Par Antoni Domènech et G. Buster
L’économiste James K. Galbraith a parlé dans son dernier et indispensable livre de La Fin de la normalité [The End of Normal. The Great Crisis and the Future of Growth, Ed. Simon and Schuster, réédition septembre 2015]. Le fait est qu’abondent les nostalgiques d’une prétendue normalité qui ne reviendra plus. C’est ici un spectacle presque attendrissant que de voir défiler chaque jour dans les pages du quotidien El País [le quotidien dominant du groupe Prisa qui collabore avec Le Monde, entre autres] des chroniqueurs qui continuent de tonner contre tout ce qui se meut et qui menace d’un statu quo désastreusement instable. Alors que l’un de ces nostalgiques ordinaires de la presse hispanique – qui n’est pas par hasard considérée comme la moins fiable d’Europe – appelait l’autre jour Jeremy Corbyn «petit vieillard grognon d’une gauche des années huitante aussi dépassées que La Chelito» [chanteuse populaire connue au début du XXe siècle», un vétéran et avisé parlementaire conservateur britannique, Graham Brady, montrait qu’il avait les yeux – et l’esprit – bien plus ouverts: «Le message le plus important de toute cette histoire [le succès fulgurant de Corbyn] est qu’il s’agit d’un rappel supplémentaire d’à quel point de larges secteurs de la population peuvent être volatils et irascibles: l’offre d’aucun des politiciens traditionnels ne leur plaît.» (Cité dans: «Jeremy Corbyn: how long can he last?» Financial Times, 25 septembre 2015)
De la «volatilité» et de «l’irascibilité» de «larges secteurs de la population» vis-à-vis des politiciens et de leurs politiques en usage, ce qui se passe en Catalogne depuis les quatre derniers mois en est un bon exemple.
Immédiatement après les élections du 24 mai 2015 et du triomphe retentissant de Barcelona en Comú (BEC), qui a permis à Ada Colau de devenir maire de la ville, Artur Mas parvenait enfin à réaliser son vieux désir d’une Llista del President, vainquant la résistance persistante d’ERC [Esquerra republicana catalana] avec une question décisive: «Si l’espace ‘Sí que es Pot’ [allusion à la coalition des forces de gauche qui ont gagné les élections municipales] est parvenu à s’unir et à gagner, que ferons-nous, nous autres les indépendantistes: allons-nous refuser de s’unir et perdre une nouvelle fois?»
Cela signifiait considérer les élections catalanes convoquées pour le 27 septembre comme une sorte de deuxième tour des élections municipales à Barcelone: les indépendantistes, dans le cas où ils se présenteraient à nouveau séparément, se trouveraient probablement condamnés à les perdre également face à la puissante force émergente de l’«Espacio Sí que es Pot». Mors tua vita mea! [Ta mort est ma vie!].
Un peu plus de trois mois plus tard, les sondages du CIS [Centre d’enquêtes sociologiques, contrôlé par le gouvernement] du 10 septembre donnaient déjà l’Espacio del President clairement vainqueur – ce qui s’est finalement configuré sous la forme de Junts Pel Sí [Ensemble pour le oui]; qui sera abrégé JPS à partir de maintenant – avec un Artur Mas honteusement dissimulé en quatrième position [de la liste], laissant loin derrière, mais encore clairement en deuxième position, l’Espacio Sí que es Pot (configuré entre-temps sous le nom de Catalunya Sí Que es Pot, CSQEP à partir de maintenant).
Deux semaines plus tard, tous les sondages donnaient déjà une victoire claire et écrasante à JPS ainsi que des résultats plus qu’honorables à la gauche indépendantiste radicale, la CUP [Candidature d’unité populaire], qui ne s’est finalement pas ajoutée à la Llista del President. En revanche, presque tous les sondages s’accordaient sur le fait que CSQEP perdait même la médaille d’argent, largement surpassée par le parti de la droite espagnoliste émergeant C’s (Ciutadans). CSQEP restait en troisième position.
Mais les résultats électoraux d’aujourd’hui, 27 septembre 2015, sont encore pires: non seulement CSQP a perdu la médaille de bronze, dépassée y compris par un PSC (Parti des socialistes de Catalogne, 16 sièges) sur lequel personne ne misait un centime il y a à peine quelques semaines, mais il a même décroché moins de sièges que ceux qu’avait obtenus la coalition ICV-EUiA elle seule, sans Podemos et sans Equo [petit parti écologiste], lors des dernières élections au parlement catalan (passant de 13 à 11 députés). Un désastre sans remède. CSQEP est le grand perdant de la journée (l’échec d’Unió, désormais une force extraparlementaire, ne comptant pas).
