Grèce. La persécution politique à l’encontre de Panayiotis Lafazanis, porte-parole de l’Unité populaire

«Ils ont essayé de nous enterrer, ils ne savaient pas que nous étions
des graines.» Panayiotis Lafazanis

Par Thanasis Petrakos

Lorsque, en décembre 2017, le gouvernement a déposé l’amendement sur la possibilité d’ouverture de poursuites à l’initiative du ministère public et l’imposition de sanctions sévères contre tous ceux qui s’opposent aux mises aux enchères des domiciles des foyers populaires, l’Unité Populaire (LaE) avait déclaré que: «Le gouvernement des Tsipras-Kammenos (Syriza-Grecs indépendants) afin de rendre service aux banquiers fait régresser la Grèce vers des périodes sombres où se pratiquent la persécution politique et l’emprisonnement des opposants.» Malheureusement, quelques mois après, nous avons été confirmés.

Il est clair, cependant, que la convocation «pour rendre des explications» devant la Sécurité de l’Etat (!) adressée à Panayiotis Lafazanis, mis en question pour violation de 16 articles du Code pénal grec, ne vise pas à lui faire peur.

Il vise à faire peur à tous les citoyens et toutes les citoyennes afin de les empêcher de résister aux politiques du mémorandum et notamment aux ventes aux enchères des habitations populaires, aux saisies et au bradage des biens publics [1]. Leur objectif est de terroriser les simples citoyens en espérant leur suggérer la «réflexion» suivante: «si ce gouvernement est capable de poursuivre Lafazanis pour 16 infractions d’articles du Code pénal, si c’était moi sous leur grappin j’aurais eu à faire l’ensemble des articles du Code». Parce que le gouvernement et la Troïka savent bien que, malgré les affabulations sur la prétendue sortie des mémorandums, il y aura un tsunami de mises aux enchères qui s’abattra sur les foyers populaires. Aucune protection de la résidence principale n’est plus en vigueur.

Mais il ne s’agit pas seulement des mises aux enchères et des saisies. Un bradage généralisé des biens publics est sur les rails. C’est pourquoi le «SYRIZA» actuel, ayant subi une totale mutation néolibérale droitière, procède à la persécution politique du secrétaire d’Unité Populaire (LaE). Ils veulent ainsi faire peur aux gens pour qu’ils cessent de résister, mais aussi montrer à leurs patrons qu’ils n’hésitent pas à criminaliser l’action politique de leurs anciens camarades.

Dans tous les cas, la persécution politique contre de Panayiotis Lafazanis constitue une évolution dangereuse qui menace les libertés civiles. Cela pour les raisons suivantes:

Est hautement problématique le fait que, pour la première fois après la dictature des colonels, un chef de parti politique soit appelé à rendre compte devant les services de police de son action politique.

Ce ne sont pas les premières poursuites infligées aux militants qui tentent d’empêcher les mises aux enchères. Les poursuites à l’encontre de trois jeunes activistes et d’autres militants interpellés à Nauplie, Thessalonique et Volos les ont déjà précédées.

Il se confirme ainsi qu’en Grèce les mémorandums ont non seulement installé le plus vaste mécanisme de pillage et d’asservissement d’un peuple, mais ont aussi lancé la mise à l’essai d’un dispositif de terreur et de criminalisation de l’opinion, le plus étendu après celui mis en place par la junte des colonels. Les dirigeants de la Troïka, à travers les gouvernements qui leur sont obéissants, cherchent à faire du protectorat un outil absolu pour la violation des droits et des libertés. Sauf que la criminalisation de la protestation sociale contre les conséquences du mémorandum «éternel» ouvre la voie à un grand déraillement non démocratique des institutions.

C’est pour tout cela que l’intervention du procureur visant Panayiotis Lafazanis ne concerne pas principalement sa personne, ni seulement les militants et représentants d’Unité Populaire (LaE). Cette affaire concerne tous les citoyens démocrates. Non seulement ceux qui ont de la sympathie pour LaE, mais encore toutes celles et tous ceux qui souhaitent se sentir encore des personnes libres.

