Par Karel Kovanda
Nous publions ici la seconde partie de l’analyse faite [voir première partie publiée le 2 août] par Karel Kovanda sur l’émergence et les développements des «conseils ouvriers» (au sens de conseil de production) – initialement qualifiés de «conseils d’entreprise» – puis sur leur extinction. Cette analyse a été publiée, en langue anglaise, dans la revue Telos (Washington University), numéro 28, été 1976.
Nous avons initié l’édition (qui se prolongera) de dossiers consacrés à la situation en Tchécoslovaquie au cours des années 1960 en qualifiant ce processus de «révolution interrompue». D’aucuns peuvent percevoir dans le terme «interruption» une référence réduite à l’intervention des forces armées du Pacte de Varsovie dans la nuit du 20 au 21 août 1968. Ce serait une lecture mal fondée. L’essor post-août 1968 du mouvement des conseils – qui était alors dans son premier âge – révèle l’ampleur et la profondeur d’un mouvement social qui va se prolonger jusqu’au-delà du premier semestre 1969. Il renvoie certes à une résistance massive à l’invasion. Mais il s’inscrit dans cette une interaction, perceptible dès 1966-1967, entre, d’une part, une crise socio-économique se profilant sous la forme initiale d’une «gestion économique déficiente» et, d’autre part, la fêlure de structures du parti-syndicat-Etat qui facilite des initiatives multiples.
Toutefois, la formule «révolution interrompue» n’implique pas, a contrario, que ce processus aurait abouti – sans «intervention» du Pacte de Varsovie – à un «socialisme démocratique» qui n’a jamais existé historiquement. Pour paraphraser Karel Kosik (dont nous publierons la traduction d’une de ses contributions du printemps 1968): dans l’histoire rien n’est absolument nécessaire et rien n’est absolument accidentel. Ce que tendent à démontrer les dénouements des divers affrontements sociaux-politiques (y compris insurrectionnels) contre lesdits «régimes bureaucratiques» («socialisme d’Etat», ou autres qualifications). De même, le peu de consistance politique comme organisationnelle des courants radicaux issus de ces affrontements est un indicateur de leurs impasses. Or, ils étaient pourtant censés pouvoir capter et cultiver les éléments les plus vivifiants d’un processus de transformation socio-politique en profondeur que Joseph et Vladimir Fisera résumaient de la sorte: «organiser une nouvelle économie et nouvelle politique autour de l’autogestion».
Certes, ce processus fut défait par une contre-révolution. Mais cela n’élimine pas qu’il était gros d’une large praxis sociale qui aurait pu irriguer une fraction (même relativement restreinte) de celles et ceux qui en constituaient l’aile la plus dynamique. Ce ne fut pas le cas. C’est ce qui ressort des années qui suivirent. N’en découle pas qu’il faille, le moins du monde, mésestimer l’importance et le rôle de la Charte 1977, qui agissait dans un autre contexte et sur un autre terrain socio-politique.
Dès lors, de tels processus («révolution-contre-révolution», «réformes-contre-réformes») dans de telles formations sociales (Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie, pour faire exemple) nécessitent un examen serré de ce qui s’est révélé historiquement une voie sans issue: celle «d’une révolution politique», pour reprendre une formulation propre, entre autres, au courant trotskyste.
Parmi les contributions en français portant sur le thème abordé ici par Karel Kovanda, on peut se référer, entre autres, pour ce qui a trait aux contributions d’auteurs tchécoslovaques, aux numéros 9-10 septembre-décembre 1969 et 11-12 mars-juin 1970 de la revue Autogestion, ainsi qu’à la revue L’Homme et la Société octobre-décembre 1969: D. Slejska, «Le modèle d’autogestion et ses conditions en Tchécoslovaquie après janvier 1968». La revue de l’Est, vol. 2, 1971 contient l’ample article de Joseph Fisera et Vladimir Fisera, «Cogestion des entreprises et économie socialiste. L’expérience tchécoslovaque, 1967-1970» et celui de Joseph Jebavy, «Les conseils d’entreprise en Tchécoslovaquie à la lumière d’une enquête récente».
Ces textes avaient marqué de leur empreinte politique la perception de ceux et celles qui, au cours de ces années, envisageaient une possible perspective socialiste et démocratique issue de multiples combats contre les pouvoirs bureaucratiques, répressifs et autoritaires certes ayant des différences entre eux, dans la forme et le temps. (Charles-André Udry)
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Le document du SKRO (Commission d’Etat pour la gestion et l’organisation) exposait les grandes lignes de nombreux thèmes portant sur les conseils qui réapparaîtront dans tous les documents technocratiques de 1968. Il présentait plusieurs alternatives en vue de débats ultérieurs. En ce qui concerne le pouvoir des conseils, trois positions étaient avancées: les modèles symbolique, faible et fort.
• Le modèle symbolique aurait attribué aux directions d’entreprise des pouvoirs pratiquement illimités et maintenu des liens étroits entre la direction et la bureaucratie d’Etat – ces mêmes liens que les réformateurs économiques souhaitaient rompre. Dans ce modèle, les conseils occupaient une place tellement secondaire, qu’ils en devenaient insignifiants, indépendamment de leur composition. Ce modèle réunissait peu de défenseurs, y compris parmi les auteurs du document du SKRO, mais il fit un retour en force extraordinaire un an plus tard, lors du dénouement final des conseils.
• Le modèle faible, quant à lui, attribuait aux conseils le pouvoir de nommer et de démettre le directeur de l’entreprise ainsi que potentiellement d’autres membres des directions; de décider de la répartition des profits (en direction de nouveaux investissements, de la rémunération des travailleurs, etc.); d’adopter un bilan comptable annuel ainsi que de superviser la direction. Dans ce modèle, les conseils avaient une certaine importance, celle-ci restait toutefois limitée. La nomination des membres des directions fut une question brûlante en 1968. Toutefois, elle n’aurait été possible qu’une fois dans un laps de plusieurs années. La répartition des profits serait discutée une fois par année. Mais, même dans ce cas, le conseil suivrait très probablement les recommandations des directions, du fait qu’il n’exercerait qu’un faible contrôle sur d’autres décisions.
• En ce qui concerne le modèle fort, le conseil jouirait de l’ensemble des pouvoirs du modèle précédent, auxquels s’ajouteraient les suivantes: la détermination des politiques sur le long terme en ce qui concerne les finances, les échanges, la technologie, le personnel et la production ainsi qu’un contrôle sur la mise en œuvre de ces politiques; une décision sur les changements organisationnels importants de l’entreprise, tels que le désinvestissement ou la fusion de l’entreprise, les restructurations organisationnelles, etc.; l’allocation des investissements de capitaux dans de nouvelles constructions et l’établissement de limites au crédit; l’approbation des contrats commerciaux à haut risque ou encore la détermination de changements du champ d’activité de l’entreprise. Il s’agissait effectivement de droits substantiels. L’application de ceux-ci aurait signifié une garantie des intérêts de l’ensemble de la population laborieuse, en particulier si la composition des conseils favorisait également les travailleurs.
«Conseil des managers» ou «conseils des travailleurs»?
Pour ce qui avait trait à la composition des conseils, l’idée la plus populaire parmi les auteurs du SKRO est devenue connue sous le nom de «concept des trois tiers». Sur cette base, les travailleurs éliraient un tiers des membres du conseil. Un autre tiers serait composé d’experts externes, provenant d’instituts de recherche, d’universités, etc. ; alors que le dernier représenterait le «créateur» de l’entreprise, c’est-à-dire, la bureaucratie d’Etat.
