Par rédaction de Politis
Ce mardi 7 février marquait le troisième jour de mobilisation contre la réforme des retraites. A Paris, la CGT a dénombré 400 000 manifestants, moins que le 31 janvier. Dans les cortèges, la question de durcir le mouvement se pose. Retours de terrain, glanés par la rédaction de Politis.
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Avant le départ du cortège parisien à 14 heures ce mardi 7 février, en cette 3e journée de grève et de manifestation de l’intersyndicale contre la réforme des retraites, l’intervention du secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, donne le ton: «Si les mobilisations de rue ne suffisent pas, ce qui semble être le cas, les mouvements vont se durcir. On proposera aux salarié·e·s plus de journées de grèves et des grèves reconductibles.»
Une position pas tout à fait partagée par son homologue de la CFDT, Laurent Berger, moins à l’aise avec l’idée d’une grève reconductible: «Nous verrons dans les semaines à venir, rien n’est exclu. Mais notre volonté n’est pas de bloquer ou de durcir, elle est d’exprimer démocratiquement le rejet de la retraite à 64 ans.»
En fin de journée, la CGT a estimé à «près de deux millions» le nombre de manifestants dans les quelque 200 cortèges annoncés. La manifestation parisienne a réuni 400 000 personnes selon la centrale de Montreuil, soit autant que le 19 janvier, mais dans de nombreuses villes de province, les cortèges étaient moins fournis selon les chiffres des organisateurs et des autorités. Au niveau national, ces dernières évoquent officiellement 757 000 personnes ayant battu le pavé.
Dans le cortège parisien, alors que la CGT annonce une mobilisation légèrement inférieure à celle du 31 janvier, la question de l’avenir du mouvement est aussi sur toutes les lèvres.
Emile, doctorant en anthropologie à l’EHESS, manifeste depuis la première grande journée de mobilisation du 19 janvier. Il se réjouit que «des personnes qui ne sont pas habituées à manifester rejoignent le mouvement et se politisent», mais, pessimiste, ajoute: «J’aimerais croire que manifester tranquillement suffira, mais je pense qu’on devra passer par des prises de risques, de la désobéissance civile ou d’autres formes d’actions plus violentes.»
«Ce qui va marcher, c’est une grève reconductible»
Marie et Vincent, respectivement professeurs d’anglais et de sciences économiques et sociales, sont envahis par les mêmes doutes: «Si rien ne bouge au bout de dix marches, on pourrait comprendre que les choses prennent une autre tournure. Mais la question du durcissement, voire de la désobéissance civile, peut diviser. On espère ne pas avoir besoin d’en arriver là.»
Au niveau local, d’autres mobilisations se préparent déjà pour la semaine prochaine. Jeanne, professeure, participe à l’organisation d’une marche aux flambeaux jeudi 16 février. Son collectif essaye de rassembler les professeurs d’Alfortville et de Maison-Alfort. «Il y a du monde encore aujourd’hui, les professeurs se mobilisent!» s’enthousiasme la trentenaire avant de partir rejoindre ses collègues éparpillés à l’avant et à l’arrière du long cortège de la CFDT.
Louise, 28 ans, a confectionné une pancarte un peu particulière. Une longue règle jaune lui sert de base, le carton scotché indique la célèbre punchline du rappeur Médine: «Ils reculent l’âge de la retraite et avancent l’âge de la mort.» Elle aussi participe à un événement la semaine prochaine: un carnaval pour défendre les retraites.
Lundi 13 février à 18h, le cortège passera devant les écoles du quartier populaire de la Goutte d’Or jusqu’à la mairie du 18e, avant la tenue d’une réunion publique avec la présence de Danièle Obono [LFI] et d’Aymeric Caron [LFI]. Pour elle, le durcissement des mobilisations est nécessaire: «On en a marre des grèves “saute-mouton”, ce qui va marcher c’est une grève reconductible et bloquer le pays!»
«Samedi, j’espère qu’il y aura encore plus de monde»
Pour cette troisième journée de mobilisation, Thomas, intermittent du spectacle, n’est gréviste que pour l’après-midi. «J’avais pris ma journée pour les deux premières manifs et ça risque de peser sur mes allocations chômage. Mon niveau d’allocations est calculé au mois, donc trois journées en moins en quelques semaines, ça coince un peu», explique celui qui termine bientôt son contrat dans une salle de concert à Argenteuil.
La quatrième et prochaine manifestation, prévue le samedi 11 février, pourrait ainsi rassembler davantage de monde.
