
Par Barbara Koeppel
Depuis le début du XXe siècle, les États-Unis ont orchestré des coups d’État à travers le monde, aidant les figures de l’opposition et leurs militaires rebelles à renverser les dirigeants dont ils abhorraient les politiques. Pourquoi? Ces chefs d’État ont lancé des programmes visant à redistribuer les terres, à renforcer les syndicats, les systèmes de santé et d’éducation, et à nationaliser les industries. Washington insiste sur le fait qu’ils sont «communistes» ou «socialistes» et qu’ils menacent la domination des Etats-Unis et les intérêts des entreprises.
Dans les bons vieux jours, ces magouilles étaient cachées, car les États-Unis avaient signé les chartes des Nations unies et de l’Organisation des États américains (OEA), qui stipulaient que le changement de régime par la force était illégal.
Mais dans les années 1990, les politiciens des Etats-Unis ont abandonné le secret et ont dit les choses telles qu’elles étaient. Par exemple, des penseurs de droite tels que William Kristol et Robert Kagan, initiateurs du Project for a New American Century (PNAC) [fondé en 1997 et dissous en 2006, suivi par le Foreign Policy Initiative], n’ont pas hésité à écrire en 1998 un éditorial dans le New York Times sur les États-Unis et l’Irak: ils ont insisté sur le fait que les États-Unis devaient renverser le régime de Saddam Hussein «pour assurer la grandeur de l’Amérique».
Depuis lors, tout est sur la table. Aux côtés de Kristol et Kagan, Dick Cheney [vice-président de janvier 2001 à janvier 2009], Donald Rumsfeld [secrétaire à la Défense de novembre 1975 à janvier 1977 sous Gerald Ford et de janvier 2001 à décembre 2006], Paul Wolfowitz [secrétaire adjoint à la Défense de janvier 2001 à juin 2005], Lewis «Scooter» Libby [secrétaire du vice-président de 2001 à 2005] et Richard Perle [président de la commission de la politique de défense dès 2001] ont rejoint l’équipe de Bush II. Ne voyant aucune raison de tourner autour du pot, ils ont insisté pour que les États-Unis interviennent partout où les régimes rejetaient la feuille de route de Washington.
Le Venezuela n’est que le dernier pays en date que les États-Unis considèrent comme une menace. Comme il possède les plus grandes réserves de pétrole au monde (cinq fois celles des États-Unis), l’ancien président Hugo Chávez et, après lui, Nicolás Maduro ont choisi une voie dite indépendante. Malgré les sanctions américaines, le Venezuela a envoyé son pétrole à des pays tels que la Chine (qui en reçoit la part du lion), l’Inde, Cuba, la Turquie et même, en petites quantités, l’Italie et l’Espagne. Une telle situation ne peut durer.
C’est pourquoi le trio belliqueux composé de Trump, Pete Hegseth et Marco Rubio a envoyé des navires de guerre, des avions de combat, des missiles et 15’000 soldats dans les eaux côtières du Venezuela. Le 11 décembre, les États-Unis ont saisi l’un des pétroliers du pays. Auparavant, ils avaient détruit 23 bateaux vénézuéliens, tuant les 87 personnes qui se trouvaient à bord. Le trio affirme que le fait de couler de ces bateaux permettra de mettre fin à l’afflux de fentanyl vers les États-Unis, bien qu’il n’ait fourni aucune preuve de la présence de cette drogue – ou de toute autre – à bord. Trump insiste sur le fait que chaque bateau détruit transportait suffisamment de fentanyl pour tuer 25’000 Américains. Compte tenu du renforcement massif des forces militaires états-uniennes, une invasion pourrait être imminente.
Bien que la géographie ait changé, rien de tout cela n’est nouveau. Pendant la guerre froide, la CIA a utilisé des moyens détournés pour renverser des régimes, financer des figures de l’opposition et former des forces armées, comme elle l’a fait avec les contras nicaraguayens au début des années 1980.
Le nombre d’interventions est considérable. Dans certains pays, la CIA s’est ingérée dans les élections. Dov Levin, politologue à l’université de Hong Kong, a écrit que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont interféré dans les élections de 81 pays. Il a ajouté que si la liste remontait à la fin du XIXe siècle, elle serait deux fois plus longue. La Russie, a-t-il noté, arrive en deuxième position, avec 36 élections dans lesquelles elle s’est ingérée.
Par exemple, avant les élections de 1948 en Italie, la CIA a cherché à discréditer les candidats communistes (le parti était légal). Comme ils constituaient l’épine dorsale de la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, beaucoup auraient pu remporter les élections. La CIA a donc diffusé des millions de lettres falsifiées et compromettantes ainsi que diffusé des émissions avertissant de la catastrophe qui s’annonçait si les communistes gagnaient. Cette tactique a largement porté ses fruits.
Mais l’ingérence électorale était la moins meurtrière des activités clandestines de la CIA. Au cours des sept décennies suivantes, elle a contribué à renverser ou à assassiner des dirigeants élus et non élus au Panama (en 1941 et 1989), en Iran (1953), au Guatemala (1954), au Congo (1960), au Brésil (1964), en Indonésie (1965-1967), en République dominicaine (1965), en Bolivie (1971), Chili (1973), en Argentine (1976), à Grenade (1983), à Haïti (1991), en Libye (2011) et en Ukraine (2014).
