Par le Centre d’accès pour les droits de l’homme (ACHR)
En avril dernier, les autorités libanaises ont expulsé 64 réfugié·e·s syriens à la suite de rafles arbitraires menées dans différentes régions du Liban. Ces opérations ont été menées sans tenir compte du statut juridique et politique de ces réfugié·e·s en Syrie, violant ainsi le droit international relatif aux droits de l’homme, notamment l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 14 de la Charte arabe des droits de l’homme et l’article 3 de la Convention contre la torture.
Les 10 et 11 avril, l’armée libanaise a procédé à la déportation massive de 29 réfugié·e·s syriens après avoir perquisitionné leurs lieux de résidence à Haret Al-Sakher – Jounieh. Par le poste frontière de Masnaa, ils ont été transférés dans une zone située au-delà de la frontière libano-syrienne. Selon l’équipe de l’ACHR, ces rafles étaient arbitraires.
L’armée libanaise a également procédé à une autre déportation massive de 35 réfugié·e·s syriens à Wadi Khaled, dans le nord du Liban, après que l’armée libanaise et les services de renseignement de l’armée ont effectué une descente sur leur lieu de résidence à Al Mazra’a, dans le district de Kfardebian dans la région de Kesrouane. Ils ont ensuite été transférés à la caserne militaire de Sarba à Jounieh, puis au poste de contrôle de Shadra à Akkar [district du Nord-Liban] avant d’être remis à la 4e division de l’armée syrienne [cette division est sous la direction de Maher Assad, frère de Bachar].
Lors des rafles, les réfugié·e·s ont été soumis à des mauvais traitements dans des conditions inhumaines, alors qu’il y avait parmi eux des malades et des enfants. Certains étaient enregistrés auprès du HCR, et même si les réfugiés déportés n’avaient pas de résidence légale au Liban, ils étaient entrés légalement et régulièrement au Liban. Leur sort en Syrie reste inconnu à ce jour.
Nous craignons que ces actions récentes ne résultent du plan annoncé par le gouvernement libanais à la fin de l’année 2022, dans lequel il a déclaré son intention de renvoyer 15’000 réfugiés par mois en Syrie sans révéler le contenu du plan ni les moyens que le gouvernement déploiera pour le mettre en œuvre. Ce plan a été largement condamné par les organisations de défense des droits de l’homme, dont l’ACHR, ainsi que par le HCR qui, le 29 juillet 2022, dans une déclaration retirée par la suite appelait le gouvernement libanais à respecter les conditions d’un retour volontaire, dans la dignité et en toute sécurité.
Toutes ces opérations sont menées dans le cadre d’un black-out médiatique total dont nous craignons qu’il ne soit délibéré et lié au plan mentionné, car ces deux cas de déportation massive que l’ACHR a suivis n’ont été rapportés par aucun média, contrairement à ce qui est courant dans les agences de presse locales: à savoir et transmettre et couvrir la plupart des incidents qui se produisent au Liban.
Dans le cadre de sa publication périodique, l’ACHR poursuit la documentation des cas de réfugiés systématiquement déportés. Cependant, l’ACHR continue d’informer les bureaux du HCR au Liban des cas de personnes déportées, en soulignant les dangers potentiels pour les réfugiés déportés vers la Syrie, bien que l’un des rôles principaux du HCR soit de traiter les déportations forcées et de s’occuper de tout ce qui pourrait constituer une menace pour les réfugiés syriens.
Malheureusement, le dossier des réfugiés syriens au Liban est plein de violations, et ce qui s’est passé à la date mentionnée ci-dessus est une escalade dangereuse de la part du gouvernement libanais et de ses institutions de sécurité pour traiter les réfugiés syriens sur son sol avec des méthodes qui sont en contradiction flagrante avec la Charte internationale des droits de l’homme.
Tout individu a le droit de demander l’asile et la protection contre la violence et la persécution, comme le stipulent la Déclaration universelle des droits de l’homme et le droit international, y compris le droit, en tant que réfugiés, d’accéder à la protection et à l’assistance; leurs droits ne devraient être violés en aucune circonstance et sous aucune forme. L’article 9 de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que nul ne peut être soumis à l’expulsion ou à la détention illégale, tandis que l’article 14 de la Charte arabe des droits de l’homme interdit la torture, les mauvais traitements et les traitements inhumains, y compris l’expulsion forcée. En vertu de l’article 3 de la Convention contre la torture, les Etats ne sont pas autorisés à soumettre quiconque à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les Etats sont tenus d’appliquer les mesures nécessaires pour protéger les individus contre ces formes de traitement. L’article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit l’expulsion forcée de toute personne vers tout pays où elle pourrait être poursuivie et n’autorise que l’expulsion des étrangers qui résident illégalement dans le pays, mais cela suppose que l’Etat remplisse toutes les obligations qui lui incombent en vertu des lois et accords internationaux pertinents. L’Etat ne peut prendre aucune mesure lui permettant de se soustraire à ces obligations. Les pays qui souhaitent expulser des étrangers doivent vérifier qu’ils ne sont pas persécutés dans leur pays d’origine et qu’ils ne seront pas soumis à la torture ou à des mauvais traitements.
Selon l’ACHR, les réfugiés au Liban ne devraient pas être expulsés ni transférés arbitrairement en Syrie, car ils pourraient être exposés à des risques de torture ou de mauvais traitements, en plus de l’absence de conditions garantissant leur sécurité et une vie décente dans leur pays, ce qui irait à l’encontre de tous les accords et traités internationaux qui garantissent les droits des réfugiés. Il est donc essentiel de mettre fin à ces déportations massives et forcées et de permettre aux personnes contre lesquelles des décisions d’expulsion ont été prises de les contester par les moyens légaux appropriés.
Nous appelons également le Conseil suprême de défense du ministère de la Défense à revenir sur la décision publiée en avril 2019, qui a eu un impact significatif sur la légitimation des violations commises par les services de sécurité visant des réfugiés syriens au Liban. Par conséquent, nous appelons à nouveau les autorités libanaises à respecter pleinement les lois et accords internationaux signés.
Nous demandons également de ne pas prendre de décision qui ne respecte pas les conditions de retour volontaire approuvées par le HCR dans sa déclaration supprimée, dans laquelle il a exprimé sa profonde préoccupation concernant les pratiques restrictives et les mesures discriminatoires visant des réfugiés au Liban. A cet égard, nous invitons le HCR à faire des efforts plus significatifs pour lutter contre les violations des droits des réfugiés syriens au Liban, y compris les arrestations arbitraires, les disparitions forcées, la torture et les déportations forcées.
Enfin, nous appelons la communauté internationale à ne pas ignorer les violations susmentionnées qui exposent les réfugiés à des risques directs. Nous l’appelons aussi à activer, dans ses mécanismes de financement, le principe de l’approche basée sur les droits de l’homme [Human rights-based approach-HRBA], en particulier en ce qui concerne les réfugiés soumis à des pressions de la part des autorités libanaises. (Déclaration datant du 18 avril 2023, publiée en français par le site de FSD, édition A l’Encontre)
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