C’est en tout cas ce que souhaite Habib, 57 ans, licencié de chez Nokia il y a trois ans et reconverti comme indépendant dans le coaching: «Depuis que je suis indépendant, je cotise à Pôle emploi et donc j’ai des cotisations assez faibles. J’ai peur du montant total de ma pension de retraite. Evidemment je serai-là samedi, j’espère qu’il y aura encore plus de monde!»
Du côté des enseignants, le rendez-vous est pris pour de plus grandes mobilisations à partir du 6 mars, qui marquera la fin des vacances d’hiver pour toutes les zones. Benoît Teste, secrétaire général de la FSU (Fédération syndicale unitaire), prévoit une «montée en puissance» des manifestations à cette date: «A partir du 6 mars, on aura la possibilité de remettre un coup d’accélérateur. Ce sera le sprint final!» (7 février 2023)
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Retraites: dans les facs, «remettre de la joie» dans la mobilisation
Par Pierre Jequier-Zalc, Lily Chavance et Rose-Amélie Bécel
Une quinzaine d’universités ont été bloquées ce matin 7 février pour protester contre la réforme des retraites. Plusieurs lycées se sont également mobilisés. Chez les jeunes, le mouvement commence à s’organiser.
7 h 40, devant le centre Pierre-Mends-France (Tolbiac) de l’université Paris I, ce mardi 7 février. La grille qui barre l’habituelle entrée est fermée. Seule la petite porte à l’arrière laisse passer les étudiants sous le regard attentif de quatre vigiles de la sécurité. Et pour cause, réunis en assemblée générale, les étudiants de Tolbiac ont voté, lundi, le blocage du site.
Ce mardi matin, pourtant, ils ne sont qu’une petite quarantaine à avoir bravé le froid pour mettre en pratique ce vote. Une mobilisation en apparence en demi-teinte, qui s’explique notamment par les précautions prises par l’administration. «On a décidé de fermer les ascenseurs pour éviter que les bloqueurs commettent des dégradations dans les étages», confie un membre du personnel.
Malgré tout, quelques tables et chaises sont amassées pacifiquement devant les ascenseurs, de façon symbolique. «Paris I mobilisée contre Macron et les patrons», peut-on lire sur une grande banderole.
Outre les précautions d’une administration soucieuse, l’épisode de la crise sanitaire a également mis un coup aux mobilisations étudiantes. «Tous les professeurs qui ne font pas grève ont passé leur cours en distanciel. Du coup, il n’y a que très peu d’étudiant·e·s qui viennent sur place», souligne Nathan Kohn, secrétaire général de l’Unef Paris I.
Au moins 15 universités totalement ou partiellement bloquées
Les faits viennent confirmer ses dires. Hormis les personnes venues pour se mobiliser, rares sont les étudiants venus assister à un cours. C’est toutefois le cas de Charlotte, en licence d’arts, qui pensait avoir TD (travaux dirigés) ce matin. «C’est important la réforme des retraites, mais je ne veux pas être défaillante», souffle-t-elle.
«Le covid est passé par là. Les étudiant·e·s sont inquiets d’imaginer les facs fermées, avec des cours en ligne. Après 2 ans de crise sanitaire, on veut retrouver nos facs, on ne veut plus militer sur Twitter», affirme Imane Ouelhadj. La présidente de l’Unef revendiquait ce matin le blocage total ou partiel d’au moins quinze universités en France. «Rennes II, Toulouse II, mais aussi des plus petites qui n’ont pas forcément l’habitude de se mobiliser, comme Clermont ou Grenoble.»
De nombreux étudiants soulignent aussi une crainte des effets de la répression sur la mobilisation. «Ce n’est pas normal que des étudiants de l’EHESS [Ecole des hautes études en sciences sociales] aillent en garde à vue, que des lycéens se fassent gazer lorsqu’ils bloquent leur lycée. Clairement, la répression inquiète beaucoup», glisse Julie, en première année de licence d’arts plastique. En plein atelier banderole dans les couloirs de Tolbiac, elle a décidé de pointer cette répression dans celle qu’elle brandira à la manifestation.
«On a été gazés, matraqués, insultés»
La répression, justement, est dans toutes les bouches, quelques kilomètres plus loin, au lycée Racine dans le 8e arrondissement de la capitale. «La police n’a pas voulu nous laisser bloquer. On a fait une chaîne humaine mais on a été gazés, matraqués, insultés. Deux élèves ont été embarqués», raconte Max, en terminale.
