Russie-Ukraine. Igor Ivanov appelle à un retour à la diplomatie pour réduire le «risque élevé» de conflit nucléaire

Par Patrick Wintour

Un ancien ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, s’est joint à l’appel lancé à toutes les parties au conflit ukrainien pour qu’elles renouent avec la diplomatie et réduisent ainsi «le risque dramatiquement élevé» d’un conflit nucléaire.

L’appel co-écrit par le professeur Igor Ivanov, aujourd’hui président du Conseil russe des affaires internationales, pourrait être le signe que certains membres de l’establishment de la politique étrangère russe estiment que la poursuite d’une solution purement militaire en Ukraine est une erreur stratégique.

Igor Ivanov a été nommé ministre des Affaires étrangères sous Boris Eltsine en 1998 et a démissionné en 2004, quatre ans après le début de la présidence de Vladimir Poutine. Il a conservé une place dans les cercles de la politique étrangère russe.

La déclaration exhorte toutes les parties à soutenir un cessez-le-feu et à mettre fin aux pertes «injustifiables» de vies civiles. Elle a été signée par Igor Ivanov et par un groupe de poids lourds de la politique étrangère, tels que Wolfgang Ischinger, ancien président de la Conférence de Munich sur la sécurité, Sam Nunn, ancien sénateur américain et coprésident de l’Initiative contre la menace nucléaire, et Des Browne, ancien ministre britannique de la Défense.

En tant que ministre de l’ère Eltsine, Ivanov ne fait guère partie du cercle intime de Poutine. Mais sa position peut refléter un malaise au sein du ministère russe des Affaires étrangères, qui est marginalisé.

La déclaration a été publiée alors que les négociateurs russes et ukrainiens se sont rencontrés lundi 14 mars pour un troisième cycle de discussions bilatérales. Avant les discussions, les deux parties semblaient plus optimistes qu’auparavant, mais la raison de leur optimisme n’était pas claire.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, fait pression pour obtenir une rencontre directe avec Poutine. La France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis restent sceptiques quant à la volonté de la Russie de négocier un accord que les dirigeants ukrainiens jugeraient acceptable.

Le chancelier allemand, Olaf Scholz, s’est rendu en Turquie pour des entretiens avec Recep Tayyip Erdogan. La Turquie a proposé d’agir en tant que médiateur et a accueilli les discussions entre Sergueï Lavrov, l’actuel ministre russe des Affaires étrangères, et son homologue ukrainien, Dmytro Kuleba.

La déclaration co-écrite par Igor Ivanov évite d’attribuer la responsabilité de la guerre et se concentre plutôt sur la responsabilité des Etats disposant de l’armement nucléaire d’éliminer les risques nucléaires. Elle indique que le conflit en Ukraine accroît considérablement ces risques.

«L’échange de tirs à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia en Ukraine est le dernier rappel en date de la façon dont une catastrophe nucléaire peut rapidement remonter à la surface dans le “brouillard de la guerre”», indique la déclaration. «Les dirigeants de la Chine, de la France, de la Russie, du Royaume-Uni et des Etats-Unis ont affirmé ensemble en janvier qu’“une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée”.»

«La première étape, et la plus essentielle, pour réduire les risques d’un accident, d’une erreur ou d’un mauvais calcul consécutif est un cessez-le-feu pour mettre fin à la perte inacceptable et injustifiable de vies humaines, y compris de civils innocents.»

«Le dialogue, la diplomatie et les négociations sont la seule voie acceptable pour résoudre le conflit d’une manière qui puisse résister à l’épreuve du temps. Nous devons revenir à la diplomatie et au dialogue pour faire en sorte que les différends actuels sur les questions fondamentales soient négociés et non l’objet d’affrontements militaires. Nous saluons les premières tentatives de la Russie et de l’Ukraine pour entamer de telles négociations. Nous saluons également les efforts des dirigeants mondiaux visant à trouver un règlement politique.» (Article publié par The Guardian, le 14 mars 2022; traduction rédaction A l’Encontre)

Patrick Wintour est rédacteur responsable des questions diplomatiques

 

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