Portugal. La question gouvernementale et la place d’une initiative unitaire de la gauche à l’occasion du centenaire du 25 avril

Les résultats des élections législatives du dimanche 10 mars (voir article et tableau publiés sur ce site le 11 mars) débouchent sur une difficile situation pour une constitution «assurée» d’un gouvernement, du simple fait que le parti-coalition de droite Alternative démocratique (AD), à la tête duquel se trouve Luís Montenegro, ne dispose que d’une majorité relative de 79 députés sur 230. La majorité absolue est de 116 députés. Il est très probable – 4 députés issus des votes des émigré·e·s ne sont pas encore connus – que le président de la République, Marcelo Rebelo de Sousa, demandera à Luís Montenegro de former un gouvernement. Pour autant que ce dernier devance, en dernière instance, le PS grâce aux votes des circonscriptions d’émigrés qui seront dépouillés le 20 mars.

Le maire de Lisbonne, Carlos Moedas, membre du PSD (AD), n’a pas manqué de désigner comme responsables pour qu’aboutisse la formation d’un gouvernement AD: «le PS, Chega et d’autres partis». Autrement dit, la «responsabilité» technique de la formation ou non du gouvernement repose, selon lui, sur les options des élu·e·s de ces partis dans l’Assemblée de la République. Ce qui renvoie en priorité à la «responsabilité» du PS qui compte actuellement 77 député·e·s, pour autant que «le cordon sanitaire» soit maintenu par Luís Montenegro et l’AD face à l’extrême droite de Chega.

L’AD peut compter sur l’Initiative libérale (8 sièges). A l’opposé, la gauche – au sens le plus générique, PS, Bloco, PCP, Livre (écologique) – compte 90 députés, et 91 si est additionné le PAN-Personnes-Animaux-Nature. Donc une coalition négative peut se former pour bloquer des propositions de la droite qui, pour dépasser cet obstacle, devrait faire appel à Chega (48 sièges). Or Luís Montenegro a répété le «non et non» pour un «accord» avec Chega.

Pour réduire la dynamique de coalition négative de la gauche, il faudrait que la droite gagne les 4 députés de l’émigration, ce qui aboutirait à une égalité: 91-91.

D’autres «inconnues», avant la tenue de la première réunion de l’Assemblée de la République, au début du mois d’avril, peuvent être mentionnées. Les élections du président et des vice-présidents de l’Assemblée. Les quatre principaux partis parlementaires peuvent proposer un candidat. Reste ouverte la mise en échec d’une des propositions, le vote étant secret. De plus et surtout, comment sera reçu le programme de gouvernement proposé par le premier ministre désigné? Chega, qui insiste sur son électorat de 1 million, va montrer ses muscles pour être partie prenante au moins des principaux éléments d’un programme gouvernemental. Si Chega présente une motion de censure, il ne sera pas suivi par le PS, du moins sur la base des déclarations actuelles.

La question la plus importante, le test, va porter sur le budget 2025, d’autant plus que le PSD (AD) a indiqué qu’il était favorable à «un budget rectificatif», lors de la campagne électorale. Mais son avance limitée sur le PS semble devoir le pousser à aborder ce thème central en obtenant une abstention sur la base de quelques mesures budgétaires acceptables par ce dernier. Si ce budget présenté par le futur gouvernement passait, la survie d’un tel gouvernement serait plus probable, d’une part parce que le président de la République ne peut plus dissoudre l’Assemblée car ce pouvoir n’est plus applicable au cours des six derniers mois du mandat présidentiel et, d’autre part, parce que pourrait s’affirmer dans le PS une orientation – déjà mentionnée par certains caciques – visant à accepter une stabilité gouvernementale, bien que le PS se situe dans l’opposition.

Dès lors, les initiatives communes de la gauche, au sens large, telles que proposées par le Bloco de Esquerda, sur les questions sociales et symboliquement sur le 50e anniversaire du 25 avril ont toute leur place dans ce contexte relativement mobile, mais marqué sérieusement par l’affirmation de Chega. C’est dans cette perspective que le 12 mars le Bloco a lancé une initiative unitaire pour l’échéance du 25 avril, ce qui pourrait stimuler une possible riposte sociale sur les droits démocratiques et sociaux (entre autres dans la santé, l’enseignement et le logement). Nous la reproduisons ci-dessous. (Rédaction A l’Encontre)

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«Le Bloco souhaite une convergence dans l’opposition et se réunira avec les partis»

Par le Bloco de Esquerda

Le 12 mars au soir, Mariana Mortágua a annoncé que le Bloco a demandé des réunions avec le Parti socialiste, le PCP, Livre (écologistes) et le PAN (Personnes-Animaux-Nature) pour «analyser les résultats des élections et discuter des éléments de convergence à venir dans l’opposition au nouveau gouvernement [qui devra être constitué] et dans la définition d’alternatives pour le pays».

Dans un message vidéo [voir ci-dessous avec traduction automatique] publié ce mardi, Mariana Mortágua a analysé les résultats des élections de dimanche dernier et a indiqué des pistes pour une unité de la gauche pour le futur.

Selon la coordinatrice du Bloco, «les élections de dimanche ont changé le visage politique du pays» et «le résultat obtenu par l’AD et la montée de l’extrême droite font courir au Portugal le risque d’une réaction conservatrice qui menace les droits sociaux».

C’est pourquoi elle affirme que «les partis du camp démocratique, les écologistes et la gauche doivent maintenir ouvertes les portes d’un dialogue et rechercher la plus grande convergence possible pour défendre l’essentiel». Et elle insiste: «Nous ne renonçons à rien. Ni à la mémoire, ni à l’avenir, ni à l’Etat social, ni à l’objectif d’égalité.»

«Et, bien sûr, [l’objectif des réunions unitaires sera] de garantir qu’ensemble, nous organiserons des manifestations historiques dans tout le pays le 25 avril», a conclu la coordinatrice du Bloco de Esquerda [pour rappel, il y a cinquante ans le 25 avril marquait le renversement du régime salazariste]. (Déclaration publiée le 12 mars au soir sur le site du Bloco de Esquerda).

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PS: Selon diverses sources, la proposition du Bloco pour une rencontre unitaire de la gauche a reçu une réponse positive de la part du PCP. Son dirigeant, Paulo Raimundo, l’a déclaré lors d’une conférence de presse, tout en indiquant que le PCP n’allait pas «se dissoudre dans une convergence», ce qui relève de l’évidence. Le PAN a fait de même ce mercredi. Selon la presse, la PS s’est aussi manifesté comme «disponible» au même titre que Livre.

Selon le PS, des rencontres avec chaque parti devraient prendre forme, ce qui pourrait renvoyer au type de négociations qui ont eu lieu en 2019 pour établir les rapports entre le PS, le Bloco, le PCP. La dynamique «unitaire» et sa configuration vont être testées dans les jours qui viennent. (Réd. A l’Encontre)

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