Par la rédaction d’Esquerda Online
La mobilisation de ce samedi 19 juin, à Recife, a montré la force du mouvement Fora Bolsonaro (Dehors Bolsonaro). Malgré une pluie battante, des milliers de personnes sont à nouveau descendues dans la rue, en nombre bien plus important que le 29 mai. Les estimations varient de 10 000 à 15 000 personnes dans les rues. Mais il est certain que la manifestation de ce samedi 19 juin était deux fois plus importante que la précédente, en occupant le quartier de Boa Vista. Les manifestant·e·s sont déterminés à mettre Bolsonaro dehors et à exiger la vie, le pain, les vaccins et l’éducation!
L’indignation suscitée par la répression absurde contre les manifestant·e·s après la manifestation du 29 mai et la solidarité avec les deux personnes qui ont perdu un œil – Daniel et Jonatan – après avoir été touchées par des balles en caoutchouc tirées à bout portant – ont contribué à l’ampleur de la mobilisation. La révolte et la solidarité sont descendues dans la rue!
Cette fois-ci, il n’y a pas eu de chasse aux manifestant·e·s et la manifestation s’est déroulée dans le calme, les participant·e·s ayant pu marcher du lieu rassemblement jusqu’à la fin et remonter le pont Duarte Coelho, sans mettre leurs yeux et leur vue en danger. Le dispositif policier réuni par le gouvernement PSB (Parti socialiste brésilien) n’a même pas approché la moitié du nombre utilisé en mai. Le gouvernement de l’Etat (du Pernambouc) – qui jusqu’à présent n’a pas révélé d’où venait l’ordre – a directement accompagné l’action de la police, y compris avec la présence du secrétaire à la Sécurité qui observait la manifestation.
Cela n’a été possible que suite au retentissement national qu’a eu la répression. Et ceci grâce à la pression des mouvements sociaux, des parlementaires et à l’action de la presse indépendante, comme l’agence Marco Zero, qui a diffusé, sous tous les angles possibles, des images de l’intervention de la police. Malgré tout, des avocats populaires bénévoles accompagnaient la manifestation pour parer à toute éventualité.
La force du mouvement était telle qu’elle a contraint Bolsonaro à se retirer d’une «Parade de la mort» qui devait avoir lieu ce dimanche 20 juin dans la capitale du Pernambouc (Recife). Elle a été annulée. La «parade de la mort» serait un manque total de respect pour toutes les victimes du Covid-19 et leurs familles, comme Dona Eulália, 90 ans, qui était présente à l’acte avec une affiche avec la photo de sa fille, l’une des 500 000 victimes du virus et du gouvernement génocidaire.
Un grandiose 19J
[…] la manifestation a compté avec la participation de toute la gauche et des mouvements sociaux. Les militants des partis PSOL, PCB, PT, PCO et PSTU ont défilé avec leurs drapeaux. Le PSOL avait une colonne organisée, avec des bannières et des drapeaux. Des parlementaires de gauche étaient également présents, en plus des centrales syndicales CUT, CSP et Intersindical, et de plusieurs collectifs de jeunes, antiracistes et de femmes, comme Résistance féministe, MTST (Mouvement des travailleurs sans toit), MST (Mouvement des sans-terre), Mouvement des sans-toit de Recife), des syndicats de chauffeurs de bus, d’enseignants et de fonctionnaires.
Recife, Pernambuco et le Brésil sont sur la bonne voie et suivent la voie pour mettre fin au gouvernement Bolsonaro et arrêter le fascisme: l’unité politique maximale des travailleurs et de leurs organisations. (Reportage publié sur le site Esquerda Online, traduction rédaction A l’Encontre)
***
Dans les rues de Rio de Janeiro, l’espoir de la fin du bolsonarisme
Par Ivan Martins
Aujourd’hui, 19 juin, des dizaines de milliers de personnes ont occupé l’Avenida Presidente Vargas en réponse à l’appel à une nouvelle mobilisation nationale de la campagne «Fora Bolsonaro», dont les revendications étaient: la vaccination, l’emploi et le revenu. La mobilisation dans la capitale a été rejointe par trente autres villes de l’Etat de Rio, montrant la diffusion du mouvement, qui transforme en action le mécontentement, la colère et le chagrin qui saisit la majorité de la population face à une gestion génocidaire de la pandémie. Ce 19, nous atteignons le seuil terrifiant de 500’000 morts.