Les lycéens étaient assez nombreux ce matin pour bloquer leur établissement une troisième fois en une semaine. «Notre objectif est de rappeler que les jeunes soutiennent la mobilisation. Ça nous concerne tous, nous, à notre niveau, mais aussi notre famille et nos amis. Il faut montrer notre détermination», assène John, qui passera le baccalauréat cette année.
«Si aujourd’hui nos aînés bossent plus longtemps, ils vont aussi prendre des boulots qu’on aurait pu avoir en entrant sur le marché du travail», note-t-il.
«Faire une mobilisation heureuse»
Administrations réticentes, précarité étudiante, peur de la répression, passage en distanciel: les obstacles sont donc nombreux pour réussir à créer un mouvement plus massif, dépassant l’habituel cadre militant. «Il faut changer d’approche: faire une mobilisation heureuse qui ramène de la joie. Montrer que se mobiliser est quelque chose d’entraînant et qu’on est là pour participer à construire ce monde, mais qu’on veut le construire différemment», analyse Julie.
Ces termes, «joie», «convivialité», sont d’ailleurs repris dans la bouche de nombreux étudiant·e·s interrogés. «Cette idée est celle qui a fait le plus consensus à l’AG hier», note un militant du Poing Levé, un collectif étudiant anticapitaliste et révolutionnaire.
Car clairement, ce n’est pas une absence de volonté de se mobiliser qu’on remarque chez la jeunesse. Cette présence des jeunes dans la mobilisation est d’ailleurs importante dans les cortèges. Plus de 60 000 le 19 janvier, 150 000 partout sur le territoire le 31, selon l’UNEF.
A Rennes, lycéens et étudiants étaient d’ailleurs en tête du cortège de manifestants ce 7 février à 11 heures. Le blocage de l’université de Rennes 2 a été voté la veille, après une intervention du député insoumis Louis Boyard dans un hall bondé de la faculté. Malou Duhamel, étudiant en licence et militant de l’Union Pirate – premier syndicat étudiant de Rennes 2 –, note même «une surmobilisation des jeunes dans la manifestation de ce matin, grâce aux blocages de nombreux lycées rennais qui ont rejoint l’initiative lancée par Rennes 2».
Au gouvernement, la «peur d’une coagulation des colères»
Ces chiffres d’ampleur ne se traduisent pas encore forcément au sein des facultés. Mais les nombreuses assemblées générales organisées en France laissent espérer aux différentes organisations de jeunesse une massification de la mobilisation.
«Une assemblée interfac a rassemblé plus de 600 personnes hier soir, c’est plus du double de la semaine dernière », souligne-t-on du côté du Poing Levé. Très présent sur le terrain, ce collectif essaie de «construire un plan de bataille qui va au-delà des journées de mobilisation isolées», critiquant, en creux, la stratégie de l’UNEF d’appeler uniquement aux mobilisations organisées par l’intersyndicale.
Ainsi, à l’initiative de l’assemblée générale interfac, un rassemblement étudiant est prévu place de la Sorbonne, à 12h ce mercredi. «L’idée est de se caler sur le calendrier des cheminots qui sont en grève également demain, pour faire le pont entre étudiants et travailleurs», explique Abi, militante au Poing Levé.
Au gouvernement, on redoute beaucoup une entrée massive des étudiant·e·s dans le mouvement. Preuve en est, les annonces concernant une éventuelle généralisation du Service National Universel (SNU) ont été reportées, tout comme la réforme des bourses qui se fait particulièrement attendre. Imane Ouelhadj conclut: «On sent qu’ils ont vraiment peur d’une coagulation des colères.» (Politis, 7 février 2023)
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«Le peuple maintient la pression contre la réforme des retraites»
Par Clotilde Mathieu, Naïm Sakhi, Cécile Rousseau et Marc Blachère
Les mobilisations qui se sont déroulées un peu partout en France sont d’un niveau comparable à celles du 19 janvier. Reportage à Saint-Nazaire, Marseille, Montval-sur-Loir et Paris.
«Et 64 ans, ça me fait trop peur! C’est ma retraite, ma bataille! Faudrait pas qu’elle s’en aille!» En cette troisième journée de grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites, les chansons populaires revisitées en mode lutte sociale flottent dans l’air à l’instar des drapeaux. Place de l’Opéra, à Paris, ils étaient 400 000, selon la CGT, soit autant que le 19 janvier, pour maintenir la pression contre le gouvernement. Alors que les raffineries et le secteur de l’énergie ont refait grimper la tension, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, appelle à des «grèves plus dures, plus nombreuses et plus massives».