Une importante divergence de vues portait sur la question de savoir si la direction de l’entreprise devait siéger ex officio [soit suite à la fonction exercée] au sein du conseil, ce qui effacerait substantiellement la distinction entre le «législatif» et «l’exécutif» de l’entreprise. Le «concept des trois tiers» était, d’un certain point de vue, analogue au système allemand de la Mitbestimmung [avant la révision de la loi en 1976, donc elle datant de 1951 – Réd. A l’Encontre] ou des comités de travailleurs polonais qui, en 1958, virent leur rôle émasculé par rapport à celui les conseils antérieurs. [En novembre 1956, en Pologne, suite au développement «spontané», post-1956, des conseils ouvriers, classiquement un décret gouvernemental les reconnut, certes avec des droits limités au plan local. L’objectif du parti (POUP) était de faire obstacle à une structure prenant une dimension nationale. En 1957, on dénombrait l’existence de 1936 conseils ouvriers. La contre-attaque du «sommet» va s’effectuer ainsi: en avril 1958 une dite Conférence des conseils de gestion, dans laquelle les officiels des syndicats et du POUP avaient largement le dessus ; les conseils devinrent un organe captant les mécontentements et servant à la direction du Parti-Etat de baromètre et soupape de sécurité – Réd. A l’Encontre)
Le document du SKRO n’était décidément pas favorable à l’attribution d’un rôle prépondérant aux travailleurs dans les prises de décision. Une influence des travailleurs sur les directions aurait représenté un système de participation ouvrière fonctionnant bien. Cela aurait sans aucun doute représenté une amélioration vis-à-vis des pratiques antérieures, mais certainement pas suffisantes pour répondre à l’atmosphère qui régnait en 1968, revendiquant un certain degré d’autogestion.
Tandis que le document du SKRO peut être considéré comme une déclaration technocratique majeure, il n’existe pas d’équivalent, sous la forme d’une plateforme aussi complète, des positions démocratiques radicales. Le document du SKRO, en particulier son «concept des trois tiers», fit l’objet d’une contestation vigoureuse autant de la part membres de l’intelligentsia que de fractions des travailleurs. A partir du printemps 1968, cette contestation comprenait la menace de grève ainsi que d’arrêt de travail occasionnels. L’autogestion était le dénominateur commun de toute cette activité [de contestation].
Les journalistes, les animateurs de la presse et ceux exerçant une activité dans le domaine des sciences sociales furent les partisans les plus éloquents de l’autogestion. Le quotidien syndical, Práce, lança une croisade en faveur de cette idée, exigeant pour les travailleurs les pouvoirs les plus étendus. La question qui ouvrit le débat se présentait, sans équivoque, sous cette forme: «conseils ouvriers ou conseils des managers»? [9]
Par la suite, les articles défendant l’autogestion se succédèrent les uns après les autres, accompagnés d’autres s’opposant à cette idée en des termes que les travailleurs trouvèrent sans doute hautement indigestes. Parmi les principaux avocats de l’autogestion figuraient Pavel Ernst, un jeune économiste provenant de l’Institut économique d’Ota Sik, et Dragoslav Slejška, le sociologue du monde industriel. Ailleurs, Karel Kosík discuta de la position des travailleurs au sein de la société dans une série d’essais portant le titre de «Notre présente crise» [10]. Pour lui, l’établissement de conseils ouvriers représentait une condition indispensable dans la reconstitution de la classe laborieuse comme force politique à part entière.
La même idée fut inscrite dans un contexte politique encore plus large par Robert Kalivoda, un historien de premier plan, qui insistait sur la nécessité de conjuguer des formes de démocratie indirecte, que le pays était sur le point de rétablir, avec des formes de démocratie directe qui «seraient graduellement transformées en autogestion socialiste» [11]. Les conseils ouvriers seraient l’une des formes prises par la démocratie directe. Kalivoda fut l’un des premiers à lier des modalités démocratiques générales du pays avec leurs implications politiques sur la façon dont les réformes économiques étaient mises en œuvre.
Ivan Sviták déplora que ses collègues intellectuels négligeaient – dans leurs discours publics – ce que représentaient les droits civiques pour les travailleurs [12]. A ses yeux, les droits les plus importants devaient comprendre le droit de grève, le droit à un syndicalisme fort ainsi que le droit des collectifs de travailleurs à élire les directions des entreprises.
En avril 1968, l’hebdomadaire Reportér, l’une des périodiques les plus influents et les meilleurs du pays, publia une «Lettre ouverte aux travailleurs tchécoslovaques» [13]. L’esprit de la lettre consistait en un appel pour la constitution d’un mouvement de travailleurs allant vers l’autogestion. Un changement de personnalités au sommet du Parti communiste était une bonne chose, mais il n’était pas suffisant pour garantir les progrès à venir du mouvement de démocratisation.
En rester là aurait pour seul résultat l’émergence d’une «nouvelle oligarchie bureaucratique», même si elle était pluripartiste. Sans des actions ouvrières concrètes, poursuivait la lettre, même la nouvelle liberté de la presse n’aboutirait à rien d’autre qu’à être une «simple parure pour un nouveau, “plus éclairé”, système bureaucratique». Les organes ouvriers d’autogestion doivent être rapidement élus, afin «d’administrer ce qui appartient légitimement aux travailleurs».
Du ruisseau au fleuve naissant
A ce stade, il convient de passer en revue quelle était réellement la situation des travailleurs et travailleuses. Jusqu’ici, les réformes économiques ne leur avaient donné que bien peu de pouvoir. Elles avaient en réalité contenu le danger d’une gestion managériale désinhibée qui était encore plus exacerbé par l’absence de protections syndicales. Les travailleurs avaient fait bien trop souvent l’expérience de décisions des directions d’entreprises dirigées directement contre eux – même lors de l’introduction des réformes économiques.
Les normes de production étaient parfois durcies sans que les ouvriers aient leur mot à dire [14]. L’exploitation des femmes était particulièrement rude, bien que ce problème fût finalement atténué [15]. Et, bien sûr, existait la question non négligeable de la fermeture d’entreprises ou de certaines productions non profitables. Il s’agissait, de loin, d’un problème non seulement économique, mais aussi politique, social et humain. Il fut toutefois insuffisamment traité, provoquant ainsi l’amertume, l’angoisse et l’insécurité [16].
Avant l’introduction des réformes, le système de direction économique était inadéquat, obsolète et entraînait des gaspillages. L’ouvrier ou l’ouvrière savait toutefois où se trouvait sa place. Il-elle était parvenu à joindre les deux bouts et, au milieu des années 1960, commençait peut-être à jouir des conforts non essentiels les plus simples. Les réformes économiques [discuté des 1963 et de manière accentuée dès 1965] auraient signifié une amélioration d’ensemble des conditions d’existence.
Début 1968, elles n’étaient toutefois pas introduites de manière consistante. Après des années de discussions et après plus d’une année de mise en œuvre à l’échelle nationale, les effets positifs des réformes sur la vie des personnes ordinaires étaient négligeables. Au contraire, les prix de vente au détail avaient légèrement, mais de manière perceptible, augmenté, à l’instar du degré général d’insécurité en termes d’emploi. Il n’est donc pas surprenant que les travailleurs adoptèrent une attitude sceptique d’attentisme envers les réformes [17].
