Suisse. NON A LPP 21. NON à un projet néfaste pour les assuré·e·s, profitable pour la seule SWISS LIFE

Par Guido Freda

A. Cotisations salariales ≠ cotisations salariales ?

1. A première vue surprenante, cette étrange inégalité, 1fr ≠ 1fr, reflète bel et bien la position des partis bourgeois en matière de cotisations salariales pour la prévoyance vieillesse : les cotisations salariales seraient bonnes pour financer leur projet LPP 21, mais ces mêmes cotisations seraient mauvaises pour financer AVS x 13 !

Si inégalité il y a, le contraire est vrai : l’augmentation des cotisations salariales de 0.4%, suffisante pour financer à moyen terme AVS x 13, représente 8 francs par mois pour une personne gagnant 2’000 frs par mois, 13 francs par mois pour une personne gagnant 3’000 frs par mois et 17 frs par mois pour une personne gagnant 4’000 francs par mois.

Pour LPP 21, en revanche, ces mêmes personnes cotiseront en moyenne au moins[1] 92, 138, respectivement 184 francs par mois! Elles recevront au mieux, avec 40 ans complets de cotisations, 540, 810, respectivement 1080 francs par mois.

Avec AVS x 13, les personnes qui cotiseront – comme on l’a vu et au plus tôt, dès 2026 – respectivement 8, 13, 17 francs par mois de plus qu’actuellement recevront dès 2026 une rente de 1465, 1747 respectivement 1961 francs par mois. L’amélioration obtenue grâce à AVS x 13 s’élève ainsi respectivement à 119, 140, 159 francs par mois. Pour toutes ces personnes, chaque franc mensuel supplémentaire cotisé à l’AVS a en moyenne un effet décuplé sur la rente.

LPP 21 est donc très désavantageux pour les personnes à bas salaire, notamment pour les femmes, car il ampute fortement leur salaire déjà insuffisant pour vivre. Pourquoi les partis bourgeois combattent-ils donc AVS x 13, mais soutiennent LPP 21 ? L’explication est simple : ces partis s’érigent en représentants directs des 8% de la population active qui cotisent à l’AVS davantage que ce qu’ils en reçoivent[2]. Le comble de l’hypocrisie a été atteint par celles et ceux qui s’apitoyaient sur l’amputation du salaire de la caissière par des cotisations salariales, mais qui ont voté LPP 21 au Parlement en prétendant vouloir aider cette même caissière. Comme le disait l’ancien Conseiller fédéral Hans-Peter TSCHUDI : « Les riches n’ont pas besoin de l’AVS, mais l’AVS a besoin des riches ». Au Parlement fédéral, les partis de droite n’ont qu’un seul souci : mettre à l’abri de la moindre cotisation les personnes qui ont déjà le moins besoin de l’AVS. Lors de l’épidémie de Covid, les représentants de ces partis avaient la bouche en cœur pour reconnaître les mérites des caissières et des infirmières. Aujourd’hui, ils veulent les faire cotiser très cher, pour une rente qu’elles obtiendront dans 40 ans, et qui ne sera pleine que si elles n’ont pas d’enfant et si elles ne se retrouveront jamais au chômage.

Certes, pour une part des femmes à bas salaires, même avec enfants, la contrainte de travailler à 100% est très forte. En outre, elles sont les plus susceptibles d’être frappées par le chômage.

2. Selon les propagandistes des partis de droite, augmenter les rentes de l’AVS, en finançant « de surcroît» l’augmentation des rentes par des cotisations salariales, serait « prendre deux fois les jeunes pour des benêts»[3].

Or, une personne gagnant 2000 frs par mois devra cotiser au total, sur 40 ans, 44’160 frs selon LPP 21. Pour obtenir la même rente supplémentaire avec l’AVS (540 frs par mois), elle ne devrait augmenter sa cotisation AVS que de 36.50 frs par mois, soit 17’541 frs sur la même période.

Une personne gagnant 5000 frs par mois devra cotiser au total, sur 40 ans, 110’400 frs selon LPP 21. Pour obtenir la même rente supplémentaire avec l’AVS (1’350 frs par mois), elle ne devrait augmenter sa cotisation AVS que de 157 frs par mois, soit 75’406 frs sur la même période.

Quant à une personne gagnant 7000 frs par mois, elle devra cotiser au total, sur 40 ans, 154’560 frs selon LPP 21. Pour obtenir la même rente supplémentaire avec l’AVS (1890 frs par mois), elle ne devrait augmenter sa cotisation AVS que de 267 frs par mois, soit 128’039 frs sur la même période.

Le salaire médian s’est élevé en Suisse, en 2022, à 6788 frs par mois pour un travail à plein temps[4]. Cela signifie que la moitié des salarié.e.s ont obtenu au moins un tel salaire. Pour beaucoup plus que la moitié des salariés (en réalité pour 92% des salarié.e.s, comme on l’a déjà dit[5]), l’AVS est bien plus avantageuse que la LPP. LPP21 est encore pire, parce qu’elle oblige les jeunes à payer beaucoup plus, pendant toute leur vie, que ce que leur coûterait de financer une amélioration de l’AVS. La même constatation vaut pour la modeste amélioration apportée par LPP 21 aux prestations d’invalidité et de survivants de la LPP, amélioration qui pourrait être avantageusement remplacée par une augmentation des prestations de l’AVS/AI, à bien moindre coût pour les personnes concernées (voir aussi C 6 ci-dessous).

On peut donc retourner la remarque à l’expéditeur : c’est la NZZ qui prend deux fois les jeunes pour des imbéciles – à l’exception des 8% dont elle s’érige en représentante. Et il n’est même pas sûr que l’ensemble des 8% les mieux rémunérés veuille s’affranchir, comme le préconise la NZZ, de toute responsabilité financière envers les retraites du reste de la société, alors que, sans leur travail, ils ne pourraient ni s’instruire, ni se soigner, ni même parfois, comme lors du COVID, simplement survivre (grâce aux infirmières et aux autres services fondamentaux).

3. La LPP, avec ou sans LPP21, ne se distingue pas uniquement par la quasi-absence de solidarité. Contrairement à la LPP, l’AVS tient en effet compte des années pendant lesquelles les parents exercent des tâches éducatives ou d’assistance, d’une part, en évitant des lacunes de cotisations qui réduiraient les rentes et, d’autre part, dans le cas d’assistance à des proches, en attribuant pour cette tâche un revenu au compte individuel de la personne assurée[6]. Quant aux périodes de chômage, pendant l’indemnisation « la caisse déduit du montant de l’indemnité la part de cotisation due par le travailleur à l’AVS […] », et la verse à l’AVS avec la part patronale[7]. Les prestations, en particulier de retraite, de l’AVS ne sont ainsi pas réduites en raison des périodes de chômage. Le contraire s’applique à la LPP : une personne au chômage ne cotise pas pour la prévoyance vieillesse. Ces défauts de la LPP sont rédhibitoires. Il y a là une raison de plus d’en refuser l’extension prévue par LPP21.

4. Les propagandistes des partis de droite prétendent encore que l’AVS ferait de la redistribution « cachée» (« versteckte Umverteilung»). Or, qui a fait campagne pour le mécanisme de financement de l’AVS ? Le Conseiller fédéral radical (aujourd’hui PLR) Walther STAMPFLI[8] ! Un bourgeois aurait donc inventé le mécanisme caché honni aujourd’hui par l’organe officiel de la bourgeoisie suisse, la NZZ ? Cela n’est pas sérieux[9].

5. Tout projet d’extension de la LPP, comme LPP 21, est en résumé une ponction nuisible sur des salaires dont le pouvoir d’achat a de surcroît été rongé par l’inflation[10] – sans parler des effets de l’explosion des loyers et des primes de l’assurance maladie. Pour tous et toutes les jeunes, augmenter les cotisations obligatoires LPP est un désavantage tellement grand, comparé à l’acquis d’AVS x 13 (voir 1 et 2 ci-dessus), que cela revient à les insulter. LPP21 est encore plus néfaste pour les jeunes personnes avec un travail précaire ou à temps partiel, en particulier pour les très bas salaires, qui n’étaient pour certains pas du tout soumis à la LPP jusqu’ici. Avec l’hypocrisie qui les caractérise, les représentantes des partis de droite, qui ont prétendu défendre la retraite de « la caissière de la Migros» lors de précédentes votations, ont combattu AVSx13, et elles appelleront à voter oui à LPP21 : elles défendent ainsi non pas la caissière, mais leur propre « cassette »[11], et les caisses des assureurs-vie.

