Par Fabrizio Burattini
Comme largement prévu, seuls 29,89% des électeurs et électrices se sont rendus aux urnes les 8 et 9 juin pour voter sur les cinq référendums, permettant ainsi à la droite, dans toutes ses variantes, de célébrer une nouvelle victoire éclatante. Le non-respect du quorum (selon la loi instituant le référendum abrogatif, la victoire du «oui» n’est valable que si au moins 50% plus 1 de l’électorat participe au vote) était largement prévisible, après la longue série de référendums qui ont échoué au cours des dernières décennies (à l’exception de celui de 2011 contre la privatisation de l’eau publique). Mais cela n’atténue pas, au contraire cela aggrave la situation, et met en évidence toute la complexité d’une situation politique et sociale inquiétante et menaçante, en particulier dans le contexte international de montée en puissance des droites les plus agressives.
Pourquoi le choix du référendum
Aucun des cinq référendums n’avait pour objectif d’abroger les lois introduites par le gouvernement de droite de Giorgia Meloni. Les référendums sont nés d’une réflexion risquée de la direction de la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro), le principal syndicat italien, qui, ces dernières années, malgré son leadership «radical» – Maurizio Landini, secrétaire général depuis 2019, a été le leader de la Fiom, la fédération des métallurgistes, certainement la plus combative historiquement –, a mené une politique extrêmement prudente et modérée. Elle a assisté, sans jamais vraiment tenter de susciter un mouvement de résistance réel, au démantèlement d’une grande partie des acquis syndicaux et sociaux que le mouvement ouvrier avait réussi à imposer grâce aux luttes de l’après-guerre et à celles des années 1960 et 1970.
Le dernier grand mouvement dirigé par la CGIL, alors dirigée par un leader politiquement modéré comme Sergio Cofferati [qui a pris la direction en 1990, succédant à Bruno Trentin, jusqu’en 2002], s’est développé en 2001-2002, avec la lutte pour la défense de l’article 18 du Statut des travailleurs: loi qui, en 1970, avait redéfini de manière progressiste le droit du travail. Le gouvernement Berlusconi [celui de 2001 à 2006] la menaçait.
L’attitude de la CGIL de Landini est restée modérée et ouverte au dialogue, même face à la victoire électorale de Fratelli d’Italia, le parti néofasciste de Giorgia Meloni, en septembre 2022. A tel point que, quelques mois plus tard, en mars 2023, lors de son 19e congrès, la CGIL, malgré les polémiques du courant de gauche en son sein, invita la Première ministre d’extrême droite à prendre la parole, dans l’espoir de l’amener à ouvrir une discussion et une concertation.
Mais les choses ont pris une tournure diamétralement opposée aux espoirs de Maurizio Landini. Le gouvernement Meloni, bien que la droite ait pratiqué une démagogie «sociale» lorsqu’elle était dans l’opposition, a immédiatement adopté une politique antipopulaire et antisyndicale qui s’est traduite par des dizaines de contre-réformes et de coupes budgétaires.
La CGIL a donc dû revoir son orientation et commencer à prendre des initiatives d’opposition. Elle payait également le prix de la rupture de l’unité syndicale avec la CISL (Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori), le deuxième syndicat du pays, et ne parvenant à maintenir une certaine unité d’action qu’avec l’UIL (Unione Italiana del Lavoro), le troisième syndicat, qui avait lui aussi, avec son nouveau leader Pierpaolo Bombardieri, opéré un certain virage à gauche. A la fin de 2023 et en 2024, plusieurs manifestations nationales et quelques grèves ont été organisées pour donner suite et une certaine consistance à ce «tournant radical».
Mais après plus de 20 ans de paralysie du mouvement et de nombreuses défaites, il n’était pas facile de remettre en marche la locomotive de la lutte de masse. Le monde du travail avait subi la terrible fragmentation sociale provoquée par la politique néolibérale. Une grande partie des «avant-gardes» s’étaient démobilisées ou avaient quitté leur emploi, notamment pour des raisons d’âge. L’énorme appareil syndical (la CGIL compte à elle seule plus de 15 000 fonctionnaires à temps plein) s’était structuré pour mener une politique de concertation et de protection individuelle.