Les réformes n’en méritaient pas moins. Leur timide mise en œuvre n’était pas tant la faute des réformateurs que des contraints politiques avec lesquelles ils devaient composer. Les travailleurs connaissaient les réformes en ce qu’ils en faisaient l’expérience sur leur place de travail. Ils ne savaient guère – et il n’était pas possible de le leur dire – que ce qu’ils vivaient n’était que la version mutilée et bâtarde du programme original [de réformes].
Cette attitude attentiste commença à changer au printemps 1968. En particulier à Prague, les travailleurs commencèrent à pouvoir évaluer l’ensemble des effets des changements à la tête du Parti, un peu plus tard que les intellectuels mieux informés mais tout aussi clairement.
C’est tout un symbole que la véritable nature de ces changements fut rendue explicite par le seul véritable ami des travailleurs au sein de la direction du PCT, Josef Smrkovsky, dans un texte publié en janvier 1968 dans Práce [18]. C’était le début de l’écoulement d’un ruisseau de nouvelles qui devint bientôt un fleuve. Néanmoins, le ruisseau à lui seul arrivait déjà à remuer les usines. [Josef Smrkovsky joua un rôle important dans la résistance contre l’occupation nazie à Prague; il fut condamné à la prison à vie en 1951, conjointement au procès Slansky; libéré en 1955, il est réhabilité en 1963; il est l’un des leaders les plus populaires du PCT en 1968. Le 9 février 1968, dans un autre article-programme, publié dans Rudé Pravó, le quotidien du PCT, il écrivait: «Nous devons maintenant clarifier les relations entre le parti et les organes de l’Etat, entre les organes de l’Etat et les entreprises, entre les organes administratifs de l’Etat et la sphère économique, et entre l’appareil et les organes élus. Si toutes ces relations ne sont pas précisément délimitées et si leur sphère en termes de droits ainsi que la responsabilité des organes décisionnels particuliers ne sont pas correctement établies, il ne sera pas possible d’améliorer la qualité de la gestion ou de mettre en œuvre l’exigence que chacun d’entre nous soit responsable de ses actions, de son travail et de ses décisions. Le public doit savoir non seulement qui décide, à quel niveau, mais aussi qui assume l’entière responsabilité de ces instances selon leur niveau. Réd. A l’Encontre].
Les travailleurs tentèrent donc immédiatement de regagner le terrain perdu au profit de la bureaucratie au cours des années précédentes ainsi que de démocratiser le mouvement ouvrier, dont le sommet, le Conseil central des syndicats (URO) était l’un des organes les plus conservateurs du pays. Au cours des premières semaines de 1968, l’URO reçut environ 1600 résolutions de sections locales du ROH [syndicat] portant sur la question des droits perdus par les travailleurs, la structure interne non démocratique du ROH ainsi que sur les réticences de l’URO à soutenir Dubcek.
Dès mars, les ouvriers devinrent une force politique indépendante [L’explosion des critiques s’exprima sans détours lors de la session plénière de l’URO, les 21 et 22 mars 1968, Réd A l’Encontre]. Ils se mobilisaient non seulement en faveur de la nouvelle direction nationale [du PCT] ainsi que pour l’intelligentsia du pays, mais ils posèrent également les jalons de revendications visant à exercer un contrôle sur leur environnement immédiat: les usines.
Par le biais de réunions de masse, d’arrêts de travail et de quelques grèves, ils attirèrent l’attention sur les questions concrètes portant sur le contrôle des entreprises. Lors d’actions exemplaires suscitant un intérêt national extraordinaire, les travailleurs à Písek, en Bohème du sud, firent grève à propos de la fusion et de la cession d’entreprises (ce qui avait un impact direct et profond sur la profitabilité et donc sur les salaires). Les mineurs de Doubrava à Ostrava, en Moravie du nord, contraignirent le directeur à démissionner [19]. Ces questions étaient restées jusqu’ici des prérogatives de la bureaucratie économique centrale, mais les démocrates radicaux maintinrent que les travailleurs devraient disposer d’un contrôle sur ces dernières, via les conseils.
En réalité, l’existence, le rôle et la place des conseils étaient aussi débattus. A la fin du mois d’avril, des préparations visant à en constituer étaient en cours dans plusieurs endroits. A ce moment, le Programme d’action du Parti communiste [le Comité central du PCT l’adopta le 5 avril 1968] endossait les conseils sans toutefois en spécifier la nature. Le document du SKRO fournissait aux technocrates des propositions concrètes pour l’organisation des conseils dans les usines: en particulier celles de CKD [Ceskomoravska-Kolben-Danek, firme créée suite à une fusion en 1927, nationalisée en 1945 ; elle est le plus grand complexe industriel de Prague] et à celles de Skoda à Pilsen (un autre géant de l’industrie lourde des machines, dont les diverses filiales se consacraient à la production d’armes, de moyens de transport collectifs, de voitures, etc.).
Première évolution d’Ota Sik face à l’ensablement de «ses» réformes
Le processus préparatoire demandait du temps. Les premières étapes ouvraient une nouvelle voie et les efforts visant à constituer des conseils étaient examinés de près autant par ses ennemis que par ses amis. Ne régnait toutefois pas le sentiment d’urgence typique des processus similaires qui se déroulèrent en Pologne et en Hongrie 12 ans plus tôt. C’est plutôt un sentiment de responsabilité historique qui dominait, requérant une approche méthodique et une grande prudence.
Les propositions pour le conseil de CKD, l’un des premiers qui fut publié [20], attribuaient à peu près les mêmes pouvoirs que ceux qui étaient ébauchés dans la version «forte» du document du SKRO. Elles étaient fortement opposées au «concept des trois tiers» et appelaient à ce que l’ensemble des travailleurs de l’entreprise élisent le conseil.
La proposition des travailleurs des usines CKD allant bien plus loin en promouvant des aspects autogestionnaires propres à l’idée des conseils. Elle prévoyait un rôle important pour l’assemblée des travailleurs (un point qui n’était pas même mentionné dans le document du SKRO) et envisageait des organes d’autogestion dans les usines particulières de l’entreprise. D’autres mesures limitaient le mandat de membre du conseil à trois ans et interdisaient une réélection immédiate afin d’éviter l’émergence d’une caste de «membres professionnels des conseils». La proposition des usines CKD portait la marque manifeste de l’expérience yougoslave, en particulier pour ce qui avait trait à sa conscience des dangers que le conseil devienne un organe étranger aux travailleurs des ateliers. L’un de ses principaux défenseurs était un jeune technicien, Rudolf Slansky fils, dont le père fut l’une des victimes les plus connues des purges des années 1950.
Le projet des usines Skoda de Pilsen [21] attribuait également d’importants pouvoirs au conseil. Une fraction importante du conseil devait être élue par les employés, bien que sur d’autres plans, à la différence de la proposition CKD, il ne se préoccupait guère de l’implication directe des travailleurs dans l’autogestion. La principale caractéristique à Skoda était celle de l’énonciation minutieuse de la «séparation des pouvoirs»: la stricte distinction entre le conseil et la gestion exécutive quotidienne.
