Par Sudeshna Chowdhury
L’étude, tant attendue depuis si longtemps, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Ministère irakien de la santé, sur la fréquence de malformations congénitales et de cancers dans ce pays, aura une ampleur inhabituelle, mais également une lacune difficile à expliquer.
Selon l’OMS, la taille de l’échantillon analysé englobe 10’800 foyers. L’étude devait être publiée durant les premiers mois de cette année 2013, mais elle est en retard.
Des scientifiques et des médecins ont commencé à poser des questions à propos de ce retard, mais il y a un autre aspect qui ne les préoccupe pas encore. Ou pas du tout.
Par un accord avec l’OMS, l’étude n’examine pas le lien entre la distribution de malformations congénitales parmi la population et l’emploi de munitions à l’uranium «appauvri» durant la guerre et l’occupation de l’Irak par les Etats-Unis (2003-2011).
L’uranium appauvri est un résidu de l’enrichissement de l’uranium pour les réacteurs nucléaires et les bombes atomiques. Il est faiblement radioactif, mais radioactif quand même et de toute façon toxique en tant que métal lourd. Ce métal lourd est utilisé dans les munitions pour sa dureté qui permet de perforer murs et blindages.
Mais les projectiles durcis à l’uranium appauvri sont pulvérisés à l’impact et engendrent une poudre qui est inhalée et se fixe dans les poumons. L’exposition au matériel radioactif est un facteur déclencheur de cancers et d’altérations de la reproduction (stérilité, fausses-couches) et de malformations congénitales.
Le chef de la mission de l’OMS en Irak, Syed Jaffar Hussain, a déclaré à Tierramerica que l’étude n’a pas non plus pris en compte d’autres contaminants comme le plomb et le mercure, comme facteurs ou comme variables.
L’OMS allègue qu’établir les relations causales entre l’exposition à l’uranium appauvri et la fréquence de défauts congénitaux et de cancers nécessiterait des études supplémentaires de la part d’institutions spécialisées. Les préparatifs et les délibérations à propos de cette étude ont commencé mi-2011, suite à une vague de compte rendu et d’études ponctuelles qui révélaient une augmentation frappante de malformations congénitales en Irak.
Ces études mettaient en évidence qu’il devait y avoir une certaine relation entre la contamination par des métaux lourds, et parmi eux la présence possible de l’uranium appauvri utilisé lors des attaques par l’armée des Etats-Unis en 2003 et 2004 contre la ville de Falloujah, située au centre du pays, et l’augmentation dans cette région du nombre de cas de nouveau-nés avec des malformations.
Mozhgan Savabiesfahani, une toxicologue établie et reconnue aux Etats-Unis, a publié avec son équipe des études consacrées à ces problèmes de santé en Irak. Elle juge «préoccupant» que l’OMS ne considère pas l’uranium et d’autres contaminants comme facteur causal. Selon elle: «cela va être une des principales faiblesses du rapport, puisque des études antérieures ont montré ce lien. (…) Il eut été logique qu’ils effectuent leurs analyses en recueillant des échantillons humains et de l’environnement pour étudier la présence de métaux ou contaminants.»
Selon un rapport publié en janvier par l’ONG néerlandaise KV Pax Christi, les troupes des Etats-Unis et britanniques ont employé en Irak de grandes quantités d’armement à l’uranium appauvri.
Un autre rapport, publié en septembre 2012 par le Bulletin of Environmental Contamination and Toxicology, indique que les bombardements de Falloujah et de Bassora ont pu «exacerber l’exposition de la population à des métaux lourds, et il est possible que cela culmine dans l’épidémie actuelle de malformations congénitales de nouveau-nés.»
Selon une étude publiée en 2010 dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health, les taux de dommages génétiques et de cancers constatés aujourd’hui à Falloujah sont pires que ceux enregistrés chez les populations qui ont survécu aux bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki. Une autre étude rend compte de la découverte d’uranium et d’autres substances contaminantes dans les cheveux des parents d’enfants nés à Falloujah avec des problèmes génétiques.