Ainsi, Maurizio Landini, qui devait d’ailleurs faire face à la résistance d’une grande partie de la bureaucratie qui l’entourait et qui aurait préféré poursuivre la pratique conciliatrice plus rassurante, a choisi de s’engager dans une voie différente, celle de la mobilisation référendaire, rendue possible par la mise en place constitutionnelle du «référendum abrogatif» qui permet, après avoir recueilli au moins 500 000 signatures de citoyens et citoyennes électeurs (en réalité, la CGIL a recueilli plus d’un million de signatures), de demander à l’électorat de choisir d’abroger ou non une ou plusieurs lois de l’Etat.
Les questions soumises au référendum
Comme nous l’avons mentionné, contrairement à la mobilisation de rue et plus encore à la grève de masse, l’objectif de la collecte de signatures ne pouvait constituer un obstacle significatif pour un appareil aussi ramifié et organisé que celui de la CGIL. Les quatre référendums promus par la CGIL visaient à abroger certaines des normes les plus néfastes et antipopulaires de ces dernières décennies.
Le premier était le plus symbolique sur le plan politique, car il visait à abroger la norme introduite en 2015 – d’ailleurs voulue par le Parti démocrate, alors dirigé par Matteo Renzi [de février 2014 à décembre 2016] – qui supprimait précisément ce qui était prévu à l’article 18 du Statut des travailleurs. Ainsi, si le «oui» l’avait emporté lors du référendum, l’obligation de réintégrer le travailleur injustement licencié aurait été rétablie (même si avec de nombreuses restrictions, étant donné que l’article 18 avait déjà été affecté, notamment en 2011, par d’autres contre-réformes).
La deuxième question référendaire visait à améliorer la protection contre les licenciements abusifs dans les entreprises de moins de 16 salarié·e·s (exclues de l’article 18). La troisième visait à obliger les entreprises à embaucher avec des contrats de travail à durée indéterminée et non temporaires, sauf s’il existe des raisons objectives (telles que la saisonnalité) qui le justifient.
Le quatrième référendum visait à rendre l’entreprise donneuse d’ordre coresponsable en cas d’accident ou même de décès au travail. En Italie, environ 500 000 accidents et environ 1000 décès au travail sont signalés chaque année, mais il y a des milliers d’accidents non signalés dans les entreprises qui recourent au travail au noir. Après la contre-réforme des marchés publics voulue par le gouvernement de droite, un très grand nombre de ces accidents sont la responsabilité exclusive des petites et très petites entreprises sous-traitantes, qui disparaissent souvent du jour au lendemain ou qui sont de toute façon incapables de faire face à la prise en charge de l’indemnisation de la victime ou de sa famille.
A ces quatre référendums s’est ajouté celui promu par le parti «+Europa» (l’organisation libérale héritière imméritée du Parti radical de Marco Pannella), qui, pour sa part, abordait un sujet totalement différent de ceux de la CGIL, mais tout aussi important. En effet, puisqu’une hypothétique victoire du «oui» à ce cinquième référendum visait à réduire de 10 à 5 ans la durée de résidence légale dans le pays requise pour qu’un ressortissant étranger non italien puisse demander la nationalité italienne, lui permettant ensuite de la transmettre à ses enfants mineurs. Une modification qui aurait permis à près de 3 millions de personnes nées et ayant grandi en Italie, où elles travaillent ou étudient depuis des années, d’accéder à la citoyenneté et d’obtenir ainsi la plénitude des droits reconnus par la Constitution de 1948. Rappelons que la loi qui avait allongé les délais pour demander la nationalité avait été approuvée en 1992 par l’ensemble du parlement, des néofascistes du Mouvement social aux communistes du PRC (Parti de la refondation communiste).
Ainsi, les référendums promus par la CGIL, ainsi que celui promu par le parti «+Europa», ont été soumis aux électeurs et électrices les 8 et 9 juin derniers.
Le positionnement des partis
La gauche politique, tant «radicale» et extraparlementaire que celle de l’opposition institutionnelle (l’Alliance Verts Gauche-AVS, le Parti démocrate-PD, le Mouvement 5 étoiles-M5S) a fait campagne pour le «oui» aux cinq référendums. Cela n’était pas tout à fait évident étant donné que, comme déjà souligné, certains des référendums visaient à abroger les dispositions introduites en 2015 par le gouvernement du PD de Matteo Renzi, artisan de la modification, dans le sens négatif, l’article 18 du Statut des travailleurs. A tel point que bon nombre de dirigeants de la tendance la plus explicitement néolibérale de l’ancien Parti communiste italien [aujourd’hui donc le PD] se sont ouvertement opposés à la décision de la direction actuelle, regroupée autour de la secrétaire Elly Schlein, de soutenir le «oui».
