Par Marc Centenera
Javier Milei est à deux doigts de remporter sa première victoire législative. Le projet de loi de démantèlement de l’Etat, officiellement baptisé «Loi Bases et points de départ pour la liberté des Argentins», a été adopté de justesse par le Sénat dans la nuit du mercredi 12 au jeudi 13 juin [la vice-présidente Victoria Villarruel a tranché en apportant sa voix car le Sénat était divisé à égalité: 36 voix contre 36]. La séance fut un marathon et la mobilisation sociale à l’extérieur du Sénat a été très fortement réprimée [la ministre de la Sécurité Patricia Bullrich a non seulement organisé la répression policière et militaire, mais orchestré des provocations et engagé un mouvement de criminalisation de la protestation sociale]. Il ne reste plus au gouvernement qu’à retourner à la Chambre des députés, où la discussion du projet de loi a commencé, pour examen et approbation finale [à l’échéance de fin juin].
A l’heure actuelle, Milei dispose d’un soutien suffisant à la Chambre des députés pour lui donner les instruments qu’il réclame pour transformer l’Argentine avec son modèle économique ultra-libéral. Si les députés acceptent le projet modifié par le Sénat, la loi sera approuvée et transmise au pouvoir exécutif pour promulgation. La chambre basse a une deuxième option: maintenir le projet initial que les députés ont approuvé en avril, pour lequel la majorité absolue est nécessaire, c’est-à-dire le vote de la moitié plus un des membres présents.
Dans tous les cas, la loi finale sera très éloignée du projet de 664 articles présenté par Milei en décembre 2023, quelques jours après son entrée en fonction en tant que président de l’Argentine. La minorité législative de La Libertad Avanza – 38 députés du parti au pouvoir sur 257 et sept sénateurs sur 72 – l’a contraint à le modifier. Le texte original a perdu plus de la moitié de ses articles et a été divisé en deux: la loi fondamentale (Ley Bases) proprement dite – qui comprend les chapitres sur la déréglementation économique, la réduction des effectifs de l’Etat et les incitations aux grandes entreprises – et le Paquet fiscal, avec des changements fiscaux et une amnistie pour les fraudeurs. Ce sont les points les plus importants de la loi.
Des superpouvoirs pour Milei
La loi déclare l’état d’urgence pour un an dans les domaines administratif, économique, financier et énergétique. Pendant cette période spéciale, l’exécutif argentin disposera de pouvoirs législatifs dans ces domaines clés, c’est-à-dire qu’il pourra réformer ou approuver des lois sans passer par le Congrès. La législature a finalement accordé cet instrument à Milei, bien que pour la moitié du temps qu’il souhaitait et dans un tiers des domaines demandés dans le projet de loi initial de décembre.
Privatisation des entreprises
Les législateurs ont décidé que la plupart des entreprises publiques n’étaient pas à vendre. De la liste initiale de 41 entreprises soumise par le gouvernement, la dernière version ne laisse que huit entreprises sujettes à une privatisation totale ou partielle. Reste à savoir ce qu’il adviendra d’Aerolíneas Argentinas, de Correo Argentino et de Radio y Televisión Pública: la Chambre des députés a autorisé leur vente, mais le Sénat l’a rejetée. Les députés détiennent le dernier mot.
Fermeture d’organismes publics
L’exécutif peut fermer tous les organismes publics, à l’exception d’une vingtaine d’entre eux, qui ne peuvent être que restructurés. En tête de liste des exemptions figure le Conicet (Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas), principal organisme scientifique et technologique du pays. Sont également exemptés l’Institut Malbrán, principal institut de maladies infectieuses du pays, l’Incaa (Instituto Nacional de Cine y Artes Audiovisuales), organisme de gestion et de promotion de la production audiovisuelle, et la Banque nationale de données génétiques (Banco Nacional de Datos Genéticos), qui conserve des informations sur les personnes disparues afin de déterminer la filiation éventuelle des petits-enfants enlevés pendant la dictature.
Réforme du droit du travail
Milei est sur le point d’obtenir une réforme du travail que plusieurs de ses prédécesseurs, comme Mauricio Macri [président de décembre 2015 à décembre 2019], ont tenté sans succès, bien qu’elle soit inférieure à celle qu’il souhaitait. Le gouvernement affirme que la flexibilisation prévue encouragera la croissance de l’emploi privé formel, qui stagne depuis plus d’une décennie, mais les critiques estiment qu’elle rendra le marché du travail encore plus précaire et augmentera le chômage.
