Etats-Unis. Sauver l’USPS, contre les privatisations et pour la défense des droits démocratiques

Par Paul Prescod

Le service postal des États-Unis (USPS) est à la mode. La combinaison de la pandémie, de l’importance accrue du vote par correspondance et des retards de livraison massifs a poussé la poste à faire parler d’elle comme jamais auparavant depuis la grève nationale en 1970. Même les adolescents brandissent l’USPS comme une arme dans la guerre des cultures, avec des mèmes défendant les travailleurs postaux comme les «vrais garçons en bleu».

Les socialistes et les progressistes ont raison d’utiliser ce moment pour souligner la valeur du service postal au-delà de l’élection présidentielle de 2020. Les récentes attaques de l’administration Trump font partie d’un effort plus large visant à privatiser, dans ce processus, un service universel apprécié et à détruire plus de six cent mille emplois syndiqués avec des salaires décents. L’emploi dans les services postaux a été particulièrement crucial pour aider les travailleurs noirs, les femmes et les vétérans de l’armée à atteindre une certaine stabilité économique et une certaine dignité.

Nous ne devons cependant pas négliger l’urgence de préserver l’élection et nos droits démocratiques. La démocratie électorale, en particulier aux États-Unis, est très limitée pour ce qui est d’apporter des changements substantiels. Mais nous ne devons jamais oublier que de nombreux droits démocratiques fondamentaux, y compris le droit de vote, ont été gagnés au prix d’une lutte acharnée de la classe ouvrière. Il n’y a aucune contradiction à protéger ces droits alors que nous essayons d’approfondir et d’étendre la démocratie dans tous les domaines de la vie.

Cori Bush, le 20 juillet

Et sur un plan pratique, la politique électorale jouera un rôle important dans la stratégie socialiste des années à venir. L’élection de combattants de la classe ouvrière comme Cori Bush [militante afro-américaine originaire de Saint-Louis dans le Missouri, candidate démocrate aux élections législatives de novembre], Jamaal Bowman [éducateur afro-américain de New York, sa mère était postière, candidat démocrate soutenu aussi par Bernie Sanders] et les cinq candidats démocrates-socialistes de l’État de New York à l’assemblée législative de l’État – pour n’en citer que quelques-uns – contribue à maintenir les questions ayant trait aux classes laborieuses à l’ordre du jour politique et à renforcer leurs capacités organisationnelles. Pour gagner ces campagnes, en particulier dans les districts situés en dehors des enclaves urbaines, il faudra mobiliser de larges pans d’électeurs mécontents et les convaincre qu’un changement fondamental est possible. Cela sera impossible si les gens se voient refuser le droit de vote fondamental ou s’ils sont amenés à douter que leur vote compte vraiment.

Joe Biden est un candidat faible et peu inspirant. La longue liste de ses crimes et de ses folies est bien documentée. Cependant, les enjeux de cette élection sont toujours évidents. Nous n’avons pas besoin de nous faire l’écho des vagues propos du Comité national démocrate sur le manque de décence pour faire comprendre les dangers de quatre années supplémentaires de Donald Trump.

Au cours du premier mandat de Trump, nous avons assisté à des attaques vicieuses contre les travailleurs des administrations fédérales, à l’éviscération du Conseil national des relations de travail [National Labor Relations Board], à des réductions d’impôts pour les riches et à un nouvel affaiblissement de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration-OSHA). Les promesses de la campagne de Trump, telles qu’un projet d’infrastructure massif, une augmentation du salaire minimum et une révision du système de soins de santé, n’ont pas été tenues. Si Trump n’a pas formulé de vision d’avenir de manière très convaincante, il a clairement indiqué que l’USPS et la sécurité sociale étaient dans sa ligne de mire. Pour que Trump quitte ses fonctions, il faudra une élection légitime et un système postal qui fonctionne.

En cas de pandémie mondiale, les gens devraient évidemment pouvoir voter par correspondance. Ne pas garantir cette possibilité à tout le monde n’est rien d’autre qu’une suppression d’électeurs-électrices et une atteinte à la santé publique. Malgré les affirmations répétées selon lesquelles le vote par correspondance entraînera une fraude électorale à grande échelle, la campagne «Trump» n’a pu produire aucune preuve convaincante lorsqu’un juge fédéral lui a demandé de le faire.

En outre, il est prouvé que les récents changements de politique du ministre des Postes Louis DeJoy ont provoqué d’énormes retards dans le courrier à travers le pays. Si le retrait des machines de tri et des boîtes aux lettres a fait l’objet d’une grande attention (justifiée), les changements des règles de travail ont eu un impact encore plus important sur les retards. Louis DeJoy a réduit de façon drastique les heures supplémentaires et les heures d’ouverture des bureaux de poste. Dans un geste sans précédent, il a également exigé de tous les facteurs qu’ils partent à l’heure prévue pour leur tournée, même si le tri du courrier n’est pas terminé.

Louis DeJoy vend ces changements comme un moyen de réduire les coûts et d’améliorer l’efficacité. Mais ils doivent être considérés comme une autre répétition d’une stratégie familière de la droite: dégrader la qualité d’un service, retourner le public contre lui, puis privatiser. Malgré les promesses de Louis DeJoy de reporter ces changements jusqu’après l’élection, les travailleurs postaux sur le terrain affirment que les retards de distribution du courrier se poursuivent. Il n’est pas certain que Louis DeJoy tiendra sa promesse, et encore moins qu’il reviendra sur les mesures qu’il a déjà mises en place.

Plus encourageant encore, il y a eu une résistance massive aux changements dictés par Louis DeJoy. Des centaines de rassemblements ont été organisés pour soutenir l’USPS et, dans certaines régions, les travailleurs postaux refusent que le courrier soit retardé.

Nous avons l’occasion de tirer parti de ces coalitions naissantes pour organiser des combats plus importants afin de développer le service postal dans les années à venir. Mais pour l’instant, nous ne pouvons pas laisser un oligarque [Louis DeJoy possédait une entreprise de logistique vendue 615 millions en 2014; il est PDG LDJ Global Strategies avec des intérêts dans l’immobilier, le capital-risque, etc.; c’est un donateur important de la campagne de Trump et responsable des finances de la Convention nationale républicaine] d’entreprise voler cette élection. Sauvez la poste, sauvez les emplois à un salaire décent et sauvez notre démocratie. (Article publié sur le site Jacobin; traduction rédaction A l’Encontre)

Paul Prescod est membre de la Fédération des enseignants de Philadelphie.

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