La droite au pouvoir, dans toutes ses composantes, ici aussi avec une incohérence significative mais absolument pas surprenante, s’est prononcée contre les référendums. De manière incohérente, puisque toute la droite, en 2014-2015, lors du processus parlementaire, avait voté contre la loi voulue par Renzi.
Aujourd’hui, abandonnant toute démagogie «sociale» mais en parfaite harmonie avec les souhaits des organisations patronales, en particulier de la Confindustria, ils ont tout fait pour faire échouer les initiatives référendaires. Ainsi, tous ceux qui se sont opposés aux cinq référendums, tant sur le travail que sur la citoyenneté, n’ont pas fait campagne pour le «non», mais ont cherché à inciter les électeurs à ne pas aller voter.
Dans l’histoire de la République italienne, depuis 1974, 72 référendums abrogatifs ont été organisés. Certains ont été historiquement importants. Rappelons celui de 1974, par lequel 60% des électeurs et électrices ont rejeté la tentative d’abroger la loi sur le divorce, et celui de 1981, qui, avec 88% de «non», a empêché l’abrogation de la loi sur l’avortement. Tout comme celui de 1987 qui, avec 80% de «oui», a imposé la fermeture des centrales nucléaires. Ou celui de 2011 qui, avec 95% de «oui», a abrogé les dispositions permettant la privatisation du service public de l’eau.
Mais celui de 2011, comme déjà mentionné, a été le dernier référendum auquel la majorité de l’électorat a participé. Dès les années 1990, puis de manière de plus en plus systématique, les partis opposés aux référendums (tant ceux de droite opposés aux référendums progressistes que ceux de gauche opposés aux référendums promus par la droite) ont appelé à l’abstention plutôt qu’à voter «non». L’année 1991 a marqué un tournant lorsque le Premier ministre «socialiste» de l’époque, Bettino Craxi, a invité les électeurs et électrices à «aller à la mer». De nombreux représentants de la droite ont fait de même ces dernières semaines, notamment le président du Sénat, le néofasciste Ignazio La Russa, deuxième dignitaire de l’Etat.
Bien sûr, la droite a cyniquement misé sur la crise de plus en plus grave de la démocratie libérale, qui conduit une partie croissante de l’électorat à ne pas voter aux élections, et, encore moins, aux référendums (seuls 64% des électeurs ont participé aux élections politiques de 2022, et seulement 48% aux élections européennes de 2024).
Le point de départ était donc très clair: il s’agissait d’un choix, certes légitime mais risqué, opéré par la direction de la CGIL pour contraindre l’opposition de centre gauche à s’opposer à des mesures qu’elle avait elle-même introduites au fil des ans. Dans ce contexte, la droite au pouvoir a eu beau jeu de présenter la mobilisation référendaire comme un «duel» au sein d’une opposition divisée entre, d’une part, l’aile «radicale» dirigée par Elly Schlein (la secrétaire du PD) et Maurizio Landini (allié au leader de l’Alliance Verts-Gauche, Nicola Fratoianni, et en partie au chef du Mouvement 5 étoiles Giuseppe Conte) et, d’autre part, celle nostalgique du «renzisme». Plus difficile a été le jeu du centre gauche qui a présenté le vote référendaire comme un «avis d’expulsion» pour le gouvernement Meloni.
Les calculs farfelus du centre gauche
Même les chiffres avancés concernant le nombre de votants – environ 14,9 millions, mais parmi ceux-ci, plus de 1,5 million ont participé mais ont voté pour le «non» –, supérieurs aux 12,4 millions qui ont permis en septembre 2022 l’installation du gouvernement de Giorgia Meloni, sont très peu convaincants. Tant pour leur inconsistance au plan politique que pour leur manque d’influence réelle. En effet, dès septembre 2022, les voix de ce qui allait constituer l’opposition hétéroclite au gouvernement de droite étaient plus nombreuses (14,4 millions) que celles recueillies par la coalition de droite, dont la victoire avait été rendue possible par les dispositions de la loi électorale scélérate introduite en 2017 par le gouvernement PD dirigé par Paolo Gentiloni [décembre 2016-juin 2018, futur commissaire européen en décembre 2019]. Comme l’a correctement souligné l’institut d’études politiques et statistiques «Cattaneo», le référendum peut être considéré «comme un grand sondage sur la capacité (des forces de centre gauche) à mobiliser leur électorat de référence… et à marquer une rupture nette avec la période du renzisme».
