Les carnets de Victor Serge ont été réédités, en fin novembre 2012, dans une version largement augmentée, soit avec de très nombreux textes inédits, car retrouvés seulement en 2010 au Mexique: Victor Serge, Carnets (1936-1947), Editions Agone, 842 pages.
Victor Serge, de son vrai nom Viktor Lvovitch Kibaltchitch, est né en 1890 à Ixelles, aujourd’hui intégré, de fait, à l’ensemble urbain de Bruxelles. Ses parents étaient des Russes émigrés politiques anti-tzaristes en Belgique. Très jeune, il adhéra à la Jeune Garde Socialiste (organisation de jeunesse liée au Parti ouvrier belge: POB), dont les activités antimilitaristes étaient significatives, au même titre que la dénonciation de la politique coloniale belge au Congo. Il collabora très vite à la presse libertaire de France. Après avoir rejoint ce pays, en 1909, il contribua, entre autres, à une publication qui avait un certain écho avant la guerre de 1914: L’Anarchie. Suite à son incarcération de 1912 à 1916 à la prison de la Santé à Paris (il était accusé d’être en relation avec la bande à Bonnot), il rejoignit Barcelone, où il participa à une tentative de soulèvement en 1917. C’est à Barcelone qu’il prend le nom de Victor Serge. De retour en France, il sera de nouveau emprisonné. C’est en prison qu’il prend connaissance de la révolution russe. Il rejoint, début 1919, la Russie révolutionnaire. Il mettra sa plume au service de la IIIe Internationale et l’on retrouve ses articles dans L’Humanité, organe du PCF, ou du quotidien du KPD: Rote Fahne. Il fut envoyé en Allemagne par l’Internationale communiste (IC). Il y était chargé de diriger l’édition française d’Inprekorr (Internationale Presse Korrespondenz), la publication de l’IC. Dès 1923, soit après le crépuscule de la révolution allemande, il rentre en URSS. Dans la seconde moitié des années 1920, il dénonce ce qui est alors caractérisé par les opposants comme la «dégénérescence stalinienne». Il rejoint «l’opposition de gauche» de Trostky. Il le paiera par divers emprisonnements et une relégation dans l’Oural.
Il sera libéré en 1936, suite à une campagne internationale de protestation, animée par Magdeleine Paz en France, relayée par Charles Plisnier, écrivain belge, par l’écrivain anarchiste Henry Poulaille et d’autres; et enfin par André Gide et Romain Rolland. Il n’est pas difficile de repérer, au travers de ces quelques indications, la complexité de son parcours politique et les débats que cela suscitera dans divers cercles. On peut retrouver des épisodes de sa vie dans ses romans et dans un ouvrage de plus de 1000 pages qui a réuni les Mémoires d’un révolutionnaire et autres écrits politiques (1906-1947), Robert Laffont, 2001, collection Bouquins. La présentation est de Jean Rière et Jil Silberstein. Il est aussi utile de lire la biographie politique de Victor Serge écrite par Susan Weissman, intitulée: Dissident dans la révolution, Ed. Syllepse, 2001. Comme le soulignent fort bien les auteurs de la préface des Carnets: «les contradictions qui surgissent entre la fragilité de la subjectivité et les nécessités de l’action collective [en] constituent le thème central».
Dans ses Carnets de 1936-1947, Victor Serge note donc ses rencontres, ses impressions, ses réflexions, en vue d’articles ou d’ouvrages. En 1937, il rencontre André Gide. Ce dernier avait écrit Retour de l’URSS, publié en novembre 1936, chez Gallimard, suivi en 1937 de Retouches à mon “Retour d’URSS”. C’est une réponse aux propos injurieux qui avaient accueilli le premier ouvrage. En effet, Gide s’était rendu, en juin 1936, en URSS, en particulier à l’occasion des funérailles de Maxime Gorki, écrivain officiel et officialisé par Staline. Gide prononça un éloge funèbre sur la Place Rouge. Il découvrit dans «la patrie du socialisme» une réalité qu’il ne soupçonnait que partiellement. Sur le contexte français de la visite de Gide en URSS, Victor Serge souligne dans ces Carnets, le 8 et 18 mai 1937: «La propagande du PC entretient ces illusions commodes et leur donne une consistance matérielle: argent, éditions, invitations à Moscou, congrès… Une révolution assez riche qui exerce le pouvoir, procure des honneurs et des profits, séduit facilement les intellectuels par la facilité d’être à la fois révolutionnaires et conformistes, quasi héroïques sans danger et comblés d’avantages… Tout cela devait séduire un peu Gide et le gêner intérieurement. Il suivait d’assez près les affaires de Russie (par Pierre Naville), mais peut-être n’avait-il pas envie de céder à l’influence de ce jeune homme… Mais il ne voulait pas se prononcer catégoriquement avant d’avoir vu de ses yeux – d’être allé en Russie… Le deuxième grand acte de courage de sa vie fut, à son retour de Russie, sa rupture éclatante avec la Russie officielle. Je sais ce qu’elle lui coûta. Mais il sentit sa dignité, toute sa personnalité profonde mise en question. Ce qui restait en lui de l’acte gratuit devint l’acte de courage: ne pas sacrifier sa lucidité. Ce fut douloureux à cause de la nécessité de reconnaître implicitement qu’il s’était trompé en donnant son adhésion au communisme; à cause des amitiés qu’il fallait rompre; à cause de la vaste sympathie qu’il fallait perdre.»
