Israël-Palestine. Ce qu’une membre du Conseil législatif palestinien a appris dans une prison israélienne

La députée palestinienne Khalida Jarrar après sa libération de prison
La députée palestinienne Khalida Jarrar après sa libération
de prison.

Par Amira Hass

Khalida Jarrar, membre du Conseil législatif palestinien, a été emprisonnée sans procès, suspectée d’incitation et d’appartenance au Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP). Elle a été relâchée après 14 mois de détention.

Des douzaines de Palestiniens qui ont été arrêtés pour des activités contre l’occupation israélienne sont ainsi relâchés chaque semaine. Les caméras qui accompagnaient la libération de Jarrar ont mis en évidence un processus qui a fait partie de la vie quotidienne de centaines de milliers de familles palestiniennes depuis 50 ans. Les premières paroles qu’elle a prononcées lors de sa libération exprimaient d’ailleurs la même chose que dit ou pense chacun des prisonniers relâchés: «C’est un jour heureux à cause de ma remise en liberté, mais c’est aussi un jour triste parce que je laisse derrière moi mes amis, les prisonniers avec lesquels j’ai vécu pendant plus d’une année.»

Jarrar, qui dirige le comité pour les prisonniers au Conseil législatif, a consacré de longues années à agir en faveur des prisonniers palestiniens et à la lutte pour leur remise en liberté. «Les prisonniers ont perdu leur confiance dans le système politique», a-t-elle expliqué lors d’une conférence de presse suite à sa libération. «Ils détestent quand les politiciens se mettent en avant et font des promesses concernant leur libération alors qu’ils savent pertinemment que ces promesses sont creuses.» Elle a ajouté que les prisonniers ne croient pas non plus à la possibilité d’être libérés grâce à des échanges de prisonniers.

Au moment de l’emprisonnement de Jarrar, le nombre de Palestiniennes prisonnières dans des prisons israéliennes a battu tous les records précédents – 61 prisonnières et détenues, dont 14 mineures. Dix prisonnières avaient été blessées au cours de leur arrestation, certaines grièvement. Cinq d’entre elles étaient des mineures.

A cause du surpeuplement dans la prison de Hasharon, une aile supplémentaire a été ouverte dans la prison de Damon, où 20 femmes sont maintenant détenues.

Avec précaution, Jarrar a expliqué lors de la conférence de presse: «Je sais qu’à cause de l’occupation, l’emprisonnement affecte l’entièreté de la société palestinienne, mais on devrait discuter si, par exemple, l’éducation ne pourrait pas être un moyen de lutte approprié et correct.»

A l’initiative de la prisonnière vétérane Lina Jarbuni – dont Jarrar dit qu’elle a beaucoup appris – des prisonnières adultes gèrent une école dans les murs de la prison, avec des leçons d’anglais, d’hébreu et d’études sociales.

Les prisonniers relâchés sont transportés dans une fourgonnette du service des prisons depuis le lieu de détention jusqu’à un des points de passage le long de la Ligne verte entre la Cisjordanie et Israël. En général on ne connaît pas l’heure exacte de leur arrivée au point de passage. La famille de Jarrar a appris qu’elle arriverait au passage de Jabara, au sud de Tulkarem, dans la matinée.

Son mari, Rassan Jarrar, accompagné de plusieurs membres de la famille et des proches, sont arrivés au point de passage à 8h30 du matin. D’autres personnes qui voulaient lui souhaiter la bienvenue sont venues en bus depuis Ramallah, et ont emprunté la rue étroite vers le point de passage plutôt que de prendre la route directe qui passe à côté de la colonie de Avnei Hefez. Ils ont tous dû marcher à travers les arbres et les rochers sous une température proche de 38 degrés.

Jarrar a expliqué plus tard qu’elle avait déjà été menée au véhicule du service des prisons à 8h30, mais qu’il y avait eu un retard inexpliqué. Elle avait donc préféré retourner chez ses amis en prison. Elle a été reconduite au véhicule après 10h30, et un gardien lui a menotté les mains et les pieds.

Le trajet, qui prend en général 10 minutes, a duré une heure à cause de la circulation. Elle est restée menottée jusqu’à leur arrivée au barrage. Ceux qui l’attendaient pouvaient percevoir les signes de son arrivée. Des jeeps militaires faisaient des allers-retour entre le point de passage et ceux qui attendaient pour souhaiter la bienvenue à Jarrar.

A 11h45, lorsque Jarrar est sortie du véhicule en portant un grand sac en plastique, ceux qui l’attendaient sont allés vers elle, malgré les avertissements de la police. Ils ont crié des salutations à la prisonnière libérée et encensaient la lutte du Front populaire.

Aymen Oudeh, membre de la Knesset et président de la Liste conjointe [liste présentée par les quatre principales formations arabes], a utilisé son immunité diplomatique pour s’approcher de Jarrar et il a été le premier à lui donner l’accolade.

Jarrar a expliqué aux journalistes que ce qui irrite le plus les prisonniers – à part les promesses creuses – est la séparation entre social et politique qui existe dans la société palestinienne. La réception qu’elle a reçue – aussi bien au point de passage que chez elle – ressemblait à une célébration privée du Front populaire. Seules quelques personnes qui étaient venues la saluer ne faisaient pas partie de cette organisation.

«Demandez donc au Fatah pourquoi ils ne sont pas venus», lança quelqu’un. «Ce n’était pas prévu comme un événement fermé.» Mais samedi soir, au Conseil législatif, des milliers de personnes ont participé à la bienvenue de Khalida Jarrar. (Article publié dans Haaretz le 19 juin 2016; traduction A l’Encontre)

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