En Indonésie, par exemple, la CIA a contribué à renverser le président Sukarno [en 1965] et à installer le général Suharto au pouvoir. Elle a financé des groupes d’opposition et de la propagande anticommuniste, formé des factions militaires et mené des opérations psychologiques pour créer de l’instabilité, tout en divulguant les noms des rebelles. Elle a également produit un film pornographique dans lequel le personnage principal portait un masque à l’effigie de Sukarno. Après le coup d’État, le régime de Suharto a tué entre 750’000 et 1’000’000 de personnes.
Au Brésil, la CIA a soutenu le coup d’État des généraux, car elle estimait que le président João Goulart [septembre 1961-avril 1964] représentait une menace «de gauche» qui devait être écrasée. Cela a conduit à une dictature militaire de 24 ans qui a tué ou «fait disparaître» au moins 1000 opposants politiques et militants. Cela a également favorisé la stratégie plus large des États-Unis consistant à intervenir dans la région.
Au Chili, Richard Nixon, la CIA et le secrétaire d’État Henry Kissinger ont soutenu le coup d’État de Pinochet en 1973 qui a renversé Salvador Allende, le président démocratiquement élu, qui s’est suicidé pendant l’attaque. Kissinger a averti le président Nixon que «l’exemple d’un gouvernement marxiste couronné de succès au Chili aurait certainement un impact sur d’autres parties du monde et déséquilibrerait considérablement notre propre position».
De même, en Argentine, les États-Unis ont soutenu le coup d’État militaire de 1976 pour contrer les menaces «de gauche». Ici, la CIA a fourni des renseignements et un soutien logistique à la junte militaire pour détruire l’opposition. Et la tactique a réussi. Par la suite, au moins 30’000 personnes ont «disparu», les généraux les ayant systématiquement enlevées, torturées et assassinées, allant même jusqu’à en jeter certaines depuis des avions. Les États-Unis ont fermé les yeux parce qu’ils voulaient que la junte stabilise la région et protège les intérêts des Etats-Unis.
Dans de très rares cas, ces plans ont échoué. Par exemple, la CIA a tenté de tuer Fidel Castro pendant des décennies. Dans le cadre de l’opération Mongoose [1961], l’agence lui a envoyé des cigares explosifs ou de la nourriture empoisonnée, des stylos à bille et des combinaisons de plongée. Mais Castro a survécu jusqu’à sa mort en 2016, à l’âge de 90 ans.
Des décennies plus tôt, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et le Japon avaient envoyé des troupes en Russie pendant la guerre civile de 1918 pour empêcher la victoire des bolcheviks. Ils ont échoué, et le régime dit soviétique [issu de la contre-révolution bureaucratique et stalinienne des années 1920] a maintenu le pouvoir de sa nomenklatura jusqu’en 1989.
Il est intéressant de noter que lorsque Smedley Butler, général du Corps des Marines des États-Unis, a pris sa retraite en 1935, il a déclaré: «J’ai passé la majeure partie de ma vie à être un homme de main de haut niveau pour les grandes entreprises et les banquiers. J’étais un gangster au service du capitalisme.»
En avril 2025, le Dr David Kirk, vice-président des études sur le renseignement à l’American Military University, a affirmé sans détour que les États-Unis «recourraient au déni et à la tromperie» pour dissimuler leurs plans à leurs ennemis. Dans leur guerre contre le Venezuela, les États-Unis coulent simplement les bateaux de ses citoyens et saisissent les pétroliers du pays. Ces deux actes sont illégaux.
Mais les habitudes de secret bien rodées ont la vie dure. Lorsque j’ai interrogé le porte-parole du Pentagone, le lieutenant-colonel Bryon McGarry, sur les armes que les États-Unis ont envoyées à Israël et à l’Ukraine depuis 2023, il a répondu: «Nous ne faisons aucun commentaire sur les détails.»
Comme l’écrivait souvent Kurt Vonnegut [écrivain américain], «et ainsi va la vie». (Article publié dans l’hebdomadaire The Nation le 18 décembre 2025; traduction rédaction A l’Encontre)
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Maduro affirme que la véritable raison de l’obsession de Trump pour le Venezuela est le pétrole – a-t-il raison? (II)

Par Tiago Rogero
Le pays sud-américain confronté à un important renforcement militaire américain détient près d’un cinquième des réserves mondiales connues
Le dictateur vénézuélien Nicolás Maduro affirme que la véritable raison derrière le renforcement militaire massif des États-Unis dans les Caraïbes est le pétrole: son pays possède les plus grandes réserves prouvées au monde [voir pour complément l’article de RFI du 18.12.2025 ci-dessous].
Le département d’État américain nie cette affirmation (CNN, 26 novembre), insistant sur le fait que les frappes aériennes contre des bateaux qui ont tué plus de 90 personnes et le vaste déploiement militaire au large de l’Amérique du Sud font partie d’une campagne contre le trafic de drogue.
Quoi qu’il en soit, Donald Trump semble déterminé à changer le régime au Venezuela, un pays dont les principaux alliés sont la Chine, la Russie et l’Iran, et qui a subi un effondrement économique profond qui a déclenché la plus grande crise migratoire de la région.
