Par rédaction A l’Encontre
et l’Echo d’Iran
Les médias dominants donnent la priorité aux «bonnes relations» entre la Maison-Blanche et le gouvernement de la République islamique d’Iran. Cela aboutissant à la concrétisation de «l’accord portant sur le nucléaire», la levée partielle des sanctions et, surtout, la récupération des dizaines et des dizaines de milliards de dollars, gelés, appartenant à la République islamique d’Iran (pour utiliser une qualification générale) et, enfin, la libération aisée des dix marins américains. La Maison-Blanche insiste: à chaque séance de négociation, le sort des Américains a été évoqué. Et très vite, des réunions sur les otages ont été organisées en Suisse, dans le plus grand secret!
Barack Obama a réaffirmé qu’«une diplomatie forte est le symbole de ce que la négociation peut accomplir». Et le chef de la Maison-Blanche s’est adressé ainsi aux peuples iranien et américain. «Je veux encore une fois m’adresser directement au peuple iranien. Après cet accord sur le nucléaire, vous, et surtout les jeunes Iraniens, avez l’opportunité de commencer à tisser de nouveaux liens avec le monde. A mes concitoyens, avec les progrès que nous avons réalisés, des Américains qui rentrent à la maison et l’Iran qui a renoncé à son programme nucléaire, nous avons la preuve de ce que nous pouvons réussir en alliant la force à la sagesse.» Il a ajouté: «C’est une excellente journée. Car une nouvelle fois nous montrons ce qu’il est possible d’accomplir avec une diplomatie américaine forte. L’accord sur le nucléaire est en place, des familles américaines sont réunies… Le troisième élément de ce dossier concerne le différend financier qui ainsi est résolu, ce différend remonte à trois décennies. L’Iran va récupérer ses fonds avec intérêts. Bien entendu, alors que nous sommes satisfaits de l’accord sur le nucléaire et que nous célébrons le retour de nos concitoyens à la maison, nous savons que demeurent de profonds désaccords entre les Etats-Unis et l’Iran. Nous nous opposons toujours vigoureusement aux déstabilisations dont l’Iran est responsable, ses menaces contre Israël, et nos partenaires du Golfe, son soutien à des groupes violents en Syrie et au Yémen. Et concernant son programme de missiles balistiques, nous continuerons à imposer des sanctions. Le récent test est par exemple une violation des obligations internationales de l’Iran. En conséquence, les Etats-Unis imposent de nouvelles sanctions sur des individus et des compagnies qui participent à ce programme. Nous resterons vigilants.»
Que la population iranienne la moins favorisée ne doive plus souffrir des sanctions, très bien. Que l’impérialisme américain essaie de réorganiser sa présence en fort déclin dans la région et doit tenter de replacer ses pions sur «l’échiquier» d’une vaste région, avec de nombreuses tensions avec des alliés historiques (Arabie saoudite, par exemple) et avec des incertitudes nombreuses sur ses tentatives, cela relève de l’histoire au présent d’un impérialisme affaissé dans cette vaste région non seulement pétrolière, mais aussi au plan géopolitique historiquement marquante. Et cela au moment où une nouvelle crise économique et financière frappe à la porte et où le basculement du capitalisme états-unien en direction du Pacifique se marie avec des guerres au «Moyen-Orient», entre autres, et des tensions accrues avec le régime chinois, lui aussi troublé sous divers aspects.
Dans ce contexte on nous sert la tarte à la crème des «modérés» et des «Gardiens de la révolution» qui s’affrontent en Iran. Qu’«affrontements» médiés par diverses institutions (l’une à caractère bonapartiste sui generis: celle du juge suprême, Ali Khamenei), il y ait, c’est certain. Et, à coup sûr plus complexes qu’entre les deux «camps» présentés.