Pour un lecteur suisse, une question peut être interjetée: qui était le secrétaire de Gide lors de l’écriture du Retour d’URSS ? Réponse: André Muret. Autrement dit, le futur dirigeant du PC helvétique, plus exactement de la section «clandestine» du canton de Vaud, publiant le bulletin La Vague, durant la Seconde Guerre mondiale. A. Muret accéda à la direction nationale du Parti du Travail (PdT-POP) à la sortie de la guerre. Le secrétaire de Gide se rapprocha, en 1936, du PCF dans l’ambiance du Front populaire. A-t-il indiqué le projet de Gide au PCF? Il faudrait être naïf pour ne pas oser le penser.
A sa sortie d’URSS, Victor Serge va écrire des chroniques régulières contre «les grands procès» staliniens de 1936-1937. Serge écrivit de nombreux articles dans le quotidien syndicaliste belge: La Wallonie. Des «procès de Moscou» qui étaient applaudis des deux mains par la presse du Parti socialiste genevois et du Parti socialiste vaudois – Le Travail et Le Droit du Peuple – placée sous la houlette de Léon Nicole (1887-1965). En 1937-1938, Serge engage le débat sur l’insurrection de Cronstadt de mars 1921 et sur son écrasement par l’Armée rouge, sous la direction de Trotsky. Ce qui va susciter d’âpres controverses entre le «prophète désarmé» et Serge. Les disputes sur la politique du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) en Espagne alimentent aussi les échanges entre Serge et Trotsky. Ce dernier manifeste dans ses écrits (lettres pour l’essentiel) contre Serge une brutalité où se reflète son impuissance à agir effectivement aussi bien face à la machine à calomnier de l’URSS stalinienne qu’aux combats difficiles – dont le dénouement peut plonger l’Europe dans un gouffre, déjà visible – qui se déroulent en France et en Espagne.
Victor Serge craint la répression du Guépéou. La police de Staline n’hésitait pas à liquider les opposants dans divers pays. Il va quitter Paris en juin 1940, dans une situation matérielle plus que précaire, lors de l’arrivée des armées du IIIe Reich. Fascisme, nazisme et stalinisme se dressent face à lui et à bien d’autres: il est «minuit dans le siècle».
Trotsky est assassiné en août 1940. En décembre 1940, à l’occasion d’une visite de Pétain à Marseille, la police française arrête de nombreux «réfugié·e·s» du réseau de Fry. Varian Mackey Fry – voir Varian Fry, «Livrer sur demande…» Quand les artistes, les dissidents et les Juifs fuyaient les nazis [Marseille: 1940-1941, Ed. Agone 2008 – avait, en tant que journaliste, travaillé pour la publication étatsunienne Living Age. Pour ce travail il avait visité l’Allemagne nazie en 1935. Il y avait constaté l’ampleur de la répression, entre autres contre les juifs. En 1940, Fry avait rejoint Marseille, officiellement en tant que journaliste. En fait, il y avait établi le Centre américain de secours qui permit à des centaines de militants, d’écrivains, d’artistes de fuir les persécutions du Régime de Vichy (Pétain). Ce dernier s’était engagé, lors de la capitulation, à «livrer sur demande» des «autorités d’occupation» (de la zone nord de la France) les personnes qui lui seraient signalées. Le Centre fut, en outre, dénoncé par le PCF comme un nid de «trotskystes». Fry a dû quitter Marseille en septembre 1941. Il avait aidé à fuir le péril nazi Hannah Harendt, Marc Chagall, Athur Koestler… et bien d’autres. A l’occasion d’une visite de maréchal Pétain à Marseille, en décembre 1940, la police arrêta de nombreuses personnes protégées par le réseau de Fry, parmi lesquelles Victor Serge. Finalement libéré, muni d’un visa pour le Mexique, Victor Serge a pu s’embarquer à Marseille, le 25 mars 1941, sur le Capitaine Paul-Lemerle, avec son fils Vlady. A bord, se trouvaient Claude Lévi-Strauss et André Breton ainsi que sa femme Jacqueline. Ils passèrent par la Martinique où la police française, lors du débarquement, interrogeait les passagers pour savoir s’ils étaient juifs. Serge leur répondit «qu’il n’avait pas cet honneur». Serge et son fils Vlady seront incarcérés à Fort-de-France, puis quitteront la Martinique pour la République dominicaine et seront à nouveau incarcérés à Cuba. Après six mois d’un périple peu commun, ils arriveront à Mexico.
