Intervention du MPS lors du rassemblement de solidarité, à Genève, le 31 mai 2013
Chers amis, chères amies, chers et chères camarades,
Tout d’abord, je vous remercie d’être présents dans ce rassemblement.
En collaboration avec les Femmes syriennes pour la démocratie et les camarades de solidaritéS et d’autres organisations, le Mouvement pour le socialisme s’est donné comme un devoir éthique et politique de soutenir, sous diverses formes, le peuple insurgé de Syrie contre la dictature du clan Assad.
Nous ne pouvons que dénoncer l’indifférence d’une certaine gauche sur cette question cruciale aujourd’hui: laisser un dictateur massacrer un peuple; le laisser contraindre à l’exil des millions d’enfants, de femmes, d’hommes; le laisser détruire des villes qui sont des joyaux de la civilisation mondiale, comme Alep.
Quant à la prétendue gauche qui soutient Assad, elle est aussi stupide et malhonnête que la droite et qu’une certaine gauche qui confondent – de manière délibérée – le Coran, la civilisation musulmane avec les formes d’action d’Al Nosra. Ce qui reflète d’ailleurs leur islamophobie et le racisme européen sous-jacent.
• La chaîne de télévision du Hezbollah libanais, AlManar, a retransmis hier, comme vous le savez, un entretien avec Bachar el-Assad. Avec un cynisme et une cruauté extrêmes, il a affirmé:
– Premièrement: qu’il était très confiant dans la victoire de ses troupes, autrement dit de ses tueurs professionnels.
– Deuxièmement, que tout accord de paix à Genève devrait être soumis à un référendum en Syrie. Autrement dit: la dictature des Assad, qui détruit des villes et exile des millions d’hommes et de femmes, prétend demander à la population son opinion.
C’est le monde cul par-dessus tête. Bachar ose affirmer : «Mon départ ou mon maintien à mon poste dépend uniquement de la volonté populaire.» C’est presque aussi grossier que si les banquiers privés de Genève affirmaient qu’ils ont depuis toujours combattu le secret bancaire. Sauf qu’en Syrie, il s’agit de la vie et de la mort de dizaines de milliers d’êtres humains.
– Troisièmement, Assad confirme les contrats avec les Russes pour la réception de missiles C-300. Cela donnera à l’Etat sioniste un prétexte de plus pour une intervention ciblée sur le territoire syrien afin d’empêcher le transfert de cet armement vers le Hezbollah, comme l’a déjà annoncé l’Etat-major israélien.
Toutefois, la Russie étant un client important de l’armement sophistiqué produit par les Israéliens, il est possible qu’Israël se montre plus patient que ne l’explique la presse de l’Etat sioniste.
– Quatrièmement, afin de faire croire à une politique du régime Assad contre l’Etat colonial israélien, Assad confirme que ses troupes lancent quelques roquettes sur le plateau du Golan.
Ainsi, il contente la dictature iranienne dans sa propagande et il s’attribue le masque de quelqu’un qui soutiendrait effectivement la lutte anti-coloniale et d’émancipation du peuple palestinien. Or, il a bombardé des camps palestiniens en Syrie et n’a utilisé des groupes palestiniens que pour sa diplomatie régionale, au même titre que son père Hafez.
• Il faut remettre dans une perspective réelle le soulèvement de la population de Syrie dans sa diversité:
– Premièrement, dès qu’un village, une ville n’est pas sous surveillance du noyau dur des troupes de la dictature, le vendredi se déroulent des manifestations pacifiques, de masse. Les médias occidentaux ignorent cette réalité, très importante.
– Deuxièmement : sans l’aide scélérate et meurtrière du Hezbollah libanais, la région frontière avec le Liban – par exemple l’encerclement criminel de la ville de Quouseir – serait impossible. Or, le Hezbollah de Nasrallah obéit au pouvoir de Téhéran sur l’essentiel, ce pouvoir iranien brigand qui arme Assad et fournit des militaires à cette dictature
– Troisièmement, si des armes anti-chars efficaces et anti-aériennes avaient été données aux troupes de l’Armée syrienne libre, le combat massif du peuple aurait été mieux défendu, sa protection mieux assurée, le pouvoir d’Assad beaucoup plus affaibli.
