Allemagne. L’extrême droite, l’AfD, vise le Bundestag

Par Marine Buisson

Depuis plusieurs semaines, le jeune parti AfD (Alternative pour l’Allemagne) multiplie les provocations et impose ses thèmes de prédilection dans la campagne. Il a un peu perdu de sa superbe depuis un an. Mais il reste assez fort pour faire son entrée au Bundestag.

Il avait raté le coche en 2013. Quatre ans plus tard, le parti d’extrême droite allemand AfD (Alternative pour l’Allemagne) espère bien rectifier le tir et assurer son entrée au Bundestag avec les législatives de ce dimanche. Le parti nationaliste l’a intégré: il n’a aucune chance de voir son candidat, Alexander Gauland, entrer à la chancellerie, promise, selon les sondages, à son actuelle occupante, Angela Merkel. Ce qui ne l’a pas empêché de se maintenir en embuscade, chahutant les meetings de la chancelière en campagne, multipliant les provocations, s’assurant ainsi d’imposer ses thèmes de prédilection dans le débat.

Plus d’un millier de plaintes visant la politique migratoire de Merkel ont été déposées devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Les dépositaires sont tous des membres ou des proches de l’AfD. Des plaintes sans fondement, selon la porte-parole du Parquet fédéral de Karlsruhe, Frauke Köhler, mais qui ont permis au parti d’extrême droite de ramener la politique migratoire au cœur de la campagne de 2017 qui se concentre largement sur les questions d’identité (culture et traditions allemandes).

Une stratégie qui, c’est en tout cas ce qu’espère le parti, pourrait permettre de rallier de nouveaux électeurs à l’approche des législatives, et de compter ainsi sur plus de 5 % des suffrages pour assurer son entrée au parlement. Ce qui constituerait une première victoire pour le très jeune parti né quelques mois avant les élections de 2013, qui doit son succès à… la crise grecque.

«A ce moment-là, ses principales figures et soutiens étaient des économistes libéraux principalement identifiés comme étant eurosceptiques. Ils ont critiqué la politique monétaire européenne et le sauvetage de la Grèce, s’opposant de fait à la politique promue par la chancelière», décode la chercheuse française Bénédicte Laumond, auteure de «Police et surveillance de l’extrême droite en Allemagne» .

Malgré son échec aux législatives de 2013, le parti, qui se définit ouvertement comme euro-sceptique, parvient à naître et à prospérer indépendamment de la droite radicale allemande classique. En continuant à capitaliser sur la crise de l’euro et la crise de la dette grecque, une dimension de crise sociale en Allemagne, l’AfD parvient à entrer dans certains parlements régionaux et au parlement européen, où il tisse une alliance avec, entre autres, son «faux frère« français, le Front national.

Une ascension pour le parti d’extrême droite, qui en profite pour rallier progressivement des membres plus traditionnels de la droite radicale allemande. Ceux qui se distinguent par une conception nativiste de la nation et soutiennent des mesures xénophobes et tendanciellement autoritaires.

Mais c’est l’été 2015 qui va constituer un tournant pour le parti, assure Bénédicte Laumond: «L’AfD va profiter politiquement de la présence de la question migratoire dans le débat public et du recentrage du parti chrétien-démocrate sur l’échiquier (puisque la chancelière accepte d’accueillir des centaines de milliers de réfugiés).» L’AfD occupe alors l’espace à droite du parti chrétien (bavarois) et s’attire le soutien des Allemands opposés à la politique migratoire menée par Angela Merkel.

Historiquement assez rétive aux partis radicaux (et particulièrement à la droite radicale), une frange des électeurs allemands s’est pourtant laissée convaincre par l’AfD. «Le parti a, pendant un certain temps, réussi à réunir une large partie de l’électorat en raison de messages et d’une programmatique moins offensivement xénophobes, qui se démarquent pourtant clairement de la droite classique», estime Bénédicte Laumond.

Mais, depuis 2015, la branche radicale de l’AfD a progressivement pris le dessus. En atteste le départ de Bernd Lucke, cofondateur du parti. «L’AfD est toujours divisée en deux ailes , nuance toutefois notre experte. L’une marquée par un discours xénophobe revendiqué (et médiatisé) et le démarquage des autres partis politiques, et l’autre plus pragmatique allant jusqu’à envisager des alliances avec la droite.»

La médiatisation des conflits internes au parti, les propos racistes de certains membres de l’aile radicale (le candidat Gauland est sous le coup d’une plainte pour «incitation à la haine» après ses propos visant la secrétaire d’Etat à l’Intégration et vice-présidente du Parti social-démocrate) mettent l’AfD à mal. Le parti semble rencontrer quelques difficultés à maintenir son potentiel électorat, en attestent les derniers sondages. Encore crédité en 2016 de plus de 15 % des intentions de vote, le parti est retombé entre 8 et 10 %. Une baisse qui laisse toutefois les portes du parlement (Bundestag) ouvertes. (Article publié dans Le Soir, le 20 septembre 2017)

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