Israël: le mouvement social résiste

Par Pierre Puchot

Jamais Israël n’avait connu cela. Samedi 3 septembre, plus de 400.000 personnes sont descendues dans les rues de Tel-Aviv et de plusieurs autres villes, pour la plus grande manifestation de l’histoire du pays. «Un jour, les étudiants apprendront qu’en cette soirée capitale, une société civile est née en Israël», écrit Gideon Levy dans le quotidien Haaretz. Pour cet éditorialiste emblématique de la gauche radicale, habitué des colonnes du site Mediapart, mais marginalisé depuis des années en Israël, cette journée de samedi était un test décisif pour les quelque 7 millions d’habitants que compte Israël. Ils furent encore plus nombreux qu’au cœur de l’été.

Les causes d’une telle mobilisation sont connues. Si le mouvement est né fin juin en raison du prix d’un fromage blanc devenu trop élevé, s’il a pris son essor sur Facebook, s’il s’est construit autour de campements dressés dans toutes les grandes villes du pays, les raisons de la colère israélienne sont, une fois n’est pas coutume, toutes économiques. Malgré une croissance supérieure à 5% depuis 2006, les chiffres sont là, mis à disposition par l’OCDE et la Banque d’Israël. Disposant de quelque 75% à 120% du revenu médian, la classe moyenne représentait, en 1988, 33% des ménages israéliens. En 2000, elle n’en représente plus que 28%. Dans le même temps, sa part dans le revenu national est passée de 21,7% à 20,5%. Le taux de pauvreté (qui rassemble les ménages gagnant moins de la moitié du revenu médian) était, en 2000, de 17,6%, contre 20,5% en 2009. Les foyers arabes comptent pour 53,9% en 2009 (contre 42,9% de ce taux en 2000). Autre chiffre pertinent: alors que la croissance repart à partir de 2004 – une fois absorbés les effets de la seconde Intifada – et atteint en moyenne 5% par an, le taux de pauvreté ne régresse pas pour autant.

Incontestablement, les classes moyennes n’ont que peu profité de la croissance du PIB israélien, et les inégalités se sont creusées en Israël depuis 30 ans. En 2011, Israël est donc, devant les Etats-Unis, le pays qui en souffre le plus. Un grand paradoxe pour cet Etat qui s’est construit sur le mythe de l’homme nouveau, capable de prouesses économiques inédites. [Voir article ci-dessous du même auteur.]

Si le gouvernement de Benjamin Nétanyahou est directement la cible des manifestants, c’est également en raison des arbitrages budgétaires largement favorables au budget de la défense et des colonies de Cisjordanie. L’armée absorbe près de 7% du PIB annuel, évalué à 195 milliards de dollars. La construction des colonies, si l’on en croit une étude reprise par le quotidien israélien Haaretz, a coûté plus de 17 milliards de dollars sur une quarantaine d’années, sans compter le coût du «mur de séparation» ou les exonérations fiscales et avantages que perçoivent ceux qui y résident.

Reconstruire une véritable société civile, critique à l’égard d’elle-même

Ce qui fascine les éditorialistes israéliens dans cette mobilisation, c’est que ce mouvement brouille toutes les lignes politiques, et fait naître une conscience sociale chez des jeunes de 25 ans, élevés dans des milieux historiquement proches de la droite, et habitués à voter pour le Likoud, ou plus à droite encore.

A 26 ans, après avoir voté pour l’extrême droite en 2009, Tal Arbeli endosse désormais le costume de leader étudiant, par pur pragmatisme. Faute de pouvoir payer son loyer, il vit encore chez sa grand-mère, à plusieurs kilomètres du centre-ville: «Nous tentons de mettre la pression sur le gouvernement, parce l’inflation des prix est insupportable, et le problème du logement, une cause nationale, explique-t-il. Les loyers sont plus chers, en proportion du pouvoir d’achat, qu’aux Etats-Unis et en Europe. La classe moyenne n’existe plus. Les médecins, les enseignants, tous ceux qui rendent service au pays, ne parviennent pas à boucler leur fin de mois. C’est inacceptable. C’est notre combat de tenter de faire bouger tout cela.»

