Gaza. Inventaire (18-22 juillet) dramatique d’une politique génocidaire

Population de Gaza déplacée de force une fois de plus…(Photo: UNRWA)

Par OCHA (United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs)

Faits marquants
  • Un nouvel ordre d’évacuation donné [le lundi 22 juillet] par l’armée israélienne concerne environ 8,7 kilomètres carrés dans la «zone humanitaire» du secteur d’Al Mawasi à Khan Younès, ce qui réduit la superficie de la zone de près de 15%.
  • Le complexe médical Nasser doit faire face à un nouvel afflux massif de blessés, alors que les réserves de sang, les fournitures médicales et les lits d’hôpitaux font cruellement défaut. Gaza survit maintenant avec seulement un quart de l’approvisionnement en eau disponible avant la guerre, rapporte le Water, Sanitation and Hygiene Cluster.
  • Les humanitaires opérant dans la bande de Gaza continuent de faire face à d’énormes risques; selon l’UNRWA, un convoi d’aide se dirigeant vers la ville de Gaza le 21 juillet a été la cible de tirs [par les forces israéliennes, selon la déclaration de Philippe Lazzarini. Ce dernier est invité pour la «fête nationale helvétique» du 1er août, ce qui est un acte tout à l’honneur de la municipalité de Lausanne, comparé aux vilénies de l’autorité fédérale, en particulier du ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis – réd.].
Développements humanitaires
  • Les bombardements israéliens aériens, terrestres et maritimes se poursuivent dans la majeure partie de la bande de Gaza, faisant de nouvelles victimes parmi les civils, provoquant des déplacements et la destruction d’habitations et d’autres infrastructures civiles [1]. Des incursions terrestres et des combats violents continuent également d’être signalés.
  • Selon le ministère de la Santé de Gaza, 158 Palestiniens ont été tués et 359 ont été blessés entre les après-midi du 18 et du 22 juillet. Entre le 7 octobre 2023 et le 22 juillet 2024, au moins 39 006 Palestiniens ont été tués et 89 818 ont été blessés, selon le ministère de la Santé à Gaza [2].
  • Les incidents suivants figurent parmi les plus meurtriers signalés entre le 18 et le 20 juillet:
    • Le 18 juillet, vers 21h10, cinq Palestiniens auraient été tués et d’autres blessés lorsqu’une maison a été touchée près de l’entrée du camp de réfugiés d’Al Bureij, à Deir al Balah.
    • Le 19 juillet, vers 2h10, huit Palestiniens auraient été tués et 15 autres blessés lorsqu’une maison a été touchée et une autre endommagée dans le bloc C du camp de réfugiés d’An Nuseirat, à Deir al Balah. Le camp de réfugiés d’An Nuseirat aurait été le théâtre de frappes intensives, de bombardements et d’incursions au cours de la semaine écoulée.
    • Le 19 juillet, vers 17h20, cinq Palestiniens auraient été tués et d’autres blessés lorsqu’une maison a été touchée dans le nouveau camp d’An Nuseirat, à Deir al Balah.
    • Le 20 juillet, vers 1h00, huit Palestiniens auraient été tués et d’autres blessés lorsqu’un immeuble résidentiel a été touché dans la zone de Sheikh Radwan, au nord de la ville de Gaza.
    • Le 20 juillet, vers 1 heure, six Palestiniens auraient été tués lorsque les environs du collège communautaire ont été touchés dans la ville de Gaza.
    • Le 20 juillet, vers 3h20, cinq Palestiniens, dont un journaliste, sa femme, sa mère et deux de ses enfants, auraient été tués et d’autres blessés lorsqu’une maison a été touchée dans la zone d’Al Alami, dans le camp de Jabaliya, au nord de Gaza.
  • Entre les après-midi du 19 et du 22 juillet, aucun soldat israélien n’a été tué à Gaza, selon l’armée israélienne [3]. Entre le 7 octobre 2023 et le 22 juillet 2024, selon l’armée israélienne et les sources officielles israéliennes citées dans les médias, plus de 1526 Israéliens et ressortissants étrangers ont été tués, la majorité le 7 octobre et immédiatement après, dont 326 à Gaza ou le long de la frontière israélienne depuis le début de l’opération terrestre. En outre, 2147 soldats ont été blessés depuis le début de l’opération terrestre. Au 22 juillet, on estime que 120 Israéliens et ressortissants étrangers sont toujours en captivité à Gaza, y compris des victimes dont les corps n’ont pas été retrouvés. Le 22 juillet, l’armée israélienne a été citée par les médias comme ayant conclu que deux autres otages étaient morts en captivité.
  • Le 22 juillet, l’armée israélienne a ordonné aux Palestiniens résidant dans l’est et le centre de Khan Younès d’évacuer immédiatement vers l’ouest. La zone d’évacuation comprend des zones déjà placées sous ordre d’évacuation le 1er juillet et des zones nouvellement désignées, y compris 8,7 kilomètres carrés dans les parties orientales de la soi-disant «zone humanitaire» à Al Mawasi. La superficie de la «zone humanitaire» désignée par l’armée israélienne a donc diminué de 14,8%, passant de 58,9 à 50,2 kilomètres carrés. Les premiers rapports indiquent que les familles se déplacent actuellement vers les zones de Deir al Balah et de l’ouest de Khan Younès. Ces deux zones sont déjà fortement surpeuplées, disposent d’un nombre limité d’abris et de services et peuvent à peine accueillir l’afflux supplémentaire de personnes déplacées. Depuis le 22 juillet, près de 83% de la bande de Gaza a été placée sous ordre d’évacuation ou désignée comme «zone interdite» par l’armée israélienne.
  • Les ordres d’évacuation fréquents et les hostilités incessantes continuent de dévaster le système de santé de Gaza et rendent de plus en plus difficile l’accès aux services essentiels pour les populations déplacées à plusieurs reprises, en particulier pour les personnes souffrant de maladies chroniques. Selon le ministère de la Santé, alors que plus de 1500 patients ont besoin d’une dialyse, seuls 60 appareils d’hémodialyse sont actuellement disponibles dans la bande de Gaza, dont 16 dans les gouvernorats de Gaza et du nord de Gaza et 44 à Deir al Balah et Khan Younès, alors qu’il y en avait 182 avant le conflit. En conséquence, les patients n’effectuent que deux séances de dialyse de deux heures par semaine, au lieu du traitement requis de trois séances de quatre heures par semaine. Les services de santé sexuelle et reproductive continuent également à se réduire. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) signale que seuls huit des seize hôpitaux partiellement opérationnels et quatre hôpitaux de campagne fournissent actuellement des services maternels, et que plus de 500 000 femmes en âge de procréer n’ont pas accès aux soins prénatals et postnatals, au planning familial et à la prise en charge des infections sexuellement transmissibles. Dans le même temps, de nombreux événements faisant de nombreuses victimes dans toute la bande de Gaza mettent à rude épreuve les capacités déjà limitées de réponse aux traumatismes et aux situations d’urgence.
  • Le 22 juillet, le complexe médical Nasser a reçu des dizaines de blessés en raison des hostilités et des frappes signalées à Khan Younès; selon le ministère de la Santé, à 19h20, l’hôpital avait reçu 70 morts et plus de 200 blessés. L’hôpital, qui était déjà débordé avant ce dernier afflux massif de blessés, a lancé un nouvel appel à la population pour qu’elle donne son sang de toute urgence, avertissant que les conditions sont désastreuses dans l’établissement, avec des patients allongés sur le sol en raison d’un manque cruel de lits et de fournitures médicales pour les traiter. Les évacuations médicales en dehors de Gaza restent largement suspendues depuis la fermeture du point de passage de Rafah. L’OMS continue d’insister sur la mise en place de couloirs d’évacuation sûrs afin de permettre à un nombre croissant de patients gravement malades et blessés d’accéder immédiatement aux soins vitaux dont ils ont besoin.
