L’année de la restauration du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel) – son candidat présidentiel, Enrique Peña Nieto,ancien gouverneur de l’Etat de Mexico, a pris ses fonctions en décembre 2012 – qui vient de se terminer aura été l’une des périodes les pires pour les masses laborieuses du Mexique.
Ce retour au gouvernement du PRI avec le gouvernement de Peña Nieto est encore venu aggraver les coups dévastateurs portés aux travailleurs par les présidents de droite du PAN (Parti d’action national), au cours des deux sextennats, de 2000 à 2012. Une grande partie de ce que Vicente Fox (2000-2006) et Felipe Calderón (2006-2012) ont tenté sans succès d’imposer – sous l’orientation des politiques mondialisatrices du Consensus de Washington – a été atteinte dans cette seule année 2013 par le gouvernement de Peña Nieto.
Il s’agit principalement des contre-réformes dans le domaine de l’éducation, de la fiscalité et surtout dans le domaine énergétique, en entérinant légalement la privatisation de la Compagnie pétrolière de l’Etat, Pemex, et plus généralement de l’industrie pétrolière – qui avait débuté en 1990 – ainsi que de la Commission fédérale d’Electricité (Comisión Federal de Electricidad), la CFE, la firme étatique la plus puissante après PEMEX.
L’océan d’informations et de propagande sur les lois approuvées par le Congrès au cours de cette année calamiteuse confirme le fait que les mois à venir – en 2014 – seront très durs pour la population et les familles travailleuses. En effet, la série de mesures législatives approuvées par le PRI et le PAN – avec la complicité évidente du Parti de la révolution démocratique (PRD) [1] – annonce le renchérissement de la vie et l’approfondissement de la pauvreté de secteurs majoritaires de la population. Parmi ces mesures, il y a notamment les lois permettant l’ouverture sans entraves aux capitaux de puissantes transnationales du secteur pétrolier et de celui d’électricité où les industries hégémoniques étaient les deux principales entreprises d’Etat du Mexique: la Pemex et le CFE. Les lois fiscales entraînent une augmentation des impôts pour la population. Les contre-réformes dans le domaine de l’éducation, qui annoncent des licenciements d’enseignants et une charge financière plus lourde pour les familles pour les frais d’écolage ; et des écoles qui seront de moins en moins publiques.
Avec le cynisme typique des gouvernants, la propagande officielle sature les médias avec des promesses selon lesquelles «avec les réformes on paiera moins pour le gaz et pour l’électricité». Mais ces assurances sont déjà démenties ces derniers jours avec les augmentations du prix des transports publics décrétées par le District fédéral (Mexico D.F.) et dans d’autres villes du pays. Ainsi le prix du billet du métro de la ville de Mexico a passé de trois à cinq pesos, ce qui est d’autant plus scandaleux que cette mesure a été décrétée par le gouvernement de Miguel Angel Mancera, candidat du PRD à la direction du gouvernement du District fédéral. Or ce dernier avait gagné la grande majorité des votes dans les grands secteurs populaires de cette mégalopole, les mêmes qui doivent maintenant payer l’augmentation du prix de ce moyen de transport qui est de loin celui qu’ils utilisent le plus.
La principale raison de la victoire consternante de Peña Nieto et du PRI a certainement été la complicité des deux principaux partis de «l’opposition» parlementaire, le PAN et le PRD. Le «Pacte pour le Mexique» approuvé dans les premiers jours du gouvernement de la restauration du PRI de Peña Nieto par les trois partis majoritaires – PRI, PAN et PRD – a été la carte décisive qui a permis au président d’imposer les réformes que ni Fox, ni Calderon n’ont réussi à passer pendant leur sextennat à cause de leur maladresse et leur incapacité à obtenir la collaboration des partis d’«opposition».
Si les dirigeants du PRI ont réussi à obtenir un compromis avec les deux partis d’«opposition» – ce qui a scellé leur réussite – c’est qu’ils ont bien appris cette leçon. Le rôle du PAN était plus que prévisible, puisque ce parti est directement lié aux secteurs capitalistes nationaux et impérialistes les plus puissants. Pour les dirigeants du PAN, l’alliance avec le PRI, surtout en ce qui concerne la contre-réforme énergétique, représente une victoire qu’ils convoitaient depuis des décennies. Pour ce qui est du PRD, dirigé par les conciliateurs Jesus Ortega et Jesus Zambrano (surnommé los Chuchos – les petits corniauds), son rôle dans le Pacte a été plus complexe, mais non moins honteux. En espérant pouvoir tirer parti d’une alliance avec le PRI, la direction du PRD a finalement servi de caution aux manœuvres du PRI. Ensuite le PRD est sorti du Pacte – prétextant de la décision du PRI d’accepter les réformes constitutionnelles des articles 27 et 28 entraînant la privatisation de fait de Pemex – mais cette sortie n’a pas signifié un réel tournant de stratégie. De fait, en s’alliant avec Cuauhtémoc Cardenas, les Chuchos du PRD ont opté pour un ajournement de la lutte pour renverser l’actuelle réforme énergétique en invoquant une «consultation populaire» en 2015. Autrement dit, ils ont renoncé à lutter activement et de manière militante contre la politique du PRI et de Peña.
