Brésil. Massacre dans l’Etat du Pará

«Logements» incendiés des travailleurs ruraux exécutés dans la fazenda Santa Lúcia (municipalité de Pau D’Arco)

Par Guy Zurkinden

La grande propriété a tué, une fois de plus. Le 24 mai 2017, 10 travailleurs ruraux sans terre – une femme et 9 hommes – ont été assassinés par des policiers aux abords de la ferme de Santa Lúcia, dans la région de Pau D’Arco, au sud-est de l’immense Etat amazonien du Pará.

Selon les témoignages de survivants publiés par l’agence d’informations Repórter Brasil, les policiers militaires sont arrivés le 24 mai au matin dans le campement tenu par de petits agriculteurs. Munis d’une ordonnance judiciaire d’expulsion, les policiers ont débarqué en tirant et en menaçant les occupants de mort. Ces derniers se sont cachés dans la forêt. Après avoir insulté, battu et humilié les sans-terre qu’ils avaient attrapés, les policiers les ont exécutés par balles, certains à bout portant.

La propriété de Santa Lúcia était occupée par 150 familles de paysans sans terre depuis le mois de mai 2015. Elles demandaient que cette grande propriété leur soit redistribuée à des fins de réforme agraire.

Les policiers impliqués nient avoir attaqué les agriculteurs sans terre. Ils affirment avoir essuyé des tirs lors de leur arrivée à la ferme, ce qui aurait motivé leur riposte. Une version peu crédible selon le procureur fédéral Igor Spíndola, qui a ouvert une enquête sur ce massacre. «La version des témoins entre en conflit avec celle de la police, mais coïncide avec ce que nous avons constaté sur le lieu du crime», a affirmé M. Spíndola.

Selon l’avocat de la Commission pastorale de la Terre (CPT), José Batista Afonso, les crimes perpétrés par la Police militaire présentent de nombreuses ressemblances avec le massacre de 19 travailleurs sans terre à Eldorado de Carajás, dans le même Etat du Pará, le 17 avril 1996.

Dans son dernier rapport sur la violence et les conflits pour la terre au Brésil, la CPT met le doigt sur l’augmentation récente des violences et des morts liées aux conflits pour la terre au Brésil. En 2016, 61 militants paysans ont été assassinés dans le cadre de tels conflits. Il s’agit du nombre le plus élevé depuis 2003. En 2017, le nombre d’assassinats s’élève déjà à 36, 12 pour le seul Pará – un Etat dans lequel 8% de propriétaires terriens, particulièrement violents, concentrent 69% des terres et pratiquent communément l’appropriation frauduleuse de terres [1].

Dans une note commune, le Mouvement des Sans Terre (MST), le syndicat des travailleurs agricoles de l’Etat du Pará, la CPT et la Centrale Unique des Travailleurs (CUT) ont dénoncé les causes qui sous-tendent le massacre de Santa Lúcia: l’appropriation illégale de terres, la concentration des terres ainsi que le climat politico-institutionnel propice aux latifundistes ouvert par le coup d’Etat parlementaire de 2016. Ce dernier a «encouragé politiquement les élites agraires de l’Amazonie et les a tacitement autorisées à employer la violence comme principal mode d’appropriation des terres». (30 mai 2017)

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[1] Dans le seul Etat de Pará, selon Carlos Madeiro, pour les mois de janvier à mai 2017, 18 paysans ont été assassinés, soit le triple de l’année passée, pour la même période. Comme de «normal», Michel Temer n’a pas prononcé un seul mot à propos de ces assassinats. Face aux questions des journalistes et d’élus, le ministre de la Justice, Osmar Serraglio, a simplement indiqué que la Police fédérale – ce qui n’est pas rassurant – «s’occupe de cette affaire», sans plus de détails.

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