L’austérité, non l’immigration est responsable des inégalités qui ont conduit au vote Brexit.
Le même jour que le Royaume-Uni a voté en faveur d’une rupture avec l’UE, une augmentation énorme du taux de décès a été rapportée. Cette augmentation fait suite aux politiques d’austérité mises en œuvre par le gouvernement de coalition de 2010 [conservateur/libéral-démocrate]. Les auto-évaluations sur l’état de santé étaient un élément clé de l’indice sur le bien-être de David Cameron. Il a chuté chaque année depuis qu’il est Premier ministre [en 2010], une chute plus forte au cours des dernières années. En mars 2016, l’Office for National Statistics (ONS) rapportait: «La proportion des personnes âgées de 16 ans et plus au Royaume-Uni qui se déclarent un peu, largement ou complètement satisfaits de leur état de santé était plus bas à la fin de l’année courante 2014 (57,8%) que l’année précédente (59,3%). La façon dont les gens perçoivent leur état de santé est un élément crucial de leur bien-être.»
En brandissant le slogan «Vote leave, reprend le contrôle», la campagne pour sortir de l’UE a gagné 51,9% des suffrages lors du référendum. Toutefois, 13 millions des électeurs enregistrés n’ont pas voté, 7 millions d’autres adultes éligibles n’étaient pas enregistrés. Parmi ceux-ci, on rencontre de manière disproportionnée «les jeunes; les occupants d’appartement, en particulier les locataires; les membres des minorités ethniques ainsi que les personnes qui se sont récemment déplacées».
La responsabilité du résultat du référendum sur l’UE a été injustement portée sur la classe laborieuse du nord de l’Angleterre, voire même sur l’obésité! Toutefois, en raison du taux différent de participation et de la taille de la population cible, la plupart des personnes qui ont voté leave vivaient au sud de l’Angleterre. En outre, sur l’ensemble des personnes qui ont voté leave, 59% appartenaient aux classes moyennes (A, B ou C1) [critères utilisés pour «définir» l’appartenance sociale; C2DE correspondant à des catégories des couches populaires]. La proportion des votants pour le leave figurant au bas de l’échelle (D et E) s’élevait à seulement 24%. Les votants leave parmi les «classes moyennes» ont été cruciaux pour le résultat, car ces dernières constituaient le deux tiers de tous ceux qui ont voté.
Le prix élevé de l’austérité
Le jour du référendum sur l’UE, des données publiées par l’ONS ont montré qu’il y a eu 52’400 décès «supplémentaires» au cours de l’année qui s’est achevée en juin 2015, en comparaison avec l’année qui s’est terminée en juin 2014. Les taux de décès en Angleterre et au pays de Galles ont augmenté, dans l’ensemble, de 9%. Les augmentations les plus importantes ont été enregistrées parmi les aînés et elles ne connaissent pas de précédents. Ces décès ont été attribués à la démence et à la maladie d’Alzheimer, la grippe étant mentionnée comme un facteur contributif. L’austérité a joué un rôle majeur, les personnes nécessitant des soins sur la longue durée mourant plus tôt. Les crises dans les secteurs des services sociaux et des soins vont s’approfondir à mesure que les finances nationales se détérioreront et qu’il sera plus difficile de recruter et de stabiliser du personnel provenant du continent européen.
La plupart des migrant·e·s au Royaume-Uni ont une bonne santé et s’installent dans les quartiers les plus pauvres. Le seul groupe d’adultes ayant rencontré une «amélioration» de son taux de décès dans l’année précédant juin 2015 est celui des personnes âgées entre 25 et 29 ans. Les estimations semestrielles publiées le 23 juin indiquent que ce groupe d’âge est celui où l’on rencontre le nombre le plus élevé de migrant·e·s vers le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni a largement bénéficié de l’immigration de jeunes adultes en meilleure santé que la moyenne, éduqués sur le budget d’autres contribuables; un grand nombre d’entre eux travaillent dans notre système de soins, dans l’éducation ou le secteur social. Leur arrivée a réduit les inégalités en matière de santé et amélioré les indicateurs globaux de santé.
La raison qui sous-tend la dégradation de la santé et le déclin des standards de vie n’est pas l’immigration, mais les inégalités économiques sans cesse croissantes, doublées de coupes dans les dépenses publiques propres aux mesures d’austérité. Presque tous les autres pays européens imposent de manière plus efficace, engagent des dépenses plus importantes dans les soins et ne tolèrent pas le degré d’inégalités économiques qui existe en Grande-Bretagne. Afin de détourner notre attention de ces échecs nationaux, nous avons été encouragés à trouver la source de nos maux dans l’immigration et l’UE. Ce mensonge sera désormais exposé au grand jour.
La plupart des personnes âgées de moins de 50 ans ont voté remain. Ils ont voté pour une politique plus inclusive, contre le fanatisme et pour la tolérance. Ils se sentiront une nouvelle fois trahis par des votants plus âgés, mais la véritable trahison est depuis longtemps à l’œuvre. En contraste avec d’autres Etats européens, le Royaume-Uni a systématiquement sous-financé l’éducation et la formation, accroissant les prêts aux étudiants et les dettes qui en résultent, tolérant l’augmentation du prix (inabordable) des logements, introduisant des contrats de travail précaires ainsi qu’engageant la privatisation de services indispensables pour l’avenir des jeunes. Nous avons encouragé les jeunes à se montrer individualistes et nous leur avons fait porter la responsabilité lorsqu’ils ne se sont pas présentés en nombre suffisant pour voter.
Ils rendent les vieilles générations responsables, mais leur colère devrait se diriger au contraire contre les gouvernements qui se sont succédé depuis 1979 [année de l’arrivée au pouvoir de Thatcher], lesquels ont permis une croissance si importante des inégalités, qui ont empêché l’introduction d’un système électoral proportionnel et mis en danger les générations futures. (Danny Dorling est professeur de géographie à l’Université d’Oxford. Article publié le site bmj.com le 6 juillet 2016. Traduction A l’Encontre)
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