Brésil. 11 août: une journée historique marque le début de la lutte pour garantir les élections et leurs résultats

Par la rédaction d’Esquerda Online

Le 11 août peut déjà être considéré comme une journée historique. Dans tout le pays, des milliers de personnes sont descendues dans la rue à l’appel des mouvements sociaux et des organisateurs de la Lettre aux Brésiliens pour la défense de l’Etat de droit démocratique, qui a atteint un million de signatures à la fin de la journée [voir à ce propos l’article publié sur ce site en date du 6 août]. Des mobilisations ont eu lieu dans une cinquantaine de villes, dont presque toutes les capitales des Etats, exprimant également la lutte des jeunes contre les coupes budgétaires dans l’éducation.

La principale manifestation a eu lieu à São Paulo, au Largo de São Francisco [au centre de la ville où se situent divers établissements universitaires, entre autres], après la lecture de la lettre. Des milliers de personnes ont envahi la Faculté de droit de l’Université de São Paulo (USP) et les rues environnantes; ce fut un flot de personnes qui constituèrent la plus grande manifestation de cette année. La signification symbolique de l’événement, qui faisait référence à la lettre de 1977 contre la dictature militaire, écrite par le professeur Goffredo da Silva Telles Junior [ce dernier était le principal rédacteur de la Carta aos Brasileiros, publiée et lue le 8 août 1977 depuis une tribune de la Faculté de droit de l’USP; elle fut écrite en riposte à une série de lois prises en avril par le dictateur Ernesto Geisel qui fut à la tête de la dictature de 1974 à 1979], était tout aussi importante que le nombre de personnes rassemblées.

Dans ce climat, l’événement a réussi à rassembler 20 signataires initiateurs du texte du 26 juillet 2022, parmi lesquels José Afonso da Silva, 97 ans, l’un des plus importants constitutionnalistes, dont les livres sont utilisés par les étudiants de l’USP. Il est arrivé à la manifestation en fauteuil roulant. Les étudiants ont amplifié la démonstration, avec des drapeaux de l’UNE (Union nationale des étudiants) et du Centre Académique [structure représentative des étudiants]. Au même titre que lors des journées de 1977, leur présence a souligné l’importance de leur rôle dans la rue. «Ici est présent le mouvement étudiant», ont-ils scandé, dans le hall de la faculté. «Le gouvernement Bolsonaro menace de faire des coups d’Etat et menace nos vies au quotidien. C’est pourquoi nous sommes ici, pour crier “Bolsonaro plus jamais”», a déclaré l’étudiante Letícia Lé, membre du Centre académique XI de Agosto [de la Faculté de droit de l’USP] et du Coletivo Afronte [qui représente des étudiants noirs, entre autres de l’Université fédérale de Pernambuco].

Dans le hall principal et dans les galeries de l’USP, des personnalités, des artistes, des dirigeants politiques et des juristes se pressaient. La lecture de la lettre a été faite par des enseignants de l’institution et diffusée sur grand écran et sur internet. La lettre a également été lue dans 35 autres facultés, qui célèbrent en ce jour du 11 août la création de cours de droit constitutionnel dans le pays. A São Francisco, des discours ont également été prononcés depuis les balcons, dans un climat de «Diretas Já» [mobilisation populaire pour l’élection directe de la présidence de la République, mouvement qui commença en fin mars 1983 et se déroula durant l’année 1984 face au régime dictatorial; ce fut un mouvement décisif pour mettre fin à la dictature en 1985; les élections directes de la présidence furent instaurées en 1989 dans la foulée de la Constitution fédérale de 1988].

Les manifestations du 11 août ont été diffusées, en partie, par les principales chaînes de télévision et elles ont eu un large retentissement dans le pays. Leur ampleur révèle l’importance de la large unité de tous les secteurs de la société qui sont aujourd’hui contre l’avancée de la politique golpiste et des attaques de Bolsonaro contre les élections [remise en question du système de vote électronique, pour contester, à l’avance, les résultats]. La lettre des anciens étudiants et professeurs de l’USP a dépassé largement les mouvements sociaux et la classe ouvrière, recueillant le soutien d’importants hommes d’affaires et de banquiers. Lors de l’événement, un autre manifeste, produit par la Fédération des industries de São Paulo (Fiesp), a été lu, avec la signature de la Fédération des banques (Febraban) et aussi des centrales syndicales, des ONG et des entités du mouvement social.

