Argentine. Un gouvernement, avec proposition de Cristina Fernández

Par Cecilia Pérez Otero

Le président argentin a «relancé» son gouvernement avec le chef de cabinet proposé par Cristina Fernández, Juan Mazur, mais a conservé son ministre de l’économie, Martín Guzmán. Avec ces changements, le Frente de Todos cherche à récupérer des voix et à surmonter les tensions laissées par le PASO (Voir les trois articles publiés sur ce site en date du 18 septembre 2021).

Pendant la majeure partie de la journée de vendredi 17 septembre, Alberto Fernández a rencontré ses proches collaborateurs à la Casa Rosada [bâtiment où siège l’exécutif]. Le président argentin a annulé le voyage au Mexique qu’il avait prévu ce week-end pour participer au sommet de la Communauté des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), dont son pays assume la présidence pro tempore, et s’est concentré sur la situation interne du pays.

Au milieu des tensions générées au sein du Frente de Todos par la perte de voix lors des primaires (PASO) de dimanche 12 septembre, avant les élections législatives du 14 novembre, Alberto Fernández a travaillé à la «relance» du cabinet, comme gouvernement est appelé en Argentine, pour tenter de répondre aux électeurs mécontents et aux différences entre l’aile du parti au pouvoir qui répond au président et celle qui est alignée sur la vice-présidente, Cristina Fernández.

Dans la soirée, il a annoncé sa nouvelle équipe gouvernementale. L’un des principaux changements a été celui du chef de cabinet. En lieu et place de Santiago Cafiero, réfractaire au kirchnérisme, a été nommé Juan Manzur, ancien ministre de la Santé kirchnériste jusqu’en 2015 [depuis lors gouverneur de Tucumán]. Il était le candidat proposé publiquement pour ce poste par l’ancienne présidente [Cristina Fernández de Kirchner]. Mais Santiago Cafiero n’a pas été écarté du cabinet; il sera le nouveau ministre argentin des Affaires étrangères, en remplacement de Felipe Solá.

D’autres anciens ministres des gouvernements kirchnéristes ont également rejoint l’exécutif: Aníbal Fernández sera chargé de la Sécurité, Julián Domínguez sera chargé de l’Elevage, de l’Agriculture et de la Pêche, et Daniel Filmus sera chargé des Sciences et de la Technologie. L’équipe est complétée par Jaime Perzsyc, en tant que ministre de l’Education, et Juan Ross, en tant que secrétaire à la Communication et à la Presse. Il n’y a pas eu d’annonces dans le domaine de l’Economie, le portefeuille dirigé par Martín Guzmán, bien que la vice-présidente ait remis en question la gestion économique.

Le kirchnérisme prétend que la politique économique doit donner la priorité au soutien des personnes qui ont perdu leurs revenus pendant la pandémie et qui se trouvent dans les situations les plus vulnérables, plutôt qu’à la discipline budgétaire. Malgré ces tensions, Martin Guzmán a organisé un événement public avec le président mercredi 15 septembre.

Ce jour-là, le ministre de l’Intérieur, Eduardo Wado de Pedro, et d’autres membres du cabinet et hauts fonctionnaires qui relèvent de la vice-présidente ont présenté leur démission au président pour qu’il l’examine. «En écoutant ses paroles de dimanche soir, où il a souligné la nécessité d’interpréter le verdict que le peuple argentin a exprimé, j’ai considéré que la meilleure façon de collaborer à cette tâche est de mettre ma démission à sa disposition», a déclaré Eduardo Wado De Pedro dans sa lettre de démission, malgré laquelle, jusqu’à vendredi 17 septembre, il est resté au gouvernement.

Les ministres du gouvernement de la province de Buenos Aires – dont le gouverneur est Axel Kiciloff – ont également présenté leur démission, afin de montrer la voie aux autres ministres du gouvernement national, en particulier à ceux que le kirchnérisme considère comme ne devant plus occuper leurs fonctions.

Jeudi 16 septembre, la vice-présidente a publié une lettre publique sur son site web dans laquelle elle rappelle que c’est elle qui a pris la décision de proposer Alberto Fernández comme candidat à la présidence, et lui demande «d’honorer cette décision» et «d’honorer la volonté du peuple argentin».

Dans sa lettre, Cristina Fernández a déclaré avoir eu 19 réunions avec le président cette année, la plupart à sa demande. «Je lui ai dit qu’il était nécessaire de relancer son gouvernement et j’ai proposé des noms comme celui du gouverneur Juan Manzur comme chef de cabinet», a-t-elle déclaré. «Pourquoi dis-je cela? Parce que je ne vais pas continuer à tolérer les opérations de presse – venant de l’entourage même du Président, par l’intermédiaire de son porte-parole – menées contre moi et notre espace politique.»

Il a fait allusion aux «fonctionnaires qui ne travaillent pas», une expression avec laquelle il a rendu public son questionnement il y a plusieurs mois. Elle a désigné Juan Pablo Biondi, secrétaire à la communication et à la presse du président, comme le responsable de ces prétendues opérations de presse, et a déclaré qu’elle avait communiqué avec le ministre de l’économie «lorsqu’il a été faussement diffusé» qu’elle avait demandé sa démission lors d’une réunion avec le président. Ce vendredi, Biondi a présenté sa «démission irrévocable».

La vice-présidente s’est dite convaincue qu’«avec la même force et la même conviction qu’il a fait face à la pandémie, le président va non seulement relancer son gouvernement, mais aussi s’asseoir avec son ministre des Finances pour examiner les chiffres du budget» [élément d’autant plus important dans les relations avec FMI]. Elle a ajouté que «selon les prévisions budgétaires, 2,4% du PIB doivent encore être dépensés», dans un scénario de «pandémie et de situation sociale très délicate». La vice-présidente a déclaré: «Je ne propose rien de fou ou de radical. Au contraire, je ne fais que reprendre ce qui, dans ce contexte global de pandémie, se passe dans le monde entier, des Etats-Unis à l’Europe et dans notre région également: l’Etat atténuant les conséquences tragiques de la pandémie.»

Ce vendredi 17 septembre, le président a établi des contacts avec plusieurs gouverneurs de province qui lui ont exprimé leur soutien, tout comme la Confédération générale du travail (CGT) et les organisations sociales qui avaient appelé à une marche de soutien, finalement annulée à la demande d’Alberto Fernández lui-même. Samedi, Alberto Fernández doit rencontrer à La Rioja des gouverneurs péronistes, dont le gouverneur de cette province, Ricardo Quintela.

Après avoir appris la déclaration publique de la vice-présidente, Alberto Fernández a dit à ses collaborateurs que ce texte public est «une lettre de Cristina avec tous ses ingrédients». Je préfère ne pas poursuivre le débat mais répondre par des actions, rapporte Página 12. Selon ce quotidien, Alberto Fernández prévoit de lancer plusieurs mesures, notamment une augmentation du salaire minimum et une sorte d’allocation supplémentaire pour les retraité·e·s. (Article publié dans La Diaria, le 18 septembre 2021; traduction rédaction A l’Encontre)

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