Des forces kurdes ont détruit des milliers de maisons dans le nord de l’Irak pour tenter apparemment de déraciner les communautés arabes, a annoncé Amnesty International mardi [voir le rapport rendu public le 20 janvier].
L’organisation des droits de l’homme a déclaré que les destructions sont survenues après que les forces kurdes ont gagné du terrain sur le groupe État islamique (EI), lequel s’était emparé de larges pans de territoire au nord et à l’ouest de Bagdad en 2014.
La destruction et le vol de propriété est un phénomène récurrent dans la guerre contre l’EI, suscitant la colère des habitants dont peuvent avoir besoin les forces de sécurité pour tenir les zones reconquises.
«Les forces peshmergas du gouvernement régional du Kurdistan (KRG) et les milices kurdes dans le nord de l’Irak ont détruit au bulldozer, fait exploser et brûlé des milliers de maisons pour se venger du soutien présumé des communautés» à l’EI, a indiqué Amnesty dans un communiqué.
«Les forces armées du Gouvernement régional du Kurdistan semblent être le fer de lance d’une campagne concertée visant à déplacer les populations arabes», a déclaré dans ce communiqué Donatella Rovera, principale conseillère d’Amnesty pour les situations de crise.
«Le déplacement forcé de civils et la destruction délibérée de logements et de biens sans aucune justification militaire peuvent constituer des crimes de guerre», a-t-elle continué.
Des civils arabes qui ont fui les combats sont également empêchés de rentrer chez eux.
Amnesty a documenté des «déplacements forcés et des destructions d’habitations de grande ampleur» par les forces kurdes dans trois provinces: Ninive, Kirkouk et Diyala.
Ce groupe de défense des droits de l’homme basé à Londres a publié un rapport similaire sur les forces kurdes en Syrie voisine en octobre, accusant de crimes de guerre l’«administration autonome» dirigée par les Kurdes syriens.
Ce document rapportait que ces forces avaient délibérément démoli des maisons appartenant à des civils et des personnes déplacées de force «sans aucun motif militaire valable».
Le rapport poursuit: «Les forces du Gouvernement régional du Kurdistan ont le devoir de traduire en justice dans le cadre de procès équitables les individus soupçonnés d’avoir été complices des crimes de l’EI. Mais elles ne doivent pas punir des populations entières pour des crimes perpétrés par certains de leurs membres, ou sur la base de soupçons vagues, discriminatoires et sans fondement selon lesquels elles soutiendraient l’EI.»
Le rapport d’Amnesty a souligné qu’il était «essentiel que la communauté internationale – notamment les membres de la coalition dirigée par les États-Unis qui combat l’EI, tels que le Royaume-Uni et l’Allemagne, et d’autres acteurs qui soutiennent les peshmergas – condamne publiquement toutes les atteintes de ce type au droit international humanitaire. Ils doivent en outre veiller à ce que l’assistance qu’ils fournissent au Gouvernement régional du Kurdistan n’alimente pas ces violations.»
Bien que les unités de protection du peuple (YPG) kurdes aient rejeté les allégations à l’époque, elles ont annoncé mardi qu’elles poursuivraient quatre de leurs combattants accusés d’avoir endommagé des propriétés dans une ville reprise à l’EI il y a plusieurs mois.
Les trois provinces mentionnées dans le dernier rapport d’Amnesty sur l’Irak sont situées hors des frontières de la région autonome du Kurdistan.
Cependant, les forces kurdes ont gagné ou renforcé leur contrôle sur certaines zones de ces provinces après que les troupes fédérales ont fui l’offensive efficace et dévastatrice de Daech en juin 2014.
Les dirigeants kurdes irakiens veulent intégrer le territoire de ces provinces dans leur région autonome, et les dépeupler des Arabes soutient leurs efforts pour renforcer le contrôle kurde.
Bagdad s’oppose fermement à l’incorporation de ces zones au Kurdistan irakien, qu’elle veut maintenir sous contrôle fédéral, mais suite aux combats contre l’EI pour ces zones, les Kurdes sont encore plus déterminés à les garder. (Publié dans Middle East Eye, 20 janvier 2016)
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