Etats-Unis. Trump part en campagne pour 2020 contre l’usure du pouvoir

Par Camille Magnard

Donné battu par de récents sondages, Donald Trump a lancé à Orlando la campagne pour sa réélection, sur les mêmes thèmes que ceux qui l’avaient fait gagner il y a 4 ans. Est-il condamné à l’outrance pour espérer l’emporter à nouveau? Au Mexique sa fermeté migratoire fragilise le président AMLO.

Donald Trump est officiellement entré en campagne, la nuit dernière, en vue de sa propre réélection en 2020. 

Ce meeting inaugural, à Orlando en Floride, «c’est comme si on avait fait un bond en arrière dans le temps», écrit Noah Bierman dans le Los Angeles Times. Retour en 2015, quand Donald Trump, casquette «Make America great again» rouge vissée sur la tête, écumait l’Amérique pour cette campagne qui allait le mener tout droit à la Maison Blanche.

Ça a marché la première fois, alors pourquoi donc changer de recette, quatre ans plus tard? Alors on prend les mêmes et on recommence: même public déchaîné, mêmes présence gênante de suprématistes blancs dans la salle, même slogans haineux contre les médias et les démocrates, et surtout mêmes thèmes dominants, insiste le Los Angeles Times: il y a d’abord la diabolisation de l’immigration et des immigrants (on va y revenir plus en détail), c’est ce qu’attend sa base électorale et Trump ne va pas se priver de le lui donner, commente également CNN.

Pour flatter cette même base, le président-candidat appuie également sur le bouton du rejet des élites politiques et médiatiques, et selon Matthew Continetti pour The New York Times, cela seul pourrait suffire à le faire réélire: la «vague de national-populisme» qui l’a porté au pouvoir en 2016 «ne semble pas avoir encore atteint sa crête». Ce rejet de la globalisation et de sa caste de puissants est loin de se cantonner aux Etats-Unis mais «personne n »y a encore trouvé d’antidote», déplore Continetti, et il semble encore assez fort pour offrir à son plus éminent représentant, Donald Trump en personne, une réélection pour 4 ans.

A croire Julian Zelizer de CNN, l’administration Trump a une stratégie très claire pour 2020, et il faut s’attendre à une fin de mandat à la Maison Blanche qui va trancher avec le chaos imprévisible des deux premières années. Cette fois la présidence a un but bien défini et va se donner tous les moyens pour y parvenir.

L’un de ces moyens c’est d’entretenir à tout prix le «show Trump». 

En d’autres termes, alimenter le spectacle permanent: pour John F. Harris dans Politico, le principal danger pour le président c’est cette usure du pouvoir qui fait que «tout héros finit par devenir ennuyeux à la longue». Au-delà de sa base, Trump va donc devoir lutter contre cette lassitude qui s’est déjà installée chez une grande partie des électeurs américains: les mêmes formules, les mêmes outrances ne fonctionnent plus aussi bien; les ennemis caricaturés ne font plus aussi peur; les ficelles sont devenues un peu trop visibles. C’est là-dessus, analyse Politico, que les démocrates pensent avoir une encore une chance de battre le président sortant. Ils alimentent cet espoir à coups d’enquêtes d’opinion, dont les plus récentes donnent Trump perdant en 2020.

Mais «attention aux surprises», avertit enfin Jeffrey Lord, dans le magazine conservateur The American Spectator: les sondages se sont trompés en 2016, la même erreur peut se reproduire cette fois encore. D’autant qu’une chose tout de même a changé par rapport à il y a quatre ans: le bilan économique est bon, «le meilleur de toute l’histoire américaine» comme Trump aime à le superlativiser.

Alors oui, conclut The American Spectator, «Trump peut gagner à nouveau» dans un an et demi.

Et pour lancer cette campagne 2020, le président américain avait fait dès lundi des annonces tonitruantes sur l’immigration.

Il l’a fait à sa manière, dans une série de tweets: Donald Trump a promis de lancer dès la semaine prochaine «un grand coup de filet contre les millions d’immigrés illégaux» qui selon lui constituent «une invasion» des Etats-Unis. La rhétorique est loin d’être nouvelle, le calendrier n’est pas non plus étonnant, note The Washington Post, à la veille donc du lancement de la campagne 2020… Mais l’effet d’annonce vient se fracasser contre la réalité du travail de l’agence américaine pour l’immigration, l’ICE, qui n’a, selon le quotidien de la capitale, ni les moyens ni le droit de mener de telles déportations massives.

Et au-delà des rodomontades sur l’immigration, il y a une réalité à l’œuvre à la frontière mexicaine, et c’est justement dans la presse hispanophone qu’on la découvre. Le quotidien El Pais, édition mexicaine, nous explique que le président Andres Manuel Lopez Obrador, dit AMLO, est finalement en train de donner au président américain ce qu’il voulait: un mur à sa frontière sud pour bloquer les arrivées de migrants centraméricains. Sauf que «ce mur, ce c’est plus une simple barrière, c’est désormais le Mexique tout entier» à en croire El Pais. [Voir l’article publié sur ce site en date du 14 juin 2019: «L’accord catastrophique d’AMLO avec Trump».]

Le journal en veut pour preuve l’annonce par AMLO d’un durcissement des contrôles au Mexique: toute personne voulant effectuer un voyage longue distance à travers le pays doit s’identifier. El Universal nous confirme que les principales compagnies de voyages en car du pays vont exiger une pièce d’identité pour tout achat de billet, une manière de dissuader les Guatémaltèques et autres Honduriens qui traversent le Mexique du sud au nord pour rejoindre et passer la frontière américaine.

«AMLO et le Mexique se sont soumis», confirme le quotidien La Jornada, pour éviter que Trump ne mette à exécution sa menace de surtaxer les exportations mexicaines. Pour autre preuve, le climat très «crispé» qui règne ces dernières heures autour de l’autre frontière du Mexique, celle du sud avec le Guatemala où AMLO se rend aujourd’hui pour une visite d’inspection.

Tensions, décrites donc par La Jornada autour du déploiement de soldats de la garde nationale qui ont tenté d’empêcher les passages de marchandises et de personnes sur la rivière Suchiate qui marque la frontière; tensions aussi avec la mutinerie de migrants africains enfermés dans un centre de rétention de cette région du Chiapas.

Elle est aussi là, la réalité de ce durcissement migratoire que Donald Trump a réussi à imposer à ses voisins mexicains, et le président AMLO n’a pas fini d’être contesté dans son pays, pour être devenu le premier garde-frontière des Etats-Unis. (Revue de presse de France Culture, le 19 juin 2019, à 7h35)

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