Des élections, de fait, sans vainqueurs marquants. Le PSC semble content du pire résultat de son histoire: cela aurait pu être bien pire. Le PP a échoué lamentablement dans son expérience paralepeniste avec le candidat xénophobe Xavier Garcia Albiol: mais cela aurait aussi pu être pire (11 députés, le même nombre que CSQEP). Et la force qui est sans appel la gagnante, JSP, a échoué relativement elle aussi: elle obtient seulement 62 députés (bien qu’il faille encore compter le vote à l’étranger, qui pourrait lui donner un siège supplémentaire – mais cela n’a pas été le cas), alors que la somme de CiU et d’ERC seules (sans ajouter la «société civile») atteignait 71 députés dans le parlement précédent. Seule la nouvelle droite espagnoliste de C’s et la gauche radicale indépendantiste de la CUP peuvent crier victoire, pour le moins partidaire, sans manquer à la vérité.
Pour tenter d’expliquer ce qui s’est passé, il est sans aucun doute utile de répondre à cinq traits ou axes autour desquels s’est développée la campagne électorale.
Premier axe: des élections plébiscitaires ou autonomiques?
Un premier axe, décisif, tenait au caractère de ces élections. Etaient-elles plébiscitaires, comme le soutenait notamment celui qui les a convoquées – le président Artur Mas – et comme l’ont accepté toutes les forces politiques résolument indépendantistes: CDC, ERC et la CUP? Ou n’étaient rien d’autres que des élections autonomiques supplémentaires, comme tentaient de le soutenir rhétoriquement les forces hostiles à l’autodétermination de la Catalogne: le PP, C’s et PSC?
Le grand succès de la campagne de Mas et de JPS a été d’imposer de manière incontournable le caractère plébiscitaire d’élections qui étaient formellement autonomiques. Le PP (Albiol, pas moins que Margallo), C’s et le PSC l’ont accepté dans la pratique et dans leur propagande. Avec cette idée de fond: si les forces indépendantistes gagnent, il ne se passera pas grand-chose («le vacarme continuera», a déclaré le socialiste Iceta); et si elles perdent, «la farce sera terminée», comme a dit le «populaire» [membre du PP] Albiol et, plus finement, comme l’a répété la «citoyenne» [Ciutadans de Catalunya est le nom de C’s] Inés Arrimadas. Mais cette attitude d’asymétrie gagnante dans les deux cas de figure («si vous gagnez, ce sont des élections autonomiques; si vous perdez, elles sont plébiscitaires»), loin de porter préjudice a probablement favorisé les forces indépendantistes. Parce que cela mettait en lumière et rendait manifeste la propagande des forces du statu quo, hostiles au droit à l’autodétermination, en une contradiction performative qui affaiblissait visiblement sa campagne de la peur: on ne peut menacer des sept plaies bibliques tout en disant qu’il ne se passera rien.
L’effet le plus probable de cette contradiction performative de la propagande unioniste [union avec l’Espagne] a été le suivant: la plupart des indépendantistes auront voté JPS et à la CUP comme vote de protestation, une chose qui ne se produirait pas lors d’un référendum en règle. La tête de liste de CSQEP, Lluis Rabell, qui – à l’instar d’Ada Colau – a voté Oui-Oui lors du pseudo-référendum du 9N, sans être indépendantiste, «parce que le corps, l’exigeait» aurait dû tenir cela en compte.
Le fait est que sur cet axe, CSQEP est resté, comme dit le vieux tango, en falsa escuadra [en fausse opposition]. Il est vrai qu’il était difficile de réussir ce qu’avait réussi Ada Colau aux municipales lors de ces élections ainsi que d’éviter la polarisation plébiscitaire en mode indépendantiste [1], mais il était au moins possible de tenter d’offrir sérieusement à son électorat quelque chose de plus concret et tangible que l’appel rhétorique à l’exercice du droit à l’autodétermination par un référendum démocratique en règle négocié avec Madrid «lorsque changent là-bas les rapports de forces». Il y a, certainement, un monde théorique de différence entre celui qui accepte et celui qui n’accepte pas le droit à l’autodétermination des peuples d’Espagne: mais la rhétorique vague de la campagne de CSQEP ne devait pas sembler très différente à l’électorat à celle des «fédéralistes» du PSC qui promettaient une réforme de la Constitution monarchique. Ce qui nous amène au deuxième axe de la campagne.
Deuxième axe: rupture ou statu quo?