Les nouvelles règles permettent aux entreprises d’embaucher des salarié·e·s pour une période d’essai de six mois, soit le double de la période actuelle, extensible à huit mois pour les entreprises de taille moyenne et à un an pour celles qui comptent moins de cinq salariés. En outre, elle permet d’embaucher jusqu’à cinq personnes en tant qu’indépendants, c’est-à-dire formellement sans relation de subordination.
La loi offre des avantages aux employeurs qui régularisent leurs employés, mais élimine en même temps les sanctions pour ceux qui emploient des personnes sans contrat, en supprimant les indemnités spéciales que les salariés obtiennent actuellement devant les tribunaux.
Régime d’incitation aux grands investissements (RIGI)
Il s’agit de l’un des chapitres les plus controversés. Il garantit des avantages fiscaux, douaniers et de change pendant 30 ans pour les projets d’investissement de plus de 200 millions de dollars dans des secteurs stratégiques tels que l’énergie, l’exploitation minière, l’agroalimentaire et la technologie. En outre, il offre aux entreprises une protection réglementaire contre les changements législatifs futurs: les litiges seront réglés par des tribunaux internationaux.
Le gouvernement affirme que l’Argentine a besoin de ce régime généreux pour inciter les grandes entreprises à parier sur des projets à long terme en Argentine, mais les PME préviennent que ce régime leur portera préjudice et détruira l’emploi local.
Chapitre sur l’énergie
Le projet de loi propose une transformation majeure du secteur de l’énergie afin d’attirer les grands acteurs mondiaux et de multiplier l’extraction des ressources pour l’exportation. Le pôle d’attraction réside dans la formation de Vaca Muerta dans le sud du pays [région de Neuquent, Rio Negro et Mendoza], qui possède les deuxièmes plus grandes réserves de gaz non conventionnel au monde et les quatrièmes plus grandes réserves de pétrole [la fracturation hydraulique est utilisée]. Le règlement réduit l’intervention de l’Etat au minimum, libéralise les prix – actuellement réglementés – et ouvre la porte au libre-échange.
Amnistie fiscale
Les fraudeurs fiscaux pourront blanchir des capitaux non déclarés sans payer d’amende, à condition que l’argent qui entre dans le système financier argentin ne quitte pas le pays avant le 31 décembre 2025. Les facilités prévues pour l’amnistie ont alarmé les experts en blanchiment d’argent, qui les considèrent comme perméables à l’entrée de capitaux illicites dans un pays aux frontières poreuses et aux villes touchées par la violence liée au trafic de stupéfiants. Sont exclus du blanchiment d’argent ceux qui ont exercé une fonction publique au cours des dix dernières années, ainsi que leurs conjoints, parents et enfants. Les fraudeurs n’auront pas non plus de seconde chance à court terme: ceux qui participent à l’amnistie actuelle seront interdits de récidive jusqu’en 2038.
Impôt sur le revenu
L’année dernière, alors qu’il était député, Milei a voté en faveur de l’élimination de l’impôt sur le revenu, connu en Argentine sous le nom de ganancias, pour quelque 800 000 travailleurs à hauts salaires. Aujourd’hui, en tant que président, il souhaite revenir sur cette décision. La Chambre des députés a approuvé le fait que les personnes qui gagnent plus de 1,8 million de pesos brut par mois (environ 1950 dollars au taux officiel) doivent à nouveau payer l’impôt, mais le Sénat l’a rejeté. La Chambre basse décidera.
Impôt sur les biens personnels (patrimoine)
Les personnes les plus riches d’Argentine sont convaincues que la version de la loi adoptée par la Chambre des députés, qui prévoyait une réduction de l’impôt sur le patrimoine, connu sous le nom de «propriété personnelle» (bienes personales), sera adoptée. Cet avantage a été révoqué ce jeudi par le Sénat et, sans lui, la loi passera à l’étape d’élaboration finale. (Article publié par le quotidien El Pais, le 13 juin 2024; traduction rédaction A l’Encontre)
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«Une victoire partielle du gouvernement obtenu avec les méthodes classiques de la caste»
Par Fernando Rosso
- La caste [dénoncée par Milei lors de sa campagne électorale] est venue au secours de Milei et Milei est devenu une caste. C’est une synthèse possible résumant la longue journée au Sénat qui s’est achevée par l’approbation de la Ley Bases et du Paquet fiscal au Sénat, ainsi que par le rejet de certaines dispositions du projet initial.
