradis fiscaux.

Toutefois, les bénéficiaires de la politique de l’officialisme (Macri) doutent de sa capacité de conduite à son but son plan et, y compris, doutent sur la stabilité du nouveau pouvoir.

La crise budgétaire n’a pas cessé, malgré l’ajustement. Le désordre dans ce domaine est un souci de l’establishment. Il exige de réduire les déséquilibres macroéconomiques pour effectuer des investissements.

Les résultats des six premiers mois de Macri au gouvernement sont là. Le prochain semestre pourrait déclencher de nouvelles tempêtes. (Article publié dans La Izquierda Diario, 13 juin 2106. Traduction A l’Encontre)

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