Le deuxième axe de la campagne était celui de la Rupture ou du Maintien du statu quo. Il n’est pas nécessaire de préciser ici la signification de ces mots à forte consonance. Il ne faut pas même convenir sur le fait que tous, dans l’un ou l’autre camp, comprendraient la même chose. Mais nous pouvons tomber d’accord sur le fait que le PP, PSC et, jusqu’à un certain point que nous évaluerons ensuite, C’s sont clairement dans le camp du statu quo. (Acceptant tous, de manière significative, la nécessité de le mettre à jour [le statut] et de «le réformer»: même Albiol fit une autocritique du recours entamé par le PP auprès du Tribunal constitutionnel au sujet de l’Estatut de 2006 [tentative, menée par le gouvernement Zapatero, de modifier le Statut de la Catalogne!). Et JPS et la CUP l’envisagent sur le terrain de la «rupture». Un exemple suffit:
Le 8 juillet dernier, le numéro 1 de JPS, Monsieur Romeva, ancien eurodéputé de ICV (et représentant caractéristique de son aile moins socialiste ou plus «verte»), commit un article bien curieux portant le titre significatif Un «Oui on peut» républicain [le slogan «oui on peut» est caractéristique des mouvements sociaux, lancé au départ par la PAH (mouvement contre les expulsions des logements), repris entre autres par Podemos et d’autres mouvements. Il y écrivait des choses comme ceci:
«Le républicanisme se trouve aujourd’hui face à sa plus grande opportunité depuis longtemps. Nous nous trouvons là où nous sommes parce que lorsqu’il avait été possible de faire les choses d’une autre façon, certains ne surent pas le faire. Ou ne le voulurent pas […] il est choquant [lisez décevant] de voir comment des courants républicains et monarchistes se sont unis plus d’une fois, serrant les rangs, contre les propositions qui demandaient de débattre de la question territoriale à partir d’une perspective républicaine de pluralité nationale, de fédéralisme et de démocratie. Puis rien. La voie espagnole étant donc épuisée, s’ouvre devant nous la voie catalane vers la République, une voie qui, d’un autre côté, pourrait même aboutir à être le phare et le guide pour faire avancer le républicanisme au sein de l’Etat, par la voie des faits (si cela est possible en Catalogne, cela doit l’être également au sein de l’Etat).»
Indépendantisme mis à part, reconnaissons que cela évoque bien plus une «rupture» que «le centre de l’échiquier» [référence à une formule et à la stratégie du noyau dirigeant de Podemos], les revenus de base dilués [allusion aux propositions fades de Podemos en matière de revenu de base, l’une des revendications phares], les salutations et clins d’œil de Pablo Iglesias au nouveau roi Philippe VI [en avril, lors d’une visite à Bruxelles du roi, Iglesias lui a offert les DVD de la série Games of Trones, lui disant qu’il apprendrait beaucoup] ou le refus de Podemos à Madrid de célébrer avec d’autres forces de gauche et républicaines le 14 avril dernier [le 14 avril 1931, la Deuxième République était proclamée].
L’un des critiques les plus lucides de la Transición qui conduisit au «régime de 1978», le maître regretté qu’était Manuel Sacristán – duquel se célèbre le trentième anniversaire de son décès [1925-1985, auteur de nombreux ouvrages et directeur de la revue Mientras Tanto] – qualifia magnifiquement en son temps l’effort illusoire de ce type de pseudoréalismes et de «pragmatismes désinvoltes» [allusion au membre du PCE qui participa à la rédaction de la Constitution de 1978] condamnés à l’échec politique: «A mon avis, signer l’accord de la Moncloa ou, en général, raconter des histoires sur les voies au socialisme revient à endosser le rôle de trompeur de l’histoire, tenter d’être universel et perdre dans la tentative jusqu’à son identité même; c’est, en résumé, souhaiter être un démiurge et en rester à être un minable.»
Si cela se révéla prophétiquement vrai (pour le PCE-PSCU) dans une époque de relative stabilité économique et politique, imaginons-nous donc aujourd’hui, dans le monde post-2008 implacable avec les nostalgiques d’une «normalité» qui ne reviendra plus!
Nous disons, donc, que sur cet axe Rupture/statu quo, la campagne de CSQEP la laissa également en falsa escuadra. Comparez cela une fois de plus, a contrario, avec l’activité vigoureuse explicitement républicaine et opposée à la restauration de Barcelona en Comú, à commencer par le discours inaugural du premier adjoint de la maire, notre ami et rédacteur de SinPermiso, Gerardo Pisarello
Troisième axe: unité du peuple catalan et lien avec le royaume d’Espagne
Le troisième axe qui a parcouru la campagne électorale tournait autour de l’unité du peuple catalan et de sa relation avec le Royaume d’Espagne. Et celui-ci, bien que cela soit superficiellement le moins frappant, est l’axe, si ce n’est pas le plus décisif dans l’immédiat, le plus brûlant et dont les conséquences seront les plus amples et les plus durables.
Le PP, C’s et le PSC ont joué au jeu que la rupture du lien politique avec le Royaume signifiait également la faillite de l’unité interne du peuple catalan. JPS et CUP ont fait des efforts notables pour s’échapper de ce gambit dangereux [le gambit est, aux échecs, le sacrifice volontaire d’un pion pour gagner de l’espace ou des possibilités stratégiques]. Souvenez-vous que selon le Centre d’Opinió de la Generalitat lui-même, seulement 13,4% des personnes interrogées se sentent «exclusivement catalane» tandis que 46,9% se sentent «aussi bien catalanes qu’espagnoles».