Par contre un élément fait défaut dans les rapports des médias: la répression systématique contre toutes les manifestations de type syndical en Iran. Une réalité invisible – ou qui doit rester invisible – pour les médias dominants. Sans grande surprise. En effet, en «Occident» les droits des salarié·e·s, au nom de la «modernisation», sont mis en question de manière de plus en plus aggravée et les salariés soumis à des châtiments par la «justice» et les forces de police: en France, en Suisse, aux Etats-Unis, en Italie, en Allemagne, en Espagne, au Portugal, etc.
Echo d’Iran, Bulletin d’information sur le mouvement ouvrier en Iran, janvier 2016, publié par nos camarades iraniens, donne une autre image bien plus réelle que les considérations collatérales aux discours diplomatiques de la vie quotidienne des masses laborieuses en Iran. Nous reproduisons, donc ici, des articles du dernier Echo d’Iran. (Rédaction a l’Encontre)
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Protestations ouvrières et répression d’Etat en Iran en 2015
A l’occasion de la nouvelle année 2016, les rédacteurs d’Iran Echo tiennent à exprimer, à leurs lecteurs et lectrices ainsi qu’à tous les ami·e·s du mouvement syndical à travers le monde, leurs plus chaleureuses salutations en leur souhaitant une bonne et heureuse année.
• L’année 2015 s’avère très noir pour le mouvement ouvrier d’Iran. Shahrokh Zamani, un des fondateurs du Syndicat des peintres, qui purgeait une peine de prison de 11 ans depuis juin 2011 a été retrouvé mort dans sa cellule. La mort tragique et douteuse de Zamani ne laisse aucun doute sur le manier que régime iranien traite ses prisonniers politiques!
• Ali Nedjati syndicaliste actif de la ville de Haft Tappeh, a été arrêté et incarcéré. Ce militant âgé et malade du cœur devrait être sous surveillance médicale permanente. M. Niknejad, M. Bohlouli, M. Behechti-Lagroudi, A. Hachemi, Ali Akbar Baghani, tous enseignants et E. Abdi, secrétaire de l’Association des enseignants iraniens ont été arrêtés et emprisonnés. Rassoul Bodaghi un autre enseignant qui devait être libéré après 6 ans d’incarcération, de nouveau jugé et a été condamné à 3 années supplémentaires de prison. Mahmoud Salehi, militant ouvrier a été condamné une nouvelle fois à 9 ans de prison.
Cet emprisonnement met la vie de Mahmoud en danger car il est malade et tenu à un suivi médical permanent suite aux mauvais traitements lors de précédentes incarcérations. La liste est longue des militants victimes de la répression antisyndicale de l’Etat iranien.
• En 2015 l’Iran est secoué par des mouvements de grèves sans précédent. Depuis l’accord nucléaire entre le régime islamique et le Groupe 5+1, la société iranienne était dans l’attente «des jours meilleurs» promis par le gouvernement «modéré» d’Hassan Rouhani.
Mais rien ou presque n’a changé dans le quotidien de la très large majorité populaire iranienne. L’inflation se situe aux alentours de 20% (selon les chiffres officiels) et la carence de produits de première nécessité tels que les médicaments, continuent. Et pour cause: la première tranche des avoirs débloquée suite à la ratification des fameux accords a été consacrée au dédouanement des voitures de luxe! Le scandale a fait un tel bruit que des députés ont abordé le sujet au sein de l’Assemblée islamique. Les politiques néolibérales des précédents gouvernements, y compris et surtout celles du populiste Ahmadinéjad, ont continué.
En ce qui concerne le salariat, les fermetures d’usines et autres unités de production continuent sans faiblir. Le mois dernier dans la métallurgie, 1 500 travailleurs de 200 sites de production ont perdu leur emploi suite à des fermetures définitives.
Les licenciements continuent et pour ceux qui travaillent, le non-paiement des salaires, et ce même dans le secteur public, est devenu la règle.
La baisse continue du prix de pétrole touche les recettes du gouvernement, et la part belle faite aux budgets des forces militaires et de sécurité affaiblit considérablement les autres chapitres du budget, d’où un manque de moyens pour les services de santé, de l’éducation etc.