6. En effet, les seuls qui profiteront de l’augmentation des cotisations LPP sont les intermédiaires financiers, avant tout les assureurs-vie, en tête desquels se trouve SWISS LIFE (voir : https://alencontre.org/suisse/non-a-lpp-21-oui-a-avs-x-13.html). Ils augmenteront encore leurs profits déjà outranciers, grâce au mécanisme trompeur dit de « legal quote», excogité en 2004 par le Conseiller fédéral PLR Hans-Rudolf MERZ[12]. Au lieu de garantir aux personnes assurées une quote-part minimum des profits de l’assureur, l’ordonnance de l’inénarrable MERZ réserve aux assureurs jusqu’à 10% du produit net des capitaux et des primes de risque et de frais (primes qu’ils peuvent fixer comme ils veulent, même au double des frais effectifs). Cela est unique en Europe, même dans le domaine de l’assurance privée individuelle, alors que la LPP est une assurance collective obligatoire!

B. La couverture des besoins vitaux, une promesse de 1972, toujours ignorée à ce jour

Lors de la votation, décisive, sur le système des retraites, du 3 décembre 1972, les autorités ont promis au peuple que les rentes de l’AVS/AI (premier pilier)[13] couvriraient les « besoins vitaux de manière appropriée » ; en outre, les autorités ont promis d’instituer une assurance professionnelle obligatoire (deuxième pilier[14]), permettant de maintenir de façon appropriée leur niveau de vie antérieur, afin que le peuple rejette l’initiative du parti du Travail (PdT)[15] ; cette dernière exigeait des rentes atteignant au moins le 60% du revenu annuel moyen des cinq meilleures années de l’assuré[16].

Selon le Conseil fédéral, les besoins vitaux correspondent aux « moyens d’existence nécessaires », c.-à-d. « non pas le pur minimum vital biologique, au-dessous duquel l’individu est menacé dans sa vie ou sa santé, mais un montant plus élevé, proportionné aux conditions actuelles et assurant aux personnes âgées un genre de vie simple, mais tout de même digne d’un être humain. »[17]

Quant aux prestations complémentaires, elles avaient déjà été introduites en 1966, afin de compléter les prestations de l’AVS/AI lorsqu’elles sont insuffisantes, notamment lorsqu’il s’agit de rentes partielles (lacune de cotisations, en raison d’une durée de cotisations incomplète)[18]. Ces prestations, soumises à condition de ressources, ont été considérées comme provisoires jusqu’au 1er janvier 2008[19], dans l’attente jamais réalisée que les promesses de 1972 soient respectées par les autorités.  Bien qu’étant une assurance sociale, elles sont de plus en plus traitées, à l’initiative des partis bourgeois, comme relevant de l’aide sociale. A partir de 2021, les héritiers des bénéficiaires doivent ainsi les rembourser, bien qu’elles aient été perçues conformément à la loi, sous réserve d’une franchise de 40’000 francs.

Or, comme le relevait Anne-Sylvie DUPONT en 2021[20], « il existe aujourd’hui un large consensus sur le fait que les rentes de l’AVS/AI, y compris les rentes entières, n’atteignent pas l’objectif constitutionnel » de couverture des besoins vitaux de manière appropriée. Les promesses de 1972 n’ont ainsi rendu joyeux que les fous qui s’y fiaient. Le peuple a commencé à s’en rendre compte en approuvant, le 3 mars 2024, l’introduction d’une 13e rente AVS[21].

C. Le maintien, de manière appropriée, du niveau de vie antérieur

1. Contrairement à l’AVS/AI (premier pilier), où les personnes actives paient pour les personnes retraitées, dans le deuxième pilier, rendu obligatoire en 1985 par la LPP[22], le modèle financier[23] veut que chaque personne cotise pour elle-même, avec un mécanisme d’épargne collective, complété par des mécanismes de solidarité limités, notamment en matière de risque d’invalidité et de décès. Les capitaux accumulés sont considérables, 1159 milliards de francs en 2021[24], mais leur rendement a diminué ces dernières années. Ensemble, le premier et le deuxième pilier sont censés assurer le maintien, «de manière appropriée », du niveau de vie antérieur.

Si on compare le premier et le deuxième pilier, on constate que la moyenne des rentes AVS (premier pilier) s’est élevée à 1874 francs par mois en 2022[25]. L’Office fédéral de la statistique relève que le montant des rentes AVS ne diffère que peu entre les sexes[26]. Il se trouve que la rente annuelle moyenne est même légèrement supérieure (3,7%) pour les femmes que pour les hommes[27]. Dans la prévoyance professionnelle (deuxième pilier), les différences sont par contre grandes: les femmes touchent nettement plus rarement que les hommes une rente du 2e pilier (49,4% contre 69,8%) et, lorsqu’elles en touchent une, son montant est inférieur de 46% environ à celle d’un homme.

2. Augmenter les cotisations salariales des personnes à bas salaires, en amputant fortement des revenus déjà trop faibles (voir A ci-dessus), comme le fait LPP 21, est donc une « solution » doublement fausse. Pour les personnes qui obtiennent des bas salaires et/ou ont des carrières hachées, la rente du deuxième pilier, même avec LPP 21, resterait largement insuffisante pour couvrir, avec l’AVS, les besoins vitaux de manière appropriée. En revanche, LPP 21 exonérera les 8%[28] de la population les mieux rémunérés de toute responsabilité financière envers la retraite de ces personnes, contrairement à l’AVS. Ce alors que ces personnes, sans le travail du reste de la société, ne pourraient ni s’instruire, ni se soigner, ni même simplement survivre.

3. La part de la prévoyance professionnelle obligatoire (le minimum exigé par la LPP) dans les capitaux du 2e pilier peut être estimée à 40%[29] environ, le reste concerne la prévoyance surobligatoire, qui verse des prestations supérieures au minimum de la LPP. La prévoyance obligatoire représente ainsi une part non négligeable des pensions. La baisse du taux de conversion du capital en rente qu’impose LPP 21, de 6.8% à 6%, entraînera une baisse de la part obligatoire des rentes de 11,76% ; elle est donc une attaque contre la garantie de prestations (60% du revenu d’activité[30]) promise en 1972, et renouvelée lors de l’introduction de la LPP, en 1985.

En effet, comme le constate le Conseil fédéral, « environ 12 % des assurés sont couverts par des plans de prévoyance fondés uniquement sur le minimum légal, et environ 20 % des assurés sont fortement concernés par le taux de conversion minimal, car seule une faible part de leur avoir de vieillesse relève du régime surobligatoire »[31].

La rente maximale prévue par le régime obligatoire LPP, pour une personne ayant toujours cotisé, pendant 40 ans, sur la partie maximale du salaire prévue par la loi (salaire dit coordonné maximal de frs 5206.25 par mois, qui correspond à un salaire AVS de 7’350 frs par mois), s’élève fin 2024 à frs 2203 par mois[32]. La rente minimale LPP (pour un salaire AVS de frs 1837.50 par mois), toujours pour une durée complète de 40 ans de cotisations, s’élève à frs 133 par mois. Un salaire en-dessous de 1837.50 par mois ne cotise pas selon la LPP[33].

Pour ces mêmes salaires, les rentes AVS (sans 13e rente) s’élèvent à frs 2450, respectivement à frs 1225 par mois.

4. Quant aux rentes de la prévoyance étendue, qui va au-delà du minimum LPP (prévoyance surobligatoire), elles ont déjà diminué fortement au cours des dernières années. Déjà inférieur au taux de conversion obligatoire de 6.8%, le taux de conversion surobligatoire s’élevait en 2014 à 6.05% en moyenne : « […] Entre 2014 et 2022, les taux de conversion ont [encore] été abaissés en moyenne de 6,05 à 5,21 %, ce qui correspond à une baisse d’environ 14 %»[34].