En 2011 en Israël, le sécuritaire ne fait plus recette. Ce sont les problèmes du quotidien, leurs salaires, le logement, qui obsèdent la classe moyenne. Ce constat a sans doute évité une nouvelle offensive israélienne à Gaza mi-août, le gouvernement ne souhaitant pas s’engager dans une guerre impopulaire [voir second article ci-dessous],

«Ce que l’on veut, nous confiait fin août Ohad, étudiant à Jérusalem et électeur de Benjamin Nétanyahou en 2009, c’est pouvoir poursuivre et élargir notre mouvement malgré la rentrée scolaire, et sans se faire noyer par les conférences de presse de Bibi sur la sécurité, Gaza ou les Palestiniens.» A défaut de débouché politique immédiat pour ce mouvement social inédit, il est le signe d’un premier changement, considérable, qui peut à terme modifier la donne régionale. Israël prend conscience que sa fragilité n’est pas militaire, et pas davantage causé par les menaces virtuelles et aléatoires de ses «voisins arabes», mais interne et économique. Fort de ce constat, Israël est peut-être, enfin, en train de reconstruire une véritable société civile, critique à l’égard d’elle-même, et capable de réinvestir l’espace public. [Cet article a été mis en ligne le 5 septembre 2011 par Mediapart.]

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(1) La fin du mythe de «l’homme nouveau»
(Pierre Puchot)

Sans mythe, pas de Nation. Israël n’échappe pas à la règle, et s’est construit autour de l’idée de «l’homme nouveau» capable de prouesses économiques, de faire émerger une agriculture du désert, et des dunes de sable, les meilleures puces d’ordinateurs du monde. Un mythe qui, dès les premières années, a largement dépassé les frontières de l’Etat, pour entretenir peu à peu l’aura de réussite économique autour de Tel-Aviv. Ainsi pouvait-on lire en 1962, en conclusion du Que sais-je [Editions PUF] consacré à Israël: «Au quatorzième anniversaire de l’acte qui prévit sa naissance, l’Etat d’Israël est une réalité vivante et dynamique; il est organiquement enraciné en Terre Sainte et peut s’enorgueillir, en un temps très court au sein de difficultés qui apparaissent dirimantes, de réalisations impressionnantes, dont quelques-unes sont exceptionnelles dans l’histoire des hommes.»?? C’était avant même qu’Israël ne devienne, au tournant des années 1990, un pôle high-tech très performant, loué de par le monde, et notamment en 1998 par le magazine américain Newsweek, comme l’un des plus influents et efficaces de la planète;  bien avant, aussi, que la Bourse de Tel-Aviv n’atteigne les 1000 points en 2007, contre 100 en 1992.

D’où sortent-ils donc, ces Israéliens mécontents, qui campent et battent le pavé par dizaines de milliers depuis la fin juin? Ne tirent-ils pas eux aussi bénéfice de ce succès économique qui ne se dément pas, puisqu’Israël affiche ces trois dernières années un taux de croissance du PIB supérieur à 5%? Israël ne se situe-t-il pas au 15e rang dans l’échelle de l’Indice de développement humain (IDH) publié par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement)

Spécialiste d’Israël et enseignante à Paris-1, Elisabeth Marteu sillonne le pays depuis la mi-juillet, pour voir des tentes s’installer dans toutes les grandes villes et régions, de Haïfa à Tel-Aviv, en passant pas Jérusalem, et jusqu’à Beer-Sheva. Samedi soir [30 août 2011], deux manifestations ont rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes à Tel-Aviv comme à Jérusalem. Du jamais vu en Israël sur des questions sociales.

«Ce qui est intéressant, note la jeune chercheuse, c’est que ces manifestations rassemblent différents portraits et tendances de la société israélienne. Il y a bien sûr ceux qui protestent contre le coût des logements. Ce sont les étudiants, les jeunes couples. Il y a bien sûr les médecins qui, avec les producteurs de fromages, ont été à l’origine du mouvement fin juin. Samedi soir, on a vu également les militants de gauche, travaillistes, du Meretz, et plus à gauche encore, qui ont rejoint les manifestants, soutenus en outre par la centrale syndicale Histadrout. Au centre, Tzipi Livni (dirigeante du parti Kadima) elle-même a participé au mouvement.»

Le miracle économique Israël ne serait-il donc qu’une vue de l’esprit? Non, certes. Les indicateurs sont là, et presque tous au vert: le chômage ne dépasse pas 6%. L’Israélien dispose en moyenne d’un pouvoir d’achat de quelque 30.000 dollars par an. La recherche représente près de 5% du PIB, soit l’un des ratios les plus élevés au monde. Le déficit public est à peine supérieur à 3% du PIB. On aimerait, en France, aux Etats-Unis et ailleurs, pouvoir vanter un tel bilan économique. Et pourtant…

Croissance des inégalités, la classe moyenne se mobilise

C’est là une spécificité du mouvement israélien: contrairement aux soulèvements en Tunisie, en Egypte, en Syrie, qui mobilisent en premier les classes populaires, les «indignés» de Tel-Aviv, de Beer-Sheva, de Jérusalem recrutent massivement au sein de la classe moyenne, ce qui marque une rupture avec le paysage politique et économique que l’on connaît en Israël depuis les années 1980.