Préparer le 10 septembre

Bolsonaro a réagi aux mobilisations par des mensonges et des attaques. Il a rabaissé le nombre de personnes présentes dans les rues, attaqué les artistes impliqués et déclaré que le manifeste «vaut moins que du papier toilette» et que «c’est une manœuvre électorale désespérée». Il a posté une photo avec la Constitution de 1988, se présentant comme un défenseur de la démocratie, et ses partisans ont lancé un autre manifeste sur Internet.

En même temps, il a réaffirmé l’appel à la manifestation du 7 septembre [voir à ce sujet l’article publié sur ce site le 6 août], qui constituera le principal moment d’affirmation de ses objectifs golpistes et aussi une plateforme pour sa candidature, renforcée par des mesures économiques électoralistes, comme Auxílio Brasil [politique d’assistance sociale d’une durée limitée]. Bolsonaro ne s’arrêtera pas à ses attaques contre les élections. Marcelo Duarte de Oliveira [juriste de formation], qui a été ordonné prêtre bénédictin du nom de Padre Agostinho et est âgé de 91 ans – il a soutenu les prisonniers politiques et les personnes torturées par la dictature –, a déclaré le jeudi 11 août: «Les bolsonaristes ont indiqué qu’ils allaient mener une politique golpiste. Les menaces existent donc et nous devons réagir.»

En ce sens, les mobilisations du 11 août n’ont été qu’une première étape dans la défense des élections et dans la lutte contre le golpisme. Et c’est encore insuffisant. Les prochaines étapes auront lieu à partir du 16 août, avec le début de la campagne électorale et la bataille une prise de conscience et pour chaque vote. Lors de la semaine du 7 septembre, sera nécessaire une réponse aux mobilisations golpistes. Elle est prévue pour le 10 septembre appelée par la campagne nationale «Fora Bolsonaro». A partir de maintenant, il est nécessaire de mobiliser pour le 10 septembre, de faire des manifestations avec des milliers de personnes dans la rue, avec le maximum de force, en donnant une expression à la majorité sociale représentée par l’unité au sein de la gauche en concordance avec tous les secteurs opposés au golpisme et en assurant de la sorte la tenue et le respect des résultats des élections. Il s’agit de renforcer les initiatives de la campagne de Lula, comme les rassemblements qui se tiendront à Belo Horizonte le 18 août et à São Paulo le 20. Les rassemblements convoqués par Lula doivent devenir de grandes démonstrations de force politique et sociale, permettant de remporter la victoire dès le premier tour [dimanche 2 octobre].

L’importance de l’unité et ce qui est en jeu

Il y a actuellement un fort mouvement qui s’oppose à toute rupture avec l’ordre démocratique et le fonctionnement des institutions, ce qui provoque l’isolement de Bolsonaro. Cela n’est pas dû à des préoccupations démocratiques, mais aux incertitudes et à l’instabilité que les actions du gouvernement Bolsonaro provoquent déjà sur le terrain du «monde des affaires» et qui seraient accentuées face à une tentative de coup d’Etat, ce qui accroîtrait l’isolement international ainsi que par rapport aux Etats-Unis, par exemple. Avant tout, les classes supérieures sont préoccupées par le maintien de leurs bénéfices.

Nous savons que la démocratie au Brésil est limitée, refusée [au sens des droits démocratiques effectifs] surtout aux Noirs et aux travailleurs et travailleuses. Nous sommes certains que les banquiers et les grands hommes d’affaires ne sont pas intéressés à une véritable démocratie. Combien de fois ont-ils parrainé des coups d’Etat, comme lors de l’impeachment [de Dilma Rousseff en août 2016]? Cependant, face au fascisme de Bolsonaro, l’unité la plus large est nécessaire pour défendre ce qui existe comme démocratie, comme l’a démontré la mobilisation du jeudi 11 août. Dans le cadre de cette unité, la gauche doit maintenir sa présence propre et ses propositions, et parier sur la mobilisation populaire dans la rue, comme le moyen de battre Bolsonaro et d’élire Lula, sans compter sur les classes supérieures. (Article publié sur le site Esquerda Online, le 12 août 2022; traduction rédaction A l’Encontre)

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