Victor Serge va s’y installer et va y rester jusqu’à la fin de sa vie. Serge décrit dans ses Carnets sa découverte du Mexique. Y compris le passé précolombien constituera un de ses centres d’intérêt.
La priorité reste pour lui de combattre les régimes totalitaires. Il s’efforce de démonter les impostures du stalinisme. Cela d’autant plus qu’elles étaient répétées par ceux qui soit cultivaient une ignorance volontaire, soit tiraient des avantages matériels et honorifiques de leur liaison avec les PC et leurs pseudopodes «culturels». Entre 1934 et 1938, ils formaient une horde assez nombreuse, au même titre que dans la période 1945-1956. Victor Serge note, en 1943, que «des capitalistes américains et mexicains, conservateurs» sont «devenus de fervents admirateurs de Staline» qui apparaît comme un «seigneur de guerre».
Victor Serge fait de l’interrogation raisonnée une conduite intellectuelle et militante qui ne l’empêche pas de défendre un socialisme démocratique, même si une réflexion plus approfondie sur le début des années 1920 en Russie soviétique est souvent regrettée par certains de ses lecteurs. Face à la prégnance du stalinisme et des partis staliniens, il s’affronte à divers thèmes. Ainsi écrit-il: «les vieilles idées de parti avec leurs systèmes fermés, qui satisfirent autrefois les besoins de certains milieux sociaux, ne sont plus qu’inertie, par conséquent obstacle à l’expérience et à la pensée».
Dans ses Carnets, il rend compte des agressions staliniennes perpétrées au Mexique contre la gauche anti-stalinienne. Il relate les discussions qu’il a avec des camarades d’exil, dont Julián Gorkin [1]; Otto Rühle [1874-1943, élu du SPD allemand en 1912, en Saxe, rejoint Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht en 1915 pour publier Die Internationale; il rejoindra le KPD en 1919, puis brièvement le KAPD début 1920; il deviendra par la suite une des figures du communisme des conseils; il s’exilera au Mexique en 1933], Fritz Fränkel [1892-1944, médecin, neurologue, il rejoint la Ligue Spartakiste, puis le KPD, arrêté en 1933 par les nazis ; après sa libération il rejoint la Suisse puis la France où il sera interné lors de l’éclatement de la guerre et pourra s’enfuir au Mexique], Marceau Pivert [2]. De nombreux autres «exilés» au Mexique apparaissent dans ces Carnets, parmi lesquels Nathalia Sedova-Trotsky. A propos d’une conversation, en août 1942, avec Otto Rhüle, ce dernier affirme à Serge: «Si nous écrivions le deuxième Manifeste communiste? Que l’on n’appellerait pas communiste, naturellement, le mot est sali… Il faudrait refaire une mise au point complète, elle devient possible car on voit les grandes lignes des séismes en cours…»
De telles réflexions resurgissent aujourd’hui. La distance reste grande pour aboutir à une conjugaison entre les exigences de la pensée analytique et critique, de l’élaboration stratégique et l’essor de combats sociaux et politiques au cours desquels les besoins sociaux, écologiques, d’émancipation sont appropriés largement par les salarié·e·s en termes politiques.
Les relations entre ces exilés, faites d’échanges, de débats serrés, de disputes et de solidarité sont un moyen de survivre, de faire face «au fond de la défaite». Sans cela «le grand bateau Civilisation risque de couler à pic». Victor Serge rend hommage à ses camarades tués, que ce soit par les nazis comme Henk Sneevliet [3], ou par les staliniens, tel David Riazanov [4]. Serge raconte, lorsqu’il apprit, avec retard, la mort de Riazanov: «La disparition de Riazanov fut pour l’intelligentsia marxiste une sorte de décapitation symbolique. Elle ne provoqua que des remous étouffés – aucune réaction.»
