Le numéro un mondial de la restauration collective,

Sodexo, et la répression syndicale

Rémi Barroux

La transnationale Sodexo possède deux sièges en Suisse. L’un à Genève (Place Saint-Gervais 1) et l’autre à Zurich (Turgauerstrasse 54). Sodexo est actif non seulement dans la restauration collective que ce soit dans les hôpitaux, les cliniques, les écoles, les universités, etc., mais aussi dans diverses tâches de sous-traitance annexes.

En Suisse, Sodexo intervient dans l’Ensemble hospitalier de la Côte (Vaud), chez Merryl Lynch Bank à Genève ou encore dans le centre hospitalier Herz-Neuro-Zentrum Bodensee à Kreuzlingen (canton de Thurgovie). Espérons que l’UITA, dont le siège est à Genève, assure la relation et l’information en direction des syndicats helvétiques. Ces derniers pourraient être concernés par les conditions de travail des salarié·e·e de Sodexo et par la btaille internationale qui s’y engage, pour autant les salarié·e·s aient pu
établir un contact avec un syndicat «helvétique». (Réd.).

——–

Sodexo, leader mondial de la restauration collective, est dans le collimateur des syndicats. Après des mois de conflits, vendredi 30 juillet 2010, simultanément à Washington et à Paris, des syndicalistes devaient «porter plainte» contre la multinationale française. L’organisation syndicale américaine, Service Employees International Union (SEIU) et la
confédération française CGT alertent les «points de contact nationaux» de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour «infractions à la liberté d’association” et “infractions à la santé et à la sécurité».

«Avec cette procédure extrêmement rare, déclare Jean-Michel Dupire (Fédération du commerce CGT), nous espérons que
l’entreprise sera rappelée à l’ordre par le gouvernement français et amenée à s’expliquer.»
Si l’OCDE n’a pas vocation juridique, chaque pays membre doit veiller à l’application de ses principes directeurs. Le fait d’être montré du doigt peut porter préjudice à l’image d’un groupe qui emploie au total 355’000 personnes (dont 120 000 aux Etats-Unis), réparties dans 80 pays. «Sodexo cherche à signer des contrats et cultive l’image d’une société éthiquement responsable», estime Renée Asher, syndicaliste américaine.

Témoignages et menaces

A l’appui de sa dénonciation, le SEIU fournit une série de témoignages, recueillis fin juin. «La direction de Sodexo montre beaucoup d’irrespect pour ses employés, explique Andres Ujueta, cuisinier dans un restaurant universitaire à Fairfax (Virginie). «Nos heures sont réduites et nos horaires modifiés sans préavis: cela leur est égal que nous ayons besoin de
payer un loyer, d’aller chercher nos enfants à l’heure ou d’avoir recours à des baby-sitters.»
M. Ujueta, qui s’est tourné vers le syndicat pour «être instruit et plus fort», a été menacé de licenciement. Comme lui, Valérie Jones, qui travaille dans une cafétéria de lycée à à West Orange (New Jersey) a voulu se syndiquer. Sa chef l’a convoquée dans son bureau. «Elle m’a dit que je devais signer une pétition contre la formation d’un syndicat, mais je lui ai dit que j’y étais favorable, raconte-t-elle. Elle ne comprenait pas pourquoi puisque je travaillais à mi-temps.»

En Colombie, en Turquie… des salariés se plaignent aussi. Manuel Martinez a été licencié après avoir travaillé pour Sodexo chez Nationale Chocolate Company, à Bogota, durant deux ans. Il a rejoint Sinaltrainal, le Sindicato nacional de trabajadores de la industria de alimentos. Sept des onze employés membres du syndicat ont été licenciés, ainsi que seize autres qui étaient en contact.

Dans un argumentaire à l’usage de l’encadrement américain, de 2006, que SEIU s’est procuré, l’objectif est de décrédibiliser les syndicats: «Discutez avec vos employés des avantages qu’ils ont à l’heure actuelle sans syndicat», «le représentant syndical est le seul qui soit payé pendant une grève», etc.

Interrogée, la direction française déclare que ce document a été retiré. «Il est vrai qu’aux Etats-Unis, Sodexo fait de l’information aux salariés et intervient quand un syndicat vient s’implanter», confie la directrice des ressources humaines,Elisabeth Charpentier. «Mais en France, on peut être choqué ; nous allons revoir tous ces documents avec un regard européen.» Selon elle, «le groupe, depuis sa création en 1966, respecte le rôle important des syndicats». Il annonce avoir négocié aux Etats-Unis 330 accords collectifs avec 30 syndicats. Mais, prévient Mme Carpentier, «nous ne changerons pas notre fusil d’épaule et la négociation ne se fera jamais sous la pression».

Avant d’en arriver à la démarche auprès de l’OCDE, les syndicats, dont les Français CGT, CFDT, FO, n’ont pas ménagé leurs peines: quatre voyages en France pour les Américains et visite des Français aux Etats-Unis (voir Le Monde du 19 avril 2010). En janvier 2010, la direction du groupe a dit vouloir ouvrir une négociation avec UITA, l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration [dont le siège est à Genève]…Deux réunions révues en juillet 2010 ont été ajournées par Sodexo.

——–

Remi Barroux a publié cet article dans le quotidien Le Monde en date du 31 juillet 2010. Le titre du Monde était : «Des syndicalistes américains et français alertent sur les pratiques sociales de Sodexo».

 

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*