De son côté, le Mouvement de rénovation nationale (Morena) de Andrés Manuel Lopez Obrador, dit AMLO, n’a pas non plus réussi à structurer une véritable campagne contre les propositions de Peña. Les différentes et importantes mobilisations qui ont eu lieu dans le District fédéral au cours de l’année n’ont jamais débouché sur de réelles propositions de lutte.
Lors de ces manifestations, de larges secteurs populaires réclamaient à AMLO qu’il appelle à une «grève nationale», mais le leader n’a jamais pris en considération cette revendication. En outre, AMLO a eu un infarctus précisément au moment des votations sur la privatisation des industries pétrolière et énergétique et où devait avoir lieu une mobilisation massive, et son absence lors de ces journées cruciales a causé un tort au mouvement en le privant de son principal leader, en fait de son caudillo.
Ces événements auront des conséquences politiques majeures. Une étape de la lutte politique au Mexique s’est terminée, celle où le «nationalisme révolutionnaire» représentait le courant principal dans de larges secteurs populaires et de travailleurs. Le néocardénisme et Morena, l’autre courant surgi dans ce contexte historique, ont démontré leur impuissance face à la contre-offensive du capital national et transnational. Ces courants ont démontré qu’ils n’avaient pas la base travailleuse et prolétaire nécessaire pour stopper et renverser l’offensive capitaliste actuellement en pleine marche. Ils ont démontré avoir des directions bourgeoises, incapables de réellement se confronter à l’impérialisme.
La conception fondamentale, l’identification même de la victoire clé de ce qu’a été la Révolution mexicaine et ses conséquences – l’expropriation et la nationalisation du pétrole par Cardenas en 1938 (Lázaro Cárdenas, 1895-1970, président du Mexique de 1934 à 1970) – a finalement été renversée en 2013 par la contre-révolution, représentée par le PRI et le PAN, avec la complicité tacite de la direction conciliatrice du PRD.
Tout un cycle de la politique populaire mexicaine est ainsi arrivé à son terme en 2013. Il est évident que les intérêts politiques et sociaux des masses laborieuses du Mexique ne se sont pas exprimés avec l’indépendance et la force nécessaires pour affronter les politiques bourgeoises du PRI, du PAN et du honteux complice qu’a été le PRD dans ces moments décisifs.
D’autres directions, aujourd’hui encore embryonnaires, d’autres programmes classistes et indépendants qui se forgent en marge de la politique institutionnelle, une autre stratégie révolutionnaire qui se prépare dans des couches actuellement minoritaires de groupes socialistes révolutionnaires, d’autres idées et méthodes prolétaires sont en gestation pour jouer le rôle principal dans la nouvelle étape de la politique qui se forgera en surgissant des cendres des défaites subies au cours de ces dernières années par les masses travailleuses du Mexique.
Et c’est ainsi que devra surgir le Phénix de la politique indépendante, classiste et internationaliste incarnée dans les organisations réellement révolutionnaires qui vont garantir les victoires à venir après les tempêtes dévastatrices actuelles.
(Traduction par A l’Encontre. Manuel Aguilar Mora a été l’un des fondateurs du PRT (Parti révolutionnaire des travailleurs), puis membre de la LUS (Liga de Unidad Socialista). Il est actuellement chercheur et professeur auprès de l’UACM (Universidad Autonoma de la Ciudad de Mexico).
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[1] Le PRD est une scission du PRI effectuée en 1989 sous l’influence de Cuauthémoc Cardenas, dont la candidature à la présidence, en 1988, en rupture avec les règles du PRI, a suscité un espoir dans des formations de gauche. Cela d’autant plus que son discours, aux accents de gauche, se heurtait à celui du candidat officiel du PRI, Carlos Salinas de Gortari, dont la victoire électorale était largement frauduleuse. Ce qui ouvrit une crise politique d’envergure dans le pays. (Réd. A l’Encontre)
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