Il faut dire que ces efforts n’étaient pas précisément faciles, compte tenu du passé récent du néocatalanisme autonomique d’empreinte pujoliste [référence au rôle de Jordi Pujol, président de la Catalogne de 1980 à 2003] duquel proviennent pratiquement tous ceux de JPS. Ce néocatalanisme conservateur forgé lors de la Deuxième Restauration bourbonienne au cours du premier lustre des années 1980 [à ce sujet, voir l’article des mêmes auteurs sur ce site], cherchant à transformer le débat sur les langues en une arme politique dévastatrice d’auto-affirmation et d’exclusion.
Albert Branchadell, un sociolinguiste catalan compétent et respecté, a qualifié ainsi le processus par lequel la politique linguistique du néocatalanisme autonomique rechercha la construction d’un pays institutionnel et officiellement monolingue absolument éloigné d’un pays réel parfaitement bilingue (avec le castillan comme langue d’identification largement majoritaire):
«Depuis le XIXe siècle et plus particulièrement sous le franquisme, l’Espagne continue le modèle appelé nation building dont le but était d’unifier linquistiquement la société sur la base de l’élimination plus ou moins subtilement des langues différentes du castillan. Face à ce modèle, se leva le modèle “préservationniste” des langues minoritaires, tout d’abord en Catalogne puis ensuite dans le reste des actuelles communautés autonomes. Ce qui s’est ensuite produit c’est que les préservationnistes (en particulier les Catalans) ont adopté des techniques de nation building dans leurs propres politiques linguistiques et le catalan serait actuellement une langue disposée à déplacer le castilla comme langue de communication interethnique. Bien que les langues périphériques soient officielles dans leurs communautés respectives, l’objectif du bilinguisme que réclamait la gauche catalane est substitué par les tendances monolingues et l’immersion éducative obligatoire en catalan.»
Cela se remarque particulièrement dans l’évolution de la politique linguistique dans l’enseignement. A l’opposé du modèle initialement préféré par la droite pujoliste d’une école ségréguée – celui qui finit par s’imposer au Pays basque –, les gauches catalanes (PSC et PSUC) luttèrent pour un modèle d’école unique de conjonction linguistique où le catalan serait dûment en première place, dans le but de le réhabiliter – après quarante ans de persécution franquiste – et de normaliser son utilisation sociale, mais, évidemment, sans exclure le castillan comme langue d’apprentissage. Cela était parfaitement contenu dans la première Loi de normalisation linguistique de 1983.
C’est un fait que le néocatalanisme autonomique pujoliste parvint à retourner cela et que la deuxième Loi de normalisation linguistique (1998) introduisit pour la première fois – avec une caractéristique volonté politique antibilingue de fer país au moyen de la progressive marginalisation du castillan – la notion de «langue véhiculaire». Il faut dire que cette deuxième loi autonomique pujoliste a été non seulement tolérée, mais aussi activement défendue par le gouvernement de José María Aznar [1996-2000-2004], qui, nécessitant les voix de CiU au Congrès des députés, fit pression jusqu’à l’indicible sur le défenseur du peuple [ombudsman] d’alors (Álvarez de Miranda) pour qui ne fasse pas recours devant le Tribunal constitutionnel.
Nous avons soutenu en d’autres occasions que ce genre de politiques linguistiques pro-monolingues, quoique l’on pense d’elles en général, fonctionna dans la pratique comme un mécanisme de ségrégation et d’exclusion électorale, contribuant à transformer les élections autonomiques en une sorte d’élections à suffrage censitaire qui facilitaient la victoire de CiU. En un certain sens, elles finirent par faire partie d’une sorte d’accord bipartiste plus ou moins tacite CiU/PSC, grâce auquel le PSC s’assurait – et se contentait – de la victoire aux élections générales [2]. Or, avec la loi de 1998, le PP d’Aznar entrait par une voie détournée dans ce consensus tacite.
Suivi ensuite une troisième loi, la LEC de 2009, impulsée non pas par CiU mais par un PSC qui, depuis 2003 (lorsque Pasqual Maragall accéda à la Présidence de la Generalitat à la tête d’un accord tripartite de gauche) avait rompu le consensus bipartiste PSC/CiU gagnant pour la première fois des élections sans avoir besoin de rompre les règles du «suffrage censitaire» autonomique.
Au contraire: doublant la mise du néocatalanisme autonimique philopujoliste, c’est-à-dire entrant dans le chaudron électoral des classes moyennes (surtout, urbaines) catalanophones [3]. Cette loi fut approuvée avec les votes du PSC, de CiU et d’ERC. De manière significative, ICV [Initiative pour la Catalogne Verte], qui était au Governement, vota contre, mais pour des motifs politico-sociaux (la LEC du «socialiste» privatiseur Ernest Maragall favorisait surtout l’école subventionnée privée!). Mais, l’ICV n’apporta pas des objections majeures au fond sur le contenu de ce qu’était cette troisième loi, plus pujoliste que Pujol, tous les garde-fous pour le castillan disparaissaient, intronisant le catalan comme langue véhiculaire unique [4], offrant prise à C’s – et dans son sillage, au PP – pour lancer une énorme campagne démagogique avec la question linguistique comme arme dévastatrice (voir, à ce propos, l’article d’Albert Branchadell sur cette affaire, publié en 2008 sur le site SinPermiso). Et a été sans cesse ignoré que l’Etat de la Deuxième restauration bourbonienne n’a jamais eu une politique un tant soit peu décente et démocratique de protection de toutes les langues prétendument espagnoles: l’article 3.3 [«La richesse de la diversité linguistique de l’Espagne est un patrimoine culturel qui fait l’objet d’un respect et d’une protection spéciales»] de la Constitution n’a, par exemple, jamais été développé, n’appliquant manifestement pas la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires que l’Etat a signé.