Cependant, Trump s’est montré disposé à trouver un terrain d’entente avec des dirigeants autoritaires ailleurs, et les frappes aériennes contre de petits bateaux dans les Caraïbes ont peu de chances d’avoir un impact significatif sur le trafic de drogue – dont la majeure partie entre dans le pays par le Mexique –, ce qui conduit les détracteurs du président des Etats-Unis à conclure qu’il doit y avoir une autre motivation.
Le président colombien de gauche, Gustavo Petro, qui est lui-même engagé dans une querelle de plus en plus âpre avec Trump, a qualifié la campagne de trois mois contre Caracas de «négociation sur le pétrole», affirmant que Trump «ne pense pas à démocratiser le Venezuela, et encore moins au trafic de drogue».
Mais les analystes qui connaissent bien le fonctionnement du secteur pétrolier vénézuélien affirment que ce n’est pas aussi simple.
«Je pense que le pétrole peut être l’une des motivations [du renforcement militaire], mais pas la principale. Ce n’est qu’une partie du tableau», a déclaré Francisco J Monaldi, directeur du programme énergétique pour l’Amérique latine au Baker Institute for Public Policy de l’université Rice, à Houston.
Tout d’abord, «le Venezuela est un acteur très mineur à l’heure actuelle», a-t-il déclaré.
Le pays détient près d’un cinquième de toutes les réserves mondiales connues, mais il représente moins de 1% de la production mondiale. La plupart des réserves du Venezuela sont constituées de pétrole brut «lourd et sulfureux», plus difficile et plus coûteux à extraire. Parallèlement, son secteur pétrolier a été paralysé par des décennies de corruption, de mauvaise gestion et de sous-investissement.
Francisco J Monaldi estime que la production actuelle, qui est légèrement inférieure à 1 million de barils par jour, pourrait passer à 4, voire 5 millions de barils par jour, mais cela nécessiterait un investissement d’environ 100 milliards de dollars et prendrait au moins 10 ans.
Après une grève des travailleurs du pétrole au début des années 2000, le prédécesseur et mentor de Maduro, Hugo Chávez, a licencié un grand nombre de travailleurs de la société publique Petróleos de Venezuela Sociedad Anónima (PDVSA) et a consolidé le contrôle du gouvernement sur l’entreprise.
Son gouvernement a ensuite décrété que PDVSA devait détenir au moins 51% des parts et le contrôle opérationnel de tous les champs de prospection, chassant ainsi les multinationales qui opéraient depuis longtemps dans le pays, telles que ConocoPhillips et Exxon-Mobil.
La production a alors connu un déclin rapide, en particulier après que les États-Unis, pendant le premier mandat de Trump, ont imposé des sanctions interdisant les importations de pétrole vénézuélien. Joe Biden a assoupli ces restrictions dans l’espoir que Maduro autorise une transition démocratique, mais après les élections de l’année dernière – largement considérées comme ayant été truquées par Maduro – Trump a rétabli les sanctions [selon les estimations les plus crédibles, l’opposition avait réuni un peu plus de 60% des votes et Maduro un peu plus de 30% – réd.].
Même pendant les sanctions, cependant, le géant pétrolier américain Chevron n’a jamais complètement suspendu ses activités au Venezuela, les maintenant à un niveau considérablement réduit.
Trump a révoqué la licence de Chevron, mais a fait marche arrière en juillet, ordonnant que les redevances soient utilisées pour couvrir les coûts opérationnels et rembourser une dette de longue date du gouvernement vénézuélien envers la société états-unienne, au lieu d’être transférées au régime de Maduro.
Bien que le manque de transparence du régime Maduro se reflète dans le secteur pétrolier, les analystes estiment que PDVSA détient actuellement 50% des opérations; Chevron, 25%; 10% sont détenus par des coentreprises dirigées par la Chine; 10% par la Russie; et 5% par des entreprises européennes.
Depuis l’assouplissement récent des restrictions par Trump, Chevron importe entre 150’000 et 160’000 barils par jour aux États-Unis.
«Je pense que le principal bénéficiaire d’un changement politique au Venezuela serait Chevron», a déclaré José Ignacio Hernández, juriste et chercheur spécialisé dans l’industrie pétrolière vénézuélienne, qui travaille pour le cabinet de conseil états-unien Aurora Macro Strategies.
Mais José Ignacio Hernández, qui était membre de l’équipe de Juan Guaidó lorsque le chef de file de l’opposition s’est déclaré président par intérim en 2019, rejette également l’idée que le pétrole soit l’objectif principal de la campagne des Etats-Unis.
«Le secteur pétrolier au Venezuela est détruit… Ce n’est pas un marché attractif à court terme, en particulier pour un pays comme les États-Unis, qui est déjà le plus grand producteur mondial», a-t-il ajouté.
José Ignacio Hernández a fait référence à des informations récentes selon lesquelles, lors de discussions avec des représentants des Etats-Unis, Nicolas Maduro aurait proposé d’ouvrir tous les projets pétroliers et aurifères existants et futurs aux entreprises américaines. «Si Trump voulait conclure un accord de monopole sur le pétrole vénézuélien, il aurait accepté l’offre de Maduro», a déclaré Hernández.
Francisco J Monaldi a déclaré que même s’il y avait un changement de régime et qu’un candidat soutenu par les États-Unis prenait ses fonctions, la décision finale d’investir ou non dans le pétrole vénézuélien reviendrait en fin de compte aux entreprises, qui privilégieraient avant tout la stabilité politique et économique.