La politique officielle du gouvernement envers les conseils était ambiguë. Bien que le Parti communiste endossât formellement l’idée et qu’elle fût largement discutée dans le pays, et bien que la question des conseils devînt rapidement l’une des plus importantes du mouvement ouvrier, la position du gouvernement national était technocratique. Mené par Oldrich Cernik [premier ministre du 8 avril 1968 au 28 janvier 1970], le gouvernement freina autant qu’il pouvait le développement des conseils. La seule exception au sein du gouvernement était celle d’Ota Sik, nommé, en avril 1968, premier ministre adjoint responsable de l’introduction des réformes économiques. L’évolution de ses idées sur les conseils au cours du printemps est cruciale pour comprendre comment plusieurs personnes portées sur des solutions technocratiques virent les potentialités ouvrières.
Dans des écrits antérieurs, Sik ne s’était pas prononcé fortement en faveur de l’attribution aux travailleurs d’un degré significatif de contrôle, bien qu’il se rendît compte que ceux-ci devraient prendre peu ou prou part aux décisions [22]. Toutefois, à mesure que les réformes étaient mises en place et qu’il était personnellement impliqué dans leur introduction, il commença à réaliser les problèmes politiques pratiques auxquels il devait faire face. La question de l’arrangement des pouvoirs idéal à venir, à l’intérieur et à l’extérieur des entreprises, les «structures cibles» des réformes économiques, pour le dire ainsi, était une chose. Tout autre était la question immédiate, Sik s’en rendait compte, de l’éviction rapide des directeurs et fonctionnaires ministériels incompétents. Ces derniers représentaient sans doute le plus grand obstacle à la mise en œuvre des réformes et il était des plus improbables qu’ils s’en aillent de leur propre chef. Le coup de pouce nécessaire devait venir d’ailleurs.
C’est l’une des raisons pour lesquelles l’idée d’un conseil disposant d’une large représentation de travailleurs et ayant d’importantes responsabilités dans l’engagement et le licenciement des échelons supérieurs des entreprises devenait attractive, même pour des gens qui étaient, par ailleurs, peu enclins à soutenir une alternative autogestionnaire démocratique radicale. Indépendamment de ses autres défauts, un conseil contrôlé par les travailleurs disposerait du pouvoir d’évincer les responsables incompétents. Ayant ceci à l’esprit, la réflexion de Sik évolua progressivement au cours du printemps 1968, en particulier après sa nomination au sein du gouvernement, où il devint probablement l’un de seuls membres à être réellement intéressé à la mise sur pied des conseils et qui ne fermait pas les yeux sur les entraves posées par ses collègues.
«La question la plus controversée du printemps 1968»
Au cours des mois d’avril et de mai, la pression grimpait pour que soient prises des mesures décisives concernant les conseils. Le 19 mai, Josef Smrkovsky appelait dans le Rudé právo à «rapidement établir des organes démocratiques dans les usines». Le jour suivant, Sik ébaucha un projet détaillé des tâches immédiates pour une saine politique économique. Dans ce contexte, il avança les propositions jusqu’ici les plus détaillées concernant la structure et le fonctionnement des conseils [23].
Sik reconnaissait qu’il existait des idées selon lesquelles «une majorité des membres des conseils devaient être nommés par les organes centraux» (ce qui avait la préférence des bureaucrates) en même temps qu’il y avait «certaines tendances à une stimulation du capitalisme» (c’est-à-dire le concept managérial). C’est toutefois une voie différente qui devait être prise. Sik proposa le terme de conseils ouvriers pour les organes se tenant au-dessus des directions des entreprises. Le terme est resté.
Les pouvoirs que Sik envisageait pour les conseils n’étaient pas imposants, mais juste un peu plus développés que ceux prévus par le «modèle faible» du document du SKRO. Le point important, cependant, résidait dans le rôle décisif que les travailleurs y jouaient dans l’élection des conseils ainsi que le pouvoir du conseil sur les décisions des membres des directions – la question la plus controversée du printemps 1968.
En moins de deux ou trois mois, la position de Sik sur les conseils avait considérablement changé. Au départ, il soutenait le «concept des trois tiers», impliquant une représentation minimale des travailleurs. Il appelait désormais à ce que les conseils soient dans une majorité décisive élus dans les entreprises. Il n’envisageait initialement que les conseils ne disposent que d’un pouvoir symbolique, désormais il proposait des pouvoirs, certes limités, mais réels. Plus important, il réussit à forcer la main du gouvernement. Deux semaines après avoir diffusé ses propositions, le gouvernement les approuva sans grand changement des lignes directrices pour l’établissement de conseils ouvrier [24]. Les usines avaient désormais le feu vert qu’elles attendaient.
L’évolution des vues de Sik se fit dans un contexte de pressions d’une activité pratique, comme réaction à ses efforts visant à faire passer dans la réalité les réformes économiques. Cette évolution illustre un phénomène bien plus large: l’érosion des positions libérales et technocratiques au cours du printemps de Prague. A mesure que les mois s’écoulaient, les défenseurs de ses positions se dirigèrent soit vers la démocratie radicale soit retournèrent dans le giron de la bureaucratie: un processus qui fut formidablement accéléré par l’invasion.
En soi, l’invasion eut un effet direct minimum sur les conseils. Quelles qu’aient été les motifs de l’invasion, la mise sur pied des conseils (qui commençait à peine) n’en était pas un. Les nombreuses attaques de la presse soviétique contre l’évolution de la situation en Tchécoslovaquie ne mentionnèrent pas une seule fois les conseils. L’invasion a régulièrement été caractérisée comme étant un brillant succès militaire, mais un stupéfiant échec politique: en d’autres termes, que de manière surprenante bien peu changea dans la vie politique du pays dans son sillage immédiat.
Bien sûr, les libertés politiques furent quelque peu rognées, mais de nombreux processus fondamentaux poursuivirent sans être affectés, y compris en ce qui concerne les réformes économiques (et les conseils).
Si le «Printemps de Prague» continua au cours de l’automne 1968 sans modification substantielle, une conscience nouvelle de ses limites apparut. Les troupes étaient dans le pays et l’Union soviétique allait finalement apporter une «résolution» à l’impasse politique.
Les vieilles forces bureaucratiques qui étaient pratiquement défaites avant l’invasion, reçurent un encouragement et un soutien directs. Les mois qui suivirent furent une période d’affrontement direct entre ces forces bureaucratiques et les masses populaires qui se sont rangées avec les démocrates radicaux.
Les conseils dans le sillage de l’invasion
La lutte ne portait plus entre les «conservateurs» et divers «progressistes»: il s’agissait désormais d’une lutte plus nette entre la révolution et la contre-révolution. L’espace d’une «voie médiane», pour quelques réformes en dehors d’un mouvement révolutionnaire se réduisait rapidement. Dans le sillage de l’invasion [dans la nuit du 20 au 21 août 1968], les réformateurs technocrates et libéraux étaient anachroniques. Ils furent pris entre deux chaises: tentant de parer aux pressions des forces bureaucratiques et de l’Union soviétique tout en tentant de mettre en œuvre les réformes, s’isolant du soutien populaire, démocratique radical essentiel à leur défense. Le printemps de Prague ne pouvait se poursuivre au cours de l’automne que dans la mesure où l’investissement populaire massif durait.
Les positions libérales et technocratiques s’usaient d’autant plus. Les gens favorables à une «voie médiane» penchaient toujours plus soit vers une position bureaucratique, soit démocratique radicale. La «nouvelle situation» illuminait l’ensemble du printemps de Prague d’une lumière nouvelle et pénétrante, montrant qu’il avait toujours été une lutte entre la bureaucratie et les masses. Ceux qui croyaient en de «simples» réformes pour le peuple, comme étant une option permanente et stable, furent prisonniers de leurs illusions. Après l’invasion, ils devaient choisir: c’était l’un, ou l’autre. Il n’y avait pas d’autre option.
