Ecosocialisme-débat. «De la nécessité d’une alternative révolutionnaire»

Par Juanjo Lvarez et Martin Lallana

La crise marque la scène politique, sociale, économique et aussi culturelle de toute une génération. Dans une mer d’incertitude, la seule certitude est qu’il n’y aura pas de retour aux glorieuses années du passé. La précarité et l’insécurité face à l’avenir sont une constante qui semble être là pour rester. La crise écologique fait partie intégrante de ce tableau, confirmant que le monde dans lequel nous vivons n’est plus celui dans lequel nous pensions vivre. Elle confirme que la dégradation écologique est déjà suffisamment profonde pour qu’il soit impossible de continuer à regarder ailleurs, et que le plus improbable est sur le point de devenir quotidien.

L’augmentation indéniable de la température et l’apparition de phénomènes climatiques extrêmes, de plus en plus fréquents, font que la perception du changement climatique est immédiate et commence à se généraliser. C’est ce fait objectif qui facilite, entre autres, l’entrée de l’environnementalisme sur la voie de la mobilisation de masse, avec un rôle particulier pour des secteurs de la jeunesse. Le travail de plusieurs décennies se condense et fait un bond en avant ces dernières années. La politique prend conscience de la pertinence de l’environnementalisme, et l’environnementalisme s’empare de la politique. Une nouvelle phase se déclenche dans laquelle les exigences de l’environnementalisme se rapprochent de la centralité politique, notamment dans le cas de l’urgence climatique. La politique verte apparaît comme un champ de bataille pour tous les partis politiques, tous les groupes sont contraints de prendre position, et le débat écologique acquiert une visibilité à laquelle on ne pouvait guère aspirer auparavant.

Mais aborder la situation avec clarté implique de prendre conscience de l’ampleur de la crise. Il ne s’agit pas d’une conjoncture, ni d’une crise sectorielle limitée à ce qui est qualifié de secteur «vert». La crise écologique est une menace étroitement liée à la croissance économique. Chaque fracture métabolique (déclin énergétique, baisse de la fertilité des sols, épuisement des ressources) fait partie d’une saturation des limites écologiques de la planète à laquelle le capitalisme ne peut tout simplement pas faire face. La dynamique du capital est la reproduction élargie de ce dernier, alors que la nécessité impérative pour faire face à cette crise consiste à contracter la sphère économique. Il n’est pas possible de se bercer d’illusions: une rupture est nécessaire, une transformation profonde et durable de l’ensemble du cadre social, économique et culturel.

Bien entendu, une transformation de cet ordre n’est pas seulement une révolution ponctuelle; en fait, bien comprise, aucune révolution n’est un phénomène ponctuel. Pour le dire de manière provocante: la prise du Palais d’Hiver était de fait d’une moindre importance. Ce qui est central, c’est l’accumulation de forces autour d’une nouvelle société, autour de la possibilité d’un autre monde, ce qui a lieu dans les années et décennies précédentes. De la même manière, la construction de nouveaux imaginaires et alternatives dans chaque conflit représente le pôle central autour duquel s’articule un nouveau consensus social qui dynamise la transformation.

La polarisation qui se produit dans les moments de crise profonde est le terreau propice à l’émergence de ruptures historiques dans lesquelles les sociétés prennent un nouveau cours. L’écosocialisme a la responsabilité de se constituer comme un projet émancipateur capable d’apparaître comme une alternative dans de tels moments. Le projet politique de l’environnementalisme ne peut être qu’un projet révolutionnaire.

Conceptualiser la crise écologique

Il nous semble important de faire une première pause pour clarifier notre compréhension des scénarios de dégradation écologique massive qui nous attendent. Evidemment, il n’est pas en notre pouvoir de choisir le procédé qui nous convient le mieux. Mais nous considérons qu’au sein d’une situation objective marquée par des critères biophysiques, il existe différentes interprétations de cette dégradation et de la place des processus politiques et sociaux dans celle-ci, ce qui nous intéresse.