Le généticien Keith Baverstock, ex-consultant en santé et radiations ionisantes de l’OMS, considère que ne pas examiner l’uranium est «une omission importante ». Baverstock a déclaré à Tierramerica qu’«il ne fait aucun doute que l’uranium appauvri est toxique s’il devient systémique et pénètre dans la circulation du sang.» Et il a ajouté que la question à propos de son utilisation militaire est la suivante: «dans quelles circonstances peut-il devenir systémique?» Etant donné qu’il y a une préoccupation générale au sujet du risque qu’entraîne l’uranium appauvri, «il n’y a pas de doute dans mon esprit que la direction de l’OMS a failli à accomplir ses obligations d’examiner les conséquences de ce contaminant sur la santé publique.»
Human Rights Now, une organisation internationale des droits humains dont le siège est à Tokyo, a entrepris en février dernier une mission de récolte de données à Falloujah qui comprend l’enregistrement des naissances avec défauts congénitaux et l’entretien avec du personnel médical et des parents des enfants souffrant de tels problèmes.
Kazuko Ito, la secrétaire générale de Human Rights Now, a déclaré à Tierramerica : «Cette épidémie de malformations requiert une attention internationale immédiate. (…) L’uranium appauvri est une des causes possibles même s’il n’a pas encore été prouvé qu’il soit la cause principale. (…) L’OMS ne donne pas une explication raisonnable pourquoi il est correct de laisser cette question à part.»
Human Rights Now a envoyé son rapport aux gouvernements des Etats-Unis et de Grande-Bretagne. Dans sa réponse, le Ministère de la défense britannique a allégué qu’il n’y a pas d’évidence scientifique fiable qui suggère que l’uranium appauvri est responsable de problèmes de santé apparus chez les populations civiles à la suite du conflit, et que les normes britanniques autorisent son emploi dans l’armement.
Pour Saeed Dastgiri, professeur du Département de médecine familiale et communautaire de la Faculté de médecine de l’Université de Tabriz, en Iran, le plus important aujourd’hui est d’intervenir immédiatement dans les zones affectées. Dastgiri a déclaré à Tierramerica qu’à Falloujah et à Ramadi (au centre de l’Irak), les cas de défauts du tube neural chez les fœtus sont 2,6 ; 3,4 ; 3,8 ; 4,7 et 6,7 fois plus nombreux que ceux enregistrés respectivement à Cuba, en Norvège, en Chine, en Iran et en Hongrie. Et 3,2 fois plus nombreux que la moyenne estimée pour la population mondiale.
Pour John Pierce Wise, directeur du Centre de Toxicologie et Santé environnementale de l’Université du Maine du Sud, dans l’Etat du Maine aux Etats-Unis, tout cela ne rend pas illogique la décision de l’OMS de mesurer la fréquence avant de s’interroger sur les causes.
Il a expliqué que «cette procédure est plus lente, puisque cela prend du temps d’arriver aux véritables causes, mais la logique commande qu’il faut d’abord déterminer qu’il existe un problème pour ensuite chercher les raisons qui en sont les causes.»
Quoique l’impact de l’uranium appauvri dans les malformations congénitales ne soit pas encore éclairci pour la communauté scientifique, Wise est d’avis que si l’information disponible signale certains facteurs qui provoquent le problème, il serait plus humain de concevoir une étude qui aborde les deux aspects à la fois. Si la cause est identifiée, alors on peut protéger les enfants qui sont conçus, ajouta-t-il.
La professeure canadienne Susanne Soederberg, chargée de recherches à la Queen’s University, à Kingston dans l’Ontario (Canada), a préféré ne pas faire tant de détours. Elle a déclaré à Tierramerica: «l’OMS, comme la majorité des organisations internationales, n’est pas une entité neutre, mais elle est soumise à l’influence et aux pouvoirs géopolitiques de ses Etats membres. (…) Par conséquent, il existe une raison pour laquelle un groupe de scientifiques très compétents n’investigue pas le pourquoi dans leur étude.» (Traduction par A l’Encontre; article publié par Inter Presse Service (IPS), Nations Unies, le 30 juillet 2013)
Bonjour.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a signé avec l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) l’accord référencé “WHA12-40”, le 28 mai 1959…
Donc…
Un lien trouvé là-dessus:
http://independentwho.org/fr/accord-wha12-40/