Un nombre non négligeable de dirigeants du printemps de Prague s’en rendirent compte assez rapidement. Certains commencèrent à modérer leurs critiques de l’invasion dans l’espoir qu’ils seraient acceptés par les forces bureaucratiques. Parmi eux, certains y arrivèrent et firent partie du régime de l’après-Dubcek. D’autres n’y parvinrent finalement pas: quoiqu’ils fussent tentés, les forces bureaucratiques n’étaient pas disposées à les accepter. Pour d’autres encore, l’invasion représenta une expérience bouleversante qui les conduisit à lier irrévocablement leur sort à la position radicale démocratique. Cela les amena à revoir leur position sur les conseils.
Après l’invasion, les conseils restèrent en tant qu’un élément dans la hiérarchie administrative des entreprises; ils étaient toutefois désormais bien plus importants dans leurs rôles de garants de la démocratie industrielle. Après l’invasion, il devint essentiel de sauvegarder chaque forme de démocratie qui avait pu se développer au cours du printemps de Prague. La voie du pluralisme politique était désormais barrée. Par conséquent, la transformation des usines en bastions de la démocratie économique – via les conseils – devint la principale priorité. Désormais, même des anciens libéraux et technocrates qui rejoignirent les démocrates radicaux se rendaient compte de l’importance politique des conseils.
La ferme défense des conseils par les démocrates radicaux fut contrée par l’indifférence et la négligence de ceux qui tendaient en direction des bureaucrates. Parmi ces derniers, l’ensemble du gouvernement tchécoslovaque, qui perdit certains de ses membres, dont Ota Sik, après l’invasion. En septembre, le premier ministre Oldrich Cerník déclara que la mise en œuvre des réformes économiques continuerait, mais il insista avec une prudence exagérée que «toutes les mesures, telles que la réorganisation des entreprises, leur intégration, la mise en place expérimentale des conseils, doivent être soigneusement examinées. Ces expériences doivent, en particulier, être entièrement évaluées et leurs principes généraux doivent être mieux clarifiés.» [25]
L’insistance subite de Cerník quant à la «nature expérimentale» des conseils était déroutante, et sa demande d’une «complète évaluation» spécieuse. Les discussions ultérieures sur les conseils avaient clairement souligné le fait que leur mandat était de plusieurs années en particulier parce que leurs objectifs à long terme ne permettaient pas avec un certain temps une évaluation d’ensemble de cet aspect de leurs tâches. [Les statuts – pour l’essentiel provisoires – prévoyaient la durée du mandat des membres élus à 4 ans, rééligibles. Réd. A l’Encontre]. Il n’était bien évidemment pas possible d’évaluer une poignée de conseils après seulement quelques mois d’existence. Leur nombre était en effet faible: en septembre 1968, seuls 19 conseils fonctionnaient effectivement.
Les véritables motifs de l’attaque contre l’action des conseils se trouvaient ailleurs. Le nombre limité des conseils en faisait un phénomène négligeable, pour autant que d’autres ne soient pas créés rapidement. En comparaison avec les 19 conseils existant en septembre, 143 autres commencèrent à fonctionner le 1er octobre et il était prévu que 117 autres soient créés d’ici le Nouvel An 1969 [26]. L’inquiétude des nouvelles forces bureaucratiques en voie de cristallisation portait plutôt sur l’avenir que sur les pratiques passées.
Les conseils: les débats sur leur statut et fonctionnement
L’indifférence et la négligence du gouvernement se transformèrent progressivement en des tentatives actives visant à décourager la constitution de nouveaux conseils. Fin octobre [24 octobre], le gouvernement décida «qu’il n’était pas approprié de poursuivre cette expérience» [27]. Il s’agissait là de la tentative la plus déterminée pour se débarrasser des conseils, dont le nombre s’accroissait rapidement. [Le 31 mai 1969 le gouvernement, dans une déclaration, reportait à une date indéterminée l’adoption «de la loi sur les entreprises socialistes». Voir plus bas. – Réd. A l’Encontre]
La décision fut interprétée comme un recul vis-à-vis de l’un des principes de base des réformes économiques ainsi que du Programme d’action du PCT. En réaction, les syndicats inondèrent l’URO et le gouvernement de résolutions de protestation. Leurs dispositions étaient fidèlement reflétées dans Práce, le quotidien syndical, ainsi que dans le reste de la presse démocratique radicale. La pression contraignit Cerník à faire marche arrière et à déclarer que toute l’affaire n’était qu’un «malentendu» [28]. La position du gouvernement était toutefois largement ignorée. Après un pic dans la création de nouveaux conseils en septembre, la vague fut moindre en octobre et novembre, ce qui reflétait l’ambivalence du gouvernement.
En décembre, toutefois, il y eut un nouveau pic: un plus grand nombre de conseils fut créé ce mois-ci qu’au cours des deux précédents. La lutte acharnée au sujet des conseils était une caractéristique de l’ensemble de la politique post-invasion.
Selon les meilleures estimations disponibles [29], 120 conseils étaient actifs en janvier 1969. Le département de sociologie industrielle de l’Institut tchèque de technologie à Prague, placé sous la responsabilité de Milos Bárta [qui avait publié une étude intitulée «Les Conseil ouvriers comme mouvement social» dans la revue du Comité central du PCT-VIII, 1968, Nová Mysl – Le Nouvel Esprit. Réd. A l’Encontre], rassembla des informations sur 95 d’entre eux. Sur cet échantillon, 69 étaient actifs dans l’industrie manufacturière (38 dans le secteur des machines, 14 dans l’industrie de consommation, 7 dans la production de denrées alimentaires, 6 dans l’industrie chimique et 2 chacun dans l’énergie et les mines), 11 dans la construction, 6 dans des petits établissements contrôlés localement, 4 dans l’agriculture et 1 dans les transports. Des comités préparatoires existaient dans au moins 61 entreprises supplémentaires [30]. D’autres conseils se formèrent tout au long du printemps 1969 et, fin juin, on rapportait l’existence de 300 conseils et de 150 comités préparatoires [31].
En janvier 1969, les conseils représentaient plus de 800’000 personnes, soit un sixième de la force de travail si l’on excepte l’agriculture. Leur prestige était accru par le fait qu’il y avait des conseils au sein de certaines des entreprises les plus grandes et prestigieuses: chez Skoda à Pilsen, aux usines métallurgiques NHKG à Ostrava, en Moravie du Nord, à Slovnaft Bratislava, aux usines chimiques VChZ à Pardubice, en Bohème de l’est, à l’AZNP à Mladá Boleslav, en Bohème centrale, fabriquant d’automobiles, à la CZM à Strakonice, en Bohème du sud, produisant des motos, etc.
Pourtant, même à leur point le plus haut, en janvier 1969, les conseils étaient encore dans l’enfance. Les plus anciens n’existaient que depuis six mois à peine. Une image générale des conseils porte inévitablement de manière plus détaillée sur les étapes menant à leur constitution, l’élection et la composition de ces derniers tandis que les informations traitant de leurs activités concrètes sont inégales.