  1. Nous considérons que la situation que nous appelons génériquement crise écologique peut être conçue comme une succession de crises multiples, successives et liées entre elles. Il s’agit de se démarquer d’une compréhension linéaire qui culmine dans un moment catastrophique où l’on certifie que le pire est arrivé, ce qui correspond à l’image projetée par certaines positions collapsionnistes, mais qui alimente aussi les arguments réformistes.
  2. Chacune de ces crises se manifestera sous des caractéristiques spécifiques, qui s’articulent souvent autour d’enjeux qui paraissent très éloignés des causes écologiques sous-jacentes. Cela signifie que chaque crise devra être traitée selon ses propres paramètres, qui dans la plupart des cas seront fortement liés à la situation sociale, politique et territoriale.
  3. Dans chacune de ces crises, des possibilités de rupture s’ouvrent et les processus de lutte collective qui s’y développent auront une influence sur notre capacité à faire face à la crise suivante. Notre compréhension est celle d’un scénario cumulatif, dans lequel ce sera le travail politique et social de chaque phase qui déterminera la capacité de réorganisation de notre monde. C’est justement l’accumulation de processus dans lesquels de larges majorités populaires entrent en conflit qui permet un apprentissage et une explication des phénomènes globaux qui permettent d’avancer dans la construction d’une alternative.
  4. Nous considérons qu’en aucun cas ce processus de dégradation écologique massive et de raréfaction des ressources n’établit des scénarios dans lesquels les possibilités d’une pratique politique émancipatrice et de justice sociale prennent fin. Quelle que soit sa gravité, quelle que soit la violence qu’elle atteint, la possibilité et l’obligation de mener une lutte collective pour améliorer les conditions de vie des classes dépossédées demeureront.

Cette conceptualisation du défi auquel nous sommes confrontés nous permet d’élaborer une déclaration importante. Bien que la situation globale de crise civilisationnelle à laquelle nous sommes confrontés n’ait aucun parallèle dans l’histoire de l’humanité, la forme concrète que prend chacune de ces crises successives et interconnectées aura des résonances dans certains processus politiques historiques, dont nous pouvons tirer des enseignements. Si la crise écologique est un tableau de Bosch, nous allons y faire face carré par carré. Le temps de la politique révolutionnaire ne s’est pas terminé pour céder la place à autre chose, mais s’est seulement intensifié et accéléré.

Scénarios de réponse populaire aux crises

L’une des conséquences les plus évidentes de la crise écologique est sa capacité à catalyser, alimenter et allumer la mèche d’épisodes de conflits sociaux. Sous les coups de ce marteau, des explosions sociales sont probables ou certaines. Cependant, pour qu’une situation révolutionnaire se produise avec une possibilité de succès, il nous faut quelque chose de plus que ces débordements, il nous faut une construction politique consciente du sujet populaire qui agisse de manière décisive dans les moments de rupture.

La forme probable que prendront certaines des multiples crises déclenchées par la dégradation écologique est celle d’une crise organique, qui met en évidence l’échec du pouvoir existant. Cela implique une perte de légitimité et une séparation entre les aspirations de larges couches de la population et les actions de l’Etat. Aussi bien une mauvaise réponse aux conséquences d’événements climatiques extrêmes qu’une gestion profondément inéquitable des situations de rareté des ressources, comme les licenciements massifs ou le démantèlement des services publics, sont des éléments liés à la crise écologique qui peuvent être l’étincelle qui provoque une crise organique. La réalité sociale dont nous sommes partis, atomisée, déchirée et de plus en plus traversée par les inégalités, nous amène à penser que la forme sous laquelle ces crises organiques se développeront sera celle de la révolte. Des flambées massives spontanées, sans horizon politique défini et non dotées de structures intermédiaires qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour mobiliser ou répondre aux défis immédiats. La révolte répète des formes d’antagonisme, et affaiblit l’Etat, mais l’Etat ne s’effondre pas. La révolte exprime autant la force sociale que la faiblesse politique.

Pour cette raison, la stratégie écosocialiste doit pouvoir répondre à la question de savoir comment convertir la forme-révolte et les crises organiques qui vont suivre et s’intensifieront dans le cadre de la crise écologique en crises révolutionnaires, dans lesquelles de grandes masses agissent consciemment en s’affrontant au pouvoir existant et en construisant leur propre pouvoir populaire. Sans ce facteur, les révoltes échoueront ou se transformeront en contre-révolutions violentes. En ce sens, on ne peut s’attendre à l’émergence spontanée d’expériences massives d’auto-organisation, de contrôle populaire et d’autogestion s’il n’y a pas eu d’apprentissage préalable. Une accumulation d’expériences est nécessaire, ainsi qu’une maturation des forces dans laquelle la légitimité a été acquise. Ainsi se constituent des fonctions sociales quotidiennes qui affirment une autorité sociale alternative à celle du pouvoir actuellement existant. C’est quelque chose qui prend une importance particulière dans le cadre de la crise écologique, car il est probable qu’il deviendra de plus en plus visible les modalités selon lesquelles les actions capitalistes aggravent encore les conséquences injustes de la crise, ainsi que la crise elle-même; et aussi la façon dont la capacité de l’État à corriger cette dynamique est de plus en plus affaiblie. Pour ces raisons, ce sont les tâches stratégiques qui doivent être placées au centre de notre agenda écosocialiste. Promouvoir et renforcer chaque conflit, accumuler des cadres politiques insérés dans les couches populaires capables d’évoluer avec agilité dans des périodes perturbées, et construire les processus collectifs qui sont le germe d’un pouvoir populaire qui doit se révéler capable de transformer en profondeur notre société.