  • Les travailleurs humanitaires opérant dans la bande de Gaza continuent d’être confrontés à d’énormes risques, y compris pour leur sécurité personnelle. Cette semaine, Project Hope [ONG états-unienne fondée en 1958 en vue d’une aide humanitaire et de santé] a signalé que son équipe avait échappé de justesse aux retombées d’une frappe aérienne israélienne dans la «zone humanitaire» de Khan Younès le 16 juillet. Un médecin de l’équipe qui rentrait chez lui au moment de la frappe a déclaré qu’un missile avait touché une zone située à moins de 40 mètres de lui: «Nous avons vu du sang et des victimes dans les rues, ce qui a provoqué une peur intense parmi nous tous. Nous avons pleuré sous le choc de la catastrophe, mais heureusement, nous avons tous réussi à rentrer chez nous sains et saufs. Cependant, le traumatisme persiste dans nos cœurs – nous sommes censés être dans une zone sûre.» Toujours cette semaine, le commissaire général de l’UNRWA, Phillippe Lazarini, a indiqué que les forces israéliennes avaient tiré sur un convoi de l’ONU se dirigeant vers la ville de Gaza le 21 juillet, alors qu’existait une coordination avec les autorités israéliennes. Aucune victime n’a été signalée, mais un véhicule a reçu au moins cinq balles et a quitté le convoi, a ajouté Philippe Lazarini, notant que «les équipes voyageaient dans des voitures blindées de l’ONU clairement identifiées et portaient des gilets de l’ONU». Depuis octobre 2023, au moins 278 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza, dont 201 membres du personnel de l’ONU.
  • Les pénuries persistantes de carburant continuent de saper les opérations humanitaires et de compromettre le fonctionnement des installations de santé, d’approvisionnement en eau et de production alimentaire. Entre le 1er et le 21 juillet, seuls 2 165 590 litres de carburant sont entrés à Gaza, dont 378 700 pour la seule journée du 21 juillet. En moyenne, cela représente environ 103 000 litres de carburant par jour, soit un quart des 400 000 litres de carburant estimés nécessaires par les acteurs humanitaires pour maintenir les activités humanitaires à Gaza.
  • Le secteur de la sécurité alimentaire (FSS-Food Security Sector) signale que, sur les 13 boulangeries soutenues par les partenaires humanitaires actuellement opérationnelles dans la bande, les six boulangeries du nord de Gaza (quatre dans la ville de Gaza et deux dans le nord de Gaza) continuent à ne recevoir que de maigres quantités de carburant, suffisantes pour leur permettre de fonctionner quelques jours de suite. Sur les quatre boulangeries de la ville de Gaza, deux ont dû cesser temporairement leurs activités entre le 8 et le 19 juillet en raison des combats et du manque de carburant. De plus, selon le FSS, le manque persistant de fournitures commerciales dans le nord de Gaza continue d’exacerber la situation de la sécurité alimentaire dans la région. Il en résulte une absence quasi totale de sources de protéines telles que la viande et la volaille sur le marché local, seuls quelques types de légumes produits localement étant disponibles à des prix inabordables. La capacité de production de repas chauds est également insuffisante dans les gouvernorats de Gaza et du nord de Gaza pour soutenir les dizaines de milliers de personnes nouvellement déplacées à la suite des derniers ordres d’évacuation émis par les forces israéliennes, tandis que le manque de gaz de cuisine a contraint les familles à recourir au bois et au plastique des meubles et des déchets pour cuisiner, ce qui empêche la préparation correcte des aliments et exacerbe les risques en matière de santé, de protection et d’environnement. Dans le centre et le sud de la bande de Gaza, certaines cuisines communautaires sont également confrontées à des pénuries de nourriture en raison du flux limité et irrégulier de marchandises humanitaires entrant par le point de passage de Kerem Shalom. Il y a sept boulangeries en activité, toutes à Deir al Balah, les cinq boulangeries de Rafah étant restées fermées en raison des hostilités en cours. Dans l’ensemble, à la mi-juillet, environ 630 000 repas préparés dans 180 cuisines ont été fournis quotidiennement par les partenaires du FIS aux familles de la bande de Gaza, dont environ 20 000 repas dans le nord de Gaza et 610 000 repas dans le centre et le sud de la bande de Gaza. En outre, les partenaires du FSS continuent de distribuer des rations alimentaires et s’efforcent d’introduire de la farine sans gluten pour répondre aux besoins de centaines de personnes souffrant de la maladie cœliaque [intolérance héréditaire au gluten] et d’autres pathologies associées au gluten.
  • Selon le Water, sanitation and hygiene (WASH) Cluster, la canalisation d’eau Al Muntar entre Israël et le nord de la bande de Gaza a repris ses activités le 20 juillet, après plusieurs séries de travaux de maintenance. La ligne était hors service depuis le 1er juillet et, durant cette période, seuls 15% de la ville de Gaza avaient accès à l’eau, contre 40% lorsque la ligne était opérationnelle, a rapporté la municipalité de Gaza. De plus, avec le soutien de l’UNICEF, le service des eaux des municipalités côtières a installé une usine de dessalement mobile fonctionnant à l’énergie solaire dans l’abri de l’école Aklock à Deir al Balah, afin de fournir 16 mètres cubes d’eau potable par jour à environ 3200 ménages. Malgré ces améliorations, le groupe sectoriel WASH signale que le manque d’électricité, les dommages causés aux infrastructures et les pénuries de carburant, de pièces détachées et de chlore continuent d’entraver la production et la purification de l’eau, ainsi que le pompage des eaux usées. Par exemple, à l’heure actuelle, l’usine centrale de dessalement de l’eau de mer de Gaza à Deir al Balah ne produit que 3000 mètres cubes par jour, contre 6000 mètres cubes par jour avant octobre 2023. Globalement, entre le 8 et le 21 juillet, l’approvisionnement quotidien moyen en eau à Gaza était d’environ 90 000 mètres cubes, soit environ un quart de l’approvisionnement en eau avant la guerre.
  • Un nouveau rapport de PAX, une ONG internationale [Pays-Bas], met en évidence les risques croissants pour la santé publique de l’exposition aux déchets solides à Gaza en raison de l’effondrement du système de gestion des déchets et du blocage de l’accès aux décharges désignées par les forces israéliennes. En s’appuyant sur l’imagerie satellitaire et sur des techniques d’investigation en libre accès, les chercheurs du rapport ont identifié 225 sites d’élimination des déchets et décharges informelles, dont 14 décharges d’urgence désignées par les Nations unies, tout en notant que le nombre réel est bien plus élevé étant donné que les sites d’élimination des déchets plus petits et émergeant continuellement ne sont souvent pas visibles sur l’imagerie satellitaire. Les chercheurs ont partagé les résultats de leur visualisation et de leur quantification des décharges informelles de déchets solides avec les agences des Nations unies concernées afin de permettre la définition de priorités pour les programmes de collecte des déchets, d’éclairer les futures analyses de télédétection sur la contamination potentielle des sols et des nappes phréatiques, et de contribuer aux analyses de santé environnementale concernant la propagation des maladies transmissibles.