Les indications sur les étapes préparatoires documentent à quel point le mouvement ouvrier s’identifiait à l’idée des conseils. Il y avait quelques réticences et incertitudes, en particulier suite à l’invasion, et le ROH fut le moteur principal dans la constitution des conseils, dans pas moins de 86% des cas. Les tâches du comité préparatoire comprenaient habituellement la rédaction d’un statut du conseil ainsi que des règles et procédures d’élection – tout cela, si possible, en discussion permanente avec le collectif entier des travailleurs.
Le statut du conseil ébauchait l’étendue de ses pouvoirs. Un passage en revue des statuts disponibles révèle que tous les conseils comprenaient le droit de décider sur deux questions fondamentales: celle du personnel de direction et de sa rémunération; les questions «statutaires» de l’entreprise: sa fusion avec d’autres entreprises, la subdivision de l’entreprise, etc. Dans la mesure où les conseils étaient discutés pour la première fois, l’attention portée à ces questions figurait au premier rang, autant des théoriciens que, ainsi que le montrent les cas des mines de Dukla et de l’usine de Písek, des travailleurs.
Au-delà de cette base commune, comme pour toute question concernant les conseils, les variations étaient considérables. Certains statuts limitaient l’autorité du conseil à ces deux seules dimensions. D’autres questions clés de l’administration de l’entreprise devaient être discutées et évaluées par le conseil, mais la décision finale revenait à la direction. (Il s’agissait là du «modèle limité» des conseils, suivant étroitement les lignes directrices émises par le gouvernement en juin 1968). D’autres statuts attribuaient au conseil lui-même la décision en dernière instance dans des questions essentielles de la gestion de l’entreprise (il s’agissait là du «modèle fort» des conseils, suivant l’exemple des usines Skoda à Pilsen).
Les élections étaient partout préparées avec beaucoup de soin et d’attention. Les dispositions concrètes variaient, telle que celle visant à savoir si les travailleurs éliraient en bloc les membres du conseil ou s’il y aurait des «découpages électoraux», ou une combinaison des deux, s’il y aurait des élections à deux tours, etc. Toutes les élections, cependant, se tinrent au scrutin secret. Il fallait être employé depuis une certaine période (entre trois mois et une année) pour pouvoir voter, une mesure qui visait à assurer une certaine familiarité avec les problèmes de l’entreprise. Il fallait être employé depuis plus longtemps, jusqu’à cinq ou sept ans, pour pouvoir être élu au conseil. Cette disposition provoqua des controverses: si cette mesure excluait les candidats dont les connaissances de l’entreprise étaient faibles, elle était désavantageuse pour les jeunes.
Les candidats pouvaient être nominés par les divers organes de l’entreprise, en particulier la section du ROH et la cellule du PCT. Cependant, le plus grand soin était apporté pour que les candidats proviennent des ateliers et qu’ils soient désignés par les équipes de travailleurs elles-mêmes. Lorsqu’ils furent interrogés à ce sujet, 97% des présidents des conseils étaient convaincus que dans leur entreprise, cette possibilité avait été «très élevée» ou même «illimitée».
Pour ce qui touche à la composition des conseils, les employés de l’entreprise pouvaient élire entre deux tiers et quatre cinquième des sièges [32]. Ce n’est qu’exceptionnellement que tous les membres du conseil étaient élus par les employés de l’entreprise, mais ils étaient minoritaires seulement dans un cas. Le «concept des trois tiers» fut donc résolument rejeté dans la pratique.
Une minorité de membres des conseils étaient recrutés à l’extérieur: représentant les ministères, les banques ou apportant l’appréciation indépendante d’universités ou d’instituts de recherche. Quelques statuts permettaient au directeur de l’entreprise d’être élu au conseil, ou en faisaient même un membre ex officio (résultant de sa fonction). Il s’agissait là toutefois d’une exception, ce qui soulignait le refus général des concepts technocratiques qui s’étaient révélés assez populaires dans les discussions antérieures des experts membres du SKRO.
Sur les élus dans les conseils
Quel genre de personnes étaient élues? Le nombre de femmes représentantes était navrant par sa faiblesse: elles occupaient à peine 4% des sièges. En ce qui concerne l’âge, quelque 70% de tous les membres des conseils appartenaient à la fraction des 35-49 ans, considérée comme la plus favorable pour l’occupation d’une fonction dirigeante. Un peu plus de la moitié était des membres du PCT.
La composition professionnelle des membres des conseils était toutefois surprenante. 70% au total provenaient des équipes techniques ou de l’encadrement intermédiaire. En revanche, les cols bleus occupaient un peu moins d’un quart de tous les sièges. L’équilibre penchait en faveur de l’équipe administrative. Ce n’est qu’exceptionnellement que les cols bleus étaient majoritaires [33]. En conséquence, la formation des membres des conseils de travailleurs était en moyenne supérieure à celle des directeurs des entreprises: 29% disposaient d’une éducation supérieure alors qu’en 1966, ce pourcentage était de 20% parmi les directeurs.
La composition des conseils est instructive à plus d’un titre. Il n’existe aucun doute quant au fait que la sélection des candidats et les élections au conseil furent ouvertes et libres, leurs résultats sont donc à prendre à la lettre. Les employés avaient le sentiment que leurs intérêts en tant que copropriétaires et en tant qu’entrepreneurs seraient mieux servis en élisant des personnes hautement qualifiées: des cols blancs. La distinction entre employés en tant que copropriétaires et employés en tant qu’employés est importante: lorsque les intérêts de ces derniers étaient en jeu – lors de l’élection des responsables du ROH (syndicat) – les travailleurs votaient pour des gens «de leur espèce». La disponibilité des travailleurs à être représentés par l’intelligentsia technique fournit une indication supplémentaire de la manière dont la brèche entre les deux couches (pour autant qu’une telle brèche ait existé) s’était résorbée au cours de l’année 1968.
Fréquemment, les personnes issues des équipes techniques qui étaient élues avaient un passé d’affrontement avec les directions bureaucratiques [34]. Enfin, cette configuration électorale indique l’estime importante dans laquelle les travailleurs plaçaient l’éducation et les compétences. Les défenseurs de l’autogestion affirmèrent souvent qu’il y avait une différence fondamentale entre la qualité de la classe laborieuse en Tchécoslovaquie et dans les autres pays où des conseils de travailleurs avaient été introduits, en particulier la Yougoslavie, une différence fondée sur la longue tradition industrielle du pays ainsi que sur les standards culturels et éducatifs plus élevés des travailleurs tchécoslovaques. Ces différences, y compris la haute considération portée à l’éducation, se sont traduites dans les préférences accordées aux candidats des conseils.
Les effets, bons ou mauvais, de la présence de cols blancs dans les conseils n’auraient pu être évalués que par l’expérience. L’avantage de conseils hautement qualifiés était manifeste, en particulier dans un contexte où les principaux problèmes que devaient affronter les conseils étaient de guider avec succès les entreprises dans l’entrée des conditions du marché.
Néanmoins, certains observateurs étaient conscients des dangers potentiels représentés par la représentation biaisée des conseils.
Par exemple, Dragoslav Slejška pensait qu’après une période initiale de consolidation du système d’autogestion, les différences persistantes entre les cols bleus et les équipes de techniciens feraient surface et représenteraient un problème. «Les membres du conseil issu de l’intelligentsia technique n’apprécieront pas toujours la perception de cette contradiction par les travailleurs et les travailleurs, à leur tour, ne comprendront pas toujours l’approche des techniciens.» Slejška s’attendait à «des tentatives de manipulation des organes d’autogestion vers une direction technocratique», ou même en direction de la bureaucratie [35].