Un résultat très intéressant du mouvement indépendantiste des dernières années a été le début d’une rupture dans la pratique avec le néocatalanisme autonomique de facture pujoliste et maragalliste. Cette rupture se remarque par deux séries de faits. D’un côté, le défi indépendantiste a tiré de l’abstention différentielle de larges segments de la population traditionnellement exclus de la politique autonomique catalane: les élections autonomiques de 2012 récoltèrent déjà une forte participation proche du 70%. Lors de ces dernières élections plébiscitaires un record a été enregistré avec une participation de 77,5%, avec l’augmentation notable de participation dans la ceinture industrielle métropolitaine, traditionnel champion de «l’abstentionnisme différentiel» [à ce sujet voir l’article des mêmes auteurs déjà cité et publié sur le site alencontre.org].
Et, d’un autre côté, l’apparition politique d’un nouveau catalanisme populaire – qui fait le lien avec la tradition historique républicaine – hostile à l’utilisation excluante aberrante du monolinguisme et tendanciellement favorable à la reconnaissance de la réalité sociale bilingue. Et cela ne se limite pas au seul cas – explicite – des dirigeants de la CUP, comme David Fernández et Antonio Baños. Nous avons également vu que JPS adhérer à Súmate, l’importante association civile d’indépendantistes de langue castillane et même – nécessité fait loi! – faire pour la première fois et de la manière la plus officielle de la propagande politique en castillan…
Il est bien possible que l’apparition de ce nouveau catalanisme populaire en rupture avec le néocatalanisme autonomique dominant au cours des dernières décennies ait contribué à atténuer le succès incontestable expérimenté par C’s lors de ces élections. C’s a triplé ses résultats, passant de 9 à 25 députés, se transformant en deuxième force politique en Catalogne. Il est parvenu à réaliser partiellement ce qu’il se proposait – là où CSQEP a échoué clairement: pénétrer dans le chaudron traditionnel de l’électorat socialiste métropolitain, ne manière conquérante. Un exemple frappant: L’Hospitalet, la deuxième ville de Catalogne et capitale forteresse de cette «ceinture rouge» que Rivera (C’s) a promis d’en modifier la couleur en orange et que Pablo Iglesias – aïe! – a proposé, à la légère, comme un éléphant entrant dans un magasin de porcelaine, de peindre en violet [couleur de Podemos]!
Une partie du succès de C’s lors de ces élections plébiscitaires catalanes s’explique certainement par son discernement qui l’a conduit à se positionner sur deux fronts quant au statu quo hérité. D’un côté, il est bien connu comme parti d’ordre, opposé à tout «populisme aventurier» et nostalgique du retour à l’esprit des beaux jours «normaux» de la Transición. Mais, d’un autre côté, il se présente comme parti antisystème politique. Comme force hostile au piège bipartiste et à la forme particulière par laquelle s’est cristallisée la politique institutionnelle catalane sous la Deuxième Restauration bourbonienne.
Comme «défenseur» chevronné d’une population exclue de la vie politique autonomique catalane par le pujolisme avec la complicité de tous les autres partis: avec la complicité bipartiste de CiU/PSC, bien sûr, mais également celle du PP, qui a toléré avec complaisance, avec la bénédiction d’Aznar, la Loi de normalisation de 1998. Et cela jusqu’à ICV qui n’a pas su s’opposer efficacement comme partenaire du Govern [gouvernement] au désastre de la LEC [Loi d’éducation de Catalogne] de 2009, impulsée sous le gouvernement tripartiste par Ernest Maragall, aujourd’hui transfuge dans les rangs de JPS.
Quant à la position à laquelle resta croché CSQP sur ce crucial troisième axe au sujet de l’unité du peuple catalan et de sa relation avec le Royaume d’Espagne, ce qui est certain c’est que l’amalgame entre ICV et Podemos s’est révélé fatal. Une ICV trop soumise au noyau dur des politiques culturelles hégémoniques du pujolisme – il suffit de penser au nom qu’ils choisirent [Initiative pour la Catalogne] lorsqu’ils dissolurent le vieux PSUC [Parti socialiste unifié de Catalogne, fondé lors de l’unification de plusieurs partis, en juillet 1936. Il était le référent catalan du PCE]! – et réticent invétéré à toute autocritique, d’un côté. En outre, les improvisations idiotes presque ethnicistes d’un Paglo Iglesias complètement hors sol et en recherche aussi vaine que désespérée de l’ancien électorat socialiste métropolitain (sans doute, songeant plus aux élections générales espagnoles – avec lam question du lien avec le PSOE – qu’aux plébiscitaires catalanes). Cet amalgame laissa aussi ici CSQEP en position de falsa escuadra.