A quelques kilomètres du lieu de la manifestation, Bolsonaro lui-même participait à une cérémonie à l’Académie navale, devant un parterre de militaires complices et dépositaires des espoirs autocratiques de l’extrême droite. Cette fois, cependant, le président a préféré la discrétion et a évité de mesurer ses forces avec ses adversaires. Ses motards, apôtres de la chloroquine et provocateurs habillés en vert et jaune, n’ont pas été vus. Les rues empruntées par ses adversaires ont donc montré un Bolsonaro sous pression.
Rio, ville hôte du projet de pouvoir néofasciste milicien
La mobilisation à Rio, cependant, prend une autre dimension. La ville a été le berceau et est le siège du projet de pouvoir néofasciste milicien que Bolsonaro cherche à mettre en œuvre. C’est là que le député de l’époque est apparu comme un représentant politique de la synthèse entre les vestiges de la doctrine de sécurité nationale de la dictature militaire, sa dérivation en politique de sécurité publique exterminationniste sous forme de domination et d’exploitation territoriale par le binôme police et milices, et par les nouvelles strates d’extrême droite qui se sont développées lors de la vague anti-PT de 2015-2016. C’est dans cette ville que Bolsonaro et son clan ont leurs racines les plus profondes et les plus résistantes.
Cependant, c’est aussi à Rio de Janeiro que le bolsonarisme a produit certains de ses plus grands opposants, comme Marielle Franco, assassinée [le 14 mars 2018] par des miliciens proches du président. La résistance à Bolsonaro synthétise également certains des principaux agendas des mouvements sociaux de la ville. La lutte contre l’extermination de la population noire et des favelas, contre le racisme, le machisme et contre la LGBT phobie, contre la privatisation et la précarisation des services publics, pour la liberté religieuse et éducative, pour la préservation et l’expansion du SUS (Système unique de santé) trouvent dans «Fora Bolsonaro» un réceptacle commun. La reprise de la rue par la gauche consolide dans la ville la formation d’une majorité contre Bolsonaro, reléguant le président génocidaire à sa base sociale dangereuse mais minoritaire.
L’unité de la gauche exprimée dans l’unité du mouvement de masse
Le succès des manifestations à Rio de Janeiro et au Brésil témoigne du pouvoir de mobilisation et d’organisation de la gauche lorsqu’elle est unie face à l’extrême droite. L’articulation des fronts Brasil Popular et Povo Sem Medo et du Forum pour les libertés démocratiques, ainsi que d’importants mouvements comme la Coalition noire pour les droits, a reflété une unité plus profonde, exprimée dans la capacité «protagonistique» des partis et organisations de gauche, des mouvements de jeunesse, des tronçons représentant des catégories professionnelles et d’autres secteurs organisés. Cela a donné lieu à une manifestation diversifiée dans sa composition, mais avec des agendas clairs et un profil de gauche. Les drapeaux, les banderoles, les bannières et les t-shirts indiquent une gauche qui prend la tête de l’opposition à Bolsonaro.
L’ampleur accrue du 19J par rapport au 29M indique également un processus qui n’a pas encore trouvé ses limites. Il n’y a pas eu non plus de signes de relâchement dans les dispositions sanitaires (masques, distance, etc.) entre une manifestation et l’autre, ce qui permet de penser que davantage de personnes se sentent en sécurité pour participer à des manifestations de rue, surtout pendant que le calendrier de vaccination avance. Symbole de cette croissance, la participation du chanteur Chico Buarque, soixante-dix-sept ans, qui a fêté son anniversaire et a été vacciné avec la deuxième dose.