«Le Venezuela dispose de ressources considérables, de nombreuses infrastructures et de gisements déjà exploités; personne n’irait là-bas pour explorer à partir de zéro… Mais, en même temps, il existe de nombreux obstacles potentiels: les risques politiques, l’histoire du pays, le fait que le pétrole a moins de valeur», a-t-il déclaré. «Les obstacles sont donc principalement d’ordre politique.» (Article publié par The Guardian le 6 décembre 2025; traduction rédaction A l’Encontre)
Tiago Rogero est correspondant du Guardian pour l’Amérique du Sud.
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Comment Chevron défie sanctions, crises et rivalités internationales pour garder un œil sur le pétrole (III)

Par la rédaction de RFI
Chevron et le Venezuela ont une longue histoire. La firme est présente au Venezuela depuis 1923. Si les autres compagnies états-uniennes ont quitté le pays, à la suite de la nationalisation, en 2007, du pétrole par le président d’alors, Hugo Chávez — qui imposa la création d’entreprises mixtes avec la compagnie nationale PDVSA —, puis des sanctions économiques, Chevron est restée notamment en raison des bonnes relations qu’entretenait le prédécesseur de Nicolas Maduro, avec Ali Moshiri. Ce dernier, d’origine iranienne, était alors responsable de l’exploration et de l’exploitation de Chevron pour l’Afrique et l’Amérique latine, explique le New York Times.
Caracas et Washington n’ont plus de relations diplomatiques depuis 2019, à l’initiative de Donald Trump, quand les États-Unis ont contesté la réélection, jugée irrégulière, de Nicolas Maduro. Washington a alors imposé des sanctions économiques et un embargo pétrolier à Caracas.
Donald Trump a annoncé fin février 2025, peu après son investiture, la révocation de la licence de Chevron, autorisée depuis la fin 2022 par son prédécesseur Joe Biden à reprendre de façon limitée ses activités au Venezuela. Le géant pétrolier, qui exploitait alors environ un quart de la production de pétrole du pays, en association avec PDVSA, avait néanmoins été autorisé à assurer la maintenance de ses installations sur place.
L’expertise de Chevron
La licence sera de facto révoquée en mai, avant que Trump ne change de nouveau d’avis en juillet. Chevron est alors de nouveau autorisée à exploiter l’or noir vénézuélien. «Je veux Chevron encore pour cent ans!», a alors déclaré le président Maduro. Au cours des deux dernières années (avant son interdiction en mai), Chevron a contribué à hauteur de 80% à la croissance de la production pétrolière du Venezuela, selon Francisco J. Monaldi, expert pétrolier vénézuélien à l’université Rice, cité par le New York Times. Qui plus est, Chevron exploite un brut très chargé en soufre et a développé une expertise pour le traiter, expertise que ne possèdent ni ses concurrents ni PDVSA.
Mais ce retour sur le marché vénézuélien en juillet a été assorti de quelques restrictions. Désormais, en vertu des modifications introduites de façon unilatérale par l’administration états-unienne dans le contrat, Chevron peut exporter 50% de ce que produisent les coentreprises qu’elle exploite avec PDVSA. Les 50% restants sont versés au gouvernement vénézuélien, à charge pour lui de les exporter (à perte) sur le marché noir. Il s’agissait pour l’administration Trump de limiter l’apport d’argent frais de Chevron dans les caisses de Caracas. Si ce changement de licence a provoqué un effondrement du bolivar et une augmentation dramatique entre le taux de change officiel et celui au noir (plus de 40%), l’accord reste néanmoins profitable tant à Caracas qu’à Chevron, selon les analystes. Comme le soulignait Olivier Appert au micro de Pierre Olivier de RFI, les États-Unis — producteurs d’un pétrole de schiste léger – ont besoin du brut vénézuélien pour faire tourner leurs raffineries du golfe du Mexique. Pour des raisons économiques (du carburant bon marché pour les consommateurs) mais aussi politiques (les États du Sud votent majoritairement républicain).
Des pressions politiques
Des considérations politiques que l’on retrouve aussi au plus haut niveau de l’administration Trump. De nombreux analystes soulignent le rôle du secrétaire d’État, Marco Rubio, dans les pressions croissantes exercées sur Nicolas Maduro. Il est partisan d’une ligne dure, et en cela s’oppose aux partisans de négociations avec Caracas. Richard Grenell, conseiller de Trump, s’est rendu au Venezuela peu après l’investiture de la nouvelle administration début 2025 pour y négocier avec le régime de Maduro «le renouvellement de l’allègement des sanctions promis par Joe Biden pour que Chevron puisse importer du pétrole vénézuélien aux États-Unis, en contrepartie de l’accord de Caracas de recevoir des vols de migrants vénézuéliens expulsés des États-Unis», souligne Thomas Posado, spécialiste du Venezuela à l’université de Rouen-Normandie. «Rubio semble avoir le dessus en ce moment, et il joue sans doute une partie importante de sa carrière politique sur ce dossier. Un changement de régime au Venezuela serait un succès dont il pourrait s’enorgueillir, ce qui pourrait le propulser à la vice-présidence, voire à la présidence, dès 2028», selon l’universitaire.