Milos Bárta, lui aussi, voyait des dangers dans le développement de la technocratie – en particulier dans des cas où le statut du conseil ne traitait pas de la responsabilité du conseil envers l’ensemble des travailleurs de l’entreprise (un point qui avait été très fortement souligné dans la proposition des usines CKD de Prague).
D’autres estimaient que la nécessité pour des experts de siéger dans les conseils fut complètement exagérée [36], et que la prépondérance des techniciens n’était qu’une réponse temporaire à la piètre gestion existante des entreprises. Une fois que cette dernière se serait améliorée, l’attention des conseils se serait déplacée, ce qui se serait traduit par une modification de la composition des conseils, qui ressemblerait alors plus à la composition des collectifs de travail [37].
La contre-révolution
Les activités des conseils dépendant fortement des conditions locales ainsi que des relations concrètes entre le conseil et les directions: pour un grand nombre de ses tâches, le conseil devait dépendre des informations fournies par les directions, si ce n’est d’un soutien actif, au moins dans sa phase d’existence initiale.
Les activités concrètes mirent du temps à se mettre en marche. Les conseils attendaient avec impatience le passage de la Loi socialiste des entreprises, qui donnerait une base légale à leurs décisions. En décembre 1968, il semble que seulement 46 des 140 conseils existants étaient engagés dans une «activité pratique» [38].
Il est intéressant de remarquer ce que des conseils plus anciens considéraient utiles, et sans doute dans quelles activités ils furent engagés, ainsi que le révèlent les recommandations que ces conseils fournissaient à ceux qui venaient d’être élus. En avril 1969, leur attention était centrée en particulier sur ces aspects [39]: faire en sorte de se familiariser avec la situation économique de l’entreprise ainsi qu’avec son histoire récente; discuter les prévisions des directions concernant le développement à venir des entreprises ainsi que de leur soumettre des propositions alternatives si nécessaire; évaluer les avantages de liens organisationnels actuels avec d’autres entreprises et considérer d’éventuelles alternatives; aborder la question des «accords de production» que l’entreprise devait conclure avec son ministère de tutelle et qui devaient remplacer l’ancien plan de production; déléguer des représentants aux organes économiques supérieurs ainsi qu’à l’Union des fabricants de l’industrie en question.
L’analyse de la situation de l’entreprise était sans doute la tâche immédiate la plus importante de chaque conseil, conjointement à l’évaluation sobre de l’avenir de celle-ci. L’acte même d’examiner la structure d’une direction révélait fréquemment des insuffisances criantes.
Pavel Ernst, un défenseur de premier plan des conseils, observait que «fréquemment, les conseils ont découvert des défauts majeurs dans les standards de gestion, tels qu’une coordination désespérément inadéquate entre les différentes branches de l’entreprise, une absence de projection sur le long terme, des décisions d’investissement en capitaux capricieuses prises par les directeurs, etc.» [40] Les décisions en matière de personnel figuraient au premier rang de la liste des réformateurs économiques et c’est la première chose qui fut abordée, par exemple, aux usines Skoda de Pilsen. Dans la plupart des cas, toutefois, les conseils confirmèrent les directions dans leurs fonctions. Selon un rapport, seuls six postes de directeur firent l’objet d’un autre choix [41].
Ici aussi, les conseils attendaient le passage de la Loi sur les entreprises socialistes. Cet élément législatif clé aurait offert une protection légale à leur activité ainsi que légitimé leur existence. La loi fut le troisième document d’importance à être émis par les franges favorables aux solutions technocratiques au cours de l’année 1968 touchant aux conseils. Le premier était le document du SKRO tandis que le second correspondait aux lignes directrices sur la création des conseils émises par le gouvernement en juin. Grâce à l’influence de Sik, le curseur des lignes directrices était plus proche de l’esprit de l’autogestion que le document du SKRO. Cette tendance, l’éloignement des solutions technocratiques et le mouvement en direction des approches démocratiques radicales, progressa encore plus avec le projet de la Loi sur les entreprises socialistes, laquelle aurait accru encore plus la représentation des employés au sein des conseils ainsi que les pouvoirs de ces deniers [42].
Des aspects importants de la Loi furent critiqués par les démocrates radicaux et, en particulier, par des conseils déjà mis en place (lesquels se réunirent en janvier 1969 à Pilsen pour une réunion nationale d’une importance considérable). Dans l’ensemble, la loi était toutefois acceptable pour eux. Il était prévu qu’elle soit promulguée en mars 1969, lorsqu’elle rencontra une opposition inattendue.
En janvier 1969, la Tchécoslovaquie devint une république fédérale composée de deux entités: les républiques Tchèque et Slovaque, chacune avec son gouvernement. En février, le gouvernement Tchèque dévoila sa propre appréciation des conseils; elle se révéla plutôt choquante [43]. Le gouvernement tchèque proposa la mise en œuvre des traits les plus technocratiques du document du SKRO: le «concept des trois tiers» (donnant aux travailleurs une représentation insignifiante au sein des conseils) ainsi que le «modèle symbolique» (ne donnant aucun pouvoir aux conseils), ce que personne n’avait jamais pris au sérieux.
Un débat public étonnant s’en suivit. D’un côté, le gouvernement tchèque, rejoint par le gouvernement slovaque ainsi qu’une fraction importante de la bureaucratie économique. De l’autre, défendant la Loi des entreprises socialistes telle que projetée, le mouvement ouvrier unifié et les démocrates radicaux. Le gouvernement fédéral tchécoslovaque et la direction nationale du PCT restèrent à l’écart. Après un débat de plusieurs semaines, l’opposition du mouvement ouvrier se montra déterminante et le gouvernement tchèque perdit la partie.
La victoire du mouvement ouvrier fut formidable. La Loi fut l’objet d’un débat public sans précédent. Jamais, de mémoire récente, un projet de Loi ne fut débattu avec une telle intensité.
Il n’y avait qu’un problème – qui transforma la victoire des démocrates radicaux en une victoire à la Pyrrhus –, le problème du temps. Au cours de la controverse, l’adoption de la loi avait pris inexorablement du retard. Le premier quart de l’année 1969 s’était écoulé et aucune loi n’approchait les rangs du parlement. Entre-temps, le pays fut traversé par de nouveaux développements. Un ensemble de forces bureaucratiques, conservatrices et néo-staliniennes devenaient toujours plus actives. Les tensions dans le pays montaient. Et, en avril, au moment même où le mouvement ouvrier venait de remporter sa victoire contre le gouvernement tchèque, la bureaucratie remporta sa bataille la plus importante sur les démocrates radicaux: Alexander Dubcek fut éjecté de son poste de premier secrétaire du PCT.
L’ascension de Gustáv Husák en tant que nouveau dirigeant du PCT fut conjuguée à une tentative décisive d’«absorber» l’invasion sur le plan politique, plusieurs mois après l’invasion elle-même. Tous les acquis du printemps de Prague devaient être liquidés. Plusieurs méthodes furent utilisées à cette fin, dans différents domaines.
Les voix démocrates radicales les plus ferventes dans la presse et certaines organisations furent purement et simplement réduites au silence. Dans d’autres organisations, un coup interne fut organisé. Les conseils ne furent pas les premiers à être attaqués: en fait, pour un temps encore, un soutien de pure forme était accordé à la nécessité de l’adoption de la Loi sur les entreprises socialistes. Leur existence se prolongea plusieurs mois, dans un vide peu confortable. Il n’y avait plus aucune véritable intention de faire passer la loi.