Mais si soudaine qu’elle puisse paraître, cette mobilisation ne vient pas de nulle part. Elle se retrouve parfaitement dans les statistiques de l’ OCDE et de la banque d’Israël. Disposant de quelque 75% à 120% du revenu médian, la classe moyenne représentait, en 1988, 33% des ménages israéliens. En 2000, elle n’en représente plus que 28%. Dans le même temps, sa part dans le revenu national est passée de 21,7% à 20,5%. Le taux de pauvreté (qui rassemble les ménages gagnant moins de la moitié du revenu médian) se montait, en 2000, à 17,6%, contre 20,5% en 2009.

Les foyers arabes comptent pour 53,9% en 2009 (contre 42,9% de ce taux en 2000). Autre chiffre pertinent: alors que la croissance repart à partir de 2004 – une fois absorbés les effets de la seconde Intifada – et atteint en moyenne 5% par an, le taux de pauvreté ne régresse pas pour autant. Incontestablement, les classes moyennes n’ont que peu profité de la croissance du PIB israélien, et les inégalités se sont creusées en Israël depuis 30 ans.

Pour Elisabeth Marteu, ce mouvement serait en quelque sorte le signe d’une normalisation du mouvement social israélien, quand tant d’autre pays connaissent aujourd’hui les mêmes types de protestations contre la vie chère, le prix du logement ou de l’essence… «Cette fameuse classe moyenne censée s’être irrémédiablement éloignée de la politique, et qui ne voulait plus rien entendre du conflit avec les Palestiniens, se mobilise aujourd’hui uniquement sur les questions sociales et économiques, sur le front intérieur, observe la chercheuse. C’est elle qui paie les impôts. Et qui en a marre de payer pour les colonies et l’armée, qui absorbent une grosse part du budget. Ils se dressent aussi contre les ultra-orthodoxes, et contre ceux qui ne travaillent pas. Tous ne le formulent pas ainsi, mais au fil de manifestations, les cibles du ras-le-bol sont néanmoins bien identifiées. Les manifestants reprochent aussi au gouvernement et aux promoteurs d’avoir construit quantité de logements pour les juifs français et américains, en vacances en Israël 15 jours par an, et qui ont fait grimper le prix de l’immobilier. Et puis, il y a la critique du libéralisme économique, qui monte en Israël depuis plusieurs années, et dont Nétanyahou incarne le symbole. De ce point de vue, on peut noter le lien qui est fait par une minorité entre la demande d’un Etat providence, et d’un Etat davantage démocratique.»

Ce qui mine la société israélienne, ce sont autant les privatisations engagées sous le gouvernement Nétanyahou que les faiblesses structurelles de la société israélienne, notamment en matière d’éducation. «La croissance israélienne n’a pas touché tout le monde, constate Gilbert Benhayoun, économiste spécialiste d’Israël, qui enseigne à l’université d’Aix-en-Provence. Le taux de pauvreté des familles arabes est en partie dû au sous-investissement public dans les villes qu’elles habitent. Sur un plan plus général, les indicateurs d’éducation ne sont pas bons, pas plus que ceux de la santé. Ce qui frappe, c’est que la part de la santé des ménages couverte par des assurances privées a fortement augmenté. Or, ce sont les gens plus aisés qui augmentent leur part de couverture privée de manière substantielle, quand les ménages les plus modestes n’y parviennent pas. Ils souffrent donc d’autant plus de la dégradation des prestations du secteur public. En outre, au niveau du logement, l’on s’est aperçu qu’il n’y a pas de bulle spéculative, comme le prouve une étude récente de la banque d’Israël. C’est simplement un effet du marché, la demande étant très forte par rapport à l’offre. Il y a donc de réelles causes structurelles de mécontentement.»

En 2009, l’OCDE publiait un rapport détaillé [Etudes économiques de l’OCDE: Israël 2009] consacré à Israël, au sein duquel une note pointait la nécessité de mettre en place une réforme de l’éducation dans les plus brefs délais. Un autre chapitre met en avant une série de recommandations pour tenter de réduire les inégalités croissantes…  Pour compléter cette vision moins lisse du paysage économique et social de l’Etat d’Israël en 2011, il n’est pas inutile de se préoccuper de l’écart considérable du taux de chômage en fonction des régions: si à Raahat, ville peuplée de Bédouins au sud du pays, ce taux atteint 36,7%, il tombe à…. 1,8% pour une banlieue high-tech comme Kiriat Atidim, située au nord de Tel-Aviv.