- Il s’agit d’une victoire politique partielle pour le gouvernement, obtenue à un coût élevé et qui ne résout pas nécessairement les problèmes les plus urgents qui continuent à l’assaillir.
- La nouvelle législation (avec toutes les limites qu’elle a rencontrées) est une avancée contre les travailleurs, les travailleuses et les majorités populaires, une attaque contre la souveraineté nationale et, fondamentalement, une loi pour les plus riches.
- Pourquoi? Parce que les sénateurs ont revalidé une réforme de la législation du travail qui légalise la précarité de l’emploi, facilite l’informalité et, en général, liquide des conquêtes ou des droits qui étaient déjà très affaiblis, mais qui étaient en vigueur. Parce qu’ils ont voté en faveur d’une offensive contre les employés publics et pour permettre des privatisations qui, au-delà de l’exclusion de nombreuses entreprises (les dernières à être retirées de la liste ont été Aerolíneas, la Poste et les médias publics), ont maintenu dans la liste d’autres entreprises importantes telles que les chemins de fer et Aysa (Agua y Saneamientos Argentinos). Parce qu’ils ont approuvé une réforme fiscale absolument régressive. Parce qu’ils ont voté en faveur du régime d’incitation aux grands investissements (avec quelques ajustements, mais seulement partiels) qui favorise une économie «enclavée» [activités vouées à l’exportation et sans intégration au marché local] avec un fort biais extractiviste, des avantages énormes et sans précédent pour les multinationales. Et parce qu’ils ont approuvé la délégation de pouvoirs à un type (Milei) qui se prend pour un mélange de Moïse et de Terminator.
- L’approbation de la Ley Bases et du Paquet fiscal a eu lieu alors que le gouvernement venait de vivre ses deux pires semaines avec le départ abrupt de Nicolás Posse, chef du Cabinet ministériel (Jefatura de Gabinete de Ministros-JCM), les mille conflits internes qui ont eu lieu (près de 50 hauts responsables ont démissionné ou ont été licenciés ces derniers mois), l’inquiétude des «marchés financiers» sur le cadre économique proposé et, enfin, le scandale de la retenue de tonnes d’aliments destinés aux soupes populaires dont Sandra Petovello [ministre du Capital humain depuis décembre 2023] était la protagoniste, initiative qui a très mal passé auprès de l’opinion publique [1].
- La satisfaction des «marchés financiers» suite au vote du Sénat – avec une hausse des obligations et des actions, et une baisse du risque du pays – montre qu’ils se considèrent comme gagnants parce que, effectivement, l’ensemble des règles adoptées les favorise.
- Les semaines ont été mauvaises, bien qu’elles aient été marquées par le «succès» de la baisse de l’inflation (qui s’est confirmée aujourd’hui avec une hausse mensuelle de 4,2% en mai), mais au prix d’une récession brutale qui a brisé l’économie [voir ci-dessous l’article consacré à l’évolution du pouvoir d’achat effectif].
- Si tout cela est vrai, il n’en est pas moins vrai que Milei et le gouvernement ont obtenu bien plus que ce qu’ils voulaient, en raison de leur faiblesse politique et des limitations de leur feuille de route économique. Afin d’éviter une mise au rebut de la Loi Bases, une défaite lors du vote sur l’ensemble ou des votes défavorables sur les différents chapitres, ils ont cédé et accepté des changements fondamentaux (pour retirer Aerolíneas Argentinas ou la Poste du plan de privatisation, par exemple) ou éliminer directement tout le chapitre de la sécurité sociale. Ils ont également reculé sur la suppression du moratoire pour ceux et celles qui n’avaient pas suffisamment de cotisations [pour la retraite].
- Rappelons que le projet initial, présenté en janvier, comprenait plus de 600 articles et qu’il a été réduit à près d’un tiers. En d’autres termes, sur la base des objectifs mêmes que le gouvernement s’était fixés au cri de «je ne vais négocier avec personne», il a approuvé une loi très allégée, avec des résultats très serrés dans les votes (égalité 36-36 et sur plusieurs chapitres) et en devant négocier avec tout le monde.