Ils n’avaient simplement rien de tangible, d’intelligible ou d’assez intelligent à dire, excepté celui de faire appel rhétoriquement de temps à autre à un passé de lutte trop lointain – et il est à craindre trop oublié par le gros de ses actuels dirigeants – sur l’unité du peuple catalan et du rapport sans aucun doute problématique que conserve cette unité quant au maintien ou non du statu quo au sein du Royaume d’Espagne.
Il convient de souligner ici, pour conclure ce troisième point, qu’il y avait bien plus de choses et plus intéressantes à exprimer de la part d’une candidature de la gauche radicale non indépendantiste (pas, pour le moins, inconditionnellement), mais partisane ferme de l’autodétermination de tous les peuples d’Espagne, y compris celui de Catalogne. Il aurait été fantastique de les entendre parler – comme l’ont effectivement fait la CUP et jusqu’à JPS! – de la République, des valeurs républicaines et des relations républicaines fraternelles avec l’ensemble des peuples ibériques. Ou, en direction de l’intérieur, des frontières de la «géographie sociale» – pour le dire ainsi – de l’indépendantisme inconditionnel: du rapport qui peut s’observer objectivement entre l’indépendantisme et le niveau des revenus, par exemple [5]. Ou des frontières de la «géographie économico-culturelle»: de la division – parfaitement claire sur la carte électorale – entre la Catalogne profonde et la Catalogne urbaine et métropolitaine. Ou – petit détail crucial – de l’impossibilité de «réformer la Constitution de 1978» et d’exercer le droit à l’autodétermination de Catalogne (exigé par près de 80% de la population catalane), sans que s’ouvre une dynamique politique qui sera inéluctablement le début de la fin de la Deuxième Restauration bourbonienne.
Quatrième axe: l’Europe et l’échec de l’expérience de Syriza
Le quatrième axe de la campagne électorale devait nécessairement porter sur l’Europe et les rapports avec l’actuelle UE. Ici le diviseur entre les forces du statu quo et celles de la rupture était le suivant: autant le PP que le PSC, C’s, JPS partagent une idée européiste plus que simpliste, selon laquelle l’UE va très bien. La campagne sur ce point des défenseurs du statu quo de la Deuxième Restauration bourbonienne a consisté à accuser les indépendantistes de conduire la Catalogne à son exclusion de l’UE. Et la contre-campagne des indépendantistes de JPS – qui partagent la même idée nunuche de l’actuelle Europe –, à soutenir que, au contraire, une Catalogne indépendante se maintiendrait au sein de la zone euro et ne serait pas loin d’être accueillie les bras ouverts par l’UE.
La contre-campagne, en revanche, des indépendantistes de la CUP – qui ont depuis toujours une position ouvertement hostile à l’Eurozone et à l’UE – a consisté à dire «tant mieux»: qu’une Catalogne indépendante serait républicaine, populaire et anticapitaliste et qu’elle se porterait mieux en dehors de l’union monétaire et des structures politiques autoritaires de l’UE.
Ici CSQEP partait initialement dans une position avantageuse parce qu’elle a appuyé dès le début l’expérience de Syriza, conduite finement et avec compétence par l’ancien ministre des finances Varoufakis et son ami et conseiller James K. Galbraith, tous deux économistes postkeynésiens de réputation scientifique internationale énorme et méritée. (Lors des élections européennes de mai 2014, Galbraith est venu en personne à Barcelone pour soutenir la campagne électorale d’ICV). Mais l’expérience a échoué, comme cela est bien connu, lorsque le premier ministre grec Tsipras a décidé d’ignorer les résultats du grand succès du référendum de l’OXI [du 5 juillet], qu’il s’est débarrassé de Varoufakis et de sa stratégie de mener l’affaire à son point de plus grande tension avec l’UE (y compris le fameux Plan B «secret» élaboré par Galbraith) et de capituler spectaculairement devant la Troïka lors de la nuit tragique du 13 juillet [accord sur le troisième mémorandum, de fait, élaboré par l’actuel ministre des Finances du gouvernement de Tsipras: Euclide Tsakalotos].
Comme il était naturel, cette capitulation a plongé en état de choc toute la gauche européenne. Une bonne partie de la presse internationale a misé immédiatement sur le dur coup que cela signifiait pour les gauches radicales émergentes qui s’inspiraient de Syriza, et notamment pour Podemos.
