Par rédaction A l’Encontre
Le 5 novembre à 6 heures du matin, la section 751 de l’IAM (International Association of Machinists and Aerospace) a publié sur X le communiqué suivant: «lundi 4 novembre, les membres de la section 751 et de la section W24 de l’IAM ont voté à 59% l’acceptation du projet d’accord contractuel et le retour au travail. Les travailleurs et travailleuses peuvent retourner au travail le mercredi 6 novembre, lors de la reprise de la première équipe, du moins ceux qui veulent retourner au travail aussi vite que possible. Vous devez reprendre le travail lors de l’entrée en fonction de votre équipe, le mardi 12 novembre 2024. La grève est terminée.»
Le 4 novembre, après avoir salué le rôle de la secrétaire d’Etat au Travail par intérim, Julie Su, pour sa médiation entre l’employeur Boeing et les travailleurs pour faire aboutir un contrat qualifié de «sans précédent», IAM insiste sur le fait que: «Cet accord fait suite à une grève soutenue de près de deux mois menée par les travailleurs et travailleuses de Boeing dans l’Etat de Washington, de l’Oregon et de la Californie. Elle a fait la une des journaux internationaux et a bénéficié d’un large soutien de l’opinion publique et d’un appui politique bipartisan.» La conjoncture politico-électorale a été mise à profit par la direction de ce secteur de l’IAM. Joe Biden, à la veille des élections, n’a-t-il pas déclaré: «Les bons contrats profitent aux travailleurs, aux entreprises et aux consommateurs»!
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Jon Holden, président de la section 751 de l’IAM, et Brandon Bryant, président de la section W24 de l’IAM, ont publié la déclaration commune suivante après le décompte des voix.
«Les travailleurs savent ce que c’est lorsqu’une entreprise va trop loin et leur enlève plus que ce qui est juste. Grâce à cette grève et à la victoire qui en a résulté, les travailleurs de première ligne de Boeing ont fait leur part pour commencer à rééquilibrer la balance en faveur de la classe moyenne [ce terme renvoie, dans le contexte états-unien, aux salariés ayant un emploi stable et relativement bien rétribué] – et ce faisant, nous espérons inspirer d’autres travailleurs dans notre industrie et au-delà à continuer à se battre pour la justice au travail. Grâce à cette victoire et à la grève qui l’a rendue possible, les membres de l’IAM ont pris position en faveur du respect et de salaires équitables sur le lieu de travail. Nos membres effectuent un travail de haute qualité et indispensable pour les avions que nous construisons et méritent un retour sur leur investissement en travail qui leur assure une qualité de vie digne de ce travail.
»Ce contrat crée également une nouvelle base sur laquelle construire l’avenir, et cet avenir commence aujourd’hui. Nous sommes prêts à aider Boeing à changer de cap et à revenir à la construction des avions les plus sûrs et de la plus haute qualité au monde. Nos membres jouent un rôle essentiel dans cette mission et disposent désormais d’une voix plus forte dans le processus de prise de décision afin de garantir que les améliorations nécessaires soient apportées. “Il n’y a pas de Boeing sans l’IAM” a été notre cri de guerre, et nous sommes prêts, une fois de plus, à faire notre part pour ramener cette entreprise à la hauteur des normes dont elle n’aurait jamais dû s’écarter.
»Des salaires décents et des prestations sociales permettant de subvenir aux besoins d’une famille sont essentiels – et non optionnels – et cette grève a mis en évidence cette réalité. Ce contrat aura un impact positif et durable sur la vie des travailleurs de Boeing et de leurs familles. Nous espérons que ces avancées inciteront d’autres travailleurs à s’organiser et à se syndiquer. Les travailleurs de Boeing en première ligne ont utilisé leur voix, leur pouvoir collectif et leur solidarité pour faire ce qui est juste, pour défendre ce qui est équitable – et pour gagner.
