Le débat sur l’aspect impérieux et sur le modèle le plus approprié pour changer les règles donnant accès au système de retraites, sur le montant des pensions et les autres allocations de l’INSS (Instituto Nacional del Seguro Social) tourne autour des recettes et des dépenses de la sécurité sociale. [La contre-réforme du système de retraite constitue un des défis sociaux les plus décisifs dans l’affrontement entre capital et travail dans le Brésil de Bolsonaro, un thème où gouvernement et patronat sont sur la même orientation.]
Au centre de la guerre de communication se trouve la proposition du gouvernement de créer un modèle de retraite par capitalisation [opposé au modèle par répartition], dans lequel chaque travailleur devra rendre des comptes sur la somme d’argent qu’il a réussi à réunir avant de prendre sa retraite, après un minimum de 20 années de contributions (antérieurement 15 ans). L’âge donnant droit à la retraite sera fixé à 65 ans pour les hommes et à 62 ans pour les femmes. Pendant ce temps de cotisations, l’argent cumulé sera géré par une banque, qui se fera payer pour les services de gestion rendus.
Le modèle actuellement en vigueur est un régime de répartition, où les apports des travailleurs, des entreprises et la part des impôts versée par le gouvernement financent les retraites.
L’Unafisco (Association nationale des inspecteurs du Secrétariat d’Etat des recettes fédérales du Brésil) a réalisé une étude afin d’estimer les bénéfices que les banques vont encaisser et de savoir aussi combien obtiendra chaque travailleur le jour où il prendra sa retraite.
D’après cette étude, les banques devraient obtenir 388 milliards de reais (monnaie du Brésil), quelque 89 milliards d’euros par an. Dans le système de capitalisation – une espèce d’épargne individualisée que le travailleur devra faire afin de prétendre à une pension – les banques prendront un pourcentage annuel sur la valeur du patrimoine cumulé. Elles capteront aussi un montant mensuel sur les dépôts effectués sur le compte individuel de capitalisation.
L’étude de L’Unafisco a été faite sur la base d’un pourcentage de 2% et d’une taxe de gestion de 2% aussi. Pour estimer la valeur moyenne annuelle de la facturation des banques, l’Unafisco a pris deux cycles de 35 ans de cotisations. Dans le premier cycle, il y a l’accumulation du patrimoine et dans le deuxième, elle prend en compte l’entrée d’autres travailleurs ainsi que le paiement des premières retraites.
A la fin du premier cycle de 35 ans, la ponction cumulée des institutions financières atteint 34,51% du patrimoine cumulé par les travailleurs et travailleuses. A la fin des deux cycles, d’ici à 70 ans, les bénéfices de banques atteindront 102,58% de l’ensemble de l’épargne cumulée [autrement dit, plus de la moitié de l’épargne accumulée ira aux banques].
Le travailleur aura un revenu d’une valeur équivalente à un cinquième de ce qu’il percevait lorsqu’il était en activité. C’est-à-dire, pour 100 reais (22,91€) de revenu moyen, la retraite équivaudra à 20 reais (4,58€). La chute sera due, comme l’explique le document, au fait que dans le nouveau modèle il n’y aura plus de participation des entreprises, comme c’est le cas dans le modèle par répartition.
«Tel est le projet du gouvernement qui a été déposé à la PEC 6 (Projet de réforme constitutionnel). Gouvernement et patronat veulent réduire les coûts des entreprises. C’est le discours du ministre Paulo Guedes. Sans la cotisation patronale, le montant du capital cumulé ne suffit pas à payer la retraite du travailleur pendant la période d’espérance de vie», déclare Mauro José da Silva, directeur de l’Unafisco.
Par exemple: un ouvrier perçoit trois salaires minimums et ne cotise que 11% de cette valeur dans un système par capitalisation. S’il a commencé à travailler à 25 ans, à la fin de 35 années de cotisations, il aurait un capital de 258’000 reais (57’242€). L’étude de l’Unafisco estime un taux annuel réel de 2,9%, la valeur serait donc suffisante pour assurer sept ans de retraite d’un montant égal à trois salaires minimums (le niveau de vie serait maintenu).
Cependant, pour que le montant cumulé soit distribué jusqu’à l’âge de 84 ans, qui est la limite de l’espérance de vie [1], le montant de la retraite devrait être de 1100 reais (251€), un tiers du revenu moyen que l’ouvrier percevait.
En outre, il faut tenir compte des montants encaissés par les banques au cours des années. Si l’on prend en compte les «frais» de gestion de 2% par an et une charge de 2%, le capital cumulé par l’ouvrier tomberait à 168’700 reais (38’632€).
Avec cette somme, en réalité, il en aurait à peine durant trois ans un revenu équivalant à trois salaires minimums par mois. Si la pension devait être perçue jusqu’à l’âge de 84 ans, le montant de la retraite ne serait que de 600 reais (137€), l’équivalent d’un cinquième de la valeur de référence du niveau de vie que le travailleur avait lorsqu’il était en activité et qu’il gagnait 3000 reais (687€).
Lors de l’audience publique sur les détails de la PEC 06/2019, qui eut lieu à la CCJ (Commission de Constitution et de Justice) du Parlement, le ministre de l’Economie, Paulo Guedes, n’a pas su expliquer comment sera le modèle par capitalisation et n’a pas parlé des bénéfices que les banques obtiendront avec la réforme des retraites. (Article publié dans Brasil de Fato, en date du 11 avril 2019; traduction A l’Encontre)
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[1] Selon la statistique internationale, l’espérance de vie à la naissance, au Brésil, se situe à 79,3 ans pour les femmes (chiffre de 2017), et à 72,11 ans pour les hommes. Il s’agit d’une moyenne, donc qui ne prend pas en compte les inégalités sociales. Les 84 ans font certainement référence à l’espérance de vie pour les personnes qui commencent à toucher leur retraite. (Réd.)
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