Par Vitor Cei
Jair Messias Bolsonaro est devenu le principal représentant d’un activisme contre la vague en faveur du multiculturalisme et des droits humains. Ardent critique de l’Etat laïc, l’aspirant président de la République brésilienne ambitionne de devenir une autorité absolue, affirmant avoir les valeurs suprêmes: «Le Brésil avant tout. Dieu avant tout.»
Mais, comme le montre l’histoire, le risque du totalitarisme est grand. Il convient de rappeler que ce slogan de la campagne imite les slogans nazis: «L’Allemagne avant tout» (Deutschland über alles) et «Dieu est avec nous» (Gott mit uns).
Jair Bolsonaro est responsable de la diffusion d’une mentalité intégriste et totalitaire. Il encourage la violence et l’autoritarisme parce qu’il encourage le discours de haine contre les prétendus ennemis des familles chrétiennes, à savoir les communistes, les homosexuels, les intellectuels et les artistes. Il pense avoir le droit d’empêcher les autres Brésiliens de commettre ce qu’il considère comme une «erreur» et un «péché».
Bolsonaro, ses fils [trois sont élus] et ses alliés sont vus par les électeurs et électrices comme un mythe, un rêve ou une légende, ou ayant un statut de prophète, dans une fusion artificielle du fascisme italien avec le nazisme allemand et la renaissance (revival) chrétienne. Quelles que soient les différences qui peuvent exister entre chacun d’eux, la similitude entre les divers discours sur la haine est évidente et intentionnelle, car ils sont basés sur des tactiques de propagande, des ruses psychologiques, des comportements et des motifs similaires.
Ces faux prophètes se présentent eux-mêmes comme des personnes ordinaires et «bonnes», mais ils utilisent des techniques de manipulation et exploitent le mécontentement, les craintes et les ressentiments de certaines parties de la population brésilienne, créant ainsi des ennemis – en particulier les membres du Parti des travailleurs (PT) – qui incarnent la «force du mal» qui doit être éradiquée par le mouvement qu’ils organisent.
Plus que le changement de structures politiques, ils visent l’élimination des personnes, compte tenu du célèbre hommage rendu à l’ancien député (Jair Bolsonaro) au tortionnaire Carlos Alberto Brilhante Ustra. [Ce colonel, né en 1932, fut à la tête du DOI-CODI – Département des opérations et des informations–Centre des opérations de la défense intérieure – de 1970 à 1974 – en pleine dictature. Il est un des rares militaires qui fut reconnu par un tribunal civil de São Paulo, en octobre 2008, comme étant un tortionnaire. Il fut exempté de prison suite à la Loi d’amnistie, préventivement adoptée en 1979. En 2012, il fut, néanmoins, contraint de verser une «indemnité» à la femme d’un journaliste et militant connu Luiz Eduardo Rocha Merlino, arrêté le 15 juillet 1971 et mort, sous la torture, quatre jours plus tard. Le tortionnaire décéda, lui, d’une pneumonie dans un hôpital de Brasilia en 2015.]
Avec la popularité de Bolsonaro et la montée de la violence à caractère politique, nous pouvons voir que, quel que soit le résultat des élections du 28 octobre, le pays peut être englouti par le courant totalitaire, car la rationalité fasciste consiste plus à établir un système de pouvoir omnipotent que dans la mise en œuvre d’une quelconque doctrine préétablie ou de gouvernement.
Dans un pays démocratique et laïc, tel que devrait être le Brésil, il est nécessaire d’avoir un respect commun des normes publiques, avec peu d’interventions par l’Etat dans de la vie privée. Ce dernier devrait être officiellement neutre face aux questions relevant de la «privacy» (de la sphère privée). L’ordre juridique doit tenir compte des intérêts de l’ensemble des composantes de la nation et ne peut servir d’instrument à un groupe politique ou religieux qui souhaite imposer ses valeurs en tant que vérité absolue.
Le candidat n’a pas le droit d’agir en tant que représentant des forces armées ou du pouvoir ecclésiastique [ici allusion aux Eglises évangéliques]. En tant que futur président de la République, il doit mettre de côté l’idée que ses pratiques religieuses s’appliquent à des fonctions politiques et légiférer pour le bien de la nation. L’Etat ne doit pas intervenir en matière religieuse et les Eglises ne doivent pas le faire dans le domaine régi pas l’Etat. Et que la politique soit abordée comme la construction d’un avenir commun.
Au XXIe siècle, nous ne pouvons pas accepter le fascisme ou la persécution religieuse. La violence n’est déclenchée que lorsque l’une des visions du monde prétend être la seule et unique valeur pour tous. L’imposition métaphysique des valeurs absolues doit être écartée au nom de la paix et de la démocratie.
La raison et la foi ne doivent pas avoir peur d’entrer dans un dialogue rationnel et continu pour le bien de notre société. Il est préférable que les forces armées s’éloignent des élections et que le christianisme préserve les laïcs de l’Etat et fasse de son mieux: l’exercice de la charité et l’amour du prochain. (Article publié dans Correio da Cidadania, en date du 22 octobre 2018; traduction par réd. A l’Encontre)
Vitor Cei est professeur à l’Université fédérale de Rondônia.
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