Sur la question de l’Etat

La question de l’Etat domine toutes ces réflexions stratégiques. Avec la crise écologique et l’urgence climatique qui plane sur nos têtes, il devient encore plus urgent de clarifier nos compréhensions à cet égard.

Commençons par l’Etat capitaliste réellement existant. Certaines conceptions majoritaires à gauche au cours des dernières décennies conçoivent l’Etat comme un espace mixte dans lequel se cristallise le rapport de forces de la lutte des classes, et donc un ensemble d’appareils quelque peu neutres qui peuvent être occupés et utilisés à n’importe quelle fin souhaitée. Pour notre part, nous pensons que cela ne peut pas être compris de cette manière, encore moins pour résoudre la crise écologique.

Dans le néolibéralisme, les tendances de l’Etat à favoriser l’accumulation du capital montent en flèche et tendent à phagocyter la dimension sociale, affaiblissant le rôle distributif, dans certaines parties du monde, notamment en Europe occidentale, de ce que nous appelions l’«Etat-providence». Sous cet angle, le point de départ est un corps administratif, bureaucratique et ouvrier affaibli, dans certains cas même rachitique, dans les domaines qui nous intéressent le plus à l’heure de la transition écosociale. En outre, tout un réseau d’accords de libre-échange, de pactes de stabilité et de dettes auprès des marchés financiers limite clairement le terrain effectivement modelé par une politique publique étatique. Notre vision ici est que les appareils de l’Etat capitaliste actuel ne seront pas en mesure d’effectuer les transformations profondes nécessaires pour faire face à la crise écologique. Dans bien des cas, une contre-révolution capitaliste ne serait même pas nécessaire pour l’empêcher, puisque le labyrinthe de pièges est déjà intégré dans l’activité gouvernementale, législative, réglementaire et financière. Nous pensons qu’il est nécessaire de commencer par une clarté stratégique à cet égard dans les domaines qui nous intéressent le plus en matière de transition écosociale.

Cela ne signifie pas que l’engagement écosocialiste doit tourner le dos à l’Etat, mais plutôt que nous ne devons pas placer en lui des aspirations dont on sait d’avance qu’elles ne seront pas satisfaites. Il s’agit dès lors d’agir en conséquence. Un gouvernement des gauches avec un programme politique de rupture peut être en mesure de promouvoir des développements et d’ouvrir des possibilités qui ne sont pas si accessibles uniquement à partir de la mobilisation sociale. Un tel gouvernement peut être un levier. Mais, précisément parce qu’il n’est pas capable d’aller à l’encontre de la tendance à l’accumulation du capital, la réalisation programmatique ne doit en aucun cas affaiblir l’organisation populaire autonome, qui est la seule capable de réaliser le dépassement du pouvoir capitaliste et la construction d’un ordre écosocialiste. Un tel gouvernement devrait favoriser les avancées matérielles et les conquêtes en faveur de la majorité sociale, qu’affaiblir le plus possible le pouvoir économique par des mesures de socialisation et d’autogestion des secteurs stratégiques.

En même temps, de l’extérieur de l’institution, une impulsion populaire doit être organisée pour atteindre au maximum l’auto-organisation et l’autonomisation du mouvement social. Cela déterminera dans quelle mesure il sera possible de faire pression sur l’Etat afin de faire quelques premiers pas dans la transition écosociale. Ce sera cette force du mouvement populaire autonome et organisé qui permettra de transformer les crises organiques en crises révolutionnaires. Ce qui permettra d’accumuler suffisamment d’expériences et de légitimité pour avoir une chance d’opérer la rupture avec le pouvoir capitaliste. Car c’est précisément lorsque les capacités de l’ancien appareil d’Etat sont paralysées, disloquées et incapables de remplir leur fonction qu’émerge la légitimité sociale des structures et institutions autonomes avec lesquelles les classes populaires répondent démocratiquement aux tâches et aux besoins quotidiens, établissant ainsi leur autorité sociale.