5. Une partie des bourgeois, dont s’est fait porte-parole la NZZ, ne voulait même pas compenser la baisse du taux de conversion dans le régime obligatoire LPP. Leur argument : les « gueux» vivent plus longtemps, ils reçoivent donc une rente réduite, mais sur une plus longue durée, de ce fait, ils ne perdraient rien ! Cet argument à la Marie-Antoinette n’a pas été suivi par la majorité de la droite. Il fallait donc compenser la diminution des rentes obligatoires par des prestations transitoires[35], en attendant que le capital accumulé remonte, sur 40 ans, à un niveau permettant de compenser la baisse des rentes due à la baisse du taux de conversion. Mais les prestations transitoires doivent être financées par des cotisations. Comment ? LPP21 fait là un nouveau cadeau aux plus riches, qui gagnent plus de 176’400 frs par année. Le Conseil fédéral prévoyait que tous les salaires jusqu’à 860’400 frs par année participent au financement des mesures de compensation pour la baisse du taux de conversion[36]. Les partis bourgeois ont décidé d’exempter la part des salaires supérieure à 176’400 frs de tout prélèvement. Cet exemple choquant de « solidarité et justice fiscale tronquée au profit des mieux lotis» est une raison de plus de rejeter LPP 21.

6. Conscients de l’impopularité d’une augmentation des cotisations salariales à la LPP, les propagandistes de droite (à l’exception d’une minorité de l’USAM et de l’UDC) mettent désormais en avant l’extension de la couverture de prévoyance à une partie des bas salaires, notamment perçus par des femmes et par des travailleuses précaires ou à temps partiel. C’est sur ce point que la tromperie est la plus flagrante. Le seuil d’entrée à la LPP est en effet abaissé par LPP21 de 22’050 frs par année à 19’845 frs, dont 80% seront assurés. Sur ce salaire d’entrée de 1’653.75 frs par mois le salaire cotisant (assuré) sera de frs 1’323 par mois, et la cotisation LPP21 pour l’assurée en moyenne de frs 76[37] par mois, qui s’ajoutera à la cotisation AVS/AI actuelle de frs 84 par mois. La rente AVS actuelle pour ce salaire s’élève à 1’336 frs par mois[38]. Au mieux, l’assurée en question pourra espérer recevoir, après 40 ans de carrière, sans périodes de chômage, une rente LPP21 de 427 frs par mois. Si, au lieu de verser ces 76 frs supplémentaires à une caisse de pensions, elle les versait à l’AVS, elle obtiendrait une rente supplémentaire AVS mensuelle de 607 frs, soit 1943 frs par mois au total[39]! On mesure ici l’ampleur de la désinformation pratiquée par les milieux de droite et reprise malheureusement par certaines associations féminines bourgeoises.

7. La question est dès lors : comment compenser à l’avenir la baisse des prestations de retraite du deuxième pilier ? La votation populaire du 3 mars 2024 indique la voie : il faut augmenter les prestations de l’AVS, au-delà de la nécessaire, mais modeste, amélioration introduite par AVS x 13. Dans l’intervalle, faut-il se résigner à baisser le taux de conversion du capital en rente dans la LPP ? A côté de la baisse des rendements des capitaux, évoquée ci-dessus, les propagandistes bourgeois brandissent l’augmentation de l’espérance de vie comme argument de la baisse du taux de conversion obligatoire, comme cela a déjà été fait dans le domaine surobligatoire.

D. Qui vit plus longtemps, et en bonne santé, qui prend une retraite anticipée ?

1. L’espérance de vie en bonne santé dépend du statut socio-économique. En Suisse, l’écart entre les niveaux d’éducation a augmenté entre 1990 et 2014 ; l’écart entre les personnes avec un niveau obligatoire et celles avec un niveau supérieur est passé de 7,6 à 8,8 ans chez les hommes et de 3,3 à 5 ans chez les femmes[40]. Or, les personnes qui prennent leur retraite le plus tôt, majoritairement dans le secteur de la banque et de l’assurance[41], sont celles qui exhortent le reste de la population à travailler plus longtemps. Cela avec le soutien actif des jeunes PLR[42],[43] qui désirent sans doute, grâce à leur engagement politique, pouvoir prendre une telle retraite anticipée quand leur tour viendra.

Le fait que les plus privilégié.e.s puissent prendre leur retraite plus tôt que les autres, et de surcroît vivre plus longtemps en bonne santé, est pour la bourgeoisie dans l’« ordre naturel des choses ». La NZZ constate de manière imparable : « Les riches peuvent naturellement se permettre plus que les pauvres »[44]. A qui voudrait s’opposer aux disparités susmentionnées, le journal oppose un argument décisif : « Autant abolir tout de suite la propriété privée. L’histoire nous a montré clairement où cela mène. »[45]

2. Les disparités dans l’espérance de vie, notamment de l’espérance de vie en bonne santé, sont attribuées par la NZZ avant tout au comportement individuel. Certes, la position sociale des personnes avec un faible niveau d’éducation pourrait contribuer à réduire leur espérance de vie, parce qu’elles attendraient trop, pour des raisons financières, avant de consulter un médecin, concède son journaliste. Il précise cependant qu’on pourrait situer la cause de leur faible niveau d’éducation dans leur comportement individuel pendant la scolarité. Mais sa conclusion est, malgré tout, « généreuse » : cela irait « relativement loin».

Il faut rappeler que toute forme de pensions étatiques, même par capitalisation, est critiquée par les néolibéraux, à l’exception d’un « pilier » minimal, soumis à condition de ressources, « pour atténuer la pauvreté »[46]. Ainsi, la Banque mondiale[47] évoquait positivement en 1994 l’adoption du modèle chilien des retraites, consistant en un libre choix individuel des fonds de pension, « libre choix » imposé par la dictature du général Pinochet au début des années 1980. Un rapport établi à la demande de l’Office fédéral des assurances sociales a constaté à propos du modèle chilien : « Le libre choix de l’institution de prévoyance au Chili devait permettre une réduction des frais administratifs grâce à la concurrence instaurée entre elles. Cependant, les coûts administratifs ont augmenté en raison du nombre croissant de mutations et des dépenses liées au marketing et à la publicité. De plus, le nombre d’AFPs [Administradoras de fondos de pensiones] a sans cesse diminué, provoquant ainsi une concentration du marché dans les trois AFPs principales. Les comptes épargne individuels sont par ailleurs fortement exposés aux oscillations du marché, exposant ainsi les assurés aux risques financiers. »[48]

3. L’espérance de vie résulte « des bases biométriques (appelées aussi tables de mortalité), qui indiquent les probabilités de décès et d’invalidité calculées sur une période donnée. Les plus couramment utilisées sont les tables LPP, lesquelles, abstraction faite des données de la caisse de pensions de la Confédération (Publica), comportent uniquement des données d’institutions de droit privé. Les tables LPP actuellement utilisées (LPP 2020) ont été publiées en décembre 2020. Les tables VZ, en revanche, sont fondées sur les données des institutions de prévoyance avec employeur de droit public. Les plus récentes (VZ 2020) ont été publiées en décembre 2021. »[49] Or, ces tables ne reflètent pas les bases biométriques concernant spécifiquement les groupes professionnels avec le niveau d’éducation relativement plus faible et/ou la charge de travail physiquement la plus pénible ou fragmentée, parmi lesquels se trouvent l’hôtellerie-restauration, la construction et la vente. Les assureurs-vie détiennent des bases actuarielles, mais ils les rendent accessibles uniquement contre paiement d’une licence coûteuse, « ce qui est en contradiction avec le postulat d’une législation fondée sur des bases transparentes», comme l’a relevé le Conseil fédéral[50]. Ce dernier voulait dès lors permettre à l’Office fédéral de statistique de collecter ces données pour établir des tables de mortalité, mais cela a été refusé par la majorité bourgeoise du Parlement[51]. Si ces données étaient prises en compte, on constaterait que précisément les groupes professionnels avec le niveau d’éducation relativement plus faible et/ou la charge de travail physiquement la plus pénible, et qui ont de surcroît des prestations du deuxième pilier les plus proches du minimum LPP (voir C 3 ci-dessus), ont aussi l’espérance de vie la plus courte. Par conséquent, baisser le taux de conversion de 6.8 à 6% frapperait de manière choquante les personnes déjà les plus désavantagées par le système de retraites. Dès lors que, faute de bases biométriques idoines, il n’est nullement prouvé que la durée de vie d’une personne à fable niveau d’éducation, appartenant à un des groupes professionnels précités, ait augmenté significativement, ni dans quelle mesure, rien ne justifie une baisse du taux de conversion. Le rejet de la proposition du Conseil fédéral concernant les statistiques de mortalité est un argument supplémentaire pour refuser cette baisse qu’imposerait LPP21.