La rivalité avec la Chine en ligne de mire
Ali Moshiri, qui dirige désormais une compagnie pétrolière indépendante à Houston, a récemment déclaré espérer que les activités de Chevron au Venezuela pourraient être une source d’intérêts communs et potentiellement apaiser les tensions bilatérales. De fait, bon an mal an, malgré les aléas géopolitiques, Chevron a maintenu de bonnes relations tant avec l’administration Trump qu’avec Caracas, d’autant que si le gouvernement Maduro tombe, la présence de Chevron au Venezuela pourrait lui conférer un avantage concurrentiel dans ce qui serait probablement un boom des investissements pétroliers, note encore le New York Times.
Le quotidien souligne également que Chevron a engagé cette année le cabinet de lobbying de Brian Ballard, un important collecteur de fonds pour Donald Trump. Enfin, une interdiction pour Chevron d’opérer au Venezuela bénéficierait de fait à Pékin, le plus gros client du brut vénézuélien, via la Malaisie, pour détourner les sanctions. (18 décembre 2025)
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«Contre le blocus militaire américain contre le Venezuela et contre la droite interventionniste!» (IV)

Par Marea Socialista antiburocratica y anticapitalista
Marea Socialista rejette le blocus militaire impérialiste ordonné par Trump contre la nation vénézuélienne. L’excuse de lutter contre le trafic de drogue, qu’il ne parvient pas à contrôler dans son propre pays consommateur, ne justifie en aucun cas la violation de la souveraineté vénézuélienne. Les actions menaçantes au large de nos côtes, qu’elles soient destinées à intimider ou qu’elles constituent un prélude à une intervention armée, obéissent exclusivement à l’intérêt impérialiste des États-Unis de soumettre les peuples d’Amérique du Sud et des Caraïbes.
Nous condamnons fermement les menaces de l’impérialisme et les récompenses offertes par Trump pour aider à capturer des membres du gouvernement vénézuélien, ce qui sert d’ailleurs à Maduro pour se poser en victime et «justifier» davantage de répression dans notre pays.
Partout où les États-Unis se sont immiscés, la situation s’est considérablement détériorée. C’est ce que montre la situation de pays comme l’Afghanistan où, après leur retrait, ils ont de nouveau laissé le contrôle entre les mains des talibans, un groupe réactionnaire et terrifiant. Le peuple vénézuélien ne sera pas sauvé par les forces aéronavales et les Marines des Etats-Unis envoyés par le capitaliste Donald Trump, qui a déjà montré comment il traitait les migrants vénézuéliens aux États-Unis et qui collabore avec le génocidaire Netanyahou dans l’extermination du peuple palestinien de Gaza.
Nous affirmons également qu’un gouvernement comme celui de Maduro ne peut défendre le pays contre une puissance étrangère telle que les États-Unis alors que le peuple est soumis à la faim, aux calamités et aux violations des droits, tandis que la bureaucratie gouvernementale jouit de privilèges scandaleux et commet des exactions ignobles. La bureaucratie corrompue ne défend pas le peuple vénézuélien, elle l’a pillé, elle ne défend que sa propre peau et ses positions de pouvoir. Ce sont les politiques de ce gouvernement qui nous ont conduits à avoir le pire salaire du monde, inférieur à un dollar par mois. Peut-on offrir une résistance à l’impérialisme tout en attaquant son propre peuple avec les salaires les plus misérables et les mauvais traitements les plus cruels, comme si les travailleurs et les classes populaires étaient un ennemi interne?
De son côté, le monde des affaires, représenté politiquement par les partis de droite oppositionnels et interventionnistes, profite et tire des bénéfices de ces politiques anti-ouvrières soutenues par le gouvernement Maduro-Militaires-PSUV (Parti socialiste unifié du Venezuela), comme le salaire «zéro» (en violation de l’article 91 de la Constitution), qui, associées aux mesures antisyndicales, leur permettent de surexploiter la classe laborieuse vénézuélienne à un coût salarial lui aussi à «zéro». Cela vaut également pour les transnationales étrangères, qui tirent profit du gouvernement mal nommé «nationaliste» et «socialiste», qui n’est en aucun cas tel.
Nous sommes pour l’unité d’action du peuple vénézuélien contre l’interventionnisme états-unnien, sans que cela implique aucune confiance ni aucun soutien au régime politique que Maduro maintient avec le gouvernement des militaires et du PSUV.
Dans ce contexte, nous continuons à exiger avec force du gouvernement qu’il cesse la répression contre les militant·e·s de la classe laborieuse, contre ceux qui sont en désaccord avec le gouvernement en termes démocratiques, quelle que soit leur appartenance politique, et contre la gauche dissidente ou opposante qu’il a persécutée ces derniers temps.
Nous exigeons également, comme condition préalable pour pouvoir se défendre contre l’impérialisme, que les droits démocratiques et syndicaux de la classe laborieuse et des citoyens en général soient rétablis, que des salaires correspondant au coût du panier de la ménagère (art. 91) soient fixés et que les lois anticonstitutionnelles et les mesures qui ont été mises en œuvre en faveur du capital transnational contre les intérêts du peuple vénézuélien soient abrogées.
Les États-Unis ne veulent pas de gouvernements qui s’entendent avec leurs ennemis économiques et géopolitiques (Chine, Russie) et souhaitent en outre voir au pouvoir au Venezuela leurs politiciens les plus fiables (tels que María Corina Machado et Edmundo Gonzalez Urrutia et les partis de la droite classique). Une autorité qui persécute et expulse les Vénézuéliens des États-Unis et les emprisonne parce qu’ils sont migrants, ou qui contribue au génocide commis à Gaza, ne s’intéresse évidemment ni à la démocratie ni au bien-être du peuple vénézuélien.