- De plus, il a négocié l’approbation désespérée de la loi avec des méthodes qui ne sont pas seulement celles de la politique traditionnelle (celle de «la caste»), mais aussi les pires de ces méthodes. Avec Lucila Crexell, sénatrice de Neuquén, il a négocié au grand jour le poste d’ambassadeur à l’UNESCO auquel elle a été nommée alors que le vote avait lieu. Avec le gouvernement d’Entre Ríos (nord-est), il a négocié la nomination des trois membres de la commission binationale qui gère le barrage de Salto Grande sur le fleuve Uruguay. Pour que le péroniste Edgardo Kueider se joigne aux deux autres représentants d’Entre Ríos et vote en faveur du projet.
- Est-ce bien compris? Des dépenses pour des votes, des votes pour de l’argent, et tout cela en direct, presque à la télévision nationale. Milei a mis les deux mains dans la merde de la politique traditionnelle, il s’est enfoncé dans la boue jusqu’au cou pour, la langue tirée, faire passer une loi un peu mutilée. Car, disons-le franchement, la «performance» était d’avoir évité un scénario catastrophe si la loi ne passait pas, plutôt que d’avoir jeté les bases pour résoudre les problèmes qui continuent à le hanter.
- Malgré tout, il n’a pas pu empêcher que les chapitres sur l’impôt sur le revenu et le patrimoine des particuliers soient rejetés lors du vote sur le paquet fiscal et qu’ils doivent retourner à la Chambre des députés avec d’autres amendements. Pour éviter une défaite, il a «volontairement» supprimé le chapitre sur les pensions (avec lequel il voulait continuer à économiser en déclassant des millions de retraité·e·s qui ont dû passer à un autre régime), et les chapitres sur les revenus et le patrimoine personnel sont menacés (avec lesquels il prévoyait de continuer à percevoir), outre le fait que la Chambre des députés a déjà voté une nouvelle formule de pension qui augmente ses dépenses. Aujourd’hui, je discutais avec un économiste très consulté et je lui ai demandé: «Un triomphe douloureux, mais enfin un triomphe pour le gouvernement?» Et il m’a répondu: «Sans toute la partie fiscale, tout cela est un château de cartes.»
- Pourquoi? Parce que Milei, à ce stade, voulait des dépenses publiques beaucoup plus faibles et était à court d’essence pour continuer l’ajustement austéritaire (c’est pourquoi il a reporté l’augmentation des tarifs aussi longtemps qu’il le pouvait) et devait également renoncer à beaucoup de recettes, étant donné que nous sommes à la moitié de l’année et que tout ce temps a été perdu (la loi a été présentée en janvier).
- Ce scénario permet de comprendre ce qui s’est passé dans les rues. Et que s’est-il passé dans les rues? Une mobilisation très importante (bien que la plupart des médias ne l’aient pas montrée dans toute sa dimension) et un spectacle de police et de services répressifs mis en place par Patricia Bullrich pour empêcher, au moyen d’une répression et de provocations, que cette mobilisation n’atteigne son développement alors que le moment approchait où cela pourrait se produire. Un cirque qui s’est poursuivi avec le communiqué de la Présidence qui parle de «terrorisme» et de «coup d’Etat» et qui se poursuit dans les tribunaux avec les accusations insoutenables contre les détenus [des dizaines de manifestants ont été arrêtés et sont criminalisés]. […] (Article publié sur le site de La Izquierdia Diario le 13 juin 2024; traduction rédaction A l’Encontre)
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[1] Comme le souligne Constanza Viñas le 14 juin dans l’hebdomadaire Brecha: «L’Argentine est connue pour être l’un des pays les plus riches en denrées alimentaires, l’une de ses principales sources de devises. Paradoxalement, c’est la nourriture qui fait défaut dans les foyers de ses habitants. Dans un contexte de récession économique et de forte inflation, la nourriture se fait rare dans les foyers des travailleurs qui, autrefois, pouvaient mettre un plat sur la table et qui, aujourd’hui, doivent recourir à l’aide des soupes populaires ou des merenderos [centres d’entraide populaire].»
Une enquête, dès février, a permis «de découvrir que plus de 5000 tonnes de produits étaient stockées dans des entrepôts. Certains sont déjà périmés, tandis que 340 tonnes de lait en poudre expirent en juillet de cette année.»