Le 19 décembre 1944, Serge écrit: «Sa seule chance [au socialisme] de vie et de victoire est dans l’intransigeance vis-à-vis du totalitarisme stalinien, par le maintien d’une doctrine de démocratie et d’humanisme (excluant la pensée dirigée); et vis-à-vis du conservatisme capitaliste, dans le combat pour le rétablissement des libertés démocratiques traditionnelles redevenues révolutionnaire…» Et il termine, avec une observation qui aurait eu une saveur particulière dans les débats de la «gauche radicale» du début des années 1970 : «Très saine, chez la plupart des Espagnols, l’intention d’éviter la guerre civile après la chute souhaitée de Franco.» Ce type de remarques, dans ses Carnets, renvoie à une appréhension d’une sortie de la Seconde Guerre mondiale dont il exclut «des explosions de masses révolutionnaires pour sauver l’Europe à la fois des “impérialismes capitalistes” et du stalinisme».
Claudio Albertani et Jean-Guy Rens qui ont écrit la préface de ces Carnets – avec un appareil critique fort utile établi avec Claude Rioux – concluent ainsi leur présentation, en citant l’ami de Serge, Julián Gorkin: «En faisant les papiers pour l’inhumation, au moment d’indiquer la nationalité, j’ai mis “apatride”. Ce qu’il était. Le directeur de l’entreprise funéraire s’est mis à crier qu’on ne pouvait l’enterrer s’il n’avait pas de nationalité. Comment, lui, allait-il enterrer un sans-patrie? J’ai demandé à Vlady. “Quelle nationalité aurait choisi ton père, s’il avait pu choisir?” ”L’espagnole”, me dit-il avec certitude. L’écrivain russo-belgo-français est enterré au Mexique dans le cimetière français avec la nationalité espagnole.»
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[1] Julián Gorkin (1901-1987), Julián Gómez Garcia de son nom, est né à Valence. Ecrivain et journaliste. Très jeune il s’engagea dans l’activité politique (Jeunesses communistes). Lors de la guerre coloniale du Rif de 1921 à 1926 – durant laquelle les armées espagnole, puis française dès 1925 utilisèrent tous les moyens pour écraser la résistance des paysans de la chaîne montagneuse du Rif marocain – Julián Gómez Garcia refusa l’incorporation dans l’armée. Il se réfugia en France. Il y devint «un révolutionnaire professionnel» travaillant pour le Komintern. Lors d’un voyage en URSS, en 1929, il découvrit la réalité de l’URSS stalinisée et concentrationnaire. Il rompit avec l’Internationale communiste et put se réfugier en France. Il se rapprocha de l’opposition de gauche, traduisit des textes de Trotsky. Puis, il entra en contact avec Joaquim Maurin qui était le principal animateur, en 1931, du Bloco Obrero y Campesino (BOC). Le BOC va fusionner avec la Gauche communiste espagnole d’Andreu Nin et donnera naissance au POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste) en septembre 1935. Julián Gorkin fut alors le rédacteur en chef de La Batalla. George Orwell dans Hommage à la Catalogne (paru en 1938) raconte les coups que reçoit le POUM par les forces franquistes et par le Guepéou et ses affidés dans cette Espagne en révolution. Julián Gorkin fut arrêté sur ordre du Guépéou et soumis à un procès dans le style de Moscou. Il put, finalement, échapper à la prison grâce à l’assaut organisé par des militants poumistes et anarchistes. Beaucoup de militants emprisonnés ne purent s’enfuir et connurent la mort. Réfugié à Paris, il se lie à Marceau Pivert et à Victor Serge. Il gagne le Mexique en 1940. Le gouvernement mexicain n’avait pas reconnu le régime franquiste. Il était présidé, jusqu’en 1940, par Lazaro Cardenas. Ce dernier fut de 1942 à 1945 ministre de la Défense. Durant son séjour au Mexique, Gorkin échappa à divers attentats montés par le Guépéou. De retour en France en 1948, il mena une activité littéraire et de militant. Il fut élu président du Pen-Club international des écrivains contraints à l’exil. Il retourna enfin en Espagne suite à la mort du dictateur Franco en 1975. En français, il est possible de lire L’assassinat de Trotsky, Ed. Juillard 1970 et Les communistes contre la révolution espagnole, Ed. Belfond, 1978.