De plus, il faut rappeler qu’il est largement abusif de penser que les 13 millions de partisans du «oui» aux quatre questions sur le travail pourraient se transformer en électeurs d’une éventuelle coalition PD-M5S-AVS, car parmi les partisans du «oui», il y a certainement des électeurs d’autres formations politiques (y compris une partie de l’électorat de droite) ou des électeurs convaincus par l’abstentionnisme, convaincus de voter sur les questions spécifiques, mais pas aux élections politiques.
Et donc, les effets des bavardages du centre gauche sur les millions de participants au vote ont duré le temps des talk-shows post-référendum: le pouvoir reste fermement entre les mains des post-fascistes et de leur majorité parlementaire inébranlable de 60%, comme ils l’ont démontré il y a une dizaine de jours en approuvant le décret-loi qui a réussi à aggraver le code pénal rédigé en 1930 par Alfredo Rocco, ministre de l’Intérieur de Mussolini [voir sur cette loi l’article publié le 20 septembre 2024].
La situation désastreuse de l’opposition à Giorgia Meloni
En analysant les données (sur la base des enquêtes de l’Institut Cattaneo), le PD d’Elly Schlein sort bien de ce «sondage», ayant réussi à mobiliser (presque) tout son électorat. Mais seulement sur le plan quantitatif. Ce chiffre avait déjà été relevé par nos soins et les chercheurs du «Cattaneo» confirment de manière plus autorisée ce que nous avions écrit [voir l’article publié le 30 septembre 2022]. Pour le PD, la question de la composition sociale de son électorat reste totalement ouverte, celui-ci étant concentré en Emilie-Romagne et en Toscane, ainsi que dans les centres du nord du pays, et là encore, davantage dans les quartiers de la classe moyenne, et rare, voire absent, dans les quartiers populaires et prolétaires de la périphérie. Malgré la nature «travailliste» [conditions de travail] de quatre des cinq questions référendaires, le problème du fossé entre ce parti et les masses laborieuses reste gravement non résolu.
Il convient donc de noter (et nous pensons que la direction hétérogène du PD le note également) que le changement de direction constitué par l’arrivée d’Elly Schlein à la tête du parti n’a en rien repositionné socialement cette organisation politique. Même la nouvelle direction du PD reste largement discréditée auprès des masses populaires et est toujours perçue comme une direction inefficace, déjà plusieurs fois au gouvernement et toujours avec des effets nuls, voire destructeurs, sur la situation des classes populaires.
En ce qui concerne le Mouvement 5 étoiles, les résultats du référendum confirment également la crise de plus en plus profonde de cette formation: la participation au vote a été beaucoup plus faible dans les régions du sud où le M5S de Giuseppe Conte [premier ministre de juin 2018 à février 2021] est le plus implanté.
La ligne ambiguë adoptée depuis toujours par le Mouvement 5 étoiles et confirmée par Giuseppe Conte ne semble d’ailleurs pas aider: au Parlement européen, il rejoint le groupe de la Gauche européenne, mais au niveau international, il a soutenu la victoire de Donald Trump aux élections américaines, la jugeant «utile pour la paix». Il s’agit d’une ligne que l’on pourrait qualifier de «gauche conservatrice» (une combinaison de positions relativement plus à gauche sur le plan économique et de positions conservatrices ou isolationnistes sur les questions mondiales et politiques générales, telles que l’immigration ou la guerre en Ukraine), dont l’inefficacité à court terme a déjà été démontrée par la défaite de Sahra Wagenknecht et de son parti BSW (Bündnis Sahra Wagenknecht) lors des récentes élections législatives allemandes.
