Par La Izquierda Diario
L’Indec (Institut national des statistiques et des recensements) a publié ses dernières données avant le scrutin. Elles portent sur l’évolution des salaires jusqu’en fin septembre et sur l’inflation jusqu’en fin octobre. Ces chiffres démontrent les conséquences de la dévaluation appliquée par le ministre de l’Economie Sergio Massa [candidat à la présidence] pour répondre aux exigences du FMI.
La dévaluation d’environ 20% appliquée par le ministre-candidat a amputé le pouvoir d’achat. Lors du débat pour l’élection présidentielle [le dimanche 12 novembre entre Javier Milei et Sergio Massa], Sergio Massa a déclaré que l’un de ses objectifs pour le 10 décembre [date de l’accession à la présidence] était un «régime de compétitivité des changes et d’accumulation de réserves [de dollars] qui nous permette de payer le Fonds [FMI]». Cela signifie une nouvelle dévaluation et, si le FMI doit être payé, Massa envisage une renégociation de l’accord. Ces politiques conduiront à une nouvelle détérioration du pouvoir d’achat car l’inflation s’accélérera.
De son côté, le candidat Javier Milei a confirmé lors de ce débat qu’il allait dollariser l’économie, ce qui, comme l’ont prédit plusieurs spécialistes, impliquerait une forte dévaluation et donc une dépression des salaires.
Une forte dévaluation entraînerait une destruction de l’activité économique et une détérioration du pouvoir d’achat des revenus populaires, qui s’ajouterait à la réduction du pouvoir d’achat de ces dernières années et accroîtrait les niveaux de paupérisation.
Un coup de massue sur les salaires
Le coût de l’inflation est supporté par les travailleurs et travailleuses, car les salaires sont à la traîne de l’inflation et il est impossible pour eux/elles de joindre les deux bouts.
Le gouvernement du Frente de Todos [d’Alberto Fernandez de décembre 2019 à fin 2023] avait promis de rétablir les salaires fortement altérés pendant le gouvernement de Mauricio Macri [décembre 2015-décembre 2019]. Or, le pouvoir d’achat est inférieur à celui de 2015, malgré la reprise économique de 2021 et 2022.
Si l’on considère les données publiées par l’Indec, l’indice des salaires, en septembre 2023 – pour ce qui est du salaire réel de tous les travailleurs et travailleuses – a baissé de 6,2% par rapport à décembre 2019. Autrement dit, sous le gouvernement du Frente de Todos, le pouvoir d’achat n’a pas été rétabli. Les directions syndicales de la CGT (Confederación General del Trabajo) et du CTA (Central de Trabajadores de la Argentina) sont complices de cette dépréciation en soutenant la candidature de Sergio Massa au lieu de tenir des assemblées pour discuter d’un plan de lutte sérieux visant à améliorer les conditions de vie de la classe laborieuse.
Le pouvoir d’achat des travailleurs enregistrés dans le secteur privé a perdu 1,4% depuis le début de l’année (de décembre 2022 à septembre 2023). C’est le secteur de la classe ouvrière qui est le mieux rémunéré et qui dispose d’accords et de conventions collectives. Néanmoins, ce salaire reste inférieur de 21,9% rapporté à celui de 2015 (d’octobre 2015 à septembre 2023).
Dans le cas des travailleurs et travailleuses du secteur public, en septembre 2023, le pouvoir d’achat a baissé de 1,5% par rapport à décembre 2022; la perte par rapport à 2015 est de 26,4%.
Les travailleurs et travailleuses non enregistrés [selon des chiffres datant de fin 2021, 40% des salariés du secteur privé sont non enregistrés; ils se trouvent sans accès la sécurité sociale, ne peuvent avoir une carte de crédit et accès au système bancaire] ont été les plus touchés. La perte de salaire réel pour les secteurs informels en septembre était de 46,7% par rapport à octobre 2016 (c’est depuis cette date que l’Indec publie les données). Sous le gouvernement du Frente de Todos, le pouvoir d’achat du secteur informel a chuté de 30% (de décembre 2019 à septembre 2023) et s’est effondré de 13,4% depuis le début de l’année.
Les salaires sont loin de pouvoir financer le panier de la ménagère [1]. La direction interne de l’ATE (Association des travailleurs de l’Etat-Asociación Trabajadores del Estado) au sein de l’organisme qu’est l’Indec a indiqué qu’en septembre, un ménage composé d’un couple avec deux enfants en âge scolaire aurait besoin de 494 506 pesos [1287 euros] pour joindre les deux bouts. Cette organisation syndicale précise que son estimation du «panier de consommation minimum-CBT» n’est ni un optimum ni un idéal à atteindre. Cependant, elle est plus proche de ce dont une famille a besoin pour joindre les deux bouts, car elle inclut, par exemple, le paiement du loyer, ce qui n’apparaît pas dans le panier de base (CBA) calculé par l’organisme statistique.
En août 2023, la rémunération nette moyenne (encaissée) des travailleurs enregistrés était de 324 195 pesos [843 euros]. Si l’on examine les données de l’Indec (Enquête permanente sur les ménages) qui incluent les travailleurs informels et formels, on constate qu’au deuxième trimestre 2023 (avril-juin), 50% des ménages avaient un revenu familial total inférieur à 200 000 pesos [520 euros]. Bien que ces données datent d’il y a quelques mois, elles montrent que les revenus sont loin de la Canasta basica total [de type 2 qui est de 345 295 pesos, 898 euros].
Il est donc urgent d’augmenter les salaires, les pensions et les plans sociaux. Personne ne peut gagner moins que le montant du panier alimentaire de base (319 422 pesos en septembre, 831 euros, selon l’Indec). La perspective de conquérir un salaire minimum comme celui calculé par l’ATE Indec doit être mise en avant par les organisations de travailleurs, ainsi que l’indexation automatique des salaires, des pensions et des programmes sociaux en fonction de l’inflation. (Article publié sur le site Izquierda Diario le 14 novembre 2023; traduction rédaction A l’Encontre)
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[1] Canasta básica alimentaria-CBA: ensemble des aliments et boissons qui répondent aux exigences nutritionnelles. La canasta básica total-CBT inclut, outre la CBA, les services non alimentaires: habillement, transport, éducation, santé, etc. Le montant diffère selon les zones d’habitation. (Réd.)
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