E. L’opposition entre personnes actives et personnes retraitées dans le deuxième pilier, ou : comment payer 39 tournées aux collègues, et finir par payer aussi sa propre consommation, à la 40e tournée

1. Les disparités entre groupes professionnels évoquées plus haut relativisent aussi l’argument, ressassé à l’infini par la droite, du prétendu subventionnement des personnes retraitées par les personnes actives, car les personnes soi-disant favorisées pourraient se révéler être lésées, si on disposait de tables de mortalité indiquant leur espérance de vie réelle, et non celle résultant d’une moyenne toutes professions confondues. Mis à part que le prétendu subventionnement a pris fin récemment, même selon la Commission de haute surveillance[52], le découpage de la vie humaine en tranches de salami par classe d’âge, toutes classes sociales confondues, est une mystification idéologique[53]. Mais ce découpage cache d’autres disparités que celles, déjà relevées, entre individus et entre groupes professionnels. Prenons un exemple concernant l’assurance-vie collective dans le domaine du 2e pilier, où des données sont publiquement accessibles.

2. La majorité des personnes affiliées au 2e pilier dans le secteur privé est assurée auprès d’un assureur-vie, soit 1’957’970[54]. Parmi celles-ci, en 2022, 610’922 personnes actives étaient assurées auprès d’un assureur-vie pour tous les risques (vieillesse, invalidité, décès), 325’170 auprès de SWISS LIFE, 284’871 auprès d’autres assureurs[55]. SWISS LIFE comptabilisait en 2022 1,92 milliard à titre de provision pour la perte liée à la conversion du capital en rente[56], dont 1,479 milliard dans le domaine obligatoire et 441,8 millions dans le domaine surobligatoire (un montant inférieur, du fait de la baisse du taux de conversion dans le domaine surobligatoire, voir C 4 ci-dessus)[57]. Ces montants couvrent la différence entre l’avoir de vieillesse des personnes assurées au moment de la retraite et le montant actuariellement nécessaire pour verser la rente pendant la durée prévue selon les tables biométriques, et avec le taux de rendement prévisible du capital sur cette durée, appelé taux technique. Qui a financé cette provision ? Les personnes actives, bien entendu, car on ne cotise plus après la retraite. La droite s’empresse d’ajouter : les jeunes paient pour les vieux ! Mais qui a financé la provision de longévité de SWISS LIFE, de 1,92 milliard ? Eh bien, la réponse est claire : tout au long de leur vie active les mêmes personnes, nouvellement retraitées, que la droite accuse de spolier les jeunes !

3. Il y a donc une forme de schizophrénie, fortement encouragée par la NZZ et les plus fortunées, chez celles et ceux qui s’agitent devant la prétendue injustice résidant dans le taux de conversion actuariellement élevé dans le domaine obligatoire : la même personne qui a été active sera un jour retraitée du 2e pilier, après avoir cotisé pour sa propre retraite – et pour les prestations d’invalidité et de décès des personnes frappées par ces risques. Ignorer « l’identité personne active – future retraitée» a des conséquences fâcheuses, illustrées par la baisse importante des rentes dans le domaine surobligatoire (voir C 4 ci-dessus) : d’une année à l’autre et, dans certaines caisses de pensions, de manière abrupte et importante, sans aucune transition progressive, des personnes nouvellement retraitées se sont vu amputer une part importante de leur retraite règlementaire projetée, alors qu’ils avaient financé, leur vie active durant, des provisions de longévité ! Et cela pourquoi ? Pour le simple motif d’exonérer les employeurs de toute responsabilité pour la promesse de prestations donnée en 1972, et renouvelée en 1985, en les dispensant de toute contribution permettant de garantir le niveau des rentes. Le traitement infligé aux personnes nouvellement retraitées dans le domaine surobligatoire a ainsi contribué à discréditer le 2e pilier. Au profit du 3e pilier, encore plus spoliateur envers les assurées que le 2e, espérait la droite. Le peuple n’a pas été dupe et a redressé la barre, le 3 mars, vers le 1er pilier, l’AVS.

4. Comment SWISS LIFE a-t-elle financé la provision de 1,92 milliard pour la perte liée à la conversion du capital en rente ? Principalement par des primes de risque pouvant aller à plus du double du coût attendu des sinistres[58]. Ce mode de financement de la longévité a un avantage certain pour SWISS LIFE : plus élevée est la prime de risque (et/ou de frais), plus élevée est la part que l’assureur peut garder au titre de profit licite (jusqu’à 10%, selon l’étrange quote-part minimum ou legal quote édictée par l’inénarrable Hans-Rudolf Merz[59]). Contrairement à ce qui est exposé parfois jusque dans des milieux universitaires, une prime trop élevée résulte certes en un excédent (recettes, moins dépenses augmentées des provisions) plus élevé, mais cet excédent plus élevé ne revient pas entièrement aux preneurs d’assurance : l’assureur peut conserver jusqu’à 10% de la prime plus élevée. En 2022, pressentant les votations futures sur les retraites, SWISS LIFE a « généreusement » limité sa ponction sur l’argent des assurées à 5% des primes de risque et de frais, augmentées du produit net du capital, soit tout de même 137,888 millions. Qu’à cela ne tienne, son cours boursier s’élevait à frs 278,70 le 20 mars 2020, il est de frs 633 aujourd’hui[60]. Merci aux assurées du 2e pilier obligatoire[61]!

5. Que se passera-t-il si le taux reste à 6.8% ? Y aura-t-il, comme le clament les propagandistes bourgeois, une pluie de soufre et de feu ? Ce cri de panique récurrent a, à juste titre, été ignoré par le peuple en 2010 et en 2017. En premier lieu, les provisions pour faire face au maintien du taux existent, comme celle de SWISS LIFE. Approuver la baisse du taux aura pour seule conséquence de permettre à cette dernière de diminuer la part du capital propre liée au deuxième pilier obligatoire en raison des règles de solvabilité, et de distribuer le solde à ses actionnaires. A-t-elle besoin de cela ? L’évolution de son cours à la bourse ne semble pas le démontrer. Les personnes actives – et les employeurs – devront simplement continuer à alimenter les provisions de longévité dont elles profiteront elles-mêmes, en tant que futures retraitées, à la barbe de toute schizophrénie. Cela en attendant un système de prévoyance vieillesse plus équitable (voir F ci-dessous).

6. En plus du maintien du niveau des prestations obligatoires, le maintien du taux de conversion aura un autre avantage, pour cela même honni par la droite : un financement solidaire à l’intérieur de la structure des salaires. Même si l’assurance des salaires les plus élevés s’est peu à peu détachée de celle des autres, avec la constitution par les entreprises de caisses séparées pour les cadres – ce qui était difficilement imaginable à l’introduction de la LPP en 1985 – et même si le Tribunal fédéral admet des caisses avec un seul assuré ( !) pour les dirigeants, instituées pour des raisons fiscales[62], une séparation absolue entre prévoyance obligatoire et surobligatoire n’a pas encore eu lieu. En effet, l’existence de caisses dites enveloppantes, réunissant les deux types de prévoyance, a permis aux patrons, en déshabillant le surobligatoire pour habiller l’obligatoire, de faire l’économie d’une contribution adéquate au financement. Si une séparation plus poussée était menée, cela faciliterait la sortie d’un système du 2e pilier à bout de souffle (voir F ci-dessous). En attendant, une prévoyance surobligatoire réduite souvent comme peau de chagrin a eu le mérite de faire comprendre, même aux personnes avec un salaire supérieur à la médiane, les mérites du maintien du taux de conversion obligatoire. Certes, la droite essaye d’accroître les divisions, en clamant que les personnes mieux payées subventionnent les bas salaires dans les caisses enveloppantes. Quel scandale, dit-elle ! Seulement, il se trouve que la personne mieux payée a un avoir obligatoire LPP elle aussi, et qu’elle se réjouit de voir une partie au moins de son avoir de prévoyance préservée des conséquences de l’hécatombe à prétexte actuariel. La conscience naissante de ce lien est très mal vue par la droite : pour cette raison, et non seulement pour faire des économies, a-t-elle amputé le projet LPP21 du Conseil fédéral, qui voulait verser des prestations transitoires à toutes les personnes assurées[63]. Elle a voulu étouffer dans l’œuf l’élément de répartition contenu dans ce projet (les personnes actives paient directement pour les personnes retraitées, comme dans l’AVS, sans engraisser des intermédiaires financiers), ce qui aurait pu être l’étincelle d’un avenir meilleur pour le système des retraites. Le peuple a rallumé cette étincelle le 3 mars 2024.