– Quatrièmement, la Conférence dite de Genève 2 est le résultat d’une volonté conjointe de puissances – qui ont plus d’une fois des intérêts opposés – telles que la Russie et les Etats-Unis. Mais sur le sort du peuple syrien, les directions de ces deux pays ont un des intérêts partagés.
• Tout d’abord, stabiliser la région, en gardant en place une partie de l’appareil répressif d’Assad et éviter ainsi un scénario à l’irakienne. Garder leurs pions, comme le port de Tartous pour les Russes, ou une position stratégique pour le duo Etats-Unis-Israël.
• Ensuite, faire la démonstration qu’il n’y a pas de soulèvement possible contre une dictature sans leur bénédiction et leur contrôle sur ses suites.
• Enfin, faire la démonstration qu’un vrai soulèvement populaire dans l’Asie contrôlée par la Russie de Poutine subirait le sort réservé à la population de la Tchétchénie. C’est la même politique de destruction que mène Assad en Syrie. Et pour les Etats-Unis le «combat» mené au Pakistan et en Afghanistan, avec ses drones et ses services spéciaux, reste d’actualité. Les civils sont des «dommages collatéraux», comme le répète Assad.
Tout cela doit nous renforcer dans notre mobilisation pour soutenir le soulèvement de la population syrienne et sa longue lutte pour la paix et la justice.
Tous les peuples du monde seront redevables au peuple de la Syrie insurgée pour son courage extraordinaire.
Nous ne pouvons que nous incliner devant toutes les victimes et toutes celles et ceux qui luttent, de diverses manières, pour leur libération, pour leur autodétermination. (Genève, 31 mai 2013)
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Post-scriptum
I. Médecins sans frontières (MSF) fait le point, le 31 mai 2013 sur la situation à Deraa, point de départ lu soulèvement populaire. Antoine Foucher, chef de mission en Jordanie pour MSF, affirme: «Il y a eu une avancée assez importante des forces de l’opposition sur le mois dernier. Puis il y a eu une contre-offensive gouvernementale, notamment pour reprendre des axes qui mènent à Deraa. D’après les témoignages qu’on a pu avoir, les combats ont été extrêmement difficiles, extrêmement durs et ont produit de nombreux blessés. Ce qui rend bien compte d’une situation extrêmement tendue à l’intérieur.»
MSF a aussi recueilli le témoignage de médecins syriens qui travaillent à Deraa. Mégo Terzian, responsable des urgences au sein de l’ONG, revient de Syrie: «On est en contact avec certains médecins syriens qui osent continuer leur travail dans des structures clandestines, confient-ils. Ils ont des difficultés en termes de ressources humaines, d’approvisionnement de médicaments et du matériel médical. Ils n’ont ni électricité ni eau de qualité, ce qui complique leur tâche.»
MSF a tenté d’envoyer une équipe sur Deraa mais elle a dû rebrousser chemin, en raison de la violence des combats.
II. Georges Sabra, président par intérim de la Coalition nationale syrienne, à propos de la situation dans la ville d’Al-Qousseir, actuellement complètement encerclée: «Nous lançons un appel urgent à la Croix-Rouge internationale et au Croissant-Rouge international; à toutes les organisations humanitaires pour qu’elles se rendent sur place.»
La CNS est divisée et, dès lors, la direction de l’Armée syrienne libre (ASL) a adressé le 30 mai 2013 un message de condamnation et de mise en garde pour avoir échoué à représenter les forces révolutionnaires sur le terrain.
III. Bachar el-Assad, dans un entretien sur la chaîne Al Manar du Hezbollah libanais, a affirmé à propos de la conférence de «Genève 2»: «Concernant notre participation à la conférence de “Genève II”, eh bien, officiellement, nous y prendrons part en tant que représentants légitimes du peuple syrien. L’opposition elle, elle représentera qui? Lorsque la conférence sera terminée, nous, nous rentrerons en Syrie dans nos maisons auprès de notre peuple. Et eux, où est-ce qu’ils iront? Dans leurs hôtels? Ou alors ils iront faire leurs rapports aux services de renseignement des pays qui les accueillent? De toute façon, nous savons bien qu’à Genève nous allons négocier avec les pays qui se cachent derrière l’opposition. D’ailleurs, si ces pays posent de nouvelles conditions, nous ne participerons pas à la conférence.»
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