Le sommet de Biden sur le climat: «des conneries»!

Par Barry Sheppard

Fin avril, le président Biden a réuni quelques dirigeants mondiaux (en visioconférence) pour discuter du changement climatique et demander de nouveaux engagements en matière d’émissions de carbone.

Greta Thunberg, militante et leader pour le climat, a envoyé une vidéo la veille du début de la conférence, la dénonçant comme une «connerie». «Lors du sommet des leaders sur le climat, les pays présenteront leurs nouveaux engagements en matière de climat, comme des émissions nettes nulles d’ici à 2050 [avoir à ce sujet l’article publié sur ce site le 23 avril 2021 http://alencontre.org/laune/crise-climatique-le-zero-emission-nette-est-un-piege-dangereux.html]. Ils qualifieront ces objectifs hypothétiques d’“ambitieux”. Mais lorsque vous comparez leurs objectifs insuffisants avec l’ensemble des analyses de la meilleure science disponible actuelle, vous voyez clairement qu’il y a un écart. Il manque des décennies.»

Quelles sont ces décennies manquantes? La science à laquelle elle fait référence est la conclusion selon laquelle nous devons réduire les émissions mondiales à zéro d’ici à 2030 pour éviter des conséquences catastrophiques. Pour atteindre cet objectif, «nous» aurions déjà dû commencer à réduire les émissions de carbone, mais au lieu de cela, le monde continue d’avancer dans la direction opposée.

Howie Hawkins, candidat du Parti vert à la présidence des Etats-Unis en 2020, a écrit: «Il est trop tard pour le gradualisme. Nous devons au moins viser l’“objectif initial” de 350 ppm (350 parties par million de dioxyde de carbone dans l’atmosphère) qui a été défini il y a 13 ans par les climatologues James Hansen et ses collègues dans une étude de 2008.»

Cet objectif a inspiré le nom de l’organisation «350.Org» https://350.org/ qui s’oppose au changement climatique.

«La terre a dépassé ces 350 ppm à la fin de 1988», écrit Hawkins. «À l’observatoire de Mauna Loa à Hawaï, le dioxyde de carbone était en moyenne de 414 ppm en 2020, de 418 en mars de cette année et a établi un record de 421 ppm le 3 avril.

La dernière fois que le carbone atmosphérique était aussi élevé, c’était pendant la période chaude du Pliocène moyen, il y a 3,6 millions d’années, lorsque la température était de 4 degrés Celsius (7 degrés Fahrenheit) plus élevée et que le niveau des mers était de 27 mètres (78 pieds) plus haut qu’aujourd’hui.

Au rythme annuel d’augmentation du dioxyde de carbone de l’année dernière, la planète atteindra 500 ppm aux alentours de 2050…

Ces changements climatiques sont ancrés dans le système climatique par les émissions contemporaines de carbone, à moins que le monde ne se contente pas de réduire ses émissions à zéro mais parvienne rapidement à des émissions négatives en retirant le carbone de l’atmosphère et en le réinjectant dans la biosphère par le biais de la reforestation et de la reconstruction de sols vivants riches en carbone grâce à l’agriculture régénérative.

Le changement climatique rapide que nous connaissons aujourd’hui ne se limite pas aux vagues de chaleur, aux conditions météorologiques extrêmes et aux villes inondées qui font la une des journaux. D’ici à 2050, nous sommes confrontés à des extinctions massives d’espèces, à l’effondrement des écosystèmes terrestres et océaniques, à une crise agricole et à des pénuries alimentaires, à une contraction économique et à une pauvreté croissante, à des centaines de millions de réfugiés climatiques et à une escalade des conflits sociaux et des guerres pour le contrôle des ressources.» [1]

Lors de ce «sommet», Joe Biden a annoncé que les États-Unis réduiraient leurs émissions d’au moins 50% par rapport aux niveaux de 2005, et qu’ils atteindraient des émissions nettes nulles d’ici à 2050. L’Union européenne s’est engagée à réduire les émissions de carbone de 55% par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030. La Chine affirme qu’elle continuera à augmenter ses émissions jusqu’en 2030, avant de les plafonner et d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2060. La Chine est actuellement le principal émetteur mondial, et les États-Unis ont l’honneur douteux d’être le deuxième. Si l’on considère le nombre d’habitants, les États-Unis sont en tête.

Si l’on laisse de côté l’observation de Greta Thunberg selon laquelle tout cela est trop peu et trop tard, à hauteur de décennies, ces objectifs ne sont que du vent selon l’hebdomadaire In These Times. Si nous examinons les «objectifs» des États-Unis et ce qui est proposé pour les atteindre, nous avons un bon aperçu de ce que font également les autres pays.

Joe Biden n’a aucune proposition pour que les industries des combustibles fossiles réduisent leurs émissions de dioxyde de carbone. Il sait que de telles propositions se heurteraient à une forte résistance de la part de l’industrie des combustibles fossiles ainsi que de la plupart des politiciens républicains et démocrates.

Au lieu d’un tel «bâton», il propose la «carotte» d’un soutien aux énergies propres pour les rendre plus rentables que les combustibles fossiles. Il ne donne aucun calendrier pour ce faire, même s’il parvenait à faire adopter des fonds suffisants par le Congrès pour y parvenir.