Les étapes de la construction du sujet et de la conscience

L’accumulation d’expériences et la maturation des forces des classes populaires à partir de conflits concrets sont des étapes obligatoires dans ce processus, nous ne pouvons pas passer par-dessus. La fonction que ces étapes doivent remplir est triple. En premier lieu, la formation d’un sujet politique, qui se reconnaît comme tel et qui est conscient de son potentiel à travers l’organisation. Deuxièmement, la compréhension par de larges couches de la population de l’ampleur et de la profondeur de la crise écologique, ainsi que la conviction de la nécessité de rompre avec l’ordre économique existant pour y faire face. Troisièmement, la prise de conscience que ce sujet populaire est le seul à pouvoir opérer cette rupture et la construction d’un ordre social émancipateur qui traite équitablement les différentes crises. A ce dernier point s’ajoute une annexe: la nécessité de prendre conscience de la possibilité réelle de réaliser cette rupture et ces transformations. Ce qui n’est pas exactement un aspect mineur, mais il acquiert une importance particulière pour la phase politique et historique dans laquelle nous nous trouvons, où l’horizon révolutionnaire semble être resté comme un souvenir futile du XXe siècle.

La rapidité et la constance avec lesquelles nous pourrons franchir ces étapes seront une combinaison d’efforts conscients et d’intensification de crises multiples et interdépendantes. Quoi qu’il en soit, les décennies de grande incertitude et d’instabilité dans lesquelles nous entrons peuvent nous amener à penser qu’un processus apparemment lent peut se produire beaucoup plus rapidement que prévu. Nous identifions deux domaines dans lesquels ces conflits peuvent se manifester de façon plus marquée et entraîner la maturation des forces que nous avons évoquées. D’une part, les multiples fractures qui sous-tendent ce qu’il est convenu d’appeler le conflit capital-vie. D’autre part, le domaine du travail, notamment dans les secteurs particulièrement liés aux axes de la transition écologique. [Voir à ce propos l’article publié sur ce site le 8 septembre 2021 et portant sur la spécificité de la transition dans diverses branches d’activité https://alencontre.org/ecologie/debat-defendre-et-transformer-mobiliser-les-travailleurs-et-travailleuses-pour-la-justice-climatique.html]

Pour ce qui a trait la première question, en entrant dans ces crises, nous allons voir comment s’accentue le conflit capital-vie. L’incapacité du capitalisme à réaliser les taux de profit auxquels il était habitué et la limitation de la sphère financière à fonctionner de manière totalement autonome par rapport à la sphère de l’économie réelle amènent le capital à pénétrer des secteurs qu’il n’atteignait pas auparavant. La marchandisation, la privatisation et les processus d’accumulation par la dépossession en sont des exemples. L’impossibilité d’accéder à un logement, le déclin des services publics, l’entrée de fonds d’investissement dans des secteurs comme l’énergie ou l’agriculture et l’accaparement de terres fertiles par de grandes fortunes en sont quelques illustrations. Tout cela accentue l’expérience des dommages que produit le capital. Dans la traduction politique de cette souffrance réside la possibilité d’un autre monde. Les processus d’organisation et de conflit qui répondent à chacune de ces fractures sont fondamentaux pour la maturation des forces.

Sur le second point, le travail apparaît comme l’axe sur lequel de larges majorités ressentiront dans leur vie quotidienne les effets de la crise climatique. Cela ne se limite pas à l’emploi salarié, mais a également sa contrepartie dans le travail de reproduction. Il est facile d’imaginer comment des moments de rareté des ressources peuvent augmenter la demande pour ces emplois et, s’ils ne sont pas socialement distribués, conduire à une plus grande oppression des femmes. En outre, nous allons connaître de forts chocs dans l’emploi salarié, avec des fermetures importantes et des licenciements massifs dans les secteurs les plus liés à la crise écologique. Dans tous ces cas, les luttes lors des conflits clés seront au cœur de la constitution du pôle éco-socialiste populaire dont nous avons besoin.

A cet égard, il sera particulièrement important que la construction de ce projet écosocialiste aille au-delà de ce que le mouvement écologiste a été jusqu’à présent. Elle doit être capable de faire un bond vers une confluence dans laquelle l’environnementalisme n’est qu’une partie de quelque chose de beaucoup plus vaste, qui comprend les syndicats, les écologistes, les mouvements sociaux et les partis.

