Le Brésil connaît une augmentation du nombre de cas de Covid-19, qui avoisine les 7 millions, et une accélération du nombre de décès, qui s’élève à 915 au cours des dernières 24 heures [15 décembre]. Au total, 182 799 vies ont été perdues, sans tenir compte des déclarations manquantes. Malgré les avertissements des experts et des organismes de santé, les gouvernements [des Etats et le gouvernement fédéral] ont hésité à prendre de nouvelles mesures de prévention, et les festivités de fin d’année pourraient conduire à un mois de janvier avec un nombre record de décès. Le gouvernement fédéral ne garantit pas la continuité de l’aide d’urgence [de 100 euros mensuels, décidée fin mars 2020 ], ce qui va accroître la pauvreté et la misère, mettant encore plus de personnes noires et pauvres en situation de vulnérabilité.
La seule nouvelle positive, dans un contexte de nouvelles vagues de contamination, est la percée dans le développement de vaccins, les premières applications ayant été réalisées au Royaume-Uni des mois avant la plupart des prévisions, et divers vaccins étant à un stade avancé.
Le Brésil est à la traîne dans la course mondiale au vaccin et ce n’est pas un hasard ou une incompétence. Il s’agit d’une décision politique, en accord avec le négationnisme avec lequel le gouvernement a traité la pandémie. Le ministère de la Santé [à la tête duquel se trouve le général Eduardo Pazuello!]ne s’est pas préparé à la vaccination, n’ayant fait aucun achat ni réserve de seringues. Et 300 millions de seringues et d’aiguilles devraient être nécessaires – le vaccin le plus avancé est appliqué en deux doses.
Par coïncidence, le secteur privé s’emploie déjà à transformer la pandémie en une source de profits. Les associations d’hôpitaux et de cliniques de vaccination privés ont proposé au gouvernement de participer au programme de vaccination, en offrant le réseau de cliniques, d’hôpitaux et de laboratoires privés. Il ne s’agit pas, bien sûr, d’une action humanitaire, mais d’une nouvelle attaque sanitaire privée contre le SUS (Système unique de santé), qui devrait voir son budget réduit en 2021.
Ce n’est qu’après la perte accrue de crédibilité causée par l’annonce des gouvernements des États offrant directement le vaccin, comme celui de São Paulo, que le gouvernement Bolsonaro a accepté la vaccination et a déclaré qu’il achèterait tout vaccin approuvé par Anvisa [Agence nationale de surveillance de santé] dans «les cinq jours». Le mercredi 16 décembre, il a officiellement présenté un plan national de vaccination, fait à la hâte et sans même consulter les experts désignés. Lors de la conférence de presse, le ministre de la santé a assuré qu’il avait planifié l’achat de doses et la vaccination de masse, qu’il n’y aurait pas de traitement différencié pour les États. Le général Eduardo Pazuello, effrontément, a lancé un appel au SUS, en disant: «Le peuple brésilien a la capacité d’avoir le plus grand système de santé du monde, d’avoir le plus grand programme national d’immunisation du monde, nous sommes les plus grands fabricants de vaccins en Amérique latine. Pourquoi cette anxiété, cette angoisse?». Cette phrase est pour le moins un manque de respect envers toutes les victimes du Covid-19 et leurs proches.
Bolsonaro: «Je ne me fais pas vacciner»
Ce revirement et les discours du ministre de la Santé contrastent avec les déclarations et les omissions du président. Ce mardi 15 décembre, dans une interview avec l’animateur José Luiz Datena, de la chaîne Rede Bandeirantes, Bolsonaro a déclaré qu’il ne serait pas vacciné: «En tant que citoyen c’est une chose, en tant que président c’en est une autre. Mais comme je n’ai jamais fui la vérité, je dis: je ne prendrai pas le vaccin. Si quelqu’un pense que ma vie est en danger, c’est mon problème et c’est tout». Le président a également déclaré que la vaccination ne sera pas obligatoire. Il a défendu une «clause de responsabilité» à signer par quiconque se fait vacciner et a affirmé avoir demandé au ministre de la Santé, Pazzuello, de commencer à «faire la preuve ce que contiendrait la notice de ce médicament». Et Pazuello n’est devenu ministre que pour ne pas avoir désobéi ou mis en question le président… [à la différence des deux ministres de la Santé qui l’avaient précédé].
Le président assume publiquement qu’il agira pour décourager la vaccination, présentant le vaccin comme dangereux. Comme le souligne le journaliste Bruno Boghossian de Folha de São Paulo, les divers discours du président trouvent un écho: «Depuis le mois d’août, le pourcentage de Brésiliens qui ne veulent pas se faire vacciner est passé de 9% à 22%. Il y a 46 millions de personnes qui pourraient souffrir de la maladie ou propager le virus».
Il faut transformer l’angoisse en révolte: «Dehors Bolsonaro, le tueur!»
Le président Jair Bolsonaro a été dénoncé devant le Tribunal de La Haye en raison de ses crimes durant la pandémie. Sa responsabilité et celle de son ministre aux vues des milliers de morts ne font aucun doute. Il y a cependant des raisons d’être angoissé. Bolsonaro continue de promouvoir des regroupements de personnes et maintenant il combat et sabote la vaccination, utilisant sa machine à mensonges pour faire peur à des milliers de Brésiliens et Brésiliennes. Nous savons que la vaccination de masse est un moyen de prévenir la contagion. Le sabotage du vaccin a un objectif: prolonger une situation dans laquelle le gouvernement et le Congrès peuvent continuer à déréguler, avec des privatisations, une contre-réforme administrative, l’élimination de règles légales et d’autres politiques visant les intérêts populaires. Plus que jamais, il est temps de crier «Fora Bolsonaro» (Dehors Bolsonaro), de défendre la vie, de défendre le SUS et d’exiger une vaccination de masse. (Editorial d’Esquerda Online, site du courant Resistencia du PSOL, le 16 décembre 2020; traduction rédaction A l’Encontre)
Soyez le premier à commenter