Dans le cortège qui se met en marche jusqu’à la place de la Bastille, les fonctionnaires sont nombreux malgré un taux de grévistes un peu inférieur (11% au niveau national dans la fonction publique d’Etat contre 19 % le 31 janvier). Rien d’inquiétant pour Claire Huot, agent au service de logement social de la mairie de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et ex-déléguée CGT: «Certains collègues sont à 1500 euros par mois, ils ne peuvent pas perdre toutes les journées de grève avec l’inflation. Après, en tant que fonctionnaire, on sait qu’on se mobilise aussi pour les autres, c’est une lutte collective.»
A l’hôpital, les réquisitions et l’épuisement rendent plus difficile un raz de marée de blouses blanches. «Je sais déjà que plus de soignants seront dans la rue samedi, annonce Claudine Galle, secrétaire FO du centre hospitalier de Gonesse (Val-d’Oise). L’âge minimal d’entrée en Ehpad est à 60 ans, on devrait donc s’occuper de personnes aussi vieilles que nous?» Du côté des pompiers, les débrayages sont tournants. Venu en bus du 95 avec ses camarades, François, soldat du feu en congé ce mardi, précise: «On se mobilise en fonction de nos disponibilités, d’autres pompiers de la caserne seront là en fin de semaine. Nous avons surcotisé depuis des années pour avoir le droit de partir plus tôt, pas question de lâcher ça. On ne pourra pas tous être reclassés dans des bureaux.»
A Montval-sur-Loir, la France rurale ne s’en laisse pas conter
Au sud de la Sarthe, la commune nouvelle de Montval-sur-Loir, 6000 habitants, se dévitalise lentement mais sûrement (-5 % de sa population en deux décennies). Cependant, des entreprises industrielles y subsistent: Amada (180 salariés), spécialisée dans des presses haut de gamme de formage de tôles ; Haro (290 salariés), qui produit des machines à souder pour l’industrie automobile. Nombreux sont les travailleurs de la métallurgie à s’être mis en grève ce 7 février contre le projet gouvernemental.
Quand, vers 14 heures, le cortège s’ébranle sur la grande place dominée par l’hôtel de ville, il a été rejoint par un bon tiers des employés communaux, une délégation des ouvrières de l’Atelier du maroquinier, situé à une quinzaine de kilomètres, et une autre, modeste, des 340 salariés de l’hôpital «assignés» et déclarés grévistes à 40%… Tant et si bien que l’on compte plus de 450 manifestants. Ils étaient à peine 250 le 19 janvier. «Il y a bien longtemps que l’on n’avait vu ici pareil cortège», observent nombre de marcheurs. Cyril, employé communal, «ne parvient pas à comprendre cette obstination alors que bien des personnes sont au chômage à 60 ans et que les jeunes ont du mal à trouver du travail». Elise travaille dans un bureau d’études qui compte une vingtaine de personnes. La cinquantaine, mère de famille, elle est très remontée quand on évoque les propos de la première ministre Elisabeth Borne sur de prétendues «avancées sociales pour les femmes»: «Nos salaires sont inférieurs à ceux des hommes et, en charge des enfants, nous n’avons pas, pour la plupart, de carrière complète!» Dans le cortège, on reconnaît quelques-uns des gilets jaunes, qui, à l’hiver 2018-2019, tenaient près d’ici le rond-point de Montabon. «Que ça fait chaud de se trouver ensemble», nous lance l’un d’eux.
A Saint-Nazaire, les carrières longues en ont plein le dos
Au milieu du cortège serré, pour la troisième fois en trois semaines, entre les immenses blocs de béton de la base sous-marine et le centre commercial, une dizaine d’ouvriers travaillant pour le fabricant d’engrais Yara attendent de rejoindre le défilé. À 36 ans, Matthieu est déjà épuisé par l’enchaînement des 3×8. Le rythme: deux jours le matin (5 heures-13 heures), puis deux jours l’après-midi (13 heures-21 heures) et ainsi de suite, sans compter les trois week-ends travaillés sur cinq, les produits toxiques, le bruit des machines. Il est rincé. Les nuits surtout pèsent. Or, celles-ci, pas assez nombreuses, n’entrent pas dans les critères de pénibilité. Seul «le travail en équipe successive et alternante» donne droit à des points, en vue d’un départ avant l’âge légal.
