Italie-Dossier. Instauration d’une loi liberticide: le DDL 1660

Par Fabrizio Burattini

Le projet de loi (DDL) n° 1660 a été présenté à la Chambre des députés il y a plus de huit mois, le 22 janvier 2024, sur l’initiative conjointe des ministres Matteo Piantedosi (ministre de l’Intérieur), Carlo Nordio (ministre de la Justice) et Guido Crosetto (ministre de la Défense). La mise en exergue des auteurs de la proposition est particulièrement significative parce qu’elle indique son élaboration au niveau de l’ensemble du gouvernement et parce qu’elle implique et engage les trois composantes de la coalition de droite, étant donné que les trois représentent, respectivement, la Lega, Forza Italia et Fratelli d’Italia.

Le projet de loi (DDL) a jusqu’à présent suivi un parcours plutôt fluide et simple à la «Chambre basse», avec quelques mois de discussion au sein des commissions des Affaires constitutionnelles et de la Justice, avant d’être approuvé par l’assemblée le 18 septembre et de passer au Sénat où il porte numéro S1236 et où il devrait suivre un parcours plutôt court. Il est estimé que, sauf imprévu, ce projet de loi pourrait être approuvé définitivement en octobre.

Le texte de la loi intervient dans des domaines nombreux et disparates, également sans rapport les uns avec les autres, mais constitue une mesure supplémentaire et encore plus grave qui – sur des arguments «sécuritaires» – criminalise toutes les formes de lutte, de mobilisation, y compris les plus pacifiques et «à la Ghandi». Les différents articles «réforment» des points importants du code pénal et vont même jusqu’à aggraver le code italien qui, pour l’essentiel (à l’exception de quelques révisions dans l’immédiat après-guerre puis dans les années 1970), est encore celui rédigé en 1930 par le ministre de la Justice du gouvernement de Mussolini, Alfredo Rocco (ministre de la Justice d’avril 1929 à janvier 1934).

La disposition est complexe et pour un examen plus approfondi, nous ne pouvons que nous référer à certains articles pour une analyse détaillée aux articles publiés ci-après. Il suffit, à titre d’exemple de mentionner les articles suivants: les détenues mères d’enfants de moins d’un an qui pouvaient jusqu’à présent bénéficier de «peines différées», retourneront désormais en prison avec leurs bébés; la vente et la consommation de cannabis léger sont interdites; les barrages routiers et la résistance passive aux infractions administratives deviennent des délits pénaux, avec des peines pouvant aller jusqu’à deux ans; le nouveau délit d’«émeute en prison», assorti de lourdes peines (jusqu’à 6 ans) pour ceux qui organisent ou participent à des initiatives de protestation dans les prisons et les centres de détention pour immigrés «irréguliers», ainsi que le nouveau délit d’«occupation illégale d’un bien destiné à l’habitation d’autrui» (contre les occupations de maisons restées coupablement vides ou de bâtiments abandonnés à la suite de la «désindustrialisation»).

Manifester de manière «irrégulière» contre des «grands travaux»  – contre le train à grande vitesse(TAV- Lyon-Turin), contre le projet de pont sur le détroit qui sépare le continent de la Sicile, ou contre la dévastation produite par les éoliennes en Sardaigne, etc. – ou encore «près des gares ou des stations de métro» constituera une circonstance aggravante par rapport aux sanctions déjà prévues dans le code préexistant.

Mais ce n’est pas tout. Les «agents de la sécurité publique» seront autorisés à porter et à utiliser, même sans permis, des armes à feu en dehors de leur service. Une «interdiction de pénétrer dans les zones d’infrastructures de transport» peut être ordonnée par les Autorité de police, même en l’absence d’une décision de justice. Les entreprises de télécommunication ont l’interdiction de vendre des cartes de téléphonie mobile (carte SIM) aux étrangers «ne provenant pas de pays européens et ne disposant pas d’un permis de séjour valable»

