France. «81% pensent que la lutte contre la pauvreté devrait être décrétée grande cause nationale»

Par Ixchel Delaporte

Deux camions-podium sillonneront la France du 9 mars au 30 avril. Avec pour mot d’ordre: «Qui croit encore que les démunis ont la belle vie?» Le Secours catholique propose de débattre sur les moyens pour faire reculer la pauvreté et imaginer les solutions pour faire reculer les préjugés qui touchent toutes les personnes victimes de précarité. Ce débat – avec theater, forum, expositions – sera organisé dans 20 communes de France.

Le Secours catholique – Caritas – rend public aujourd’hui, le 9 mars 2016, un sondage sur les perceptions de la pauvreté et sur l’engagement solidaire. Outre des préjugés tenaces sur la fraude sociale, l’étude montre que les interrogés sont conscients et concernés par ce fléau.

Les idées reçues sur la pauvreté ont la peau dure. Et pourtant un sondage commandé par le Secours catholique réalisé en février révèle que le regard porté par les citoyens sur la pauvreté n’est pas si caricatural qu’on pourrait l’imaginer. Dans une campagne électorale ubuesque, où les sujets graves sont soigneusement mis sous le tapis, l’association a souhaité faire toute la lumière sur «une opinion publique très consciente des enjeux liés aux inégalités, à la pauvreté et prête à s’engager». Ainsi, 84 % des personnes interrogées estiment qu’il y a trop d’inégalités en France. Une très large majorité (81 %) pensent que la lutte contre la pauvreté devrait être décrétée grande cause nationale et, pour 72 % d’entre elles, le sujet n’est pas assez pris en compte dans le débat politique. Trois pourcentages à contre-courant de l’idée d’une fracture ou d’un désintérêt des Français pour les plus démunis.

Pour le secrétaire général du Secours catholique, Bernard Thibaud [à ne pas confondre avec l’ancien secrétaire général de la CGT), la bonne nouvelle concerne également la perception très juste par les sondés des causes sociales de la pauvreté: «Ils ne font pas peser sur les plus démunis la responsabilité de leur situation, contrairement à certains discours politiques souvent entendus.» Parmi les trois causes principales, l’opinion publique identifie le chômage à 56 %; puis les problèmes de revenus et de pouvoir d’achat, à travers «le niveau de salaire» (37 %) mais surtout en raison du coût de la vie (51 %); enfin la précarité arrive en troisième position, à 43 %, avec les CDD (Contrat à Durée Déterminée) à répétition, contrats précaires, l’intérim et le temps partiel subi. Si les personnes interrogées ont une bonne connaissance du seuil de pauvreté et ne contestent pas le niveau des aides sociales, voire ne les trouvent pas assez élevées (50 %), il n’en reste pas moins que la moitié des interrogés considèrent nécessaire de lutter contre la fraude sociale.

Voilà un premier préjugé tenace sur les aides sociales qui émerge de cette étude et que le Secours catholique est bien décidé à déconstruire: «Le préjugé sur la fraude sociale mérite une mise en perspective, explique Bernard Thibaud. On estime la fraude sociale à 150 millions d’euros, soit 5 à 6 % des allocataires. Ne faudrait-il pas plutôt mettre le focus sur les 5 milliards d’euros de RSA qui ne sont pas versés chaque année à ceux qui pourraient en bénéficier pour cause de non-recours aux droits? Sans parler des 70 milliards d’euros liés à la fraude fiscale…» Une réalité invisible puisqu’elle relève d’un soutien informel mais pourtant bien réel

Le deuxième préjugé arrive de manière très contradictoire, celui de l’assistanat. À la fois, les personnes interrogées estiment que leurs concitoyens ont trop de préjugés sur les pauvres (61 %) ou sur les migrants (54 %), à la fois, ils sont 31 % à juger que le système social en place favorise l’assistanat et 54 % pensent qu’il «est possible de trouver un emploi quand on le cherche vraiment». Et malgré tout cela, la solidarité paraît bien ancrée dans le quotidien des gens lorsqu’on examine les réponses favorables autour de l’engagement et du rôle des associations dans la lutte contre la pauvreté.

D’abord, 78 % des personnes interrogées déclarent avoir déjà apporté une aide matérielle aux plus démunis et 47 % une aide financière. Et près de 29 % disent s’être engagées directement en accompagnant une personne dans sa recherche d’emploi. Une réalité invisible puisqu’elle relève d’un soutien informel mais pourtant bien réel. Et concernant les intentions d’engagement, le Secours catholique a eu la confirmation que, pour 48 % des personnes, la solidarité avec les pauvres est l’affaire de tous et pas uniquement des pouvoirs publics. Et près d’un Français sur deux souhaiterait agir plus. Pour les 18-24 ans, le pourcentage grimpe à 62 % voulant s’impliquer davantage. «Nous avons remarqué une augmentation du nombre de bénévoles depuis quelques années, et en particulier du côté des jeunes», atteste Bernard Thibaud.

A la veille de l’élection présidentielle, et à travers ce sondage plutôt optimiste, le Secours catholique souhaiterait remettre au centre du débat les questions de pauvreté et des préjugés pour mieux les combattre. Pour 65 % des sondés, les associations jouent un rôle essentiel. La preuve. (9 mars 2016, dans L’Humanité)

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