7. Ajoutons que le maintien du taux de conversion à 6.8% a un autre avantage : comme les salaires des femmes sont en moyenne inférieurs à ceux des hommes, l’élément de solidarité envers la part des salaires inférieure à 88’200 frs par année bénéficie proportionnellement davantage aux femmes. La menace brandie régulièrement de la création de caisses de pensions strictement limitées à la prévoyance obligatoire, afin d’éliminer toute solidarité, n’a été jusqu’ici guère mise en pratique, notamment en raison des coûts qu’elle impliquerait.

F. Quels éléments pourrait-on esquisser pour une sortie du 2e pilier obligatoire ?

1. En même temps que nous menons la lutte contre le projet inique LPP21, il est utile de commencer à réfléchir sérieusement sur une sortie du 2e pilier. Il faut se garder des réponses toutes faites car des projets, même excellents, mais non réfléchis jusqu’au bout, risquent de condamner tout progrès pendant des décennies. Le diable est dans le détail. La garantie des droits acquis était et reste le point crucial de tout changement de système, de toute sortie progressive – car elle ne peut être que telle – du système de capitalisation. A tort, les partis bourgeois avaient prétendu que les droits acquis, pourtant mentionnés explicitement dans l’initiative du Parti du Travail (PSdT) rejetée en 1972, n’auraient pas été réglés par celle-ci.

2. a) La garantie des droits acquis jusqu’au dernier centime est d’autant plus importante que la retraite collective par capitalisation – tout comme les prestations d’invalidité et de survivants – comporte un élément assurantiel et collectif qui échappe souvent à la conscience des assuré.es. Ainsi, les héritiers d’un retraité décédé prématurément s’étonneront souvent de ne rien recevoir du capital du défunt, alors même que la rente de ce dernier a été calculée en fonction d’une espérance de vie moyenne à la retraite. Certains, comme Jacques-André SCHNEIDER, ont évoqué avec raison un « rêve d’appropriation, voire de contrôle individuel» suscité chez les personnes assurées collectivement, mais en primauté des contributions (soit le système de la LPP, un « avoir de vieillesse » alimenté par des cotisations en équivalence individuelle entre contributions et prestations). Cet auteur poursuit : « Les plans en primauté des prestations [devenus entretemps très rares en Suisse], particulièrement en cas de placements collectifs, suscitent moins ces tentations car ils promettent le paiement jusqu’à la mort, et au-delà pour les survivants, d’une rente définissable immédiatement par rapport au salaire personnel»[64]. Ce rêve d’appropriation se heurte à la réalité lorsqu’une personne choisit de recevoir un capital à l’âge de la retraite, avec l’encouragement de charlatans de l’« industrie financière » : si elle a l’heur de vivre longtemps, ce capital, même avec les rendements boursiers escomptés, risque fort de ne pas lui suffire pour survivre jusqu’à la fin de ses jours. Il en va de même avec le 3e pilier, ou avec le système dit de « libre choix » individuel des placements du 2e pilier[65]. Ces systèmes ont en commun de placer sur la personne assurée le risque du maintien d’un niveau de vie approprié après la retraite, sans aucune protection collective, au seul profit des intermédiaires financiers, dont les commissions de gestion sont bien plus juteuses sur les produits individuels que sur les placements collectifs. Pour cette même raison, banques et assurances combattent l’extension des retraites par répartition (voir aussi 4 ci-dessous).

b) En raison du rapport de forces, il est préférable de procéder par paliers, par un renforcement progressif de l’AVS actuelle.

c) Lorsque les conditions seront mûres, le passage du système de capitalisation prévu par la LPP à une AVS augmentée devra se limiter au minimum obligatoire LPP, en raison de la difficulté à garantir les droits acquis. En effet, les disparités dans la couverture de prévoyance entre différents groupes de salarié.e.s et différentes branches économiques sont tellement grandes que la recherche d’une transposition équitable des droits à pension, d’un système à l’autre, serait un lit de Procuste.

d) Les très rares caisses prévoyant encore une primauté des prestations pourraient, si elles satisfont en tous points aux exigences minimales de l’AVS augmentée, opter pour rester en dehors du nouveau système.

e) Une période transitoire devrait être prévue, notamment pour régler les problèmes relatifs aux retraits pour l’acquisition d’un logement et le partage de la prévoyance en cas de divorce, en permettant un rachat des droits à prestations.

f) A titre indicatif, remplacer les rentes maximales de la prévoyance obligatoires LPP, qui s’élèvent à frs 24’633 par année ou 2’052,75 par mois, par des rentes AVS augmentées exigerait une augmentation des cotisations AVS/AI de 84% environ, qui passeraient de 10,1% à 18,48% (avec une augmentation proportionnelle des autres sources de financement, voir 8, https://alencontre.org/suisse/non-a-lpp-21-oui-a-avs-x-13.html). La cotisation actuelle moyenne obligatoire LPP, sur toutes les classes d’âge, s’élève à 12,5% du salaire coordonné, en comptant uniquement la part vieillesse[66]. Le salaire coordonné maximal s’élève à frs 5206,50 par mois, ce qui correspond à un salaire AVS de frs 7’350 par mois. Sur ce salaire, la cotisation LPP actuelle moyenne, de 12,5 % du salaire coordonné, représente 8,84% du salaire AVS. Le remplacement des cotisations à la LPP obligatoire par des cotisations à une AVS augmentée s’accompagneraient donc d’une légère diminution de l’effort financier, de 18,94% à 18,48%. Cette diminution serait encore plus forte pour les salaires inférieurs : à titre d’exemple, la cotisation moyenne LPP pour un salaire de 4’000 frs par mois représente 5,8% du salaire AVS, alors qu’il suffirait d’une cotisation AVS supplémentaire de 3,97%, soit 13,98% au lieu des 10,1% actuels, pour remplacer la rente LPP que peut espérer une personne assurée, avec pleine durée de cotisations.

3. Le choix négatif – et fatal pour des décennies – de 1972 a été favorisé par plusieurs facteurs : 1° le développement déjà important de caisses de pensions privées au moment de la votation[67] 2° le choix d’une aile dominante de la bureaucratie syndicale et du Parti socialiste, découlant de la politique de paix du travail et de participation aux gouvernements fédéral et cantonaux avec la bourgeoisie capitaliste, favorable à cette époque à un système de capitalisation[68]; le Parti socialiste (où il y avait pourtant un courant favorable à l’initiative du Parti du travail) et l’Union syndicale suisse ont pris position contre l’initiative du PdT[69] (puis retiré leur propre initiative avec un contenu similaire), car ils étaient favorables à un 2e pilier et car ils partageaient l’anticommunisme qui régnait en Suisse alémanique depuis 1922 dans la FOMH[70], un syndicat important dans l’USS, et dès 1924-25 en général. c) une illusion : L’illusion d’une partie de la social-démocratie, que le développement des caisses de pensions permettrait aux salarié.e.s, par le biais de la gestion paritaire, d’obtenir une quelconque influence sur l’économie capitaliste[71] se révèle aujourd’hui entièrement comme telle, une totale illusion. Cette illusion avait été dénoncée avec raison par Jost STEIGER[72], qui adhérera par la suite à la Ligue marxiste révolutionnaire (LMR). Les futurs membres de la LMR avaient récolté les signatures – quand ils étaient membres du PdT/POP – pour l’initiative sur les rentes populaires.

Est-ce que les 1159 milliards de capital du deuxième pilier accumulés aujourd’hui donnent au mouvement syndical, au mouvement des salarié.e.s une quelconque influence sur les choix managériaux de l’économie suisse, en particulier sur les grandes entreprises ? Qui oserait soutenir sérieusement cela ?

4. Comme le relève y compris le service d’études d’une banque, dirigé par l’économiste néo-classique Patrick ARTUS, « La tendance « moderne » du capitalisme anglo-saxon est d’obtenir une rentabilité élevée du capital par la déformation du partage des revenus au détriment des salariés. Dans les pays où cette tendance du capitalisme est à l’œuvre, la part des profits dans le PIB augmente structurellement, la croissance de la masse salariale est freinée et le rendement de la capitalisation (si elle est investie fortement en actions) est supérieur au rendement de la répartition. Le choix de la répartition n’est alors logique que dans les pays qui « résistent » au capitalisme « anglo-saxon » et où le partage des revenus ne se déforme pas au détriment des salaires.»[73]

Précisons que ce ne sont pas « les pays », mais les salarié.e.s – pour autant qu’ils soient organisé.e.s pour une défense de leurs intérêts – qui mettent en échec le type de déformation souligné par ARTUS.

