Etats-Unis. Cinq mythes sur les drones

Drone Reaper
Drone Reaper

Par Robert Greenwald

La guerre au terrorisme est présentée par le gouvernement des Etats-Unis comme une offensive militaire et d’intelligence [le renseignement] sur un champ de guerre mondialisé. Mais c’est aussi une guerre menée sur le terrain de la propagande, avant tout quand on parle des «liquidations» par des drones. Voici cinq mythes diffusés par le Pentagone et par les constructeurs d’armement pour justifier l’utilisation des drones et la politique d’assassinats ciblés conduite par la Maison-Blanche.

1. Les drones tuent seulement les terroristes. En mai 2009, au début du premier mandat de Barack Obama, David Kilcullen, l’ex-conseiller pour le terrorisme de David Petraeus [dirigeant des opérations en Afghanistan suite à Stanley McChrystal relevé de ses fonctions ; puis nommé par Obama à la tête de la CIA et dû démissionner suite à un adultère], a écrit dans le New York Times que seulement 2% des victimes des drones étaient des membres qualifiés d’Al-Qaida. Kilcullen calculait que pour chaque «objectif de haute valeur» d’Al-Qaida 50 civils étaient tués.

En avril 2013, une enquête de la NBC, effectuée sur la base de documents secrets de la CIA, a révélé qu’un combattant sur quatre tués au Pakistan entre septembre 2010 et octobre 2011 était classé dans la rubrique «combattant ignoré». Cela signifie que, selon ses propres dires, dans 25% des cas la CIA n’a aucune idée de qui elle a tué. A cela s’ajoute le fait que tous les hommes en état de combattre et qui sont tués lors des attaques sont systématiquement considérés comme des combattants. Dès lors, la marge d’erreur est énorme.

2. Les drones sont précis. La rhétorique du Pentagone sur la précision millimétrique des drones ne repose pas sur une base concrète. Larry Lewis – un chercheur du Center for Naval Analysis, un groupe de recherche lié à l’armée américaine – a étudié les données relatives à l’Afghanistan. Il a découvert que les attaques par drone ne sont pas plus précises que les offensives aériennes conventionnelles.

Néanmoins, malgré tous les discours sur la capacité de cibler l’ennemi grâce à des systèmes de surveillance beaucoup plus sophistiqués, les drones sont imprécis au même titre que les avions avec pilote. En outre, il faut avoir à l’esprit que l’étude de Lewis se réfère à l’Afghanistan, pays où l’armée états-unienne emploie d’énormes ressources pour la sélection des objectifs et pour évaluer les conséquences des attaques. Au Pakistan et au Yémen, la situation est beaucoup moins claire. Dès lors, il est probable que les drones ont causé un nombre supérieur de victimes dans la population civile.

3. Les drones frappent les personnes qui menacent la sécurité des Etats-Unis. Le Pentagone veut imposer l’idée que les listes des objectifs à éliminer sont le fruit d’un travail très précis de sélelction des terroristes qui présentent une menace immédiate pour les Etats-Unis. Mais l’existence des «signature strikes» dément la thèse soutenue par l’armée. Il s’agit d’attaques qui sont menées sur la base de l’activité conduite par un individu et non pas parce que l’on connaît l’identité de cet individu. Il est dès lors impossible de savoir de quelle activité et de quel individu il s’agit mais nous savons que depuis l’introduction des «signature strikes» le nombre d’attaques avec des drones a augmenté de façon considérable au même titre que le nombre de victimes.

De plus, quelques rapports récents ont révélé que l’autorisation délivrée pour des attaques au moyen de drones au Pakistan l’avait été par l’ex-président Pervez Musharraf qui a dû quitter le pouvoir en 2008. Il est probable que Musharraf avait demandé une aide pour éliminer ses ennemis en échange d’un consensus sur les attaques par drone. Au lieu de se concentrer sur les ennemis des Etats-Unis, la CIA a collaboré avec les services secrets pakistanais à l’exécution de personnes qui ne représentent aucune menace pour les Etats-Unis.

4. Les drones sont économiques. En mettant de côté les interrogations d’ordre moral, juridique et politique sur l’utilisation des drones, il reste la question économique. Les politiques et les constructeurs d’armement continuent à souligner le coût relativement bas des opérations : entre 4 et 5 millions de dollars par drone. Selon Winslow Wheeler, du Project on Governement Oversight, «les données chiffrées ne sont pas correctes». «Le coût réel par unité en opération de 4 drones de type Reaper s’élève à 120,8 millions de dollars.» Soit beaucoup plus que les 27,2 millions nécessaires pour acheter un F-16C ou que les 18,8 millions pour un A-10.

5. Les drones rendent les Etats-Unis plus sûrs. C’est faux. Les drones déstabilisent une puissance nucléaire comme le Pakistan, une des régions les plus insécures du monde. Ils provoquent aussi une marée d’attaques suicides dans ce pays. La menace représentée par ces attaques concerne aussi directement les Etats-Unis parce qu’elle est le symptôme de l’augmentation de l’extrémisme à l’échelle mondiale. Les personnes qui s’identifient avec la diaspora musulmane voient leurs parents tués de façon brutale par des Etats-Uniens. Les auteurs de l’attentat commis lors du marathon de Boston [15 avril 2013] sont les derniers éléments de ce processus. Pensez par exemple à Faisal Shahzad [né en 1979 au Pakistan, naturalisé américain], l’homme qui en 2010 a essayé de faire sauter Time Square à New York. Lors du procès, quand le juge lui a demandé d’expliquer les motifs qui l’avaient porté à planifier cette attaque, Shahzad a répondu en faisant référence aux attaques états-uniennes avec des drones au Pakistan.

Malheureusement, ces rebelles seront toujours plus nombreux parce que les attaques des Etats-Unis avec des drones pousseront baucoup de personnes qui vivent dans le monde musulman vers les franges politiques les plus extrêmes et la violence états-unienne appellera une autre violence. (Traduction A l’Encontre)

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Robert Greenwald est membre du conseil d’administration de l’Independent Media Institute. Il vient de finir un documentaire aux Etats-Unis dont le titre est le suivant : War on Whistleblowers. Free Press and the National Security State.

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