Il s’ensuivit alors, à commencer par Galbraith et Varoufakis lui-même, une large discussion autocritique sérieuse sur l’échec de l’expérience Syriza à laquelle ont participé, parmi bien d’autres, des vieux dirigeants politiques comme Mélenchon, Corbyn et Lafontaine ou des économistes plus ou moins de gauche comme Krugman, Stiglitz, Wray ou le post-kenéysien allemand Heiner Flassbeck. Or, loin de participer à cette discussion sérieuse et autocritique, Pablo Iglesias a couru à Athènes pour embrasser Tsipras et secourir le Syriza post-capitulation lors des élections les plus tristes enregistrées par la République hellénique.
Tsipras a gagné, avec plus de 50% d’abstention dans un pays où voter est une obligation légale, pour des raisons que Varoufakis a bien su raconter de manière critique et analytique dans un article publié la semaine dernière sur le site de SinPermiso. [A l’origine un article publié dans le quotidien britannique The Guardian le lendemain des élections, le 21 septembre 2015. Une traduction française se trouve ici].
Lors du débat entre les sept candidats (organisé par la chaîne TV3) Lluis Rabell a commencé sa première intervention se glorifiant de la «victoire de Tsipras» lors des élections grecques (du 20 septembre). Il suffisait alors d’observer le visage des autres candidats qui oscillait entre la stupeur et la satisfaction. Le candidat de la CUP, Antonio Baños, a profité de l’occasion inoubliable afin de lui administrer une correction dure et sarcastique qui a probablement coûté à CSQEP plusieurs dizaines de milliers de voix qui n’étaient pas précisément indépendantistes.
Et lorsque, à l’occasion du meeting final de campagne de CSQEP, a été lu à l’unisson un tweet de Tsipras appelant en catalan à voter pour CSQEP, on peut considérer comme certain que le vent de la confusion lui a fait perdre encore de nombreuses voix: comme lorsque l’un de nous a entendu dire d’un vieux cadre des Commissions ouvrières anti-franquistes que c’était comme si le PSC avait fait entrer en campagne Zapatero, symbole d’une faillite. Il pleuvait donc sur un terrain déjà mouillé.
Ici non plus l’amalgame Podemos/ICV n’a pas fonctionné. ICV avait un bon programme politico-économique pour les élections européennes il y a une année. Ce qui leur a toujours manqué: l’audace. C’est ce dont regorgeait Podemos il y a un an, bien qu’il ait dit de nombreuses bêtises sur l’euro et l’UE. Ce qui est malheureux dans tout cela: dans l’amalgame étrange et âprement improvisé de CSQEP, ICV s’est défait sans grandes réflexions autocritiques du programme politico-économique des élections européennes tandis que Podemos avait perdu depuis un moment l’audace rafraîchissante qui nous avait tant positivement surpris lors des européennes de mai 2014. Ainsi donc, en conclusion, même en ce qui aurait pu être son point fort – la critique avec de bons arguments macroéconomiques et démocratiques de l’UE austéritaire – CSQEP a lamentablement terminé en falsa escuadra.
Cinquième axe: démocratie à partir d’en bas ou autocritique interniste
Le cinquième et dernier axe qui peut nous être utile pour comprendre ce qui s’est passé c’est le virage en matière de sélection des candidats et des procédures d’élaboration des programmes. L’un des grands succès de Barcelona en Comú (et d’une bonne partie des mareas municipales en Galice) tenait à l’ample processus de sélection de candidats et des propositions programmatiques, avec une large participation populaire lors des assemblées à tous les niveaux auxquelles ont participé des milliers de personnes dans les différents quartiers de Barcelone. Cela a été une grande expérience de participation et d’enthousiasme populaire qui a produit une direction politiquement sérieuse et un programme bien conçu et très soutenu par «ceux d’en bas».
Tout le contraire de la manière secrète et autocratique, selon les vieilles habitudes de la pire gauche traditionnelle, utilisée par CSQEP. C’est une affaire sur laquelle nous reviendrons bientôt. Il suffit aujourd’hui de dire que les méthodes expéditives employées sont parvenues (ou l’ont pour le moins facilité) à réaliser le pire de ce qui pouvait arriver à CSQEP, à savoir que son principal actif politique potentiel, Ada Colau et son équipe municipale de Barcelona en Comú, reste prudent et méfiant à la marge d’une campagne électorale désastreuse, aussi mal conçue que dirigée.
Nous serions très contents de nous tromper une fois de plus, parce que maintenant ce sont les élections générales de décembre 2015 qui sont en jeu. Mais, au vu des premières réactions de ses principaux dirigeants, on ne peut espérer ni autocritique, ni prise de responsabilité, encore moins de rectifications sérieuses. Ceux qui croient en Dieu disent qu’il rend aveugle ceux qui souhaitent perdre. Une vision tragico-laïque de cela soutient que le Destin rend sourds ceux qu’il donne inexorablement pour condamnés.