Il est donc défavorable aux salarié.e.s. de ce pays de continuer à parier sur une déformation en leur défaveur du partage de la richesse, et d’ajouter à la schizophrénie actif-retraité la schizophrénie salarié-actionnaire.

5. A cela s’ajoute une troisième forme de schizophrénie, l’opposition locataire-assuré, surtout pour les personnes qui seraient à la fois locataires de SWISS LIFE, le plus grand propriétaire foncier privé de Suisse[74], et assurées par l’intermédiaire de SWISS LIFE. Elles recevront cette année un rendement de 1.25% sur leur avoir de vieillesse, mais ce sera pour elles une maigre consolation, en apprenant que le Tribunal fédéral admet nouvellement comme licite un loyer qui procure à leur propriétaire un rendement de 3.75% (2% de plus que le taux hypothécaire de référence). Le rendement admissible jusqu’en 2020 était de 0.5% de plus que ledit taux hypothécaire, mais le Tribunal fédéral a cru bon de modifier sa jurisprudence, en s’inspirant d’une initiative parlementaire du conseiller national PLR Feller[75]. On comprend dès lors que le cours de l’action SWISS LIFE ait plus que doublé (+ 127%) entre 2020 et 2024.

6. Redresser la barre vers plus de répartition et moins de capitalisation répond donc à un triple impératif en matière de retraites : 1° assurer des prestations qui couvrent non seulement les besoins vitaux – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – mais qui permettent également de maintenir de manière appropriée le niveau de vie antérieur. Il est évident que, pour les bas salaires, le taux de remplacement (le rapport entre la pension de retraite et le revenu d’activité antérieur) doit être de 100%, et non de 60%, car il est impossible de vivre avec des revenus inférieurs à 4’000 frs par mois. 2° assurer un financement pérenne des retraites, car contrairement aux fables évoquant l’accumulation de noisettes par un écureuil, la capitalisation ne protège en rien contre les effets du changement démographique[76], comme le démontre la débâcle des retraites du 2e pilier surobligatoire[77]. Quant au rapport entre actifs cotisants et retraités, il n’a pas changé autant que ne le prétendent les propagandistes bourgeois, il a passé de 3,5 à 1 à 3 à 1 environ, voir l’article de Benoit Blanc[78]. 3° résoudre les contradictions insolubles, la schizophrénie dans laquelle le système des retraites par capitalisation enferme les salarié.e.s, futur.e.s retraité.e.s : actif-retraité, salarié-actionnaire, locataire-assuré, par un passage de la capitalisation à la répartition (système AVS). En effet, et en conclusion, sans protection sociale digne de ce nom la société ne pourra pas devenir authentiquement humaine. (4 avril 2024)

Notes

[1] En faisant la moyenne des deux classes d’âge. Ces chiffres ne tiennent pas compte des cotisations de risque et de frais ; ces derniers représentent 5,2% des primes (source : Finma, Comptabilité de la prévoyance professionnelle 2022). Les frais administratifs de l’AVS ne s’élèvent, en comparaison, qu’à 0.5% des recettes (source : Jahresbericht AHV-Statistik 2021, p. 2). Voir aussi, pour les cotisations (ou primes) de risque, E 4 ci-dessus.

[2] Voir https://sozialesicherheit.ch/de/einkommensbezogene-umverteilung-in-der-ahv/ et http://alencontre.org/suisse/non-a-lpp-21-oui-a-avs-x-13.html, point 8.

[3] NZZ du 28 mars 2024.

[4] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/salaires-revenus-cout-travail.html

[5] Voir https://sozialesicherheit.ch/de/einkommensbezogene-umverteilung-in-der-ahv

[6] Art. 29sexies et 29septies LAVS.

[7] Art. 22a LACI.

[8] 1884-1965, au Conseil fédéral entre 1940 et 1947. Après sa sortie du Conseil fédéral, il a travaillé, dans des fonctions dirigeantes, dans l’industrie et la finance. Opposé à l’Allemagne nazie il a, après la fin de la guerre, protégé le fasciste – et trafiquant d’armes au profit des nazis – Waldemar PABST (Jahrbuch für solothurnische Geschichte 2011, p. 14). Ce dernier avait ordonné et supervisé l’assassinat de Rosa LUXEMBURG et Karl LIEBKNECHT (voir notamment Der Spiegel, Nr. 16/1962, p. 38–44, Interview avec PABST), lorsque l’Allemagne était gouvernée par les dirigeants sociaux-démocrates Friedrich EBERT et Gustav NOSKE. PABST avait agi sous la responsabilité de ce dernier.

[9] La NZZ reproche à l’AVS d’inspirer à la majorité des personnes salariées le « faux sentiment d’avoir mérité leur rente » ! Qu’en est-il ? L’essentiel de la richesse sociale nouvelle est produite par les salarié.e.s, la part des indépendants authentiques dans les pays développées étant tout-à-fait secondaire. La plus-value, produite exclusivement par les personnes salariées, est accaparée par les propriétaires des biens de production (et reversée en petite partie aux cadres supérieurs, sous forme de salaires excédant largement le double ou le triple du coût de leur formation, et leur permettant ainsi de commencer à accumuler à leur tour du capital). Cette appropriation privée de la richesse produite par la société est justifiée au titre de ladite « rémunération du Capital », notion idéologique, car le Capital provient du travail mort (conservé non seulement dans l’appareil de production, mais également sous forme monétaire, de droits de tirage sur la plus-value (actions) qui peuvent se révéler aléatoires, voire sous diverses formes de capital fictif). Plus d’un tiers de la richesse produite chaque année est ainsi soustrait aux salarié.e.s (soit bien davantage que la dîme prélevée sous l’Ancien Régime au profit de la noblesse et du clergé), et seul environ un tiers de ce tiers est réinvesti dans l’économie. Le reste sert à l’accumulation ou à la dépense des capitalistes. Par conséquent, la majorité des personnes salariées, loin d’estimer à tort d’avoir mérité sa rente, a toute raison de penser qu’elle a été spoliée pendant sa vie active, et qu’elle continue à être fortement désavantagée, par rapport aux détenteurs de capitaux et à leurs proches subordonné.es., après la retraite. Ajoutons par ailleurs que l’appropriation privée d’inventions ou brevets est en contradiction avec le développement de l’économie, sans parler de la santé humaine, et qu’il existe des tendances à la socialisation dans ce domaine, telles que la prédominance de logiciels libres dans le fonctionnement de systèmes informatiques, notamment des superordinateurs et des téléphones portables (p. ex. Linux). En dernière analyse et en simplifiant, le capitalisme est un rapport social qui repose sur la nécessité d’une majorité de vendre sa force de travail, et sur l’intériorisation par la majorité de cette nécessité comme naturelle ou justifiable. Cela est bien entendu facilité par les crimes commis par les bureaucraties stalinienne et social-démocrate.

[10] « L’indice suisse des salaires nominaux a augmenté en moyenne de 0,9% en 2022 par rapport à 2021. Il s’est ainsi établi à 100,7 points (base 2020 = 100). Compte tenu d’un taux d’inflation annuel moyen de +2,8%, les salaires réels ont baissé de 1,9% (97,3 points, base 2020 = 100). », https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/salaires-revenus-cout-travail/indice-salaires.gnpdetail.2023-0387.html

[11] Molière, Œuvres Complètes, 3e partie, édition de 1855, p. 111.

[12] Avant son élection au Conseil fédéral, il avait été président du conseil d’administration de l’assureur Helvetia Patria (2002-2003).

[13] Dans le système des trois piliers de la prévoyance vieillesse/invalidité/survivants approuvé lors de cette votation, art. 34quater de l’ancienne Constitution, repris par les art. 111. 112 et 113 de la Constitution de 1999.

[14] Loi sur la prévoyance professionnelle, en vigueur depuis 1985.

[15] Soutenue par les POCH (Progressive Organisationen der Schweiz), la Ligue marxiste révolutionnaire et le Parti socialiste autonome du Tessin.

[16] GREBER Pierre-Yves, Droit suisse de la sécurité sociale, p. 160.

[17] DUPONT Anne-Sylvie in MARTENET/DUBEY (éditeurs), Commentaire romand de la Constitution fédérale, N 28 ad art. 112 Cst, en référence au Message de 1971, p. 1616, note 37.

[18] DUPONT Anne-Sylvie, N 12 ad art. 112a Cst.