A 56 ans, son collègue Nicolas prend «l’essentiel de ses congés ces jours-là de travail de nuit» pour ménager son corps. Alors, la «rustine» proposée par Élisabeth Borne d’un recul de l’âge de départ d’un an pour les métiers les plus usants, au lieu de deux, «ne change absolument rien sur le fond». C’est dire la «déconnexion de ceux qui nous gouvernent», lance Matthieu. La crainte est aussi d’être licencié pour inaptitude. L’an dernier, trois ont dû quitter l’usine.
Sur leurs chasubles rouges, floquées Airbus Montoir, les ouvrières de la multinationale acquiescent. «Agé de 44 ans, un collègue va se faire virer parce qu’il a mal à l’épaule», dénoncent-elles. Dans l’usine du bassin nazairien, ils étaient treize, l’an dernier, à «être mis à la porte pour inaptitude»?, poursuit Karine [1]. A chaque arrêt de travail en raison de problème de santé, cette quadragénaire déclare subir «des pressions», voire des «menaces»?de la part des ressources humaines. Sa motivation à faire grève va bien au-delà de la réforme des retraites. «C’est horrible aussi de faire ses courses aujourd’hui.» Elle pense à ses enfants, notamment son fils de 17 ans, apprenti. Quant à Laura, c’est pour sa fille qu’elle angoisse. Avec un salaire à 1300 euros, «elle va prendre un deuxième boulot pour s’en sortir». Samedi, c’est en famille qu’elles iront manifester, espérant une foule encore plus dense.
Gare de Lyon, les cheminots attendent les grèves reconductibles
Ils sont plus de 150 cheminots à s’être donné rendez-vous, pour une assemblée générale à la gare de Lyon, dès 11 heures, en amont de la manifestation parisienne. Pour eux, ce mouvement social ne ressemble pas à celui de 2019-2020: point de grève par procuration qui ne reposerait que sur des secteurs clefs, dont la SNCF. «Dans l’ensemble des secteurs, la mobilisation est bien partie. Je suis confiant pour la suite», se félicite Pascal. Drapeau CGT à la main, ce conducteur de RER D suit de près le nombre de manifestants: ?«Le gouvernement va jauger la participation dans les cortèges ainsi que les sondages d’opinion. La moindre baisse sera utilisée pour nous discréditer.»
Près des palettes en feu, Fabien Villedieu (SUD rail) fait le point sur la mobilisation du jour: ?«Selon la direction locale, nous sommes à 50% de grévistes, pour l’ensemble des services, sur l’axe sud-est parisien.» La CGT cheminots et SUD rail avaient déposé un préavis pour deux dates de mobilisation, les 7 et 8 février, en guise de tentative de durcissement du mouvement. L’interfédérale hésite à décréter des journées de grèves reconductibles, dont ne veulent ni la CFDT, ni l’Unsa. «Au milieu de la semaine prochaine, la question se posera: pour gagner, il faudra intensifier le rapport de forces», insistait Laurent Brun, secrétaire général de la CGT cheminots. De son côté, SUD rail propose le 8 mars comme date de départ d’un durcissement. Un moyen «d’éviter le piège du retournement de l’opinion publique avec des perturbations durant les vacances», selon Fabien Villedieu. D’ailleurs, ce samedi 11 février, les syndicats de cheminots n’appellent pas à cesser le travail. «Si le gouvernement n’entend pas la voix de son peuple, il portera l’entière responsabilité d’une lutte longue et du blocage de l’économie», prévient Daniel Teirlynck (Unsa). (L’Humanité, 8 février 2023)
[1] Le prénom a été modifié.
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Ce samedi 11 février dans la rue! Grèves et blocages jusqu’au retrait total!
Déclaration du NPA, 7 février 2023
Hier s’est ouvert à l’Assemblée nationale le débat sur la réforme des retraites dans une ambiance tendue, alors que de nombreux salarié·e·s étaient en grève et dans la rue aujourd’hui.
Après avoir déclaré que l’âge de 64 ans n’était pas négociable, la Première ministre a semblé affaiblie, d’autant plus avec l’affaire Dussopt qui vient d’éclater [ministre du Travail, il est mis en cause suite à une négociation occulte autour d’un marché public concernant la gestion de l’eau à Annonay (Ardèche) avec la direction de la société Saur – réd.]. Totalement illégitime, sans majorité réelle, Borne a dû concéder un élargissement du dispositif des «carrières longues» à celles et ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans. La belle affaire! Les prétendus «bougés» qui ne changent rien au fond de la réforme nous montrent en réalité que le débat parlementaire, si toutefois il est mené jusqu’au bout, ne saurait aboutir à une victoire pour notre camp social, c’est-à-dire au retrait total de ce projet de loi régressif.