Ainsi, c’est dans la rue que la gauche trouve son espace de recomposition des forces, dans la lutte contre la politique de mort de Bolsonaro et de ses alliés. Alors que le président cherche refuge auprès de ses plus fidèles partisans, la gauche se montre capable de mener une large opposition, mais guidée par des programmes concrets, urgents et nécessaires, ressentis par la majorité laborieuse. Forte de ce sentiment d’urgence, une gauche unie se présente comme porteuse de l’espoir de voir enfin la fin de l’expérience du bolsonarisme au pouvoir. (Article publié sur le site Esquerda Online, le 20 juin 2021; traduction rédaction A l’Encontre)
***
Le 19J était un jour de lutte dans l’ABC Paulista
Par Elber Almeida
Le Front ABC Sem Medo (ABC sans crainte) a organisé la manifestation du 19J, une journée nationale de lutte, dans l’ABC Paulista [la zone industrielle historique de São Paulo], avec le mouvement «Santo André contre Bolsonaro» [ville de la région métropolitaine de São Paulo]. Des syndicats, des collectifs sociaux, des partis de gauche et des élus de la région ont participé à la manifestation. Des centaines de personnes ont assisté à l’événement, poursuivant la lutte déclenchée le 29 mai, lorsqu’il y a eu une manifestation à São Bernardo do Campo, une autre ville de la région.
La mobilisation a commencé à 10 heures à la Praça do Carmo, les manifestants ont fait un parcours à travers le centre de Santo André jusqu’à ce qu’ils reviennent à la rue Oliveira Lima, le centre commercial, en passant par le palais municipal et le terminal métropolitain, en criant des slogans qui tournaient autour des luttes pour les droits sociaux et contre le gouvernement Bolsonaro, comme «vaccin dans le bras, nourriture dans l’assiette et dehors Bolsonaro!».
Pendant tout le parcours, on a cherché à maintenir une distance physique et l’organisation de la manifestation a distribué des masques PFF2 et du gel hydroalcoolique pour ceux qui participaient. Il y a eu des manifestations de soutien de la part des piétons et des conducteurs qui ont vu passer le cortège. La manifestation s’est terminée de manière pacifique.
Le Front ABC continuera à se réunir pour organiser les prochaines étapes de la lutte avec les mouvements de tout le pays. (Article publié sur le site Esquerda Online, le 20 juin 2021; traduction rédaction A l’Encontre)
***
Au Pará, l’acte du 19J était une réponse à la visite de Bolsonaro dans l’Etat
Par Will Mota
Le 19J à Belém [capitale du Pará] répudie le génocide et l’écocide du gouvernement Bolsonaro. Entre 4000 et 5000 manifestants sont descendus dans les rues de Belém do Pará le matin du 19 juin, depuis le marché de São Brás jusqu’à la Praça da República, dans le centre-ville. Cette fois, les groupes d’étudiants, les syndicats, les partis de gauche et les mouvements sociaux ont étendu les mesures sanitaires: ils se sont organisés en trois rangées, cherchant à garantir une distance d’au moins 1 mètre entre les personnes, en plus de la distribution de masques et de gel hydroalcoolique à tous les manifestant·e·s.
Exactement le contraire de ce qu’a fait le président génocidaire Jair Bolsonaro le 18 juin, au Pará, dans les villes de Marabá et de Belém, à l’occasion de l’anticipation de la campagne électorale qui le fait parcourir le pays en inaugurant des travaux inachevés et en cherchant à renforcer ses liens avec les secteurs des affaires, de la religion et de l’agroalimentaire.
Comme il l’a fait, hier, à Maraba, en discutant avec des ruraux qui s’en prennent aux peuples indigènes et des gardes qui sont censés travailler dans la surveillance de l’environnement. A Belem, il fut présent lors d’une cérémonie à l’occasion du 110e anniversaire de l’Eglise de l’Assemblée de Dieu. Dans tous ces actes, Bolsonaro et ses partisans ne portaient pas de masques et mettaient un point d’honneur à développer et à diffuser des idées et des pratiques négationnistes. La présence de Bolsonaro promouvant des actions négationnistes au Pará a été un élément qui a motivé la présence dans les manifestations d’aujourd’hui.