Si le gouvernement de Benjamin Nétanyahou est directement la cible des manifestants, c’est également en raison des arbitrages budgétaires largement favorables au budget de défense et des colonies de Cisjordanie. L’armée absorbe près de 7% du PIB annuel, évalué à 195 milliards de dollars. La construction des colonies, si l’on en croit une étude reprise par le quotidien israélien Haaretz, a coûté plus de 17 milliards de dollars sur une quarantaine d’années, sans compter le coût du «mur de séparation» ou les exonérations fiscales et avantages que perçoivent ceux qui y résident.

«Vu les écarts énormes que l’on observe entre les régions, les manifestants demandent aussi que les investissements s’effectuent moins vers les colonies, et davantage vers la Galilée et le Néguev», explique Gilbert Benhayoun, qui préside à Aix-en-Provence un groupe de travail israélo-palestinien centré sur les questions économiques. «C’est particulièrement vrai au niveau du logement. Un exemple: mercredi 3 août, une loi devait être présentée devant le parlement pour permettre la construction de nouveaux logements. Or la principale revendication du mouvement de contestation a été d’annuler cette loi, car elle aura pour effet de privatiser des terres qui deviendront ainsi propriétés de grands groupes financiers. Ici, on entre dans le domaine politique. Le gouverneur de la banque centrale israélienne, Stanley Fischer, n’a-t-il pas lui-même admis que l’un des problèmes d’Israël était la trop forte concentration du revenu national entre les mains de quelques grandes familles?»

Absents de ces mobilisations, les colons craignent autant les coupes dans les budgets alloués à leurs exonérations fiscales que la suite du mouvement, qui pourrait trouver son prolongement dans des défilés en faveur d’une reprise des négociations de paix avec les Palestiniens. Ils n’ont peut-être pas tort: à bout de souffle, le gouvernement Nétanyahou a tenté une diversion mardi 2 août, après avoir promis la construction de nouveaux logements étudiants. Selon un reportage de la télévision israélienne Channel 2 TV, le premier ministre israélien accepterait maintenant le retour aux frontières de 1967 comme cadre de négociations, offrant par ailleurs d’échanger des territoires situés du côté d’Israël pour d’autres en Cisjordanie. Il y a moins d’un mois, Benjamin Nétanyahou considérait encore comme inacceptable le discours de Barack Obama sur les frontières de 1967.

Aujourd’hui, la position de Nétanyahou est soutenue par le ministre de la défense, Ehoud Barak, qui perdrait toute chance d’accéder à nouveau à un poste ministériel en cas de chute du gouvernement actuel. «En réalité, on en revient toujours au conflit avec les Palestiniens, glisse Elisabeth Marteu. Des coupes dans les budgets de l’armée et des colonies reviendraient à changer de politique vis-à-vis des Palestiniens. Mais pour l’heure, ce type de discours n’est pas formulé en tant que tel par les manifestants qui, en dehors des militants de gauche, n’évoquent pas non plus l’influence du printemps arabe.»

Ce sera peut-être le cas d’ici à la fin de l’été, alors que le mouvement est encore dans une phase ascendante et que se profile en septembre le vote à l’Onu pour la reconnaissance de l’Etat palestinien. Un vote que Nétanyahou souhaite éviter à tout prix, et qui marquerait, lui aussi, une rupture dans l’histoire de la nation israélienne. (Article mis en ligne le 2 août 2011)

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(2) Confusion en Israël, isolé diplomatiquement et tenté de mener une nouvelle opération militaire contre Gaza (Pierre Puchot)

Dimanche, les Israéliens se sont réveillés avec une nouvelle situation de crise, diplomatique et sécuritaire. Dans les cafés, sur les lieux de travail, on ne parle que de l’enchaînement tragique qui se déroule dans le sud du pays depuis jeudi, de l’attaque contre les civils et militaires israéliens aux frappes israéliennes contre Gaza qui ont coûté la vie à plusieurs civils palestiniens.