[19] Voir l’art. 112a Cst.

[20] Professeure aux Universités de Neuchâtel et de Genève ; op. cit., N 31 ad art. 112 Cst.

[21] La question de la couverture des besoins vitaux est ressentie jusque dans les rangs de l’électorat populaire de l’UDC. Son dirigeant historique, le milliardaire Christoph BLOCHER, interrogé en janvier à propos de la 13e rente AVS, qui a été acceptée le 3 mars 2024, avait manifesté son indifférence pour les difficultés économiques de son propre électorat. Il s’était exclamé : « J’aimerais bien une 13e rente AVS, et même une 14e et 15e !» Ce ton de badinage n’a pas été apprécié par tout son électorat. BLOCHER, ancien président du conseil d’administration de l’entreprise EMS-Chemie SA, a fondé et présidé en 1982 le « Groupe de travail Afrique australe » (ASA) : Il a déclaré « L’apartheid ne nous intéressait pas.» Et encore : « L’apartheid nous était évidemment étranger. », cf. Le Temps du 22 décembre 2005. Le régime d’apartheid était tellement « étranger » à BLOCHER, comme au gouvernement suisse d’ailleurs, qu’il s’est opposé avec succès à toute sanction contre ce régime, voir notamment Le Temps du 20 juillet 1998.

[22] En excluant toutefois les bas salaires et, singulièrement, une partie considérable des femmes salariées.

[23] La réalité économique est différente, voir https://alencontre.org/suisse/non-a-lpp-21-oui-a-avs-x-13.html, 6.

[24] Statistique des caisses de pension 2021.

[25] https://www.bsv.admin.ch/bsv/fr/home/assurances-sociales/ahv/statistik.html

[26] www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/situation-economique-sociale-population/egalite-femmes-hommes/revenu/ecart-rente.html

[27] Ce résultat s’explique entre autres par la forte proportion de femmes veuves, qui reçoivent en moyenne une rente plus élevée (ibid.).

[28] Voir A 1 ci-dessus.

[29] https://www.asip.ch/de/newsroom/socialnewsroom/post/296-berufliche-vorsorge-diese-begriffe-mussen-sie-kennen.

[30] En cumulant le premier et le deuxième pilier.

[31] Message concernant la modification de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (Réforme LPP 21), Feuille fédérale 2020 9509.

[32] Chiffres actualisés sur la base des Chiffres repères de la prévoyance professionnelle, Marie-Claude SOMMER, secteur mathématiques MAS, Office fédéral des assurances sociales.

[33] Art. 2 al. 1 LPP. LPP 21 veut le soumettre à cotisation dès frs 1653.75 par mois FF 2023 785. Comme on l’a vu sous A. Cotisations salariales ? cotisations salariales ? cette « solution » ampute fortement les bas salaires pour un résultat aléatoire et disproportionné.

[34] Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle, Rapport sur la situation financière des institutions de prévoyance en 2022, p. 17.

[35] Les prestations transitoires prévues par LPP 21 ne compensent pas dans tous les cas la diminution des rentes causée par la baisse du taux de conversion, voir notamment https://www.pwc.ch/de/insights/finanzdienstleistungen/bezugsrahmen-bvg-reform.html

[36] FF 2020 9565.

[37] S’ajouteront à ce montant les cotisations de risque et de frais, pour un total de 20 frs par mois environ, voire davantage. Au total, la droite impose aux personnes précaires, en particulier aux femmes travaillant à temps partiel, une cotisation supérieure à une centaine de francs par mois, alors qu’une somme inférieure, affectée à l’AVS, résulterait en une rente près d’une fois et demi plus élevée !

[38] Sans 13e rente, personne célibataire sans enfants, donc sans bonification supplémentaire pour tâches éducatives.

[39] N.B. La rente AVS supplémentaire n’est pas décuplée dans cet exemple car les cotisations sur les salaires au-delà de 19’845 frs par année sont supposées inchangées.

[40] Remund A. & Cullati, S. (2022). Les inégalités d’espérance de vie en bonne santé en Suisse depuis 1990. Social Change in Switzerland, N°31. doi: 10.22019/SC-2022-00005 ; résumé : https://www.socialchangeswitzerland.ch/?p=3043

[41] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/activite-professionnelle-temps-travail/age-generations-retraite-sante/activite-professionnelle-retraite/age-moyen-sortie-marche-travail.assetdetail.16724776.html; L’âge moyen à la sortie du marché du travail la plus faible est celle du secteur « activités financières et d’assurance » ; il est même inférieur à celui du secteur de la construction, qui dispose pourtant d’un régime de retraite anticipée, à des conditions cependant assez restrictives, dès 60 ans !

[42] PLR. Les Libéraux-Radicaux. « Libres et responsables, depuis 1894 ».

[43] L’initiative sur les rentes des jeunes libéraux-radicaux demandait le relèvement de l’âge de la retraite des hommes et des femmes à 66 ans, l’âge de la retraite devant ensuite continuer à augmenter en fonction de l’espérance de vie. Déposée en juillet 2021, elle a été rejetée en votation populaire le 3 mars 2024, par 74,72% des voix exprimées.

[44] NZZ du 3 février 2024.

[45] Les pays qui ont appliqué le de la façon la plus conséquente l’idéologie de la NZZ sont les Etats-Unis, depuis l’élection de Ronald REAGAN en 1980, et le Royaume-Uni, depuis l’élection de Margaret THATCHER en 1979. Cette dernière a déclaré : « La société n’existe pas. Seule la famille existe ». Sa politique a été poursuivie, en substance, voire même approfondie sous le gouvernement social-libéral de Tony BLAIR (1997-2007). L’exemple de ces pays en illustre clairement les effets en matière d’espérance de vie, de santé publique et d’éducation. Sous le gouvernement de Madame THATCHER, le service de santé national (NHS) a refusé la dialyse aux patient.e.s âgé.e.s de plus de 50 ans (cf. Over 50 and Uremic = Death, https://karger.com/nef/article-pdf/31/3/189/3174022/000182644.pdf. Un autre exemple, vu la pauvreté répandue au Royaume-Uni, en est la récente pratique des Anglais moins fortunés qui, faute de dentistes dans le service de santé public, et ne pouvant s’offrir les services d’un dentiste privé, s’arrachent eux-mêmes les dents, https://www.independent.co.uk/news/health/nhs-dentists-diy-tipping-point-b2140457.html.

[46] « To alleviate poverty », Averting the Old Age Crisis, A World Bank Policy Research Report, p. 239.

[47] Ibid., passim. Pour une critique, à l’intérieur même de la pensée économique néoclassique, de la préférence accordée à la capitalisation par le rapport précité de la Banque mondiale, voir un autre rapport, publié par le Fonds monétaire international, de Nicholas BARR, Reforming pensions : Myths, Truths, and Policy Choices,  https://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2000/wp00139.pdf

[48] Aspects de la sécurité sociale, Faisabilité du libre choix de la caisse de pensions Étude comparative sur l’individualisation et le transfert du risque à l’assuré, Rapport de recherche n° 10/05, David Pittet, Meinrad Pittet et Jacques-André Schneider, p. 32s.

[49] Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle, Rapport sur la situation financière des institutions de prévoyance en 2022, p. 20.

[50] FF 2015 84.

[51] Voir aussi BO 2015 CE 855 ss.

[52] Rapport sur la situation financière des institutions de prévoyance en 2022, pp 40-42.

