La montée en flèche des niveaux de méthane indiquerait que la boucle de rétroaction climatique est à l’œuvre

Par Jake Johnson

Les scientifiques craignent de plus en plus que la crise climatique causée par l’homme n’ait déclenché une boucle de rétroaction vicieuse, qui pourrait entraîner un réchauffement planétaire irréversible.

Des recherches publiées en janvier par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) ont montré que les concentrations atmosphériques de méthane (CH4) – un gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le dioxyde de carbone sur une période de 20 ans – ont dépassé les 1900 parties par milliard en 2021 [trois fois plus qu’à l’ère préindustrielle], qui a été la quatrième année la plus chaude jamais enregistrée.

Comme le rapportait Nature le mardi 8 février, «la croissance des émissions de méthane a ralenti au tournant du millénaire, mais a amorcé une hausse rapide et mystérieuse vers 2007».

«Ce pic a amené de nombreux chercheurs à s’inquiéter du fait que le réchauffement climatique crée un mécanisme de rétroaction qui entraînera une libération toujours plus importante de méthane, ce qui rendra encore plus difficile la maîtrise de la hausse des températures», note encore Nature. «Les explications potentielles [de la poussée de méthane] vont de l’exploitation croissante du pétrole et du gaz naturel et de l’augmentation des émissions des décharges à l’accroissement des troupeaux de bétail et à l’activité accrue des microbes dans les zones humides.»

Euan Nisbet, spécialiste des sciences de la Terre au Royal Holloway College de l’Université de Londres, a déclaré à Nature que «les niveaux de méthane augmentent dangereusement vite», car les puissants pays du monde entier refusent de mettre fin à l’extraction du charbon, du gaz naturel et d’autres sources de ce polluant.

«Le réchauffement alimente-t-il le réchauffement? C’est une question incroyablement importante», a déclaré Euan Nisbet. «Pour l’instant, pas de réponse, mais ça y ressemble beaucoup.»

Les scientifiques craignent depuis longtemps que la combustion continue de combustibles fossiles risque de déclencher une réaction en chaîne dont les conséquences – notamment un réchauffement climatique toujours plus important – sont irréversibles.

Alors que les chercheurs s’efforcent toujours de déterminer dans quelle mesure l’activité humaine est responsable du pic alarmant des niveaux de méthane atmosphérique de ces dernières années, les scientifiques ont déjà mis en garde contre le fait de classer certaines causes d’émissions de méthane – comme le dégel du pergélisol – comme «naturelles», étant donné qu’elles sont généralement le résultat du réchauffement induit par l’homme.

«Quelle que soit l’issue de ce mystère, l’homme n’est pas tiré d’affaire», a souligné mardi 8 février Nature. «Sur la base de leur dernière analyse des tendances isotopiques, l’équipe [du scientifique Xin Lan de la NOAA] estime que les sources anthropiques telles que le bétail, les déchets agricoles, les décharges et l’extraction de combustibles fossiles ont représenté environ 62% des émissions totales de méthane depuis 2007 jusqu’en 2016.»

Les derniers chiffres de la NOAA ont été publiés quelques mois après que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a averti, dans son rapport historique de 2021, que les niveaux de méthane atmosphérique sont actuellement plus élevés qu’à n’importe quel moment au cours des 800’000 dernières années.

En dépit de ce constat alarmant, les responsables politiques mondiaux ont pris peu de mesures pour lutter efficacement contre les émissions de méthane lors de la COP26 à Glasgow en novembre 2021. Alors que des dizaines de pays supplémentaires ont signé l’engagement de réduire les émissions de méthane de 30% par rapport aux niveaux de 2020 d’ici la fin de la décennie, les groupes de défense du climat ont fait valoir que «les engagements ne sont que des mots sur une page sans action concrète pour les rendre réels».

En marge des négociations de la COP26, l’administration Biden a dévoilé des règles visant à réduire les émissions de méthane des Etats-Unis, mais les critiques ont déclaré qu’elles n’allaient pas assez loin. Les Etats-Unis sont le deuxième plus grand émetteur de méthane au monde.

«Depuis trop longtemps, nous connaissons les effets néfastes de ce puissant polluant qui piège la chaleur, nous savons que les activités pétrolières et gazières continuent d’en être une source majeure et nous savons qu’il existe déjà des solutions pour réduire rapidement les émissions dans l’ensemble du secteur. Pourtant, les activités pétrolières et gazières continuent de rejeter des émissions de méthane à un niveau intenable et entièrement évitable», a déclaré Julie McNamara, directrice politique adjointe du programme sur le climat et l’énergie de l’Union of Concerned Scientists.

«Une réduction rapide des émissions de méthane», a ajouté Julie McNamara, «entraînerait des progrès climatiques significatifs et indispensables à court terme.» (Article publié le 9 février 2022 sur le site Common Dreams; traduction rédaction A l’Encontre)

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