C’est bien entendu sur la rue et le blocage du pays qu’il faut compter pour faire reculer le gouvernement, obtenir le retrait de cette contre-réforme et viser les 60 ans et les 37,5 annuités. Aujourd’hui les grévistes et les manifestant·e·s étaient peut-être un peu moins nombreux, mais la colère, elle, est intacte et la mobilisation des salarié·e·s très forte dans de nombreuses villes de France, et au moins égale à la journée du 19 janvier, qui avait été saluée comme une journée historique. 10’000 personnes ont défilé à Quimper, 45’000 à Nantes, 80’000 à Toulouse, 12’000 à Bayonne, 15’000 à Amiens, 27’000 à Grenoble, 8000 à Laval, 25’000 à Rennes, 10’000 à Orléans, 15’000 à Cherbourg, 50’000 à Bordeaux, etc.
Les nouvelles manifestations de ce samedi 11 février doivent être massives, car dans la rue, ensemble, nous reprenons confiance en notre nombre et plus encore en notre force commune, en nos capacités collectives à résister à la résignation et aux politiques antisociales.
Aux bons chiffres des manifestations doit s’ajouter une stratégie pour gagner. Avec les journées de mobilisation répétées, le risque est de voir les grévistes s’essouffler en ces temps de fin de mois difficiles, où chaque journée de grève coûte plus cher. On ne peut pas engager une course de fond sans réel plan de bataille.
Pour gagner, il faut continuer à s’organiser: voir comment mettre la pression maximum en bloquant l’économie; construire la mobilisation, en particulier en préparant dès maintenant la journée du 8 mars et en se dotant d’un calendrier pour construire un mouvement de grève reconductible; aller chercher tous les soutiens; remplir les caisses de grève; tisser les liens interprofessionnels; organiser des manifestations locales… Pour aider à cela, il est aussi nécessaire que la gauche sociale et politique soit unie.
Après trois journées de grève et de manifestations puissantes, gagner la seconde manche du combat est à notre portée. Ce n’est qu’un début…
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«Le gouvernement et les parlementaires ne peuvent pas être sourds à cette mobilisation puissante»
Communiqué de l’intersyndicale, le 7 février 2023
Avec près de 2 millions de manifestants, ce 7 février a confirmé, s’il était encore nécessaire, la très forte détermination à refuser le projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement.
Depuis le 19 janvier, des millions de travailleurs et travailleuses, du public comme du privé, jeunes et retraité.e.s, de plus en plus exaspérés de ne pas être entendus par le Gouvernement, se sont mobilisé.e.s, par la grève et/ou ont manifesté sur l’ensemble du territoire.
La population soutient plus que jamais la totalité des organisations syndicales professionnelles et de jeunesse qui s’oppose au recul de l’âge légal de départ à 64 ans et à l’allongement de la durée de cotisations. Plus de 9 travailleurs sur 10 rejettent la réforme, plus des 2/3 de la population soutiennent les mobilisations.
De nombreux experts se font entendre pour dénoncer l’injustice et la brutalité de cette réforme. Ils pointent des éléments justificatifs insuffisants, peu quantifiés voire erronés.
Une démocratie qui fonctionne se doit d’être à l’écoute de la position largement majoritaire de la population qui s’oppose à cette réforme. Face à un gouvernement toujours sourd, alors que l’examen du projet de loi a débuté hier à l’Assemblée nationale, les parlementaires doivent prendre leurs responsabilités en rejetant ce projet de loi.
L’intersyndicale appelle toute la population à manifester encore plus massivement le samedi 11 février sur l’ensemble du territoire pour dire non à cette réforme. D’ici là, elle invite à interpeller les députés et sénateurs et à multiplier les actions, initiatives, réunions ou assemblées générales partout sur le territoire, dans les entreprises et services, dans les lieux d’étude, y compris par la grève.
L’exécutif portera l’entière responsabilité des suites de ce mouvement social inédit par son ampleur et désormais ancré dans le paysage social. Le gouvernement doit retirer son projet sans attendre la fin du processus parlementaire.
L’intersyndicale annoncera le samedi 11 février les suites de cette mobilisation.
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