Royaume-Uni. Un ambulancier formé aux interventions d’urgence explique pourquoi il rejoint la grève du 21 décembre

Quand Rishi Sunak mobilise les militaires contre la grève des ambulanciers.

Par Paul Gallagher

«Beaucoup d’ambulanciers feraient mieux de travailler chez McDonald’s, ils s’en sortiraient mieux», nous déclare Scott Everitt, un ambulancier spécialisé du Yorkshire Ambulance Service. Le salaire n’est pas le seul problème, mais c’est un facteur important qui a convaincu les ambulanciers et autres personnels d’urgence de se mettre en grève mercredi 21 décembre. [Le 28 est prévu une grève dans neuf unités organisationnelles du NHS sous la conduite du GMB, syndicat généraliste qui organise entre autres le secteur des ambulanciers.]

Il affirme qu’avec l’inflation galopante et la crise du coût de la vie, certains collègues feraient mieux d’aller travailler dans le secteur de la vente au détail.

«Le salaire moyen d’un ambulancier est d’environ 26 000 £ [29 600 euros] par an. Je suis raisonnablement bien payé, étant donné que je suis un ambulancier spécialisé et donc dans une tranche de salaire légèrement supérieure, mais j’ai des collègues qui ont vraiment, vraiment du mal», dit-il. «Certains de nos assistants en soins d’urgence feraient mieux de travailler à Tesco [supermarchés]. Beaucoup d’ambulanciers feraient mieux de travailler au McDonald’s.»

Scott Everitt sera sur le piquet de grève mercredi 21 décembre, alors que près de 25 000 ambulanciers, préposés aux appels au 999 et travailleurs des services d’urgence d’Angleterre et du Pays de Galles débrayeront dans le cadre du conflit salarial. Il espère que la première grève du personnel ambulancier depuis 30 ans «mettra en lumière la gravité de la situation» au sein du NHS (National Health Service). [Malgré cette situation, Rishi Sunak et le ministre de la Santé, Steve Barclay, non seulement affirment ne faire aucune concession, mais, comme l’indique la BBC du 20 décembre, «les forces armées ont été mobilisées pour assurer certains emplois, en particulier le secteur des ambulances». La dimension politique et sociale de l’affrontement entre les grévistes des divers secteurs, les syndicats et le gouvernement ressort avec force. Une défaite dans les semaines à venir aurait une dimension exceptionnelle. Ce d’autant plus que la césure est marquée entre, d’une part, cette mobilisation plurielle de larges secteurs du mouvement syndical, malgré la législation anti-syndicale, la détermination des grévistes et son expression dans des couches de dirigeants syndicaux et, d’autre part, l’atonie de la politique et de l’engagement du Labour Party de Keir Starmer, qui s’est débarrassé de l’essentiel du courant corbyniste du Labour. – Réd.]

«J’ai répondu à une intervention le lundi matin et le patient a appelé le 999 [numéro des urgences médicales] la nuit précédente. Ces situations sont de plus en plus fréquentes. A l’hôpital où j’ai travaillé pendant le week-end, il y avait 13 heures d’attente pour voir un médecin. Dimanche 18 décembre, deux patients ont fait un arrêt cardiaque dans la file d’attente des ambulances, et l’un d’entre eux a été soigné à l’étage de l’hôpital. Ils n’avaient nulle part où aller. Dans un hôpital, 11 ambulances faisaient la queue. Le NHS est juste défaillant. Il y a eu un manque total de planification des effectifs à long terme.»

Scott Everitt affirme que la situation des ambulanciers s’est détériorée depuis qu’il a commencé comme ambulancier. «Nous voyons tellement plus de patients aujourd’hui que lorsque j’ai commencé en tant qu’ambulancier il y a 14 ans.» Les gens ne peuvent pas trouver de médecin généraliste, alors ils appellent le 111 [centrale d’appels prodiguant des conseils médicaux dans une situation qui n’apparaît pas d’urgence], qui peut envoyer une ambulance, puis nous avons le nombre record d’appels 999 à gérer en plus de cela.

«Nous perdons des gens parce qu’ils en ont assez. Le NHS était un endroit où il faisait bon travailler. Ne vous méprenez pas, tout le monde aime toujours son travail, mais le gouvernement ne semble pas trouver d’argent pour investir dans le service d’ambulance. Nous faisons le même travail que les Ecossais et le gouvernement écossais a accordé au personnel une augmentation de salaire de 5% l’année dernière (alors que nous avons eu 3%), et de 7,9% cette année. Ils sont déjà environ 10% mieux lotis que nous. Il est temps pour notre gouvernement de prendre les choses en main. [En novembre 2022, le taux d’inflation officiel se situait à 10,7%, toutefois les biens alimentaires ont augmenté de 16,5% sur un an; pour ce qui est des pommes de terre, la hausse est de 35%. – Réd.]

Scott Everitt, qui est également un infirmier A&E (Accident&Emergency), a déclaré que les patients les plus gravement malades obtiendront une ambulance plus rapidement pendant la grève «parce que nous ne devrons pas affronter toutes les autres demandes auxquelles le service d’ambulance doit faire face, parce que personne d’autre ne veut le faire». [Le soutien aux grévistes du NHS par la population, à plus de 65% selon les sondages, traduit la reconnaissance du rôle social clé du NHS et des salarié·e·s du secteur de la santé publique, face au mouvement rampant et accéléré de privatisation. – Réd. ]

Il ajoute: «Les appels prioritaires de catégorie 1, comme les arrêts cardiaques, seront toujours pris en charge. Cela dépend du syndicat auquel appartiennent les gens [si une ambulance sera envoyée pour certains patients]. Je suis avec Unison et nous avons convenu de répondre aux patients de catégorie 2, donc toute personne qui a une crise cardiaque, par exemple, en dehors de son domicile. J’aime mon travail et mes patients. Je l’apprécie vraiment. Je pense simplement qu’il est temps pour le gouvernement d’accepter la réalité. Si les gens veulent un service d’urgence, le gouvernement doit commencer à nous traiter comme tel.» (Article publié par The Independent, le 20 décembre 2022 à 16h; traduction rédaction A l’Encontre)

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