[2] Marceau Pivert, 1895-1958, instituteur, il adhérera à la tendance Bataille socialiste dans la SFIO–Parti socialiste. Après avoir créé en 1935 la tendance de la Gauche révolutionnaire, il critique la politique du Front populaire d’alliance avec le parti radical bourgeois et avec le stalinisme ainsi que la stratégie électoraliste qui l’accompagne. A l’occasion des grèves de juin 1936, il publie un article «Tout est possible» dont le retentissement sera grand et qui lui vaut des attaques aussi bien de la SFIO que du PCF. Exclu de la SFIO, il fondera le Parti socialiste ouvrier et paysan-PSOP. En 1940, le PSOP est dissous et Pivert s’exile au Mexique. Voir à son sujet l’ouvrage de Jacques Kergoat, Marceau Pivert, «socialiste de gauche», Ed. de l’Atelier, 1994, 352 pages. En complément peut être consulté du même auteur: La France du Front populaire, Ed. la Découverte, 1986, réédité en format poche en 2006.
[3] Henk Sneevliet, 1883-1942, cheminot. Il adhère en 1900 au Sociaal Democaratische Arbeiders Partij (SDAP) et aux syndicats des cheminots. Il devient le premier conseiller municipal de Zwolle (province de Overijssel) en 1907 et sera élu à la direction du syndicat des cheminots en 1911; déçu par le manque d’internationalisme du syndicat, il quitta les Pays-Bas pour rejoindre les Indes néerlandaises – Indonésie actuelle – et y a conduit un combat anticolonialiste. Après la révolution de 1917, sa position rencontre une audience aussi bien parmi des travailleurs indonésiens qu’au sein des cheminots et marins hollandais, ce qui lui valut d’être expulsé des Indes néerlandaises. Il rejoint l’IC et participe à la création du PC chinois (pseudonyme: Maring). Il prendra ses distances avec le Komintern et va rallier, finalement, le courant du POUM et de l’ILP: Parti travailliste indépendant en Grande-Bretagne. Il organisa dans les années 1930 les chômeurs en Hollande, stimula plusieurs grèves; les autorités politiques décidèrent alors de l’emprisonner. Son élection au Parlement (Chambre basse), en 1933, lui permettra de sortir et de continuer son combat au plan politique et syndical, tout en luttant contre la montée fasciste. Suite à l’occupation allemande de la Hollande, depuis la clandestinité, il organisa la résistance. Il fut arrêté en avril 1942 et exécuté le même mois, avec d’autres membres du Marx-Lenin-Luxemburg-Front (MLL-Front). Serge écrivit, le 17 mai 1942: «Pendant l’invasion de la Belgique, il [Sneevliet] se trouva bloqué à Anvers, m’écrivit de lui procurer un visa français – mais il n’y avait plus personne à qui parler. Je l’imagine allant à l’exécution avec son calme coutumier, le même visage renfrogné de bouledogue sage et réfléchi…» Sneeviliet affronta son exécution en chantant l’Internationale. Voir à son sujet le livre de Fritjof Tichelman, Henk Sneevliet, Ed. La Brèche, Paris, 1988.
[4] David Riazanov, 1870-1938, avait pour nom David Goldenbach. Fort jeune, il prend contact avec les cercles marxistes russes. Après avoir déjà passé 5 ans en prison pour ses activités avec les Narodniki. A 21 ans, en 1891, il est à nouveau arrêté par la police tsariste et passe quatre ans en camp de travail. Après un retour en Russie à l’occasion de la Révolution de 1905, il sera présent dans le combat fort minoritaire contre la Première Guerre mondiale et participera à la conférence internationaliste de Zimmerwald, dans le canton de Berne, du 5 au 8 septembre 1915. Il prend part à la révolution d’octobre 1917 et sera, dès 1920, directeur de l’Institut Marx-Engels, qui lance la MEGA (Marx-Engels-Gesamt-Ausgabe). Dès 1921, il est mis à l’écart. Il défendait l’autonomie des syndicats face au parti. En 1930, il est déporté dans un camp de travail et fusillé sur ordre de Staline en 1938. Un de ses ouvrages, Marx-Engels. Conférences faites au cours de marxisme de l’Académie Socialiste en 1922, a été réédité en 2006 aux Editions Les Bons Caractères. En 1931, Boris Souvarine publiait dans la revue La Critique sociale, numéro 2, en juillet 1931, l’article suivant à propos de l’arrestation de Riazanov: http://www.marxists.org/francais/general/souvarine/works/1931/07/souvarine_19310700.htm. Riazanov était un proche d’Isaak I. Roubine dont l’ouvrage Essais sur la théorie de la valeur de Marx a été réédité par les Editions Syllepse en 2009.
Merci à Charles-André Udry de cette précieuse recension.