Nous sommes pour la souveraineté économique du Venezuela, pour que son économie ne soit pas entre les mains de capitalistes avides ni gérée par des bureaucrates et des militaires corrompus et autoritaires qui volent et asservissent le peuple, mais pour le développement d’industries nationales prospères et honnêtes, sous le contrôle réel de la société et des travailleurs, afin de garantir qu’elles soient au service du bien-être général du peuple vénézuélien.
Nous réitérons donc notre appel à organiser nous-mêmes la lutte de libération de notre propre peuple, sans patrons ni impérialistes, afin de sortir de l’oppression d’une bureaucratie corrompue et bafoueuse des droits.
Non à l’interventionnisme impérialiste et non à l’autoritarisme au pouvoir! Ni la bureaucratie de Maduro ni le pro-impérialisme de María Corina Machado!
Les Latino-Américains et les Caribéens, avec la solidarité des peuples du monde, doivent rejeter le harcèlement militaire états-unien dans les eaux territoriales du Venezuela ou la traque de toute autre nation, sans pour autant apporter leur soutien au gouvernement de Maduro.
Pour la solidarité internationale avec le Venezuela et son peuple, contre le blocus militaire yankee et la droite pro-interventionniste! (22 août 2025; traduction rédaction A l’Encontre)
Marea Socialista a été fondée en 2007 dans le cadre «du processus révolutionnaire en cours au Venezuela». Ce courant a agi initialement dans le cadre du PSUV, puis face à ses déformations autoritaires et bureaucratiques s’en est séparée. (Réd.)
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Le Nobel que Trump convoitait et qu’ils ont donné à sa protégée María Corina Machado (V)

Par Marea Socialista
Le prix Nobel que convoitait Donald Trump, complice de Netanyahou dans «les événements» de Gaza, a finalement été décerné à María Corina Machado. Tous trois sont amis.
La dérive morale et l’instrumentalisation politique du Comité Nobel sont scandaleuses. Ce prix, autrefois décerné à des personnalités telles qu’Adolfo Pérez Esquivel, véritable combattant contre la dictature militaire argentine des années 1970-80, ou Nelson Mandela, combattant contre l’apartheid en Afrique du Sud, est désormais attribué à un promoteur de guerres comme l’ancien président impérialiste Barak Obama, et maintenant à une personne comme María Corina Machado, qui a demandé aux États-Unis et à Trump d’envahir militairement le Venezuela.
María Corina Machado a toujours défendu des positions qui ne respectent en rien la «paix». Il n’est pas nécessaire d’expliquer ce que signifie demander et approuver le harcèlement militaire des États-Unis envers le Venezuela. Mais ce n’est pas tout: elle soutient Israël et le génocidaire Netanyahou, bourreau de la population de Gaza. Et elle est même allée jusqu’à lui demander de l’aider à renverser Maduro. Elle sollicite l’aide d’un criminel de guerre!
Lorsque Trump a commencé à appliquer sa politique de criminalisation, d’expulsion et d’emprisonnement des migrants vénézuéliens, elle a donné son accord. Et maintenant que Trump impose son blocus aérien et naval et se charge de couler les bateaux transportant des Vénézuéliens, sans explications ni preuves, en marge de toute législation internationale, María Corina Machado soutient également ces actions.
Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent que María Corina n’a rien à voir avec la paix et qu’elle est un instrument au service de la puissance étrangère la plus agressive. Sans compter ses antécédents putschistes, en 2002 [en avril Chavez est écarté du gouvernement durant deux jours puis reçoit l’aide d’un large secteur de l’armée] lorsqu’il y avait au Venezuela un gouvernement constitutionnel, démocratiquement élu [en fin 1998], et lors d’autres tentatives ultérieures.
Il ne fait aucun doute que l’attribution de ce Prix Nobel s’inscrit dans une opération politique visant à favoriser une opposition de droite au service des intérêts d’un pays impérialiste. Pourquoi ne l’ont-ils pas décerné à la flottille qui a tenté de briser le blocus israélien de l’aide humanitaire à Gaza?
María Corina Machado ne se soucie pas du coût que pourrait avoir pour la population vénézuélienne la concrétisation d’une éventuelle invasion militaire nord-américaine. Lorsque les États-Unis sont intervenus au Panama pour renverser leur ancien allié Noriega, ils ont détruit des quartiers entiers, tuant des centaines, voire des milliers de leurs habitants.
Pour l’instant, avec l’aval de María Corina Machado et du «président» reconnu par Trump, Edmundo González, des bateaux transportant des Vénézuéliens sont coulés, sans preuve de leur implication présumée dans le trafic de drogue, sans respecter la procédure régulière, ni les lois de la mer, ni les droits de l’homme. Les États-Unis s’érigent en «autorité armée» régnant aux confins des eaux territoriales des pays souverains, mais n’envoient pas leurs navires contrôler le trafic de drogue sur leurs propres côtes. Ils reprochent aux autres pays leur propre consommation [de drogue] et utilisent le trafic de drogue comme excuse pour justifier des actions qui enfreignent tous les traités et conventions internationaux. [Voir sur la longue guerre contre la drogue l’article de Greg Grandin publié sur ce site le 16 novembre 2025 https://alencontre.org/ameriques/amelat/lescalade-de-lescalade-rappel-de-la-longue-guerre-contre-la-drogue-en-amerique-du-sud-de-richard-nixon-a-donald-trump.html.]