Le DDL 1660 est donc un condensé répressif et propagandiste (certains des 20 nouveaux délits institués sont d’ailleurs d’une constitutionnalité douteuse), destiné à raviver au sein de la base électorale de la droite «dure» le racisme et l’appui à une parodie de justice, cela à un moment où les graves difficultés budgétaires ne permettent pas les manœuvres démagogiques visant au consentement. Cette initiative approfondit aussi la ligne déjà expérimentée: avec le «décret Caivano» (septembre 2023)  – adopté après un épisode de violence sexuelle commise par des mineurs dans le quartier dégradé de Caivano, dans la banlieue de Naples – avec celui contre les rave parties, le «décret Cutro» (mai 2023), adopté après qu’a été empêché le sauvetage d’un bateau de migrant·e·s qui avait fait naufrage lors d’une tempête à quelques mètres de la côte de Calabre, ce qui a provoqué la mort d’une centaine de personnes.

Pour ces forces politiques, il ne s’agit pas seulement de rechercher un appui facile pour cacher les vrais problèmes et s’inventer de nouveaux ennemis. L’idée que cultive l’extrême droite (et que partage en fait la «droite libérale») est celle de régler ses comptes avec la société et ceux et celles qui l’animent, avec les conflits qui la font vivre et survivre. Et cela en frappant par des mesures ultra-répressives toute forme de solidarité: les piquets anti-expulsion, ou devant une usine menacée de fermeture, encore devant un centre de détention aux conditions inhumaines). Il s’agit d’un véritable programme politique, et non d’une simple répression.

La ligne de la majorité de cette droite est d’autant plus claire que la chambre, parallèlement à l’approbation du DDL 1660, a également adopté un ordre du jour engageant le gouvernement à mettre en place une «commission technique» pour «étudier l’introduction de la castration chimique» dans le cas de crimes de violence sexuelle ou dans tous les autres cas ayant des «motifs sexuels».

On ne peut pas oublier les responsabilités sur ce terrain des gouvernements dits de centre-gauche qui ont introduit – par exemple, sous le gouvernement Paolo Gentiloni et Marco Minniti – certaines mesures qui sont aujourd’hui aggravées par les nouvelles réglementations de cette droite. Et il ne s’agit pas seulement de responsabilités passées. L’opposition parlementaire ne semble avoir pris conscience de la gravité du projet de loi que depuis quelques jours, et seulement grâce à la diffusion des initiatives mises en place par le «Rete libere/i di lottare» [voir l’appel ci-après] et, ici et là, par d’autres organisations. Au moment du vote final dans l’hémicycle, seuls 91 députés de l’opposition (sur environ 160) étaient présents dans l’hémicycle. Et surtout, cette opposition n’a pas eu honte de présenter quelques propositions (sans surprise acceptées par le gouvernement) engageant ce dernier à augmenter les dépenses pour embaucher de nouveaux policiers et agents pénitentiaires, prouvant que le choix répressif concerne l’ensemble du «monde institutionnel».

Le PD (Parti démocrate), les 5 étoiles et les syndicats CGIL et UIL, après le long silence entre janvier et septembre, semblent enfin prendre conscience de la gravité de la situation. En outre, les mesures répressives ne sont pas seulement dirigées contre les «luttes radicales» mais contre toutes les luttes, y compris celles basées sur la «résistance passive». Bien sûr, ils ne semblent s’en rendre compte qu’à quelques semaines de l’approbation, mais mieux vaut tard que jamais. Le problème est maintenant de construire, dans un court laps de temps – puisque le DDL 1660 est soumis au sénat – l’unité la plus large jamais réalisée. (28 septembre 2024; traduction par la rédaction A l’Encontre)

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Le Manifeste du «Réseau Liberi/e di lottare – Ensemble, arrêtons le DDL 1660»

Depuis de nombreuses années, sous les prétextes les plus divers, des gouvernements de différentes colorations ont introduit des lois visant à restreindre la liberté de faire grève, de lutter, de manifester.

Le gouvernement Meloni est déterminé à poursuivre cette opération en faisant un saut qualitatif et quantitatif par rapport aux gouvernements précédents à travers le projet de loi 1660 (DDL 1660), qui sera soumis à la discussion et à l’approbation du Parlement le 10 septembre [le 18 septembre, il a été approuvé par 162 voix, contre 91 et 3 abstentions].