Plus grave encore, le gouvernement cherche à établir un «Smic Jeune» équivalent à 75% du Smic général pour les moins. A noter que 29 ans embauchés dans le secteur public le Smic n’est déjà appliqué qu’à hauteur de 60 % des salariés.
Le patronat a déjà obtenu que les sociétés de moins de 5 salariés ne soient pas concernées par le Code du Travail pour ce qui a trait au salaire et à la couverture sociale.
Face à cette situation a eu lieu une explosion des mouvements de protestations allant des enseignants et infirmières, aux travailleurs de la pétrochimie et du bâtiment. D’après les statistiques fournies par les agences de presse officielles (et NON ceux de l’opposition ou des médias indépendants), il y a bien en Iran un mouvement de protestation, se reflétant sous des formes très variées comme des sit-in, occupations, blocage des routes, manifestations au sein d’usines ou dans les villes, grèves etc., et ce toutes les 5 heures. Parfois ces mouvements sont organisés sur plusieurs lieux du travail.
Les enseignants sont à la pointe des manifestations simultanées organisées dans des dizaines de villes. La réponse du régime islamique est une répression de plus en plus violente. D’après Amnesty International, la situation de droits civiques et de l’homme n’a été jamais été aussi grave dans le pays depuis 20 ans.
Et il y a une «nouveauté»:
• Jusqu’en 2013, les forces de sécurité focalisaient la répression sur les militants revendiquant le droit d’établir des organisations indépendantes de travailleurs. Cela est en effet interdit par la Constitution de la République Islamique, qui n’autorise que les «Conseils du travail islamique».
• Depuis la fin des années Ahmadinéjad, on licencie pour «sabotage économique» et on arrête dorénavant les grévistes actifs, et surtout les travailleurs désignés par leurs pairs comme porte-parole du mouvement. Cette pratique était rare auparavant, mais depuis que Rouhani est au pouvoir, elle est utilisée systématiquement. Les prisons iraniennes se remplissent de militants du mouvement ouvrier. Même quand leurs peines d’emprisonnement arrivent à leur terme, certains, comme par exemple Rassoul Bodaghi, sont rejugés en prison et écopent de nouvelles peines à la volée. Prisons où ils sont systématiquement maltraités, en subissant notamment des tortures morales et physiques. Tous portent les séquelles des «interrogatoires» et des conditions d’emprisonnement, comme par exemple Mahmoud Saléhi ou Réza Shahabi.
• Certains sont même morts en prison, comme Shahrokh Zamani il y a 2 mois (voir l’article «Les Morts Silencieuses» dans les prisons de la République Islamique d’Iran.
En outre, les militants arrêtés sont libérés moyennant de lourdes cautions, équivalant à des années de leurs salaires. Cautions qui mettent en difficulté toute leur famille et amis se portant garants du «comportement» de ces militants en dehors de la prison.
• Dans ces combats inégaux, le manque d’une organisation syndicale unifiant tous ces mouvements de protestations se fait sentir de plus en plus en Iran.
De ce point de vue, la libération conditionnelle de l’enseignant de Mahmoud Beheshti Langaroudi, membre du syndicat des enseignants d’Iran, en grève de la faim pendant 19 jours, constitue une victoire pour les militants syndicalistes iraniens.
Ont incontestablement joué un rôle important dans cette reculade du régime islamique:
• les protestations des organisations de travailleurs dans plusieurs pays d’Europe (par exemple Solidaires en France), au Canada, en Australie, etc.
• la mobilisation de l’opposition iranienne de gauche et des associations de défense des travailleurs iraniens formées par la diaspora iranienne. Cela montre une fois de plus l’importance de la solidarité internationale dans des luttes des travailleurs partout dans le monde. (Janvier 2016)
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Nouvelle ruse du régime contre les salariés
«Inciter les patrons» en créant deux salaires minimums. Les jeunes ouvriers devront payer les patrons pour être embauchés!
Selon l’alinéa 33 de l’article concernant «le 6e plan du développement», le salaire des travailleurs ayant moins de 29 ans, sera 25% inférieur au salaire minimum « officiel », et cela pour «inciter les entrepreneurs à les employer». Cette diminution de salaire des jeunes de moins de 29 ans est une attaque directe contre les revenus des salariés.