Les Vénézuéliens et les Vénézuéliennes en ont certes assez du gouvernement Maduro et de la «lumpembourgeoisie» du PSUV. Et nous devons développer notre capacité de lutte pour mettre fin à ce gouvernement de fait et au régime de famine qu’il soutient.
Mais cela ne se résout pas en demandant l’intervention du gouvernement et de l’armée des États-Unis au Venezuela, un pays qui, après avoir envahi l’Afghanistan, l’a laissé dans un état bien pire, avec les talibans qui bafouent tous les droits, en particulier ceux des femmes, en leur interdisant d’aller à l’école, de sortir seules ou d’aller travailler. Les États-Unis ont envahi et fait la guerre à l’Irak, sous le prétexte d’une prétendue existence d’armes de destruction massive, qui s’est avérée fausse, et ils ont semé la mort et la destruction dans ce pays (on estime à plus d’un demi-million le nombre de morts, et certaines sources avancent des chiffres encore plus élevés). Les États-Unis sont intervenus à plusieurs reprises en Haïti, contribuant ainsi à aggraver la situation de son peuple, plongé dans le chaos. Ils interviennent pour piller les ressources, imposer la violence et servir leurs propres intérêts, et non ceux du pays envahi. Ils veulent gouverner les autres et annuler la souveraineté et l’indépendance des peuples, au nom d’une «démocratie» et de droits de l’homme qu’ils ne respectent nulle part.
Les exemples historiques sont nombreux, mais María Corina Machado veut qu’ils entrent au Venezuela et propose de leur accorder tout ce qu’ils demandent en échange de son accession au pouvoir. Et, bien sûr, ils prétendent d’abord vouloir «restaurer la démocratie» ou opérer une «transition», mais ils finissent par reproduire ce que l’histoire nous a déjà montré à maintes reprises.
Maduro a également livré le pays aux intérêts capitalistes étrangers, malgré son discours pseudo-nationaliste, au détriment des masses laborieuses et du peuple vénézuélien, qui est livré comme main-d’œuvre gratuite, avec un salaire «zéro» (inférieur à 1 dollar par mois) au profit des entrepreneurs et des transnationales.
Mais le gouvernement américain n’apprécie pas les accords conclus par Maduro avec la Chine et la Russie, ses concurrents à l’échelle géopolitique mondiale, et préfère un gouvernement sur lequel il a plus de contrôle. Cependant, alors que les navires et les avions états-uniens mènent des attaques armées près de nos côtes, la transnationale américaine Chevron extrait plus de pétrole que la PDVSA, ruinée et pillée, avec l’autorisation des États-Unis. Comment expliquer cela?
Pour l’instant, María Corina Machado bénéficie de l’approbation du gouvernement nord-américain, et les Etats-Unis se méfient des alliances et des relations de Maduro. Ils préfèrent rendre le contrôle économique et politique à leurs alliés pro-impérialistes de la bourgeoisie traditionnelle vénézuélienne, évincés par la bureaucratie autoritaire en place.
María Corina Machado, qui bénéficie du soutien des principaux secteurs patronaux, n’a pas axé son combat sur le respect du salaire (qui, selon la Constitution, devrait être au niveau du coût du panier de la ménagère, art. 91). En cela, María Corina Machado est complice des politiques anti-populaires de Maduro, dans la mesure où elles servent la classe capitaliste qu’elle représente. Le maintien du «salaire zéro» au Venezuela équivaut à une guerre de la faim contre notre peuple, une guerre dans laquelle elle se range du côté des exploiteurs.
Pour ces raisons, parmi beaucoup d’autres, nous rejetons l’attribution du Prix Nobel à María Corina Machado. Nous réaffirmons que la libération du peuple vénézuélien et de la classe travailleuse ne peut venir ni d’elle ni du gouvernement Trump. Tous deux ne poursuivent que leurs propres objectifs.
Notre libération doit être l’œuvre de notre propre force organisée, de notre conscience, de notre résistance, de la mobilisation ouvrière et populaire, face au gouvernement anti-ouvrier et autoritaire de Nicolás Maduro, et face à «l’insolence» de l’impérialisme qui, avec ses opérateurs politiques, prétend nous piétiner en prenant la place de ceux qui gouvernent aujourd’hui.
Ce n’est pas l’impérialisme belliciste et génocidaire, ni les partis de la classe exploiteuse, qui apporteront une solution à notre peuple. Ce n’est pas une intervention semi-colonialiste des États-Unis qui résoudra nos problèmes. Nous insistons sur l’indépendance politique de classe du peuple travailleur et sur la nécessité de créer nos propres outils de lutte pour parvenir à un changement libérateur, sans envahisseurs, sans exploiteurs, sans nouveaux riches qui, aux côtés de Maduro, se font passer pour des «socialistes», mais qui ne sont qu’une autre droite et une autre face du capitalisme au Venezuela. Nous le répétons donc: ni Maduro, ni María Corina Machado, ni Trump et les «gringos», ni aucune autre domination impérialiste, y compris celle de la Chine ou de la Russie. Ni bureaucratie, ni capital! C’est au peuple de régler ses comptes avec Maduro. Non à l’interventionnisme «gringo» contre le Venezuela! (16 octobre 2025; traduction rédaction A l’Encontre)
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La «Constituante ouvrière» du gouvernement est en réalité anti-ouvrière et antisyndicale (VI)

Par Marea Socialista
Un processus appelé «Constituante ouvrière» est en cours, proposé par le président Nicolás Maduro et soutenu, entre autres, par le ministre du Travail Eduardo Piñate et plusieurs porte-parole de la Centrale bolivarienne socialiste des travailleurs (CBST). En d’autres termes, des représentants du pouvoir en place, plus éloignés et hostiles que jamais de la classe laborieuse vénézuélienne, ainsi que des porte-parole d’une centrale syndicale extrêmement bureaucratisée, convoquent, promeuvent et organisent un événement qui, selon eux, vise à «revitaliser et organiser les travailleurs».