Avec cette «loi matraque», le gouvernement veut «solder les comptes» avec toutes les réalités et expériences de lutte en cours et créer les instruments juridiques nécessaires pour étouffer dans l’œuf les futurs et inévitables conflits sociaux. La tendance de plus en plus prononcée à la guerre sur le front extérieur nécessite un contexte social pacifié sur le front intérieur, et c’est ce à quoi tous les appareils d’Etat «travaillent».

Le DDL 1660, en introduisant de nouveaux délits et de nouvelles peines aggravantes, frappe à la fois les manifestations contre les guerres, à commencer par celles contre le génocide à Gaza, et celles contre la construction de nouvelles colonies militaires; les piquets/barrages de travailleurs et travailleuses; les protestations contre les «grands travaux», la catastrophe écologique, la spéculation énergétique; les formes de lutte que ces mouvements utilisent pour accroître leur efficacité comme les blocages de routes et de voies ferrées; les occupations de logements vacants. Ce décret contient également des dispositions très sévères contre toute forme de protestation et de résistance, même passive, dans les prisons et les centres de détention des immigré·e·s sans titre de séjour, même contre les protestations des membres de leur famille et des sympathisants qui les soutiennent.

Le DDL 1660 va également jusqu’à punir le «terrorisme de la parole», c’est-à-dire la détention d’écrits qui font l’éloge de la lutte – car derrière l’utilisation de la catégorie «terrorisme», utilisée à dessein pour créer la peur, il n’y a rien d’autre que la lutte des classes et les luttes sociales et écologiques.

Le DDL 1660, tout en criminalisant toute forme de dissidence, prévoit une impunité totale pour les forces de l’ordre, qui seront encore plus protégées dans les cas de plus en plus fréquents d’«utilisation abusive de l’uniforme» et pourront porter des armes même en dehors de leur service: restriction maximale de la liberté de lutter pour tous d’un côté, extension maximale du pouvoir de réprimer, battre et punir pour les «forces de l’ordre», à l’abri de toutes responsabilités pour leur comportement.

Ce projet de loi s’inscrit dans le programme réactionnaire plus général du gouvernement Meloni («Dieu, patrie, famille») et est fonctionnel à l’économie de guerre, à la course au réarmement et à une nouvelle guerre d’ensemble. Il est rédigé sous la dictée des pouvoirs militaires italiens, européens et de l’OTAN, et dans la ligne de la restriction des libertés politiques qui se dessine dans tous les pays du vieux continent: il est signé ensemble, et ce n’est pas un hasard, par les trois ministres de l’Intérieur, de la «Défense» et de la «Justice» (Piantedosi, Crosetto, Nordio).

Une loi liberticide, esclavagiste et policière qu’il faut absolument arrêter!

Nous voulons unir nos forces pour rejeter ce projet politique et affirmer que nous nous sentons libres de continuer la lutte.

Ce DDL 1660 doit être arrêté: mais ce ne sont certainement pas les oppositions parlementaires qui l’arrêteront, celles qui, ces dernières années, ont adopté les décrets Minniti [ministre de l’Intérieur de décembre 2016 au 1er juin 2018] et les décrets Salvini [entre autres sur l’immigration, en octobre 2020]; celles qui soutiennent farouchement la guerre entre l’OTAN et la Russie en Ukraine; celles qui n’ont pas levé le petit doigt contre le génocide en Palestine parce qu’elles se sont toujours rangées du côté de l’oppression coloniale et raciste du sionisme contre les masses palestiniennes.

Seule la relance des luttes prolétariennes, sociales, écologiques et anti-guerre, seul un grand mouvement uni contre cette DDL sur les lieux de travail, dans les ateliers et sur les places, pourra empêcher l’adoption de la loi et, si elle est adoptée, s’opposer à son application et agir comme une digue contre la répression du patronat et de l’Etat. C’est dans cette optique que nos assemblées ont initié un dialogue entre des mouvements et des expériences qui, ces dernières années, se sont presque toujours ignorés mutuellement, tout en tombant tous, sous une forme ou une autre, sous les coups de la justice, de la police et des carabiniers.