Avec quelle impulsion: horizon et imaginaire alternatif

L’horizon et l’imaginaire alternatif sont les éléments qui nous manquent pour conclure cet examen de quelques notions stratégiques pour le projet écosocialiste. Sans eux, il serait difficile d’obtenir l’élan nécessaire pour s’engager dans cette voie. Il s’agit autant d’envisager un avenir radicalement différent et profondément souhaitable que de choisir les exigences à utiliser à partir du présent pour relier les luttes à cet horizon.

On pourrait parler longuement de l’imaginaire d’une société écosocialiste, laquelle se différencie avec force du monde de l’abondance sur lequel on a théorisé par le passé. Il s’agit plutôt d’un monde dans lequel la redistribution des richesses et des travaux permettra de s’engager de manière juste dans la crise écologique, dans lequel la planification économique et écologique réduit au maximum les impacts de l’épuisement des ressources, et dans lequel peu à peu notre société se réintègre dans les limites biophysiques de l’écosystème. Deux des points forts de cet horizon se trouvent dans une redistribution et une valorisation des soins (care) de la vie et dans la libération du temps libre pour des vies plus vivables. Nous ne pouvons en aucun cas sous-estimer les ravages psychosociaux causés par le maelström capitaliste. Il risque de s’amplifier à mesure que l’incertitude, la précarité et l’instabilité augmentent. Ces éléments, ainsi que le projet politique et l’horizon écosocialiste, ont un grand potentiel pour créer un imaginaire du bien vivre, souhaitable pour tous, largement partagé et pour lequel lutter.

Les luttes et conflits spécifiques du présent doivent toujours être liés à l’horizon que nous voulons atteindre. Sinon, nous tombons dans la désorientation stratégique et la voie des tactiques opportunistes. C’est ce fil, qui doit toujours être maintenu, qui est capable de promouvoir de nouveaux processus de lutte politique. Et celui qui, au fur et à mesure que se consolident les expériences et l’organisation du sujet populaire, devient la corde avec laquelle faire le saut révolutionnaire dans les moments de rupture et d’effondrement. Pour entretenir ce lien, nous devons travailler sur des propositions qui contiennent des éléments de transformation écologique, et qui en même temps supposent des améliorations pour la majorité. Chaque revendication, chaque lutte et chaque conquête doivent contenir la graine qui peut germer dans les conflits suivants. Il faut bien montrer comment notre projet politique suppose une victoire matérielle au profit des classes populaires dès le premier moment de sa mise en œuvre. Pour cette raison, nous devons placer au premier plan de nos revendications des questions telles que la création de milliers d’emplois stables pour les secteurs dont les travailleurs voient leurs moyens de subsistance menacés, la mobilité collective publique et l’accès garanti au logement et aux fournitures de base.

En guise de conclusion

L’engagement révolutionnaire de l’écosocialisme gagne en validité à mesure que la crise écologique s’intensifie. Comme nous l’avons vu, les étapes et les processus à suivre ne sont pas facultatifs, il n’y a pas de raccourcis. L’urgence imposée par les temps écologiques peut faire douter de la validité d’une hypothèse de transformation telle que celle présentée ici. Compte tenu de cela, nous devons tout d’abord nous rappeler que l’histoire n’avance jamais en ligne droite et que dans les périodes d’instabilité, il y a des sauts, des ruptures et des cassures qui rendent réalisables les possibilités qui semblaient auparavant inimaginables. Deuxièmement, nous pensons que c’est précisément l’urgence et l’ampleur de la crise à laquelle nous sommes confrontés qui nous obligent à assumer la tâche de construire un projet de cette nature. Si le temps dont nous disposons est court, nous ne pouvons plus attendre pour mener à bien la construction d’un bloc écosocialiste populaire capable de rompre avec cet ordre social qui nous opprime et détruit la planète. Cela ne signifie en aucun cas attendre le nez enfariné le grand jour où le capitalisme tombera. Bien au contraire, cela signifie agir de manière décisive dans chaque conflit, chaque lutte et chaque bataille politique du présent; cela avec une flexibilité tactique et une clarté stratégique.

Enfin, on ne pouvait manquer de mentionner que cette lutte a un caractère international, et que le sujet populaire, large et mixte auquel doit faire face cette crise a de même un caractère international. En fait, il est probable que nous verrons bon nombre des explosions, des révoltes et des crises organiques que nous avons mentionnées se développer d’abord dans les régions périphériques ou semi-périphériques du capitalisme mondial. Les succès et les avancées de tels événements ouvriront des possibilités pour les autres. (Essai publié sur le site Viento Sur, en date du 17 août 2021; traduction rédaction A l’Encontre)

Juanjo Álvarez et Martín Lallana font partie de la commission écosocialiste d’Anticapitalistas

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