Il ne s’agit pas d’un véritable processus de participation ou d’autonomisation de la classe ouvrière, mais d’une tentative de renforcer son contrôle politique et idéologique sur les travailleurs et les travailleuses, en cherchant à légitimer un ordre du travail profondément régressif. Loin d’ouvrir un espace de délibération démocratique à la base, ce projet vise à subordonner la classe ouvrière à la logique bureaucratique et corporatiste de l’État patronal.
Au lieu de promouvoir une discussion libre sur les droits du travail, la négociation collective, la liberté syndicale et les conditions de vie des travailleurs, on tente d’imposer un modèle dans lequel les organisations ouvrières n’existent que comme des courroies de transmission du pouvoir gouvernemental et patronal. Il s’agit d’une «constituante» conçue par le haut, sans autonomie, sans pluralité, sans véritable débat et avec l’objectif clair de neutraliser toute forme d’organisation indépendante.
Le gouvernement anti-ouvrier et ses appareils bureaucratiques vont-ils revitaliser et organiser les travailleurs?
La «démocratie» pratiquée par le gouvernement Maduro est très loin d’être une démocratie ouvrière, syndicale ou constituante. Au contraire, à mesure qu’ils ont appliqué leurs plans d’ajustement, privant ainsi les travailleurs de tous leurs droits, ils ont démantelé toute possibilité pour ces derniers et leurs organisations de riposter par des plans de lutte unitaires ou sectoriels.
Pour ce faire, une répression brutale a été employée depuis plusieurs années, qui a abouti à l’arrestation d’un grand nombre de dirigeants syndicaux et à la criminalisation des travailleurs et travailleuses qui ont osé élever la voix. Parmi les graves conséquences de tout cela, nous trouvons une classe ouvrière désagrégée et atomisée, à la merci des employeurs publics et privés.
La nature du gouvernement Maduro nous montre que pour eux, débattre ou s’organiser revient en réalité à surveiller et contrôler. C’est pourquoi la possibilité de tenir des assemblées convoquées par la base ou par des syndicats jouissant d’un minimum d’autonomie, ou échappant au contrôle de tout appareil au service de la répression étatique, qu’il s’agisse du parti PSUV, des groupes parapoliciers ou de la CBST elle-même et de son rôle de briseurs de grève, a été supprimée dans chaque entreprise ou lieu de travail.
Dans ce contexte, on ne peut donc pas s’attendre à ce que cette «Constituante ouvrière» discute de la manière de récupérer les salaires ou des conventions collectives, ou de la manière de garantir le droit des travailleurs à retrouver leur dynamisme syndical sans pour autant faire l’objet de poursuites judiciaires, ou encore de la manière de reprendre la protestation comme un droit fondamental sans courir le risque d’être emprisonné. Ce ne sont pas des changements favorables aux travailleurs qui s’annoncent, au contraire, ils serviront à renforcer les politiques anti-ouvrières du gouvernement avec d’autres subtilités ou quelque chose de similaire.
La revitalisation et l’organisation de la classe ouvrière sont une tâche qui lui incombe exclusivement.
Face à cette fausse «Constituante ouvrière», ce qui s’impose, c’est la reconstruction et la refondation démocratique du mouvement ouvrier et syndical, à partir de la base, dans la lutte pour le rétablissement et l’avancement des droits sociaux et du travail qui ont été supprimés ces dernières années.
Ce processus doit partir de l’organisation et du rôle central des travailleurs et travailleuses, de leurs assemblées, de l’articulation des secteurs en lutte et de la revitalisation des syndicats comme instruments de combat et de représentation authentique.
Ce n’est que par l’indépendance politique vis-à-vis de l’État, des employeurs, publics et privés, et des bureaucraties syndicales, qu’un mouvement ouvrier capable de défendre les salaires, les conventions collectives, la liberté syndicale et la justice sociale pourra renaître.
Nous appelons la classe ouvrière et les mouvements qui lui sont proches à rester vigilants et à s’organiser de manière indépendante face à cette nouvelle manœuvre de cooptation. Il n’y a pas d’issue favorable pour le peuple travailleur tant que le pouvoir restera entre les mains de ceux qui détruisent ses droits et étouffent sa voix. La réponse doit venir d’en bas, dans la lutte, dans l’unité, pour reconstruire la force autonome du mouvement ouvrier et ouvrir sa propre voie face à cet ordre anti-ouvrier et anti-syndical. (Publié sur le site Aporrea par Marea Socialista, le 11 novembre 2025; traduction rédaction A l’Encontre)

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