C’est pourquoi, après les deux assemblées du 21 juillet et du 4 août, et l’assemblée convoquée par le SI Cobas [un des syndicats de base] le 28 juillet, nous avons mis à l’ordre du jour la constitution d’une coordination permanente entre les mouvements, les collectifs, les organismes, les syndicats, les organisations politiques et les activistes individuels qui partagent l’objectif d’une mobilisation unitaire contre le DDL 1660 et la conception militariste et belliciste qu’elle exprime, avec l’invitation à créer des relais locaux de ce Réseau pour promouvoir des initiatives de lutte et de sensibilisation à grande échelle.

Cette coordination prend le nom de Réseau Liberi/e di lottare – Fermiamo insieme il DDL 1660 (Libres de lutter – Arrêtons ensemble le DDL 1660) précisément parce qu’il s’agit de la possibilité même de se mobiliser contre les guerres en cours, contre l’exploitation du travail, le pillage de la nature, la spéculation immobilière et énergétique, le racisme d’Etat qui discrimine les populations immigrées, les attaques contre les droits acquis des femmes, la possibilité de résister et de lutter pour ceux qui sont emprisonnés dans les CPR (Centri di permanenza per i rimpatri – Centres de détention administrative pour les «étrangers arrivés irrégulièrement en Italie», dans l’attente de leur expulsion) et les prisons, où des personnes meurent chaque jour de violence, de tortures et de désespoir.

Le Réseau est ouvert à l’accueil de ceux qui partagent ses objectifs, avec seulement trois facteurs discriminants (mais incontournables): être pour le rejet total de la DDL, qui ne peut être ni réformée ni amendée; être sans équivoque contre les guerres en cours et l’économie de guerre, dont le DDL est issue; engager ses forces dans le développement d’une mobilisation unitaire, à l’automne et au-delà de l’automne, avec l’utilisation de tous les moyens de lutte nécessaires, y compris ceux que la DDL veut bannir à tout prix [Voir ci-dessous la liste des comités ayant adhéré au Réseau].

Le véritable défi qui nous attend est de toucher par notre propagande et notre agitation un espace social beaucoup plus large que celui habituellement impliqué dans les manifestations et les luttes, composé de travailleurs et travailleuses, de chômeurs et chômeuses, d’étudiant·e·s et de gens ordinaires qui pressentent peut-être les dangers que nous dénonçons, mais qui n’ont pas encore réagi. (Manifeste publié le 23 août 2024; traduction rédaction A l’Encontre)

Cliquez sur ce lien pour prendre connaissance de la liste des structures ayant adhéré au Réseau. Voir ici, en langue italienne, pour un bilan des initiatives de la Rete et indication sur la manifestation prévue pour le 5 octobre.

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Le DDL 1669, une autre loi fasciste. Pourquoi est-ce la pièce manquante de l’Etat de Meloni?

Manifestation à Rome le 24 juin 2024.

Par Giorgio Cremaschi

La mobilisation antifasciste contre les trois lois de contre-réforme constitutionnelle du gouvernement Meloni s’amplifie à juste titre: le «premierato» [ élection directe du/de la Président du Conseil] qui rend le parlement inutile, le nouveau dispositif de la justice qui soumet le pouvoir judiciaire au contrôle de l’exécutif,  «l’autonomie différenciée» [la constitution de 20 régions, avec un accroissement du développement inégal : un référendum abrogatoire avec 770’000 signatures et 500’000 online vient d’aboutir] qui détruit la République. Ce sont des lois qui renversent formellement toute la structure de notre démocratie, après qu’elle ait déjà été substantiellement remise en cause par l’austérité et la guerre. Si ces contre-réformes autoritaires devenaient opérationnelles, la Constitution née de la Résistance serait supprimée en Italie, ce qui convient évidemment aux néofascistes qui sont au gouvernement, et la République aurait un régime similaire à celui d’Orban ou de Milei.