Cela concerne tous les partis et organisations de la Gauche, mais aussi toutes les forces démocratiques et progressistes, car les persécutions par le «Département de protection de l’Etat et du régime démocratique», autrement dit par les services de sécurité, rappelle de manière effroyable le passé sombre du pays de Grèce, qui a provoqué l’effusion de beaucoup de sang avant d’être surmonté.

Encore une fois, la défense de la démocratie devient affaire du peuple et de la Gauche! Le peuple doit crier haut et fort: «Bas les mains des libertés démocratiques! Indépendance – Liberté – Démocratie! A bas la Troïka et le pouvoir des banques, à bas ceux qui en sont les serviteurs fidèles!»

Quant à vous, M. Tsipras, et à votre gouvernement, j’ai une chose à vous dire: vos banques et vos patrons sont très satisfaits de vous. Mais si vous envisagez franchir sans difficultés «l’obstacle» appelé Unité Populaire, vous êtes loin du compte. Je vous dédie, en guise d’épilogue, les paroles du poète Dinos Christianopoulos: Que n’avez-vous fait pour m’enterrer, vous avez pourtant oublié que j’étais une graine.»

Thanasis Petrakos est membre du Secrétariat Politique d’Unité Populaire (LaE) et ancien représentant parlementaire de SYRIZA (Traduction E. Kosadinos, publié par le site de LaE –Paris)

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[1] Afin de «consolider» la part des «mauvais prêts» hypothécaires des banques grecques, l’expropriation et la mise aux enchères des logements n’a cessé de se développer depuis des mois, y compris avec des stratégies d’enchères numériques pour faire obstacle aux mobilisations qui mettaient au défi les notaires de «légaliser» ce pillage. Dans la même veine, Panagiotis Grigoriou, historien et éthnologue, sur son site, ajoute: «Le gouvernement de l’indescriptible Aléxis Tsípras fait semblant de découvrir qu’avec le reste des biens publics, il a également transféré la jouissance des sites archéologiques et des musées à la Treuhand à la grecque, c’est-à-dire aux mains des rapaces planétaires de l’Agence chargée de la privatisation des biens de la Grèce.»

En effet, le 19 septembre 2018, le ministère des Finances de Grèce annonçait cette privatisation qui, selon la Société des archéologues, concernerait 10’119 sites, musées et bâtiments historiques qui passeraient sous le contrôle du Fonds de privatisation. Pour l’heure, l’opération commencera dans la région de la célèbre ville de Chania (La Canée) sur la côte nord-ouest de la Crête.

La gestion privatisée du patrimoine archéologique grec va de pair avec l’objectif économique du gouvernement grec – d’aujourd’hui ou de demain (celui de Kyriákos Mistotákis de la Nouvelle démocratie) – résumé de la sorte par un journaliste lié aux milieux d’affaires, Yórgos Trángas: «Accroître l’essor du tourisme en Grèce, c’est-à-dire arriver à plus de 60 millions de visiteurs par an, au lieu de presque 30 millions actuellement.»

Dans cette perspective, il fait sens pour le Fonds de privatisation de vendre les 30% détenus dans le capital de l’Aéroport international d’Athènes. Dans le tour de table sont déjà présents le groupe allemand AviAlliance – basé à Düsseldorf – et le groupe Copelouzos, créé en 1973 et qui détient 30% des autobus d’Athènes et 25% de tous les autocars touristiques de Grèce. L’Etat ne possède que 25% du capital. Cela complétera l’acquisition des 14 plus importants aéroports touristiques de la Grèce à la société allemande Fraport. Privatiser ces biens touristiques et archéologiques grecs illustre la «nouvelle présence de la Grèce» sur les marchés financiers. Pas de quoi faire perdre leur latin aux économistes néolibéraux. (Rédaction A l’Encontre)

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