«Guère plus qu’un gadget de relations publiques»: les critiques affirment que les promesses de dons de vaccins du G7 ne suffiront pas

Par Jake Johnson

L’engagement pris par sept des nations les plus riches du monde de faire don d’un milliard de doses de vaccin contre le coronavirus aux pays en développement ne suffirait à vacciner que 11% de la population mondiale non vaccinée, ce qui a conduit les défenseurs de la santé publique à qualifier cette initiative de très insuffisante et de «guère plus qu’un gadget de relations publiques».

Au début du sommet de trois jours du G7 en Cornouailles, le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé vendredi 11 juin que son pays ferait don d’environ 100 millions de doses de vaccin excédentaire contre le coronavirus aux pays pauvres au cours de l’année prochaine, un engagement qui est intervenu quelques heures après que le président américain Joe Biden a dévoilé son projet d’acheter 500 millions de doses de vaccin Pfizer pour les pays en développement.

D’autres pays du G7 devraient faire des promesses de dons au fur et à mesure de l’avancement du sommet, ce qui portera le nombre total de doses promises à un milliard.

Global Justice Now, un groupe de pression basé au Royaume-Uni, a déclaré vendredi dans un communiqué que la proposition de Boris Johnson revenait à offrir aux pays pauvres des «miettes de la table».

«C’est une honte», a déclaré Nick Dearden, directeur de Global Justice Now. «Le Royaume-Uni a acheté 500 millions de doses de vaccin, bien au-delà de ce dont nous avons besoin. Et pourtant, aujourd’hui, nous proposons de ne donner que 100 millions de doses au reste du monde – et seulement pour le milieu de l’année prochaine.»

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On estime que 6,8 milliards de personnes à travers le monde ne sont pas vaccinées, a noté Global Justice Now dans son communiqué de presse, ce qui signifie que le milliard de doses promises permettrait de fournir une injection à seulement 15% de la population non vaccinée et deux doses à seulement 7,3%. Nick Dearden a fait valoir qu’au lieu de promouvoir des systèmes de dons insuffisants, Boris Johnson et les autres dirigeants du G7 devraient se joindre à Joe Biden pour soutenir une dérogation temporaire aux brevets des vaccins contre le coronavirus, une proposition qui lèverait les barrières de propriété intellectuelle qui empêchent les fabricants du monde entier de produire des vaccins génériques. Les Etats-Unis et la France sont jusqu’à présent les seuls pays du G7 à avoir approuvé la renonciation momentanée aux brevets.

«Les règles de propriété intellectuelle limitent la production de vaccins aux chaînes d’approvisionnement d’une poignée d’entreprises», a déclaré Nick Dearden. «Ce week-end, Boris Johnson et [la chancelière allemande] Angela Merkel peuvent enfin prendre les devants, suivre l’exemple de Biden et éliminer ces obstacles, afin que nous puissions vacciner le monde entier.»

La critique des promesses de vaccination du G7 intervient alors que le Covid-19 continue de ravager les pays pauvres d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie, continents dans lesquels les pays en développement ont eu du mal à faire décoller leurs campagnes de vaccination. Selon une analyse du Wall Street Journal (10 juin 2021), sur la base des données de l’Université Johns Hopkins, cette année les décès dus au coronavirus dans le monde ont déjà dépassé le nombre stupéfiant de décès dus au virus pour toute l’année 2020.

«Le fardeau actuel du Covid-19 marque un renversement de la situation entre les pays riches et pauvres», note le WSJ. «Au début de l’année, l’Europe et l’Amérique du Nord représentaient 73% des cas quotidiens et 72% des décès quotidiens, alors que le virus faisait sa réapparition en automne et en hiver. Maintenant, l’Amérique du Sud, l’Asie et l’Afrique représentent plus de 80% des cas quotidiens et les trois quarts des décès quotidiens.»