Brian Bryant, président international de l’IAM, a souligné:
«Cet accord représente une nouvelle norme dans l’industrie aérospatiale – une norme qui indique clairement que les emplois dans l’aérospatiale doivent être des métiers de classe moyenne dans lesquels les salarié·e·s peuvent s’épanouir. Les travailleurs de l’industrie aérospatiale, sous la houlette de l’IAM – le syndicat aérospatial le plus puissant au monde – ne se contenteront de rien de moins que le respect et des salaires et prestations familiales dont ils ont besoin et qu’ils méritent. Cet accord reflète les résultats positifs obtenus par les travailleurs et travailleuses qui se sont serré les coudes, ont participé à la démocratie sur le lieu de travail et ont fait preuve de solidarité les uns envers les autres et envers la communauté au cours d’une grève nécessaire et efficace [initiée le 13 septembre].
»Presque tous les travailleurs des Etats-Unis savent ce que c’est qu’une entreprise qui prend trop et donne trop peu. Un contrat comme celui-ci envoie un message stimulant à tous les travailleurs des Etats-Unis qui cherchent à se syndiquer ou qui ont été lésés par leur employeur. Nous sommes très reconnaissants à la secrétaire au travail par intérim, Julie Su, qui, au nom de l’administration Biden-Harris, a contribué à rapprocher l’employeur et les membres pour des discussions productives en vue de parvenir à cet accord.
»Les points forts du dernier accord de principe approuvé lundi soir [4 novembre] par les membres du syndicat sont les suivants
- 38% d’augmentation générale des salaires sur quatre ans – 13%, 9%, 9%, 7%, soit 43,65% cumulés sur la durée de l’accord.
- Prime de ratification de l’accord de 12 000 dollars: la prime de ratification combine la précédente prime de ratification de 7000 dollars et la somme forfaitaire de 5000 dollars dans le 401(k) [fonds de pension]. Désormais, les membres du syndicat peuvent choisir la manière dont ce montant total est reçu – sur leur chèque de paie, sur la contribution au 401(k), ou une combinaison des deux.
- Le plan d’intéressement AMPP (Aerospace Machinists Performance Plan) est rétabli, avec un paiement annuel minimum garanti de 4%, y compris le versement de 2024 en février 2025.»
A cela s’ajoutent des dispositions concernant les heures supplémentaires, une adaptation du taux salarial minimum au coût de la vie, les contributions de l’employeur au fonds de pension et à l’assurance maladie, sans un retour à l’ancien système de retraite à prestations définies, supprimé en 2014, qui était une revendication importante entre autres pour une fraction des salarié·e·s engagés depuis longtemps auprès de Boeing. Niraj Chokshi, dans le New York Times du 5 novembre, souligne que «même s’il était peu probable que l’entreprise accepte de rétablir ce régime de retraite, les travailleurs ont fait pression pour obtenir de meilleurs avantages dans d’autres clauses du contrat afin de compenser cette concession».
Lori Aratani et Rachel Lerman dans le Washington Post du 5 novembre notent à propos du système de retraite: «Le rétablissement du régime de retraite était un point de friction important pour certains membres du syndicat. Mais ces programmes, autrefois considérés comme un moyen de retenir les travailleurs, sont devenus de plus en plus rares en raison de l’augmentation des coûts de leur maintien. Les grévistes de l’industrie automobile [organisés dans l’UAW] ont également exigé le retour des pensions en 2023 dans le cadre de leurs négociations, mais ils ont finalement accepté un accord qui ne les incluait pas.»
La diminution de 10% des emplois à l’échelle internationale ne pouvait être traitée dans le cadre de ce contrat mais reste un défi pour le futur, car la restructuration de Boeing sera fort importante. En effet, le PDG de Boeing, Kelly Ortberg, entré en fonction en août 2024, a déclaré en octobre qu’elle devrait entrer en vigueur dès le début 2025. L’ensemble des salarié·e·s de Boeing devront affronter le nouveau défi dans un contexte où l’issue des élections aura son importance pour l’ensemble du mouvement syndical.
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