Etats-Unis. Quand s’effondre la campagne de Trump sur «la fraude électorale»

Par Richard Salame

L’équipe de campagne du président Donald Trump qui s’est vue contrainte par un juge de la cour fédérale de Pennsylvanie d’étayer ses allégations de fraude dans l’organisation du vote par correspondance de cet Etat n’a documenté qu’une poignée de cas de fraude électorale au cours de ces dernières années – et aucun d’entre eux n’impliquait le vote par correspondance.

Cette révélation, présentée la semaine dernière par l’équipe de campagne de Trump sous la forme d’un document de 524 pages, partiellement expurgé, sape l’affirmation qu’ont formulée des membres de cette équipe selon laquelle la fraude dans l’organisation du vote par correspondance fait courir un grave risque aux électeurs et électrices de Pennsylvanie.

L’équipe de campagne a déposé plainte contre Kathy Boockvar (démocrate), Secretary of the Commonwealth (Secrétaire d’Etat) de Pennsylvanie (depuis le 5 janvier 2019) – et contre chacune des commissions électorales des comtés de l’État – pour empêcher leurs administrateurs électoraux de mettre à disposition des boîtes de dépôt sécurisées pour les retours bulletins de vote par correspondance.

Ces boîtes de dépôt permettent aux électeurs de renvoyer leurs bulletins de vote à la main, sans avoir à les envoyer par le système postal et sans risquer de retards. La campagne Trump prétend que cette pratique «offre aux fraudeurs une occasion facile de s’engager dans la récolte des bulletins de vote, de les manipuler ou de les détruire, de fabriquer des votes en double et de semer le chaos».

Les «Citizens for Pennsylvania’s Future» et le «Sierra Club» ont déposé une requête la semaine dernière appelant l’équipe de campagne de Trump à fournir des preuves de l’existence d’une fraude électorale, arguant que sa plainte était «truffée d’allégations insidieuses et d’avertissements alarmistes» concernant les élections en Pennsylvanie et qu’elle «doit soit être obligée de documenter leurs allégations de fraude ou doit se voir notifier l’interdiction d’en poursuivre la diffusion.» Le juge J. Nicholas Ranjan a donné suite à la requête, et ordonné à l’équipe de campagne de «produire toute preuve qui serait en sa possession, ou s’ils n’en ont pas, de le déclarer également».

La réponse qu’a fournie l’équipe de campagne de Trump à l’avocat qui la mettait en cause a été partagée avec The Intercept et Type Investigations. Elle comporte quelques rares exemples de fraude électorale, mais aucun d’entre eux, tout au long des 524 pages du document, ne concerne le vote par correspondance.

«Non seulement l’équipe Trump a échoué à fournir la preuve que la fraude électorale était répandue en Pennsylvanie, mais elle n’a pas non plus pu fournir la moindre preuve de fautes commises à l’occasion des élections primaires, ni établir que la prétendue fraude électorale représente un quelconque problème en Pennsylvanie», a déclaré Suzanne Almeida, directrice par intérim de «Common Cause PA» [1], l’une des parties au procès. L’équipe de campagne de Trump n’a pas donné suite à une demande immédiate de commentaire concernant cette affaire.

La partie non expurgée de la réponse transmise par l’équipe de campagne de Trump consiste en une grande partie des reportages et des copies des demandes de dossiers que l’équipe de campagne a ouverts auprès des comtés. Ces 524 pages ne contiennent aucune preuve de fraude qui n’ait pas déjà fait l’objet d’informations rapportées par les médias locaux. Les exemples de fraude qu’il fournit incluent le cas de quatre agents électoraux qui ont admis avoir harcelé et intimidé des électeurs dans un bureau de vote lors d’une élection spéciale en 2017. Il comprend également un juge électoral qui a modifié le total des votes dans son bureau de vote entre 2014 et 2016 à la demande d’un consultant politique. Et bien que la plainte introduite par l’équipe de campagne citât quelques incidents de fraude concernant le vote par correspondance, aucun d’entre eux ne figure dans le document transmis par l’équipe Trump.

C’est loin d’être la première fois que les républicains échouent à étayer leurs fréquentes accusations que la fraude électorale serait un problème récurrent dans les élections américaines. En 2018, un tribunal de district a demandé à l’un des principaux artisans de la croisade contre la fraude aux États-Unis, le secrétaire d’État du Kansas, Kris Kobach, de prouver que des non-citoyens votaient dans son État, le Kansas. Kris Kobach a présenté des témoins, dont le témoignage s’est effondré lors du contre-interrogatoire. Selon l’avis rendu par la juge Julie Robinson «la preuve que les listes électorales comprennent des citoyens non éligibles est fragile. Seuls 39 [non] citoyens sont parvenus à s’inscrire sur les listes électorales du Kansas au cours des 19 dernières années.» Les rares cas documentés de fraude électorale ne sont pas la pointe de l’iceberg, a-t-elle conclu, «il n’y a pas d’iceberg; seulement un minuscule glaçon, fruit de la confusion ou d’erreurs administratives».

Après son entrée en fonction, Donald Trump a créé une commission présidentielle controversée pour étudier la fraude électorale. La commission ne s’est réunie que deux fois avant de se dissoudre sans produire aucune preuve concernant l’existence d’une large fraude électorale à l’occasion des élections américaines.

Alors que les démocrates de l’État ont simultanément déposé plainte pour faire reconnaître la légalité des boîtes de dépôt de Pennsylvanie, Boockvar a demandé à la Cour suprême de l’État de régler les questions pertinentes de la loi électorale avant la fin du procès fédéral. Les bulletins de vote par la poste commenceront à être envoyés aux électeurs à la mi-septembre. (Article publié sur le site de The Intercept, en date du 20 août 2020; traduction par rédaction A l’Encontre)

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[1] «Common Cause PA»: Cause commune Pennsylvanie est une association politiquement indépendante qui se consacre à la défense des droits des citoyens et citoyennes (Réd.)

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