Il faut noter que:
1° En général, les employeurs préfèrent embaucher des jeunes, et pas seulement pour leur puissance physique, mais surtout parce qu’ils coûtent moins cher, en ce qui concerne les charges patronales.
2° La plupart des contrats sont précaires et en CDD. Et les entrepreneurs, en profitant des largesses de ce nouveau code du travail, remplaceront les travailleurs touchant le salaire minimum par des travailleurs ayant moins de 29 ans ayant les mêmes qualifications.
3° Par cette mesure, le gouvernement officialise l’existence de deux salaires minimums et rend possible une « concurrence » déloyale. Cette mesure touchera toutes les catégories de salariés : les jeunes, les salariés touchants les salaires minimums, ainsi que les demandeurs d’emploi sont tous menacés.
4° La diminution de salaire par catégorie est une sorte d’officialisation de salaire bas, 25% en dessous du salaire minimal actuellement en vigueur.
5° Cet alinéa de la loi est une ruse supplémentaire pour rendre inutile le code du travail actuel, remettre en question le salaire minimum, ainsi que contourner les décisions du «Conseil suprême du travail» concernant le salaire minimum. Les entrepreneurs capitalistes et leur gouvernement essaient de faire croire aux jeunes que la baisse de salaire est une «chance» pour eux en vue de trouver un travail. Mais il est clair que cette décision mettra les jeunes salariés dans une situation encore plus précaire.
6° Cette décision du gouvernement islamique a pour but de concurrencer les pays à bas salaires comme la Chine et le Bangladesh, et pour « inciter » les investisseurs étrangers. La répression du mouvement ouvrier et le bradage de la main-d’œuvre bon marché sont deux faces de la même politique du régime qui cherche à libéraliser encore plus l’économie en faillite et en crise de l’Iran.
L’application de cette nouvelle mesure signifie que désormais, les chômeurs de moins de 29 ans, devront verser 25% de leurs salaires comme pot-de-vin aux patrons pour être embauchés.
Il faut barrer la route à l’application de cette mesure qui divise les demandeurs d’emploi en fonction de leur âge. Il faut empêcher l’application de cette mesure et mettre fin à cette division honteuse. Pour cela, les travailleurs de tout âge, de toutes catégories, et quel que soit leur sexe, doivent mener une lutte unifiée et solidaire. (janvier 2016)
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Iran: plus de 1082 pendaisons pour l’année 2015
En Iran, l’année 2016 commence comme s’est terminée l’année 2015. Pour la seule année 2015, on rapporte plus de 1082 exécutions par pendaison en Iran dont des dizaines de femmes et d’enfants. Le chiffre paraît hallucinant. Les mollahs en Iran ont accéléré le nombre de pendaisons. Avec la visite à Téhéran d’une délégation parlementaire française qui n’a pas cillé sur les violations des droits humains dans ce pays, pourtant condamnées pour la 62e fois par l’ONU, ils ont repris les exécutions collectives. Pas une ligne dans les médias occidentaux. Les mollahs lisent ce silence comme un feu vert.
Selon le régime iranien la plupart auraient été condamnés pour des trafics de drogues. Mais des organisations soulignent que plusieurs exécutions au moins ont concerné des militants de défense des droits de de la personne humaine. Ces chiffres sont mis en lumière par les organisations de la société civile.
L’Iran est l’un des pays où se déroulent le plus grand nombre d’exécutions dans le monde, et le régime vient de battre un nouveau record dans sa violence effrénée en exécutant au moins 81 personnes en 10 jours, et souvent pendaisons publiques.
L’Iran se classe deuxième derrière la Chine pour le nombre d’exécutions menées chaque année. Les autorités iraniennes ne fournissent aucune statistique concernant le nombre d’exécutions annuelles, ni aucune information sur les personnes condamnées à mort. Il semble qu’elles dissimulent délibérément les informations sur l’ampleur des exécutions.
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