Catalogne. Le référendum et les turbulences au sein de la gauche

Xavier Domènech et Ada Colau, lors de la présentation En Comú Podem en novembre 2015

Par Martí Caussa

Hier [8 juillet], la Coordination nationale de Catalunya en Comú [1] s’est réunie pour déterminer sa position en vue du référendum du 1er octobre [sur l’indépendance de la Catalogne]. Le document qui a été approuvé a reçu une ample majorité, 75%. La réunion n’a toutefois pas été paisible. Ce qui correspond à la situation que connaît, de son côté, Podem Catalunya [Le Podemos catalan]

Lors de la réunion de Catalunya en Comú, trois documents ont été présentés. Celui qui défendait la non-participation, en aucun cas, a été retiré du vote bien que cette position, lors des débats antérieurs, disposait d’un poids important. Son septième point affirmait: «Catalunya en Comú défend les droits des personnes qui estiment être appelées à participer au [vote du] 1er [octobre], ne tolérant aucune mesure de contrainte que prendrait le gouvernement du PP (Parti populaire) pour l’empêcher. Avec la même cohérence, elle ne peut appeler à la participation ni participer à une consultation qui prétend être un référendum alors qu’il ne remplit aucune des conditions correspondant à ce que devrait être le référendum démocratique et effectif dont nous avons besoin.»

Le texte qui a été présenté par la Commission exécutive a obtenu 85 voix favorables (75%) alors que celui qui a été soumis par ceux qui appuient explicitement le référendum en a reçu 29 (25%). Les deux textes peuvent être consultés, en catalan, ici.

Quel est le noyau qui les différencie? Faut-il participer au référendum le 1er octobre ou non?

Le point 5 du texte approuvé par la Coordination affirme: «Ainsi donc, suite aux informations que nous avons reçues, nous constatons que ce référendum n’est pas celui que la Catalogne mérite et a besoin pour apporter une solution définitive à son avenir politique. Nous considérons cependant logique que de nombreux secteurs de la population catalane souhaitent participer le 1er octobre face à l’immobilisme du Parti populaire. Pour cette raison, Catalunya en Comú appuie les mobilisations qui feront progresser le droit à décider, toujours sur la base du respect de la pluralité des actions en ce qui concerne la participation; dans la mesure où nous constituons un espace pluriel, ainsi que l’est également le pays.»

Comment peut-on interpréter ce point 5? De manières contradictoires, à mon avis. Si un secteur appelle à ne pas participer le 1er octobre, mais qu’il organise le même jour, ou avant, une manifestation afin de défendre le droit à décider, il ne pourra être accusé de s’opposer au texte de la Coordination. Il en ira de même si un autre secteur appelle à mener une campagne en faveur du référendum et à participer le 1er octobre. En définitive, la résolution adoptée autorise des actions allant en directions contraires.

Le document qui a été retiré du vote était clair: ne pas participer le 1er octobre. Celui de la minorité l’est tout autant, bien qu’il propose exactement l’inverse. Le point 4 de ce texte indique que: «nous avons œuvré, et continuerons à le faire, en faveur du référendum, l’un de nos principaux paris, afin de gagner des soutiens internationaux et pour élargir les alliances dans le reste de l’Etat. La participation le 1er octobre sera décisive pour poursuivre cette tâche; pour cette raison, Catalunya en Comú doit le soutenir: en y participant, en désobéissant à la répression de l’Etat et en appelant les citoyens à aller voter. La meilleure façon pour que la droite catalane hégémonise le référendum et consolide Junts pel Sí [coalition constituée de la droite «indépendantiste», dont la figure de premier plan est Artur Mas, l’ancien président de la Generalitat, de la Gauche républicaine catalane ainsi que des grandes associations indépendantistes telles que l’ANC et Ominium] est que Catalunya en Comú se retire et ne participe pas.»