Cette retenue participait en fait d’une tentative d’étranglement de la structure d’entraide alimentaire existant depuis longtemps en Argentine, qui certes a servi plus d’une fois à des opérations clientélaires. Néanmoins, l’explosion de la pauvreté et de l’indigence, accentuée durant la dernière période, faisait que les soupes populaires devenaient un instrument de lutte contre une extension de la faim. En effet, les dernières enquêtes indiquaient que près de 60% de la population vivaient dans la pauvreté, soit plus de 27 millions de personnes qui ne peuvent faire face, à divers degrés, aux besoins élémentaires.
Devant l’énormité du scandale de la retenue dans des hangars de tonnes d’aliments et entre autres de lait en poudre, la ministre du Capital humain a vu s’écrouler son «prestige» – validé par Milei – et dû permettre certaines distributions. Le profil effectif du gouvernement Milei s’affirme avec plus de force lorsqu’a été révélé l’achat, pour 1 million de dollars, par le ministère de la Défense de nourriture gastronomique pour les hauts gradés de l’armée. (Réd. A l’Encontre)
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Quel est le revenu nécessaire à une famille pour ne pas chuter dans la pauvreté?
Par Julio Pérez
Ce jeudi 13 juin, l’Institut des statistiques et des recensements (INDEC) a publié le rapport sur le panier de base total (CBT) [1] et le panier alimentaire de base, qui mesurent respectivement le seuil de pauvreté et le seuil d’indigence. Pour le mois de mai, une famille de deux adultes et deux enfants, sans compter le coût du logement, avait besoin de 851 351 pesos [944 dollars] pour ne pas être pauvre et de 386 978 pesos [429 dollars] pour ne pas être indigente.
Alors qu’en moyenne les prix ont augmenté de 276,4% en glissement annuel au niveau national, les produits qui composent le panier alimentaire de base ont augmenté de 290,7%. Par rapport au mois précédent, il y a une décélération des prix en relation avec la récession et la chute brutale de la consommation. La croissance de la CBA a été de 3,7% et celle de la CBT de 2,8%.
En prenant comme paramètres quelques données officielles actuelles, le salaire minimum vital et mobile (SMVM), qui, selon la loi, doit assurer «une alimentation adéquate, un logement décent, l’éducation, l’habillement, les soins de santé, le transport et les loisirs, les vacances et le bien-être», est actuellement de 234 315,12 pesos [260 dollars]. En d’autres termes, il est inférieur au seuil d’indigence et couvre à peine 27,5% du panier de la ménagère.
Si l’on compare également la pension minimale, qui s’élève actuellement à 276 931,10 pesos (primes comprises) [306 dollars], elle se situe, comme le SMVM, en dessous du seuil d’indigence et ne couvre que 32,5% du panier alimentaire de base.
Même si nous le comparons au RIPTE [salaire imposable moyen pour les travailleurs], que le gouvernement falsifie la réalité et célèbre comme une «croissance des salaires», il était de 819 501,72 pesos brut en avril [908 dollars]. Bien qu’après un mois, il ne couvrait déjà pas le panier de base de 828 158 pesos [917 dollars] en avril.
Que mesurent les paniers? Le panier de base total est utilisé pour mesurer le seuil de pauvreté monétaire, établissant que les personnes ou les familles ayant des revenus inférieurs sont considérées comme pauvres. Alors que le panier de base établit la limite de l’indigence, les personnes et les familles qui ne parviennent pas à faire 4 repas par jour sont considérées comme affamées.
Si l’on considère que les paniers Indec n’incluent pas une dépense aussi importante que le loyer, on peut en déduire que le coût réel de la vie est encore plus élevé. Une mesure alternative de la consommation minimale (pour une famille de 4 personnes) réalisée par le Conseil interne de l’Indec, afin de déterminer le montant d’un salaire minimum, s’élevait en avril à 1 263 953 pesos [1400 dollars].
Il est urgent d’augmenter les salaires des travailleurs formels et informels, des chômeurs et des retraités, et de les actualiser automatiquement en fonction de l’inflation. La CGT et le CTA doivent rompre leur trêve complice avec le gouvernement et se placer à la tête d’un plan de lutte contre les mesures d’austérité de Milei et du FMI. (Article publié sur le site de La Izquierdia Diario le 13 juin 2024; traduction rédaction A l’Encontre)
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[1] Le panier de base total (CBT) élargit le panier alimentaire de base (CBA) en prenant en compte les biens et services non alimentaires tels que l’habillement, le transport, l’éducation, la santé, le logement, etc. (Réd.)
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