A Belém, le point fort de la mobilisation a été la jeunesse. Les cortèges des collectifs de jeunes étaient les plus grands, avec beaucoup d’animation. Mais la manifestation était très diversifiée, avec beaucoup de personnes âgées et déjà vaccinées. Il y a également eu des manifestations dans d’autres villes de l’Etat: Altamira, Bragança, Breves, Castanhal, Marabá, Paragominas, Parauapebas et Santarem.
Le 19J a représenté une autre victoire importante des mouvements sociaux dans leur lutte pour la destitution de Bolsonaro, pour l’accélération de la campagne de vaccination, pour l’emploi et une aide d’urgence décente. La gauche et les mouvements sociaux ont fait un pas en avant dans la lutte pour renverser ce gouvernement génocidaire et écocidaire. Nous continuons à accumuler des forces dans les rues, qui ne sont plus hégémonisées par la droite. Cependant, nous devons progresser davantage dans notre capacité d’organisation et de mobilisation pour que la Commission parlementaire d’enquête (CPI) s’oriente vers l’impeachment. Nous ne pouvons pas attendre les élections d’octobre 2022, sinon notre tragédie s’aggravera qualitativement, c’est-à-dire par le nombre de morts, de chômeurs, par la destruction de l’environnement, la perte des droits et les attaques contre la démocratie. Nous avons besoin d’un nouveau calendrier unitaire des luttes pour les semaines à venir. (Article publié sur le site Esquerda Online, le 20 juin 2021; traduction rédaction A l’Encontre)
***
Le 19J des dizaines de milliers de personnes à Brasilia pour «Fora Bolsonaro»
Par Ademar Lourenço
Avec une forte présence du mouvement indigène, le 19J de Brasilia a réussi à répéter l’audience de la manifestation du 29 mai. Des représentants des peuples amérindiens campent dans la capitale fédérale en raison des récentes attaques violentes contre leurs territoires et des problèmes de délimitation de leurs terres.
«Cette lutte n’est pas seulement celle des peuples amérindiens, c’est une lutte pour l’avenir de l’humanité. Nous ne pouvons plus laisser Bolsonaro à la tête du pays», a déclaré Sônia Guajajara, de l’Articulation des peuples indigènes du Brésil et candidate à la vice-présidence de la République en 2018 sur la même liste que Guilherme Boulos. Elle a parlé des projets de loi 191 et 2633, qui autorisent l’invasion des terres amérindiennes pour des activités prédatrices, comme l’exploitation minière.
La manifestation a été marquée par la diversité. Les fonctionnaires contre la réforme administrative, les LGBT contre les préjugés, les postiers contre la privatisation de l’entreprise et les personnes ayant perdu des membres de leur famille à cause du Covid-19 protestant contre la négligence du gouvernement face à la pandémie.
La manifestation a été suivie par des parlementaires de gauche, comme la députée fédérale Talíria Petrone (PSOL/DF). «C’est le tournant de notre histoire. Nous ne mourrons pas de la violence ou de la maladie. Nous occuperons les rues pour renverser Bolsonaro», a déclaré la parlementaire.
«Cette démonstration massive nous donne de l’espoir. Avec l’unité des mouvements populaires, nous construirons un nouveau Brésil. Le peuple ne mourra pas de faim ou du virus», a déclaré Karine Rodrigues, infirmière et militante du courant Resistance du PSOL et du Coletiva SUS [secteur de la santé]. Elle s’est également souvenue de la lutte des infirmières pour défendre les revenus de la catégorie. «Aujourd’hui, 18% des infirmières gagnent moins de mille reais par mois [moins de 200 dollars]», rappelle Karine.
La manifestation a été pacifique depuis son début, au Musée national, jusqu’à sa fin, devant le Congrès. Comme il s’agit d’un acte de l’opposition, la police n’a pas laissé les gens descendre jusqu’à la Praça dos Três Poderes, où se trouve le palais du Planalto, siège de la présidence de la République. Lorsque la manifestation est en faveur du gouvernement, la police dégage toujours la zone. (Article publié sur le site Esquerda Online, le 20 juin 2021; traduction rédaction A l’Encontre)
Ademar Lourenço est militant du courant Résistance du PSOL
Soyez le premier à commenter