On peut observer, entre les deux textes votés par la Coordination, de nombreuses positions intermédiaires, aucune n’est toutefois claire. Par exemple, deux jours plus tôt, Gerardo Pisarello, premier adjoint de la maire au sein de la municipalité de Barcelone [également constitutionnaliste], avait déclaré: «si, le 1er octobre, il y aura des urnes, je voterai.» Très bien, mais: que ferez-vous pour qu’elles soient installées? La municipalité de Barcelone cédera-t-elle l’usage de locaux pour le vote référendaire?

La question décisive est la suivante: faut-il, oui ou non, appeler à participer au vote du 1er octobre? Les raisonnements qui accompagnent la réponse sont relativement secondaires. Pour cela, les raisonnements de Podem Catalunya peuvent bien déplaire, il faut cependant reconnaître que la formation donne une réponse claire: «malgré les désaccords sur les formes, le contenu, les contradictions et l’absence de garanties juridiques et de reconnaissance internationale, Podem lance un appel à l’esprit du 15M [Mouvement des Indignés du 15 mai 2011] pour encourager la participation et le vote le 1er octobre, à titre d’élément de protestation citoyenne contre l’immobilisme et l’autoritarisme du gouvernement du Parti populaire. La Catalogne a toujours été pionnière de tous les changements positifs de l’Etat, cela sera également le cas cette fois-ci.»

Albano Dante Fachin [secrétaire général de Podem-Catalogne] a déclaré qu’il voterait non le 1er octobre, mais ce qui est important, c’est que lui et son parti appellent à voter. C’est le point décisif et ce qui permet d’atteindre une unité ample face aux tentatives du Parti populaire d’empêcher le référendum. C’est bien ce qu’ont compris les 18 entités (y compris Barcelona en Comú et Podem) du district de Sants Montjuïc de Barcelone qui ont lancé une campagne unitaire pour promouvoir: «1° la participation au vote du référendum du 1er octobre, indépendamment de l’option qui sera inscrite sur le bulletin, en tant qu’engagement envers la démocratie et le droit à décider; 2° la mobilisation ferme et pacifique contre la répression qu’a menée et continue de le faire l’Etat contre les institutions, les responsables élus et les personnes qui promeuvent, organisent et soutiennent le référendum du 1er octobre.»

Les turbulences ne se limitent pas à la Catalogne, elles traversent également Podemos. Pablo Iglesias [le dirigeant de Podemos] a déclaré qu’il est en désaccord avec l’appel à voter de Podem Catalunya et il a ajouté que sa position serait de ne pas aller voter et qu’il partage les positions d’Ada Colau et de Xavier Domènech. Mais, s’il est vrai que Colau et Domènech soutiennent la position de la Coordination de leur parti qui n’appelle pas à voter, ils se gardent bien d’affirmer qu’ils ne le feront pas. En réalité, la position de Pablo Iglesias correspond bien plus au document qui a été retiré du vote de la Coordination que nous avons mentionné plus haut.

Dans la perspective du référendum du 1er octobre, la gauche catalane doit également poser une question plus fondamentale: quelle doit être son attitude pour aspirer à être hégémonique en Catalogne? A mon avis, elle doit défendre simultanément les droits de la Catalogne en tant que nation, la démocratie radicale et les revendications sociales des classes populaires. En ce moment même, cela signifie œuvrer pour que le référendum du 1er octobre ait lieu et qu’il soit un succès en termes de participation, stimuler le processus constituant participatif et populaire qu’a promis le Parlament de Catalunya et promouvoir un plan de choc d mesures sociales en relation étroite avec les syndicats et les mouvements sociaux. Les trois pattes sont toutefois nécessaires, se contenter de la troisième mène à l’échec. Il reste encore du temps pour opérer une rectification, dans la mesure où Catalunya en Comú n’a pas fermé le débat et a promis que la position définitive devra être validée à l’avenir par tous les adhérents. Du temps précieux est toutefois en train d’être perdu. (Tribune publiée le 9 juillet sur le site VientoSur.info; traduction A L’Encontre)

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[1] Convergence de diverses organisations politiques en Catalogne, principalement celle menée par la maire de Barcelone, Ada Colau, Barcelona en Comú, aux côtés de ICV (Initiative pour la Catalogne Vert), EUiA (Esquerra unida i alternativa) et des groupes écologistes.

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