Le panorama incertain qui se présente aujourd’hui
Les élections du 27S n’ont pas de gagnants clairs. Le grand vainqueur, JPS, a décroché moins de sièges que l’addition de CiU et d’ERC dans le Parlament antérieur (passant de 71 à 62). Et bien que le succès de la CUP ait été énorme, faisant plus que tripler ses sièges (elle passe de 3 à 10), l’indépendantisme inconditionnel dans son ensemble (JPS+CUP) perd deux sièges par rapport au Parlament sortant (passant de 74 à 72). Et comme l’a rappelé opportunément la CUP, le plébiscite, qui doit se compter en nombre de voix, n’a pas gagné: il n’a pas atteint 50% des suffrages. Reste, ainsi donc, la dure réalité de la géométrie parlementaire.
Le bloc indépendantiste inconditionnel compte avec les voix nécessaires pour gérer la légalité statutaire. Il compte avec la capacité de proposition et avec l’initiative législative pour créer une nouvelle légalité qui aille au-delà de cela. Cette nouvelle légalité pourrait être seulement le fruit de la rupture et naître de l’exercice effectif du droit à la libre détermination des Catalans.
Ainsi, pour le moment, au sein de ce cadre de la légalité statuaire, la première question à déterminer est de savoir si Artur Mas sera le président de la Generalitat et le gestionnaire de la feuille de route de 18 mois pour fer pais en accord avec ERC. Ou si, par manque de voix au Parlament, JPS devra négocier avec la CUP un autre candidat qui reflète non seulement le rapport social des forces mais qui donne satisfaction à l’aspiration jusqu’ici déçue à l’hégémonie des gauches populaires et républicaines dans le processus souverainiste.
Cela serait le premier pas du processus de reconstruction des gauches catalanes de rupture dans la situation nouvelle créée par le 27S. Et l’annonce de ce qui devra se passer – l’espoir est ce que l’on perd en dernier – lors des élections générales de décembre dans le Royaume d’Espagne: la défaite de la droite. (Article publié le 29 septembre 2015 sur le site SinPermiso.info. Traduction A L’Encontre)
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Notes
[1] La sociologie électorale montre le degré très élevé d’affinité entre les électeurs de JPS et de la CUP (avec une corrélation très élevée de 0,55). Bien qu’ils soient en large mesure aux antipodes idéologiques, ce qui est certain c’est que le deuxième parti qui est préféré par l’écrasante majorité des électeurs de la CUP est JPS, et vice versa.
[2] L’actuel président du Centre d’Opinió de la Generalitat, Jordi Argelaguet, l’a exprimé cette semaine avec le sans-gêne qui le caractérise: «l’introduction de la langue catalane dans l’enseignement comme véhicule pédagogique a contribué favorablement à la consolidation des forces politiques nationalistes (CiU et ERC)». Bien que le débat public catalan – dominé par le néocatalanisme autonomique philopujoliste – ait eu jusqu’à il y a récemment peu d’écho, les sociologues politiques étudient depuis longtemps ce qui a fini par s’appeler le phénomène de «l’abstention différentielle» comparatif lors des élections autonomiques catalanes. C’est-à-dire, le niveau élevé d’abstention qui ne se réduit et ne s’explique pas seulement par le fait que, en général, l’électorat considère comme moins importantes des élections autonomiques que générales. Voir, par exemple, l’étude universitaire de Clara Riba (2000): «Voto dual y abstención diferencial. Un estudio sobre el comportamiento electoral en Cataluña». Ou le livre de Joan Font, Jesús Contreras et Guillem Rico: L’abstenció en les eleccions al Parlament de Catalunya.
[3] Cela peut s’observer dans le fait que les résultats électoraux élevés de Maragall en 1999 et 2003 (et ensuite du second triparti, en 2007) ont été obtenu sans rompre ce que les sociologues des élections nomment «l’élection différentielle» – qui affecte la Catalogne d’expression castillane, notamment dans la ceinture industrielle de Barcelone – lors des élections autonomiques catalanes (voir note précédente).
[4] Quoi que l’on pense de cela, il faut savoir que cela implique d’accepter le principe de territorialité linguistique, comme celui qui est en vigueur en Flandres, au Québec ou en Suisse allemande. Cependant, ni la Flandres, ni le Québec ni la Suisse allemande ne sont des territoires bilingues ]bien que des villes frontières soient bilingue, avec des changements étant donné les migrations]. La Catalogne actuelle – qui a reçu au cours des années 1940, 50, 60 et 70 un des plus grandes vagues migratoires enregistrées dans l’histoire européenne récente – l’est, et même avec une majorité de citoyens dont la langue d’identification est le castillan. Quiconque parle «d’unité du peuple catalan» doit nécessairement faire face à cette réalité sociale, excepté si l’on souhaite se réfugier dans les essentialismes nationalistes qui, d’un côté ou de l’autre, sont précisément incompatibles avec le prêche de l’unité rhétoriquement affirmée.
[5] Parmi les Catalans dont le revenu est le plus faible (de 0 à 1200 euros), 37,57% sont indépendantistes. Entre 1200 et 2000 euros, il atteint 38,82%, il est de 56,17% pour la tranche de revenus située entre 2000 et 3000 euros. 67,91% de ceux qui gagnent plus de 3000 euros s’affirment indépendantistes (Barómetro de Opinión Política).
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