En outre, au-delà de la crédibilité spécifique des différents groupes dirigeants, la très faible crédibilité du «large camp» (c’est-à-dire tous ceux qui ne participent pas à la coalition de droite) ou de toute autre formule hypothétique de coalition de centre gauche, que l’électorat continue de percevoir uniquement comme une alliance querelleuse contre le gouvernement de droite, incapable de proposer une véritable alternative, en raison des responsabilités historiques des différents partis, mais aussi des divergences permanentes et significatives sur les programmes et des rivalités entre les différents leaders.
Le résultat désastreux du référendum sur la citoyenneté
Une réflexion particulière s’impose sur le résultat du cinquième référendum, celui sur la citoyenneté, où, contrairement aux pourcentages écrasants en faveur du «oui» sur les autres questions, l’écart entre le «oui» (65,49%) et le «non» (34,51%) est beaucoup plus faible, avec 4,7 millions d’électeurs qui se sont prononcés contre toute hypothèse d’assouplissement des conditions d’octroi de la citoyenneté. Bien sûr, la décision du M5S de laisser la «liberté de vote» à son électorat a eu un impact significatif, une décision qui confirmait l’orientation anti-migrant·e·s traditionnelle qui a toujours prévalu dans ce mouvement. Aussi bien à l’époque du leadership de Beppe Grillo [2009-2017] et de Gianroberto Casaleggio [responsable du blog de Beppe Grillo] que pendant la période d’Alessandro Di Battista [député de mars 2013 à mars 2018] et Luigi di Maio [vice-président du Conseil des ministres de juin 2018 à septembre 2019, puis ministre des Affaires étrangères de septembre 2019 à octobre 2022]. Ce dernier fut l’inventeur de la formule des «taxis de la mer» pour les navires des ONG. Cela s’est perpétué sous la direction de Giuseppe Conte (président du gouvernement «jaune-vert» avec la Ligue et ses premiers «décrets sécurité»). Les études de l’Institut Cattaneo confirment également que les électeurs du Mouvement 5 étoiles se sont majoritairement prononcés contre la cinquième question.
Mais il semble qu’entre 15 et 20% des électeurs du PD aient également soutenu le «non» à l’élargissement des règles sur la citoyenneté. Sans oublier qu’une partie de l’électorat populaire de droite (principalement Fratelli d’Italia et la Lega de Matteo Salvini) qui, préoccupée par les règles néolibérales adoptées par les gouvernements de centre gauche concernant le marché du travail, a voté oui aux quatre questions de la CGIL (désobéissant ainsi à l’appel à l’abstention), mais a voté certainement non au référendum sur la citoyenneté.
Il faut être réaliste. Les résultats des référendums ont mis en évidence l’extrême fragilité politique de l’opposition au gouvernement Meloni, son incapacité à contrer la «crise de la démocratie» qui secoue le pays depuis des années et qui s’aggrave, et en particulier à s’imposer auprès de l’électorat populaire.
La situation de la CGIL
Quant à la CGIL, sa capacité à réunir les signatures sur les questions référendaires confirme le potentiel de mobilisation de son gigantesque appareil organisationnel, mais les résultats du vote confirment également ce que de nombreux sondages d’opinion ont révélé à plusieurs reprises, à savoir que les syndicats en Italie sont au plus bas de leur pouvoir d’influence sur les points de vue politiques des larges masses des salarié·e·s. Landini, dans ses commentaires, a reconnu que «l’objectif n’a pas été atteint, mais que la CGIL continuera à se battre pour les idées qui ont été proposées», que le référendum ne concernait pas le gouvernement, mais «les lois erronées adoptées au fil des ans».
Mais Landini, qui s’est rendu responsable il y a plus de dix ans de la fin de l’«anomalie FIOM», s’est montré, au cours de ses sept années à la tête de la CGIL, incurablement attaché à un mode d’action syndicale verbeux et sans résultat, ambigu et oscillant entre des proclamations «radicales» et des initiatives conciliantes et au rabais, comme la tentative ratée de reconstruire l’unité triconfédérale avec une CISL de plus en plus pro-gouvernementale, l’invitation de Giorgia Meloni à prendre la parole lors du 19e congrès, la signature de la fin du blocage des licenciements pendant la pandémie, la conclusion de nombreux contrats perdants, ses hésitations à exiger une loi sur la protection des salaires minimums.
