Par Mohammed Sergie
Les frappes aériennes et les attaques de missiles balistiques (Scuds) ainsi que d’autres missiles puissants sont des événements quotidiens en Syrie. Les victimes et les dommages sont «comptabilisés». Néanmoins, seulement une petite partie de l’ensemble fait l’objet des nouvelles dans les médias, car ce type de carnage n’est désormais pas nouveau. Il est attendu.
Le 29 mars 2013, une petite localité du nom de Al-Hreitan, juste au nord d’Alep, a fait l’objet d’une campagne militaire particulièrement violente.
C’était une matinée paisible, agréable et ensoleillée, accueillant l’arrivée du printemps à Hreitan. Les habitant·e·s allaient à la prière lorsqu’un MiG [avion de combat de construction russe] brisa la paix en lâchant une bombe sur la partie occidentale de la bourgade. Il revint quelques minutes plus tard pour achever sa sortie en lançant deux bombes supplémentaires.La première frappa la ferme d’un apiculteur. Un essaim d’abeilles s’échappa. Les abeilles attaquèrent les habitant·e·s qui tentaient de secourir leurs voisins. Les gens fuirent le lieu ce qui, selon un habitant, limita les pertes lorsque l’avion de guerre réapparu une seconde fois. Deux personnes périrent lors de cette attaque.
Moins d’un quart d’heure plus tard, juste après 14 heures, un grand missile, probablement un Scud, rasa deux bâtiments et en endommagea plusieurs dizaines à proximité.
Abu Mohammed Masri, un habitant qui se trouvait à quelques centaines de mètres déclare que: «cela semblait être un tremblement de terre même si je dois avouer que je n’en ai jamais vécu un.»
Le destin épargna lui et ses enfants. En effet, ils étaient en train de manger dans la maison de son frère qui se trouve quelques ruelles plus loin. Sa maison a été gravement endommagée par l’explosion.
Son cousin, qui était son voisin de palier, ne fut pas aussi chanceux.
Mohammed Shukri Masri, âgé de 52 ans, a été tué ainsi que son épouse et deux filles adolescentes. Deux de ses sœurs, réfugiées du quartier Ashrafiyeh d’Alep, furent aussi tuées. Au total, onze membres de cette famille étendue – âgés de sept mois à 52 ans – furent tués dans cette attaque. Plus encore furent blessés. Les quatre fils de Masri ont survécu mais ils n’ont comme seul avenir que celui de vivre sans leur famille.
A l’instar de la majorité des bombardements à longue distance ordonnés par le régime du président syrien Bashar al-Assad, aucune incursion au sol n’a suivi. La plupart des analystes militaires ont interrogé cet usage de la force, en particulier lorsqu’il n’est pas destiné à affaiblir une cible avant un déploiement d’infanterie. L’ONG étatsunienne Human Rights Watch a documenté l’utilisation des frappes aériennes. Elles ont été qualifiées de crime de guerre dans un rapport récent.
Une explication répandue du raisonnement militaire à la base de telles attaques, qui a été reprise par Abu Mohammed Masri, est que le régime Assad tente «d’infliger un maximum de souffrances aux civils, qui sont le terreau de la révolution.»
Ce plan ne réussira toutefois pas, ajoute-t-il, «même s’il [Assad] nous réduit en miette, nous ne renoncerons pas.»
La famille Masri n’apparaissait pas comme étant une menace pour le gouvernement syrien. Les voisins affirment que dans la bourgade qu’il n’y avait pas d’armes ou de combattants vivant dans les rues.
«Nous avons des révolutionnaires de Hreitan», indique Abu Mohammed, faisant référence aux groupes armés de l’opposition. Mais, «ils sont installés à un checkpoint à environ sept kilomètres au nord et d’autres combattent à Alep, sept kilomètres vers le sud.»
Mohammed Shukri était connu dans son village comme un bureaucrate à la retraite, un fils unique répugnant au danger. «Je ne l’ai jamais vu à une manifestation. Il n’était pas intéressé à la politique et souhaitant seulement être avec sa famille» ajoute Abu Mohammed.
Les immenses destructions des attaques de Scud ont fait l’état de constats répétés par les dirigeants de l’opposition. Moaz al-Khatib, le président de la Coalition nationale, a récemment appelé l’OTAN à étendre la portée des batteries Patriot basées en Turquie afin qu’elles couvrent le nord de la Syrie. Il a essuyé une rebuffade immédiate.
Joseph Lieberman, un ancien sénateur démocrate des Etats-Unis, a affirmé que fournir une telle couverture aurait pour effet «immédiat de devenir un symbole puissant de la solidarité des Etats-Unis avec les Syriens, soutenant les modérés dans l’opposition et leur donnant l’espace dont ils ont besoin pour s’organiser dans le pays.»
Abu Mohammed, examinant les dégâts faits à sa maison – achevée il y a tout juste deux ans et qui a coûté plus de 80’000 dollars, une fortune lentement accumulée après des décennies comme marchant à Alep – rejette de façon surprenante l’idée d’une aide des Etats-Unis et de l’Occident. Cette aide aurait pu sauver son cousin et sa maison, qui doit maintenant être détruite en raison de l’importance des dégâts.
«Tout le monde a des intérêts en Syrie. Si l’Occident voulait réellement renverser Assad, il aurait pu le faire il y a des années», dit-il. «Nous devons le dégager nous-mêmes; et nous en connaissons le prix.»
Nous ne saurons jamais si Mohammed Shukri était prêt à en payer le prix ultime. Il n’a jamais acheté une concession funéraire pour lui et sa famille, une pratique courante parmi les Syriens. Il a été enterré dans des tombes que son cousin possédait à l’extrémité du village.
Le petit cimetière d’Hreitan a été étendu dernièrement et renommé cimetière des martyres, partageant sa dénomination avec des dizaines d’autres qui ont fleuri à travers le pays. Il y avait trop de trous ouverts dans la terre pour être comptés, attendant les prochaines victimes de la guerre de Syrie. (Traduction A l’encontre ; article publié le 12 avril sur le site Syriadeeply.org
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