Mais il manquait encore à cette construction réactionnaire une pièce, celle des lois de police adaptées au nouveau dispositif constitutionnel. Cette dernière pièce de l’Etat autoritaire et fascistoïde que le gouvernement Meloni est en train de construire est le projet de loi 1660 (DDL 1660), signé – et ce n’est pas un hasard – par les ministres Piantedosi, Nordio et Crosetto, projet plus connu sous le nom de décret pour la Sécurité. Cette loi commencera son parcours parlementaire dans quelques jours avec l’intention déclarée du gouvernement Meloni de combler un vide normatif dans ladite prévention efficace des actes, du sabotage et des formes de conflit perçus comme «subversifs». Dans un ensemble de mesures qui vont de la protection des renégats de la mafia [pentiti] à la réglementation des feux d’artifice, se mêlent de véritables mesures liberticides qui ont comme objectifs de frapper les grèves, la contestation, de mécontentement social, les manifestations et les luttes.

Tout d’abord, le projet de loi 1660 introduit le néologisme de «terrorisme de la parole». Cette loi, qui ne concerne manifestement que les opinions, prévoit une peine de deux à six ans pour quiconque possède ou diffuse, sous forme écrite ou orale, des textes susceptibles d’«inciter» à des actes ou à la résistance contre des administrations, des institutions, des services publics ou des biens d’utilité publique. Il est clair qu’une telle mesure vise à frapper ceux qui sont aux côtés de la Palestine, ceux qui veulent la paix et ceux qui soutiennent les luttes sociales et environnementales. Il s’agit d’une nouvelle version du crime de propagande subversive du code fasciste [de 1930] Rocco, en vertu duquel les antifascistes étaient emprisonnés même sur la base de soupçons. Et il est encore plus grave d’envisager ce délit d’opiniondans le cadre des campagnes maccarthystes du «squadrisme» [référence au mouvement paramilitaire attaquant avec violence les mouvements sociaux animés par les socialistes et communistes après la Première Guerre Mondiale] médiatique, qui vise déjà les intellectuels et les militants dérangeants. Instaurer le crime de terrorisme d’expression renvoie à une authentique orientation fasciste.

L’article 7 (du DDL 1660) prévoit de nouvelles normes pour la révocation de la citoyenneté, et on peut imaginer comment et contre qui elles seront utilisées. On le découvre tout de suite à l’article 8 qui, en matière de sécurité urbaine, prévoit des modifications substantielles du code pénal pour lutter contre l’occupation «arbitraire» des biens immobiliers. Les sans-abri, les expulsés des logements ainsi que ceux/celles qui les aident à ne pas se retrouver à la rue seront punis d’une peine d’emprisonnement de deux à sept ans. Et la police pourra les arrêter à tout moment. La loi et l’ordre pour la défense de la propriété et contre les pauvres.

L’ancien délit fasciste de blocage des routes qui sanctionnait les marches et les grèves est perfectionné. L’article 10 punit d’une peine d’emprisonnement de six mois à un an ceux qui ne respectent pas l’interdiction d’approcher ou d’accéder aux installations de transport ferroviaire, tandis que l’obstruction du trafic routier est assortie d’une clause aggravante spéciale prévoyant une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans si plusieurs personnes bloquent le trafic de manière coordonnée sur n’importe quelle route, même les portes d’une usine.

Les articles 12 et 13 expriment toute la haine du gouvernement Meloni pour les pauvres et les conflits sociaux, qui s’est déjà manifestée par l’abolition du revenu de citoyenneté. L’article 12 abolit le sursis obligatoire à l’exécution pour les femmes enceintes et les mères d’enfants pendant les trois premières années de la naissance de l’enfant. Les mères pauvres accouchent en prison, le «garantisme» [assurer les droits et libertés fondamentaux contre tout abus de ceux qui exercent le pouvoir] s’applique aux patrons et aux politiciens, pas à elles. L’article 13 concerne les pauvres qui mendient, qui doivent disparaître pour ne pas nuire à la bienséance urbaine. Les maires auront aussi de nouveaux pouvoirs pour effacer les désagréments provoqués par la visibilité des pauvres… alors que la pauvreté augmente!