Un nouveau succès pour le gouvernement, même dans un contexte extrêmement complexe
Malheureusement, le gouvernement (malgré les divisions et les rivalités internes évidentes au sein de la coalition) et, une fois de plus, surtout la Première ministre Giorgia Meloni sortent victorieux. Meloni, avec sa décision astucieuse mais légale de se rendre aux urnes sans retirer les bulletins de vote, a fait taire toutes les critiques de l’opposition sur la méthode, redonnant l’image d’une dirigeante présentable et respectable aux yeux de l’électorat.
En matière d’emploi, il faut également souligner que le gouvernement continue de présenter efficacement à «l’opinion publique» une image d’une situation favorable, avec des statistiques apparemment positives, bien que modestes, dans tous les secteurs du marché du travail (emploi en hausse, chômage en baisse, augmentation des contrats à durée indéterminée). Et la situation générale de stagnation de l’ensemble de l’économie occidentale, outre la constatation des problèmes structurels de l’économie italienne, offre au gouvernement de nombreux alibis pour se disculper des éléments négatifs: faible productivité, stagnation des salaires, etc.
En outre, le gouvernement et la présidente du Conseil continuent imperturbablement à récolter le soutien des milieux qui leur sont les plus chers, avec des déclarations démagogiques (comme celles de ces derniers jours avec la corporation des experts-comptables et les associations de commerçants, mais aussi auparavant avec la Confindustria) et des mesures ciblées, au détriment des classes populaires et de leurs revenus nets et au profit des couches les plus aisées.
Certes, la situation économique globale est loin d’être encourageante et les inconnues sont nombreuses, à commencer par la question des droits de douane (Trump), à laquelle l’économie italienne est particulièrement exposée, tant directement, en raison de sa forte prédilection pour les marchés étrangers et extra-européens, qu’indirectement, en raison de ses liens étroits avec l’industrie manufacturière allemande en crise.
Mais là encore, compte tenu de la fragilité de l’opposition institutionnelle et de sa faible capacité d’influence, mais aussi de la faiblesse de l’activité syndicale, il n’est pas du tout certain qu’une éventuelle détérioration de la situation économique puisse réduire de manière significative le soutien au gouvernement Meloni.
Il faut donc rejeter toute interprétation réconfortante des résultats des référendums des 8 et 9 juin. La tentative positive des principaux partis d’opposition et des syndicats de ramener les questions de l’emploi et de la précarité au centre de l’attention s’est soldée par un échec. Au-delà de l’efficacité propagandiste des outils de campagne électorale, en effet, la seule et unique façon de ramener ces thèmes au centre de l’attention aurait été de rouvrir un conflit général, syndical et politique, avec le gouvernement et le patronat, à l’issue duquel l’instrument référendaire aurait pu avoir un effet plus significatif sur les rapports de forces et la situation sociale.
En outre, comme nous l’avons déjà souligné, les résultats des référendums montrent le manque de crédibilité de la proposition politique des forces d’opposition, qui ont toutes récemment détenu le pouvoir gouvernemental et donc la possibilité de changer les choses, et qui ont lourdement déçu toutes les attentes populaires et progressistes.
Immédiatement après les élections politiques de septembre 2022, nous avions écrit: «La droite, avec ses 12 millions de voix, en tenant compte également de ceux qui se sont abstenus, ne représente que 26,6% de l’électorat, mais, grâce à la division du camp adverse et à une loi électorale antidémocratique et faussée, elle élit près de 60% des députés et sénateurs.» Ces chiffres reflétaient le caractère minoritaire du soutien électoral à Giorgia Meloni et à sa coalition, mais ils révélaient également les signes indéniables de la crise conjointe de la gauche, dans toutes ses expressions, et de la démocratie, qui s’exprimait non seulement par le faible taux de participation au vote, mais aussi par le désintérêt croissant pour la vie politique.
Ces deux crises, celle de la démocratie et celle de la gauche, se sont encore aggravées depuis 2022. Le phénomène de la non-participation se renforce et se répand surtout dans le sud et dans les quartiers populaires.
Il faut dire que même lors des référendums, comme lors de nombreuses autres occasions politiques, ce n’est pas la droite qui a gagné, mais la gauche (politique et sociale) qui a perdu. Mais le résultat politique est le même, voire pire, car l’espoir d’un renouveau ne peut se nourrir d’illusions. (Article reçu le 15 juin 2025; traduction rédaction A l’Encontre)
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