Abattre la loi, une opération dans laquelle l’opposition technocratique du gouvernement tchèque était largement responsable, consomma la transition de ce qui restait des forces technocratiques du camp progressiste – où elles avaient fait leurs premières armes dans les années soixante – vers celui des conservateurs. Il convient de souligner que la Loi sur les entreprises socialistes fut l’une des rares mesures du printemps de Prague à se trouver à l’abri des critiques soviétiques. Même si la direction du pays post-invasion était prête à apaiser les Soviétiques de toutes les manières possibles, il n’y avait aucune raison externe d’étouffer les conseils.
La logique interne de la position technocratique et ses conséquences politiques rendirent cela toutefois inévitable. Sans publicité, sans moyen de communication légitime en leur sein et sans pouvoir, les conseils ne pouvaient pas faire grand-chose dans la nouvelle atmosphère contre-révolutionnaire. Au cours de l’été 1970, le ministère tchèque de l’industrie les interdit complètement. (Traduction A l’Encontre; voir la première partie de cette contribution, publiée sur ce site en date du 24 août 2018); les intertitres sont de la rédaction).
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[9] Práce, 2 avril 1968.
[10] Literáni listy n° 9 (1968). L’un de ses articles a été traduit en anglais et a été publié dans le numéro 13 de la revue Telos (automne 1972), p. 30-33 [ce texte a été traduit en français et publié sur le site www.alencontre.org link.]
[11] Rudé právo, 3 mai 1968; Literáni listy n° 11 (1968).
[12] Ivan Sviták, The Czechoslovak Experiment (New York, 1971), p. 68-75. [Nous publierons sur le site alencontre.org quelques extraits de ses interventions, Réd A l’Encontre]
[13] Reportér n° 19 (1968). Des extraits ont été publiés dans Andrew Oxley et al., Czechoslovakia – The Party and the People (New York, 1973), p. 193-196. La lettre fut rédigée par Karel Bartošek, un historien renommé aux opinions influentes de la nouvelle gauche.
[14] Pour deux exemples, voir Práce, 25 mai 1968 et 4 juillet 1968.
[15] Cf. les rapports bouleversants d’Edna Kriseová dans Reportér n° 1 (1968) et dans le numéro 10 de Literární listy (1968) ainsi que Marie Kubátová dans le numéro 19 de Literární listy (1968). Pour un rapport sur le chômage des femmes à Ostrava, voir Práce, 23 novembre 1968.
[16] Cf. Práce, 10 février 1968, sur les conséquences de la fermeture d’une mine près de Duchcov, en Bohème du nord. Un tiers des mineurs durent quitter la mine, pour leur plus grand désavantage économique.
[17] Pour une bonne analyse de ces questions, voir Václav Holešovský, «Czechoslovak Labor Pains», East Europe n° 17 (mai 1968), p. 21-26.
[18] Práce, 21 janvier 1968.
[19] Pour les événements à Pisek, voir Hospodárské noviny, n° 1 ? et 13 (1968) et Rudé právo, 27 mars 1968. Pour les événements à la mine Dukla, voir Rudé právo, 9 mai 1968. J’ai repéré dans la presse nationale et dans certains titres de la presse locale la mention d’environ 30 grèves, arrêts de travail et menaces de grèves.
[20] Il est paru en français, accompagné d’un rapport sur son histoire rédigé par Rudolf Slánský fils, dans Autogestion n° 7 (décembre 1968), p. 39-56.
[21] Odbory a spole?nost n° 5-6 (1968), p. 106-110.
[22] Ainsi, en 1963, il écrivit que «les producteurs eux-mêmes ne peuvent prendre part au travail de gestion avec un degré de connaissance suffisant, leur participation à la gestion est restreinte par les heures de travail relativement longues ainsi que par leur champ de connaissances plutôt étroit». Cf. Ota Šik, Plan and Market under Socialism (White Plains, New York, 1967), p. 120.
[23] Rudé právo, 22 mai 1968, extraits publiés in Oxley, op. cit., p. 199-201.
[24] Rudé právo, 30 juin 1968. Publiés en anglais dans New Trends in Czechosloval Economics n° 6 (septembre 1968), p. 55-57.
[25] Rudé právo, 14 septembre 1968.
[26] Práce, 22 septembre 1968.
[27] Rudé právo, 25 octobre 1968.
[28] Cf. Práce, 12 décembre 1968.
[29] Sauf indication contraire, le résumé qui suit est basé sur des recherches exposées dans deux articles importants de Miloš Bárta: «Podnikové rady pracujících jako spole?enské hnuti» (Les conseils d’entreprises des travailleurs en tant que mouvement social), publié dans Odbory a spole?nost n° 4 (1969), p. 54-69, et «K pojetí podnikovych rad pracujících» (Sur le concept de conseils d’entreprise des travailleurs) dans Politická ekonomie n° 8 (1969), p. 703-716. Le premier article a été publié en français dans le numéro 9-10 de la revue Autogestion et socialisme (décembre 1969), p. 3-36, alors que le deuxième a entièrement échappé à l’attention des personnes qui étudient cette période, bien qu’il soit tout aussi important.
[30] Práce, 28 janvier 1969.
[31] Ces chiffres indiquent à quel point la constitution des conseils fut entravée par les incertitudes qui suivirent l’invasion, par le manque de soutien du gouvernement ainsi que par les retards pris pour le passage de ladite Loi des entreprises socialistes, une disposition législative qui aurait donné une base légale aux pouvoirs des conseils. Cf. Rudé právo, 22 juillet 1970.
[32] Stanislav Plíva, «Poznámky k prozatímním statutum podnikový rad pracujících» (Remarques sur les statuts provisoires des conseils d’entreprise de travailleurs) dans Odbory a spole?nost n° 4 (1969), p. 70-78. Ce document a été publié dans le numéro 11-12 d’Autogestion et socialisme (mars-juin 1970), p. 99-115. Ce numéro double est entièrement consacré à l’autogestion en Tchécoslovaquie.
[33] Les informations sur la composition des conseils sont corroborées indépendamment par d’autres recherches, dont les résultats ont été compilés par Joseph Jebavy, «Les conseils d’entreprise en Tchécoslovaquie, à la lumière d’une enquête récente», Revue de l’Est, n° 2 (1971), p. 63-73.
[34] Dragoslav Slejška, «Sociologické predpoklady podnikové samosprávy» (Les conditions sociologiques de l’autogestion des entreprises) in Odbory a spole?nost n° 4 (1969), p. 25-42.
[35] Ibid., p. 39
[36] Ivan Halada, un dirigeant du syndicat des métallurgistes, dans Odborár n° 23 (1968), p. 8.
[37] Rudolf Slánsky fils, in Reportér n° 5 (1969), supplément, p. IV-V. [Reporter est la publication des journalistes]
[38] Práce, 6 décembre 1968.
[38] Cf. Odborár n° 9 (1969).
[39] Práce, 12 décembre 1968.
[40] Jevbacy, «Les conseils d’entreprise…», p. 70.
[42] Le texte entier du projet de loi ne fut jamais publié, mais des aspects importants de cette dernière peuvent être reconstitués à partir des discussions qu’elle a engendrées. Une analyse utile figure dans Práce, 12 février 1969.
[43] Práce, 22 février 1969.
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