Il est également vague ou trompeur sur l’ampleur des fonds nécessaires, ou sur la manière de faire face aux énormes investissements que l’industrie des combustibles fossiles a déjà réalisés dans tout ce qui est forage et fracturation, pipelines, raffineries, etc.

La production d’électricité ne représente que 27% des émissions de carbone, les transports 28%, le chauffage des bâtiments 12% et l’agriculture 10%. Tous les secteurs productifs devraient être transformés. «Cette énorme transformation d’urgence ne peut être réalisée que par une approche écosocialiste faisant appel à l’entreprise et à la planification publiques», affirme Howie Hawkins.

Dans les propositions de Biden figure également le concept d’émissions «zéro nettes». Pour la plupart des gens, «zéro net» ressemble à «zéro», d’où l’utilisation de ce terme trompeur. Il s’agit d’équilibrer les émissions continues avec l’élimination du dioxyde de carbone de l’atmosphère. Il mentionne comme moyen possible d’éliminer le dioxyde de carbone de l’atmosphère une technologie qui pomperait l’air contenant beaucoup de dioxyde de carbone, par exemple des cheminées, par des tuyaux souterrains où il pourrait être combiné à certaines roches et séquestré. Cette technique fonctionne en laboratoire, mais son efficacité n’a été prouvée qu’à petite échelle en raison de son coût. À l’heure actuelle, il n’existe aucune perspective d’utilisation à grande échelle. De plus, cela ne fonctionnerait pas pour le chauffage des bâtiments, ni pour les transports. Convertir tous les camions, voitures, etc. à l’électricité n’est pas possible dans un avenir proche [sans même mentionner le coût en CO2 et d’autres pollutions de la production de voitures électriques], mais nous devons agir maintenant. L’électrification des avions est loin d’être possible, si elle l’est un jour.

Et comment cela fonctionnerait-il pour réduire le dioxyde de carbone dans l’atmosphère du monde entier, et pas seulement dans les sites proches des cheminées? C’est impossible. C’est une idée farfelue. Nous devrions retirer les gaz à effet de serre de l’atmosphère pour revenir à 350 ppm, même si nous ne brûlons plus de combustibles fossiles. Il n’y a qu’une seule façon de le faire, comme l’a indiqué Howie Hawkins.

Il s’agit de rétablir l’équilibre avec la nature que le capitalisme a perturbé, en reboisant et en reconstruisant des sols vivants riches en carbone grâce à l’agriculture régénérative. Il est nécessaire de reboiser les forêts du monde que le capitalisme a déjà détruites et continue de détruire parce que, comme toutes les plantes vertes, elles absorbent le dioxyde de carbone de l’atmosphère dans le processus de photosynthèse, la base de toute notre alimentation (et de celle des autres animaux), et renvoient l’oxygène dans l’atmosphère.

Marx a vu depuis longtemps que le capitalisme a créé une «rupture métabolique» entre les villes et les campagnes. Les plantes et les produits issus de l’élevage élaborés dans les campagnes sont envoyés dans les villes pour y être consommés. Les déchets de cette consommation ne retournent plus au sol, où ils le reconstitueraient et le revigoreraient. Il en résulte dès lors un besoin d’engrais chimiques et de pesticides, qui créent une pollution dans la biosphère. Les plantes ne sont pas aussi «efficaces» qu’elles le sont lorsqu’elles font partie d’un «équilibre naturel». Les déchets se retrouvent dans les rivières, les systèmes d’égouts et finalement les océans, qu’ils polluent. En plus des pluies acides dues à la combustion de combustibles fossiles, les plantes des océans [phytoplancton, etc.] diminuent, ce qui nuit à la capacité des océans à absorber le dioxyde de carbone.

Nous devons reverdir la terre

Les écosocialistes marxistes d’aujourd’hui se sont appuyés sur ce que Marx et Engels ont noté dans la perturbation nocive de la nature causée par le capitalisme pour s’attaquer aux dommages beaucoup plus importants et croissants que le capitalisme a fait et fait encore à l’écosystème sous de nombreux aspects.

En vérité, Joe Biden et les autres politiciens capitalistes internationaux présents au «sommet» n’ont aucun plan pour éviter la catastrophe climatique. Avec de vagues promesses, ils continuent sur la voie de l’enfer. Il faudra un mouvement de masse et une action d’ensemble prenant appui sur les masses laborieuses du monde entier pour obtenir un changement significatif. La route est difficile, mais les socialistes doivent s’y engager. (Article reçu le 4 mai 2021; traduction rédaction A l’Encontre)

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[1] Une «étude, publiée jeudi 29 avril 2021 dans Nature Climate Change par une équipe internationale, se penche sur l’Amazonie brésilienne, qui représente 60% de cette forêt primaire [qui s’étend en dehors du Brésil], et le constat est sombre. Entre 2010 et 2019, cette forêt a perdu de sa biomasse: les rejets de carbone de l’Amazonie brésilienne sont environ 18% supérieurs à ce qu’elle en a absorbé, a précisé dans un communiqué l’Institut français de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.» (Réd.).

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