[53] Le découpage de la société en tranches d’âge vise à occulter les clivages de revenu et surtout de richesse croissant entre classes sociales, tous âges confondus. Voir parmi beaucoup d’autres exemples The Economist, 30.3.2024, p. 28; on dirait que cet hebdomadaire n’est pas publié dans le pays où un pensionné, âgé de 87 ans, est mort des suites d’une fracture du bassin, après avoir attendu une ambulance pendant 17 heures, https://www.independent.co.uk/news/health/ambulance-delays-wait-nhs-glangwili-hospital-b2260228.html. La bourgeoisie est solidaire avec elle-même d’une génération à l’autre, avec une authentique conscience de soi (voir notamment Michel PINÇON, Monique PINÇON-CHARLOT, Sociologie de la bourgeoisie). Elle doit ainsi empêcher que la classe des salariées développe à son tour une telle conscience d’elle-même, en inventant pour celle-ci et en lui faisant accroire force clivages factices (le plus en vogue actuellement étant le critère non seulement national, mais « identitaire » : « faux réfugiés », « faux travailleurs », « faux Suisses », « remigration » des « faux Allemands » à l’initiative de certains membres de l’Allianz für Deutschland, AFD et du propagandiste Martin SELLNER, invité récemment par la section argovienne des jeunes UDC). Ces clivages sont factices dans la mesure où ils entravent l’émancipation de la classe des salariées et, partant, le développement de l’humanité tout entière. Cela a été souligné il y a plus d’un siècle et demi déjà par Marx, comme le relève Kevin ANDERSON : « Pendant les années 1860, ces questions devinrent centrales dans l’appréciation par Marx du mouvement ouvrier des deux pays capitalistes les plus puissants, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Il arriva à la conclusion que les mouvements syndicaux des pays capitalistes du centre qui refuseraient de soutenir efficacement les mouvements nationalistes progressistes contre des gouvernements oppressifs, ou qui refuseraient de combattre le racisme à l’égard de minorités ethniques dans leurs propres pays couraient le danger de retarder, ou même de voir arrêté, leur propre développement. » Marx at the Margins, On Nationalism, Ethnicity, and Non-Western Societies, Kevin B. ANDERSON, Chicago, 2010, traduction libre.

[54] Sur un total de 4’477’775, desquelles il faut soustraire les 626’829 personnes affiliées aux caisses de droit public : https://alencontre.org/suisse/non-a-lpp-21-oui-a-avs-x-13.html.

[55] Finma, Comptabilité de la prévoyance professionnelle 2022.

[56] Comprenant dans certaines caisses de pensions aussi les provisions de longévité et celles pour le changement de tables actuarielles. « […] il est très difficile de distinguer clairement les réserves [dans le cas de Swiss Life, il s’agit, d’un point de vue économique, sinon juridique, de provisions] de financement des réserves actuarielles » Brechbühl/Fretz, N 18 ad art. 65b LPP, in Commentaire des assurances sociales, Schneider/Geiser/Gächter, 2e éd.

[57] Ibid.

[58] Pour des raisons de transparence, le Conseil fédéral avait proposé la limitation des primes de risque au double du coût attendu des sinistres, ainsi que l’introduction d’une nouvelle composante de prime, servant à garantir le taux de conversion en rente, FF 2015 280. La majorité du Parlement a refusé.

[59] https://alencontre.org/suisse/non-a-lpp-21-oui-a-avs-x-13.html, 2 et suivants.

[60] 2 avril 2024, 13h41.

[61] Les assuré.e.s qui souhaiteraient se plaindre de leur spoliation légalisée par ladite legal quote de Merz seront découragé.e.s par le non-droit du travail helvétique (https://alencontre.org/suisse/non-a-lpp-21-oui-a-avs-x-13.html, note finale 6, et l’arrêt du Tribunal fédéral cité). De toute manière, les patrons des entreprises concernées, pour la plupart des PME, ne voudront ou ne pourront pas quitter les assureurs-vie, en raison soit de contre-affaires dans d’autres branches d’assurance (au détriment global de leurs salarié.e.s), soit du coût d’un changement d’affiliation, soit encore parce qu’ils sont eux-mêmes bernés par les prétendus avantages d’une assurance tout risque qu’ils paient beaucoup trop cher, voir https://alencontre.org/suisse/non-a-lpp-21-oui-a-avs-x-13.html, 3.

[62] Voir, pour une ficelle trop grosse, l’ATF 9C_613/2022.

[63] FF 2020 9504 et suivantes.

[64] Ainsi Jacques-André SCHNEIDER, Les régimes complémentaires de retraite en Europe, 1994, p. 219.

[65] Système instauré au Chili par le général Pinochet après le coup d’état de 1973, voir Aspects de la sécurité sociale, Faisabilité du libre choix de la caisse de pensions Étude comparative sur l’individualisation et le transfert du risque à l’assuré, Rapport de recherche n° 10/05, David Pittet, Meinrad Pittet et Jacques-André Schneider, p. 20 ss.

[66] La cotisation globale au 2e pilier est notablement plus élevée, compte tenu des composantes de risque et de frais, voir A 6 ci-dessus.

[67] La fortune des caisses de pensions représentait 31% du PIB en 1941/42, 40,8% en 1970 et 148% en 2022. Ce développement avait été favorisé notamment par deux facteurs : (i) l’introduction de nouveaux impôts, en particulier sur les bénéfices de guerre, au cours des deux Guerres mondiales, couplée à la déductibilité fiscale des attributions aux caisses de pensions ; (ii) l’absence de pleine transférabilité des droits à pension entre une caisse et l’autre, jusqu’en 1995, représentait un moyen (dit chaînes dorées) pour le patronat d’attacher les travailleurs à l’entreprise, à une époque, après 1945, où jusqu’à un tiers de l’effectif changeait d’emploi chaque année dans l’industrie des machines  (voir Jost STEIGER, Le deuxième pilier, service social ou affaire lucrative ? Grounauer, Genève, 1978, p. 78 sv ; Jacques-André SCHNEIDER, op. cit., 1994, p. 317 sv. ; Carl HELBLING, Personalvorsorge und BVG, 6e édition, 1995, p. 30 ; Romolo MOLO, Aspects des fondations collectives et communes, 2000, p. 10 ; Matthieu LEIMGRUBER, Solidarity without the state ?, Cambridge 2008, p. 64 sv.).

[68] Voir les ouvrages cités de STEIGER et LEIMGRUBER ainsi que Pietro BOSCHETTI, L’affaire du siècle, le 2e pilier et les assureurs, Neuchâtel 2023.

[69] LEIMGRUBER, p. 254 sv.

[70] Fédération suisse des ouvriers sur métaux et horlogers, appelée Fédération suisse des travailleurs de la métallurgie et horlogerie (FTMH) dès 1972. En 2004, elle a fusionné avec la Fédération du commerce, des transports et de l’alimentation et le Syndicat industrie et bâtiment pour former UNIA.

[71] Une illusion entretenue notamment par le Conseiller d’Etat vaudois André GAVILLET (au Conseil d’Etat entre 1970 et 1981). Voir pour l’opinion de ce courant par exemple Domaine public, 3 mars 1972 : « Jamais pareille chance. De vastes domaines de l’économie suisse sont désormais à portée des contrôles du mouvement syndical et des salariés. »

[72] Voir notamment Le deuxième pilier, service social ou affaire lucrative ? Grounauer, Genève, 1978. Jost STEIGER a milité pendant toute sa longue vie (1917-2007), avec courage, détermination constante et intelligence, pour le socialisme et contre les bureaucraties stalinienne et social-démocrate. Dépourvu de tout sectarisme, il a souvent agi unitairement, avec des salarié.e.s, voire avec des organisations influencées par ces bureaucraties, lorsque cela pouvait être utile pour la défense des intérêts de la classe des salarié.e.s.

[73] Banque Natixis, Flash Economie du 29 août 2018.

[74] https://www.swisslife.ch/fr/particuliers/produits/prevoyance-et-patrimoine/investir/premiumimmoproperties.html

[75] ATF 147 III 14, consid. 8.4. Le Tribunal fédéral motive son changement de jurisprudence par un rendement prétendument « insuffisant pour les caisses de pension qui doivent servir des rentes à leurs assurés » Le taux hypothécaire en 2019 s’élevait à 1.25%, le rendement licite sur les capitaux des caisses de pensions investis dans l’immobilier à 1.75% et le taux d’intérêt minimum selon la LPP à 1% entre 2017 et 2023. Or, les caisses de pensions sont exonérées d’impôt sur leurs revenus immobiliers, en contrepartie du fait que leurs revenus sont exclusivement affectés à la prévoyance (art. 80 LPP). Elles ont donc servi de prétexte pour favoriser les autres propriétaires. Le député PLR Feller est depuis 2007 secrétaire général de la Fédération romande immobilière.

[76] Vieillissement de la population, augmentation de l’espérance de vie.

[77] Font exception à cette débâcle quelques rares batailles défensives menées avec succès, comme la défense des retraites en primauté des prestations de la CPEG (Caisse de pensions du Canton de Genève), par vote populaire en 2019. Dans ce système, devenu très rare dans le deuxième pilier en Suisse, les retraites ne dépendent pas d’un capital individuel accumulé, mais sont fixées en fonction des revenus antérieurs, ici à 60% du traitement assuré.

[78] https://alencontre.org/suisse/suisse-avs21-et-demographie-lart-de-transformer-de-pseudo-evidences-en-parfaites-tromperies.html

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