Par Madjid Makedhi
Des désertions et des ralliements en cascade… La mobilisation populaire contre le 5e mandat et pour le départ du système provoque l’effondrement du château de cartes des tenants du pouvoir. Face à l’intransigeance du mouvement qui reste mobilisé pour déjouer toutes les tentatives de le contenir, les soutiens du pouvoir se démarquent de lui l’un après l’autre.
Sauve qui peut. Les partis et les organisations de masse qui bombaient le torse il y a seulement quelques semaines, en narguant ostensiblement tous ceux qui s’opposaient à leurs options, se cherchent désormais des portes de sortie.
Le clan s’effrite et les retournements de veste se font à la vitesse de l’éclair. Par calculs ou par peur d’être emporté par la vague populaire géante, ils s’en lavent les mains de la gestion chaotique des affaires du pays.
Ils passent ainsi aux aveux. C’est le cas du RND (Rassemblement national démocratique) de l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, un fervent défenseur de «la continuité» prônée par le Président sortant. De passage, mardi soir, sur le plateau de la chaîne de télévision privée El Bilad, le porte-parole de ce parti et bras droit d’Ahmed Ouyahia, Seddik Chihab, jette un véritable pavé dans la mare.
Reprenant à son compte les déclarations de plusieurs leaders de l’opposition, il dénonce «des forces non constitutionnelles» qui «ont pris en otage le pays durant les six ou sept dernières années». «Il y a des forces qui sont gênées par les partis. Il s’agit de forces non structurées. Des forces non constitutionnelles, non organisées. Elles sont partout. L’Algérie a été dirigée par ces forces durant au moins ces cinq, six ou sept dernières années», déclare-t-il avec beaucoup d’assurance.
Ces forces, enchaîne-t-il, «sont gênées par la présence des partis politiques, de l’opposition et du pouvoir». «Pensez-vous qu’il est possible de faire la démocratie sans les partis? Nous, nous nous sommes trompés.
Nous avons manqué de perspicacité. Mais je dois dire qu’il y avait un climat, une atmosphère et un entourage qui nous ont poussés dans cette direction», lance-t-il, avouant que son parti «n’était pas d’accord avec l’idée du 5e mandat». Mais il n’avait pas le courage de le dire. «Tout ce qui est décidé vient du Président. Mais, faites venir quelqu’un de la Présidence qui sait (…).
Le RND n’est pas au courant de ces détails. Nous sommes un parti discipliné. Nous avons des engagements pris avec le président de la République pour le soutenir (…), mais encore une fois, nous ne connaissons pas ces détails», dit-il encore. Suite à ces déclarations, le RND a été contraint de pondre un communiqué pour justifier les propos de son porte-parole, arguant «qu’il avait répondu aux provocations du son intervieweur».
Le FLN aux abois
Comme le RND, le FLN ne sait plus sur quel pied danser. Ayant enregistré des défections de plusieurs cadres et des «mutineries», l’ancien parti unique est plus que jamais aux abois.
Cible des manifestants qui scandaient dans toutes les marches : «FLN dégage !», cette formation tente de limiter les dégâts. C’est ainsi que le coordinateur du parti, Mouad Bouchareb, annonce, la peur au ventre, «le soutien des enfants du FLN au mouvement populaire».
Mais sans se démarquer de la feuille de route proposée par le pouvoir. Avant ce ralliement, le chargé de communication de l’instance dirigeante du FLN, Hocine Kheldoune, avait aussi tenté de dédouaner sa formation, en affirmant que «des intrus ont infiltré le parti». «Au FLN, nous sommes pour le changement auquel a appelé le peuple dans la rue. Nous ne voulons pas être la façade d’un régime qui a commis de graves erreurs», dit-il.
En attendant le positionnement du MPA (Mouvement populaire algérien qui, en 2012, prend le relais d de l’Union pour la démocratie et la république, créé en 2002) de Amara Benyounès et du TAJ (Rassemblement de l’espoir de l’Algérie visant à rassembler des islamistes et des nationalistes, lancé en 2012) de Amar Ghoul, le bras financier du clan présidentiel, le FCE (Forum des chefs d’entreprise) a enregistré plusieurs défections, mettant le président du syndicat des patrons en difficulté. Le secrétaire général de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, est aussi sans voix depuis le 23 février dernier, lorsqu’il a pris ses jambes à son cou pour fuir la colère des manifestants à Adrar.
Depuis cette date, celui qui disait que «l’élection du président Bouteflika est une formalité» fait le dos rond pour laisser passer ce vent violent qui souffle de toutes les fédérations de la centrale syndicale, dénonçant le soutien au 5e mandat du chef de l’Etat. Ce sont autant de signes, en tout cas, qui confirment que la fin du régime est proche. (Article publié and El Watan, en date du 21 mars 2019)
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