Le rapport souligne en particulier la menace médicale potentielle que représente la résistance aux antimicrobiens (RAM), qui fait que les patients des zones de conflit ne répondent pas aux traitements antibiotiques. Les experts en santé ont établi un lien avec la dégradation et l’endommagement des infrastructures de traitement de l’eau et des eaux usées, ainsi qu’avec l’exposition aux métaux lourds, y compris les restes de munitions. Les conséquences environnementales de la crise sont également énormes, selon le rapport, car elles peuvent rendre Gaza totalement inhabitable et causer de graves problèmes d’écosystème et de santé publique dans l’ensemble de la région en raison de la contamination des terres agricoles et de l’aquifère et de la pénétration possible de substances toxiques dans la chaîne alimentaire. Le rapport présente un certain nombre de recommandations à court et à long terme pour les décideurs politiques, y compris, par exemple, des appels renouvelés à Israël pour permettre l’accès aux sites de décharge désignés, la reproduction des initiatives de nettoyage du PNUD en utilisant des écraseurs mobiles qui peuvent à la fois collecter et réutiliser les décombres et les déchets dans des projets futurs, et l’introduction de politiques d’atténuation des effets sur l’environnement et de résilience dans le régime de gestion des déchets de la reconstruction d’après-guerre. […Le dernier paragraphe sur le financement des activités humanitaires n’a pas été traduit – réd.] (Rapport publié le 22 juillet 2024; traduction rédaction A l’Encontre)