Bien sûr, Piantedosi, Nordio et Crosetto, avec la bénédiction de Salvini, se déchaînent contre les migrant·e·s . L’article 19 de la loi définit de nouvelles mesures de police dans les lieux de détention et d’accueil, sans distinction entre les deux catégories [les Centri di Accoglienza-CDA pour les migrants en attente d’identification pour ouvrir la possibilité de rester; les CPR-Centri di permanenza per i rimparti, les migrants «arrivés irrégulièrement» peuvent y «rester» 18 mois, avant d’être expulsés].

Depuis la loi Bossi-Fini [datant du 30 juillet 2002 pour «discipliner, encadrer l’immigration» et organiser les expulsions], les migrant·e·s sont considérés comme des criminels en tant que tels. La nouveauté judiciaire consiste en un durcissement de la peine pour ceux qui participent aux manifestations à l’intérieur des centres, en prévoyant une peine de un à quatre ans pour la simple participation, puis jusqu’à huit ans avec des circonstances aggravantes et jusqu’à vingt ans s’il y a des blessés parmi les personnes impliquées dans un hypothétique affrontement.

Toute loi liberticide doit donner plus de pouvoir et d’impunité à la police. Le chapitre 3 du DDL1660 traite de la «protection» de la police, des forces armées et même des pompiers, qui sont de plus en plus militarisés contre leur propre volonté. La peine est augmentée d’un tiers en cas de violence, de menace ou même de simple résistance à l’égard d’un fonctionnaire public. Y compris des infractions mineures aux yeux des agents eux-mêmes suffisent pour être inculpés. Un slogan, un regard jugé menaçant, et vous serez lourdement inculpé. Tous les membres des forces de police pourront alors posséder et porter des armes privées, en plus de leurs armes officielles, sans avoir besoin d’un permis. Des centaines de milliers de citoyens et citoyennes de la République auront donc le droit à une arme en toute liberté, sans devoir se soumettre aux permis auxquels tout le monde est soumis. Une menace pour la sécurité de tous, un choix très grave, violent, à la manière du Far West, de la part du gouvernement Meloni.

Parmi les dernières dispositions, bien sûr, l’habituel anathème contre les comportements protestataires, notamment écologistes, qui utilisent un peu de peinture, souvent totalement effaçable. La sanction est plus grave si un site institutionnel est visé, ce qui constitue une atteinte à l’honneur et au prestige des institutions. Et la peine est aggravée en cas de récidive, avec des peines plus lourdes pouvant aller jusqu’à trois ans et une amende pouvant aller jusqu’à douze mille euros. Enfin, l’article 23 accorde une attention particulière au renforcement des instruments de contrôle social, justifié par la nécessité de prévenir le risque de subversion de l’ordre démocratique. Bref, contrôle politique et espionnage, comme dans tout régime autoritaire qui se respecte.

En 1925, Mussolini promulge l’ensemble des lois qui établissent formellement la dictature après l’assassinat de Giacomo Matteotti [député socialiste, assassiné à Rome le 10 juin 1924] ordonné par Mussolini lui-même. En 1930, le code pénal de Rocco a donné une assise juridique complète à l’ensemble. Ces dernières années, des lois ont été produites qui ont affecté la démocratie, la liberté et les droits, souvent avec une autorité bipartisane. Aujourd’hui, le gouvernement Meloni les reprend toutes et les aggrave, avec un ensemble de nouvelles lois fascistes ayant trait au gouvernement, au système judiciaire, à l’autonomie différenciée, auxquelles s’ajoute maintenant le projet de loi 1660, une loi propre à un Etat policier.

Le 24 juin 2014, nous serons sur la place de Montecitorio, puis nous continuerons. Nous devons arrêter le gouvernement Meloni avant qu’il ne soit trop tard. (Article publié le 21 juin 2024 dans le quotidien Il Fatto Quotidiano; traduction par la rédaction de A l’Encontre)

Giorgio Cremaschi – né en 1947 – a été engagé, de 1977 à 2012, dans les rangs de la FIOM, jusqu’à en devenir secrétaire général. En 2015, après avoir quitté la CGIL (la FIOM s’inscrivait dans le CGIL), il a rejoint le syndicalisme de base, soit l’USB. Il milite actuellement à Potere al Popolo et dans l’Unione Popolare.

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