Depuis ces frappes, plusieurs dizaines de tirs de roquettes, pour certains revendiqués par le Hamas, sont parties de Gaza depuis vendredi, touchant le sud d’Israël, et tuant notamment un civil à Beer Sheva. Sautant sur l’occasion pour pousser le gouvernement dans ses retranchements, plusieurs députés de Kadima, le parti d’opposition de centre droit dirigé par Tzipi Livni, ont demandé dimanche au premier ministre, Nétanyahou, de mener une opération militaire d’ampleur contre la bande de Gaza. Enfin de journée, un accord pour un cessezlefeu serait cependant intervenu, selon le témoignage anonyme d’un responsable du Hamas, selon le site du quotidien israélien Haaretz.

Ces derniers jours, l’agenda sécuritaire avant pourtant laissé place aux revendications du mouvement social sans précédent que connaît Israël depuis la mi-juillet. Dimanche, au lendemain de l’attaque, les tentes n’avaient pas disparu des rues d’Israël, comme l’avaient annoncé un peu vite plusieurs éditorialistes. Mais le moral des «campeurs» était largement atteint. Sans condamner le choix de Nétanyahou de frapper Gaza quelques heures à peine après l’attaque d’Eilat, beaucoup expriment leur doute sur l’opportunité de ce choix. «Tout est confus, on a tout fait pour éviter de parler entre nous du conflit avec les Palestiniens, pour ne pas nous diviser, glissait Ohad, 24 ans, électeur de Nétanyahou en 2009, et porte-parole d’un des campements de Jérusalem, vendredi au lendemain de l’attaque d’Eilat. Cela nous prend de court, mais tous ici partagent le sentiment que la sécurité n’est plus notre seule priorité aujourd’hui. Ce n’est plus le tapis sous lequel le gouvernement peut cacher toutes les misères sociales que nous devons affronter. De ce point de vue, une nouvelle opération à Gaza ne résoudra rien.»

Dimanche dans l’après-midi, le calme était revenu sur Beer Sheva. Et nombreux étaient les analystes, de droite comme de gauche, à appeler Benjamin Nétanyahou à la retenue.

Interrogé par Mediapart, le politologue israélien Tzvi Mazel, ancien ambassadeur en Egypte, juge pour sa part que «ce n’est pas le moment pour Israël d’intervenir dans la bande de Gaza. Tout cela est parti d’un incident limité, ajoute-t-il. Je connais Ehud Barak (ministre de la défense), il ne se laissera pas entraîner dans une riposte irréfléchie. Maintenant, c’est au gouvernement de décider. L’opposition met la pression, c’est son droit. Mais, avec l’aide de l’Egypte, nous devrions pouvoir arriver à une solution qui permettrait de calmer tous les esprits.»

«Une nouvelle escalade, et impliquer ainsi Israël dans une seconde guerre à Gaza, est-ce vraiment nécessaire? s’interroge Ari Shavit dans le quotidien de gauche, Haaretz. Nétanyahou ne doit pas succomber à pareil scénario. Le Hamas ne se trouvait pas derrière les attaques de vendredi, et ne cherche pas non plus à accroître la tension avec Israël. (…) Le premier défi est de stabiliser les relations avec l’Egypte et la situation au Sinaï.»

Après la défiance de la Turquie, qui attend toujours des «excuses» pour l’affaire de la flottille (neuf morts l’an passé), Israël s’est pourtant mis à dos l’Egypte, qui a annoncé son intention de rappeler son ambassadeur pour protester contre la mort de cinq de ses policiers à la frontière avec l’État hébreu. Le gouvernement affirme que la crise diplomatique avec son allié de trente ans est déjà réglée. Mais personne ici n’est dupe: «Bientôt, les vues de Nétanyahou et Lieberman s’accompliront, et Israël fera face à ses défis tout seul, ironisait Yossi Sarid dimanche dans Haaretz. Heureux nous sommes, isolés nous sommes.»

L’isolement d’Israël est devenu une donnée importante que le gouvernement de Nétanyahou ne peut négliger. Critiqué de toutes parts ces dernières semaines sur le plan interne, économique et social, Nétanyahou doit désormais décider s’il choisit ou non de céder aux pressions de l’extrême droite comme de l’opposition, et, comme l’ancien premier ministre Ehud Olmert face au Liban à l’été 2006, de donner du temps à son gouvernement en engageant Israël dans un nouveau conflit dont les habitants et civils de Gaza seraient à nouveau les victimes. (Article mis en ligne le 21 août 2011)

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Outre l’analyse de Moshe Machover publiée sur ce site (http://alencontre.org/?p=3699), il est possible de prendre connaissance de l’opinon d’Ury Avnery sur le site de France-Palestine : http://www.france-palestine.org/article18020.html

 

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