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La semaine dernière, le People’s Vaccine Alliance (GAVI situé dans le canton de Genève-Suisse) a estimé que plus d’un million de personnes sont mortes du Covid-19 depuis la dernière réunion du G7 en février, lorsque les nations riches ont promis une action collective pour stimuler l’offre mondiale de vaccins contre le coronavirus afin d’aider les pays pauvres en difficulté.

«Si le mieux que les dirigeants du G7 puissent faire est de donner un milliard de doses de vaccin, alors ce sommet aura été un échec», a déclaré, le vendredi 11 juin, à Reuters Anna Marriott, responsable de la politique de santé d’Oxfam International.

Dans une déclaration du 9 juin répondant à la promesse de Joe Biden d’envoyer 500 millions de doses à une centaine de pays au cours des 12 prochains mois, Peter Maybarduk, de Public Citizen, a déclaré que «le monde a besoin d’une nouvelle manufacture urgente pour produire des milliards de doses supplémentaires d’ici un an, et pas seulement d’engagements pour acheter l’offre inadéquate prévue.» «Nous n’avons pas encore vu de plan du gouvernement des Etats-Unis ou du G7 ayant l’ambition ou l’urgence nécessaires pour produire des milliards de doses supplémentaires et mettre fin à la pandémie», a ajouté Peter Maybarduk.

Jeudi 10 juin, Public Citizen a présenté plusieurs mesures que Joe Biden devrait prendre pour renforcer l’offre mondiale de vaccins, artificiellement limitée, et corriger les inégalités massives dans la distribution:

  • Le lancement officiel et l’investissement dans un programme public mondial de fabrication de vaccins à l’échelle nécessaire et dans l’urgence pour mettre fin à la pandémie, soutenu par des efforts pangouvernementaux pour trouver et produire les composants et former le personnel, avec des centres de fabrication régionaux dans le monde entier. Un engagement de 25 milliards de dollars peut produire 8 milliards de doses supplémentaires de vaccin à ARNm [type Moderna ou Pfizer- BioNTech] en un an.
  • Un engagement à commencer immédiatement à partager les connaissances, la technologie et la propriété intellectuelle pour fabriquer des vaccins, des tests et des traitements Covid-19 sûrs et efficaces. Joe Biden a l’autorité, en vertu de la loi existante, y compris par le biais du Defense Production Act, de partager les formules de vaccins avec le monde entier. Le président devrait soutenir les initiatives de partage de technologies telles que le Covid-19 Technology Access Pool (C-TAP) de l’Organisation mondiale de la santé et obtenir l’engagement des pays du G7 d’adopter rapidement une dérogation temporaire efficace à l’Accord de l’OMC sur les ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce) en ce qui concerne les vaccins, les traitements, les diagnostics et autres produits médicaux pour prévenir, contenir ou traiter le Covid-19, ainsi que les intrants et les équipements pour fabriquer ces produits médicaux.
  • Un engagement à distribuer immédiatement les stocks de vaccins au COVAX et aux pays en développement et à encourager les pays qui ont acheté plus que leur juste part à faire de même. Des millions de personnes en danger aujourd’hui ne peuvent pas se permettre d’attendre. Les doses doivent être livrées aux pays en développement aujourd’hui.

«Le test pour le plan du président, et les plans publiés par les dirigeants du G7, n’est pas de savoir comment il se compare aux engagements antérieurs ou aux mesures prises par d’autres pays, mais plutôt de savoir à quelle vitesse ce plan mettra fin à la pandémie, et s’il mobilise toutes les ressources disponibles pour y parvenir», a déclaré Peter Maybarduk. «Un leadership politique ambitieux peut rendre réel ce qui semblait autrefois impossible. Le monde attend une action urgente et coordonnée des dirigeants mondiaux pour mettre fin à la pandémie.» (Article publié sur le site Commondreams, le 11 juin 2021; traduction rédaction A l’Encontre)

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