France. Discrétion «renfermée» et grondements policés: Macron et les «affaires»

Benalla très proche, alors, du président-monarque, aujourd’hui un peu découronné…

Par Frédéric Says

Dans le vacarme politique ambiant en France, il est un silence dont on ne s’étonne même plus, un silence pourtant assez incongru.

Qui a-t-on entendu dans le monde politique s’exprimer sur le contrat russe, dont ont bénéficié, selon Médiapart, les proches d’Alexandre Benalla ?

Résumons un instant le dossier, si vous en avez manqué les contours. Un homme d’affaires russe, du nom de Iskander Makhmudov, a passé un contrat avec une société française de protection rapprochée. Autrement dit, des gardes du corps, pour sécuriser ses biens immobiliers en France, et les allées et venues de sa famille à Monaco.

La société de sécurité s’appelle Mars, elle a été créée par Vincent Crase, l’ami d’Alexandre Benalla. Ce contrat est signé début juin 2018, alors que les deux hommes, A. Benalla et V.Crase, occupent des postes sensibles. Le premier est chef adjoint du cabinet d’Emmanuel Macron. Le second est responsable adjoint de la sécurité du parti présidentiel, la République en Marche. Ils occupent toujours ces fonctions lorsqu’un versement de près de 300’000 euros est effectué, en juin 2018, par l’homme d’affaires russe.

Engrenage

Ce dernier a parfois été qualifié d’«oligarque» : le mot est un peu flou. Il s’agit en tout cas d’un milliardaire à la tête d’une société minière et de métallurgie, dont les liens avec la mafia russe ont fait l’objet d’enquête dans plusieurs pays européens. Mediapart relève que Benalla a été en contact avec l’intermédiaire de ce milliardaire; le journal écrit même qu’il a participé de bout en bout à la négociation du contrat, ce que l’intéressé a démenti devant la commission d’enquête du Sénat.

Les enquêtes et les nouvelles révélations préciseront son rôle. Mais ces révélations dessinent un homme qui semble porter davantage d’attention à ses proches – et à leurs poches -, qu’aux obligations déontologiques d’un serviteur de la puissance publique, qui plus est au sommet de l’Etat. Un engrenage dont on se demande jusqu’où il serait allé si un article du Monde sur les violences du 1er mai n’avait pas stoppé la carrière de Benalla à l’Elysée.

Le Parquet national financier a d’ailleurs ouvert une enquête pour corruption, suite aux enregistrements dévoilés par Médiapart. Et voici la réaction hier, du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner :

«Je pense qu’on est plus dans une affaire de cornecul que dans une affaire de James Bond». (dans l’émission « Questions politiques » sur France Inter)

Cornecul : expression chantante, légère, badine, qui confère une tonalité anodine, presque farce, à toute cette affaire. Déminer un dossier embêtant par une expression qui fait sourire, la technique ne date pas d’aujourd’hui :

«Aujourd’hui on rapporte une histoire abracadabrantesque!» (septembre 2000 par Jacques Chirac)

• Revenons en 2019. Les révélations sur le contrat russe changent beaucoup de choses.

Désormais, l’affaire Benalla n’est plus réductible à la faute ponctuelle et individuelle d’un homme qui maîtriserait mal ses nerfs face à des manifestants hostiles. C’est une affaire qui mêle des flux financiers, un réseau d’amitiés et de soutiens dans les cercles officiels – le compagnon de la cheffe de sécurité de Matignon avait d’ailleurs été recruté pour le contrat russe – et donc un homme d’affaires étranger controversé, proche de Vladimir Poutine, écrit Médiapart.

Comment est-ce imaginable? Quels dysfonctionnements rendent cette faille possible?

Depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron a dénoncé à raison l’ingérence de puissances étrangères, d’acteurs para-étatiques, dans la vie politique française. Les déclarations bruyantes d’hier n’en accentuent que davantage le contraste avec la discrétion d’aujourd’hui. (Billet de 8h15, sur France Culture du 11 février 2019)

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