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[1] Dans Le Monde date du 23 juillet, Alexandre Chatillon, directeur de l’ONG Super-Novae – qui bénéficie de financements du ministère des Affaires étrangères français et est présente à Gaza depuis 2023 –, déclare:

«objectivement, toute la bande de Gaza est détruite. Il faudra des dizaines d’années avant de pouvoir reloger les gens correctement. Ce sont des générations qui sont perdues.» Il constate aussi: «Protéger les humanitaires n’est pas un enjeu pour l’armée israélienne… Le premier élément d’insécurité permanent, ce sont les bombardements. La zone humanitaire était censée être une zone protégée, mais comme on l’a vu à Nousseirat, le 15 juillet, une frappe visant le supposé numéro 2 du Hamas a fait cent morts. Quand je suis dans la ville de Gaza et que je demande aux gens pourquoi ils ne descendent pas vers le sud, la réponse est toujours la même : pourquoi y aller et s’y faire quand même bombarder ? Ils préfèrent rester chez eux.» (Réd.)

[2] Selon Haaretz du 23 juillet, le «haut risque» d’une diffusion du virus de la poliomyélite dans la bande de Gaza. Selon l’AFP, «l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fait part de sa vive inquiétude face à une possible épidémie de poliomyélite dans la bande de Gaza. La crise sanitaire ne fait que s’aggraver, due à la paralysie du système de santé, au manque d’eau potable et aux limites en matière d’hygiène et d’assainissement des eaux.»

A l’opposé, selon Middle East Monitor, du 22 juillet, «l’armée israélienne a commencé à vacciner les soldats qui combattent dans la bande de Gaza assiégée contre le virus de la polio, selon le quotidien israélien Yedioth Ahronoth. Selon ce quotidien, les agences sanitaires ont trouvé le virus dans des échantillons d’eaux usées prélevés à Gaza.» (Réd.)

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